Chapitre 8 : Halo démesuré et vieille obsession
Je laissais mes pas me guider au monument aux morts, comme à mon habitude. Je réfléchissais à l'annonce que Tsunade venait de me faire. J'avais une dernière mission à accomplir et après, un semblant de normalité reviendrait dans ma vie. Je ne savais pas si c'était une bonne ou une mauvaise chose. Je n'arrivais pas vraiment à me décider sur les sentiments que ça créait en moi. Ce qui était sûr, c'est que cela me permettrait d'être plus au village. Naruto avait été éloigné de chez lui depuis deux ans et il n'aurait plus vocation à repartir si longtemps.
J'étais tellement plongé dans mes pensées que ce n'est qu'en arrivant devant la pierre commémorative que je levais enfin les yeux, mes mains toujours dans les poches. Je me pétrifiais soudain. Le choc fut poignant, oppressant mon cœur pour ensuite le forcer à battre à toute vitesse. Un jeune chunin brun, que je n'avais pas vu depuis cinq mois, se trouvait devant moi. J'avais tellement fais en sorte pendant tout ce temps, de ne plus penser à lui et de ne pas avoir à le croiser, que juste ce petit moment de répis et d'égarement dû à l'annonce de Tsunade, m'avait fait baisser ma garde.
Iruka Umino se trouvait devant moi, la tête baissée, présentant ses respects à ses parents défunts, je supposais.
Mon cœur se fendilla sans bruit et des milliers de minuscules frissons me parcoururent le dos des reins jusqu'aux épaules, me donnant l'impression que le temps ralentissait autour de moi. Il dut entendre mes pas derrière lui car il se retourna pour voir qui arrivait. Nos yeux se rencontrèrent inévitablement et s'accrochérent dans un regard intense. Instantanément, mon cerveau me renvoya tous les détails qui faisaient que je connaissais ce visage par cœur, pour l'avoir tendrement embrassé et caressé de nombreuses fois.
Je ne montrais rien du puissant sentiment de faiblesse qui s'emparait de moi et je me décidais à reprendre vie, en m'avançant devant la pierre commémorative, prétendant que nous ne nous connaissions pas. Réflexe complètement ridicule sachant que nos deux corps et nos deux cœurs étaient de vieux amis.
Je n'osais pas croire que j'avais fait une erreur de débutant en me rendant ici en pleine journée. Cela faisait pourtant des mois que je m'assurais de ne pas avoir à ressentir ce qui me traversait aujourd'hui. Ça me faisait l'effet d'une douche froide. Tellement de choses nous rassemblaient, tellement de souvenirs, tellement de complicité ... pour aujourd'hui se trouver l'un à côté de l'autre, tels deux étrangers.
Au bout d'un long moment, sa voix me parvint aux oreilles. Elle était grave et sérieuse :
"- J'ai entendu parler de tes exploits ... Félicitation."
Je le sentis se tourner vers moi et je luttais avec grande détermination pour ne pas me tourner vers lui, encore plus pour éviter son regard. Encore des félicitations. Iruka s'abaissait au même niveau que les autres, me félicitant avec banalité. S'il y en avait bien un qui aurait dû savoir ce que signifiait tout cela pour moi, c'était bien lui. Mais bon, il semblait prendre un malin plaisir à faire celui qui ne savait pas.
Je répondais avec détachement et provocation :
"- Tu veux peut-être un autographe ?"
Je ne le regardais toujours pas mais je sentis qu'il me lança un regard d'incompréhension face à mon humour froid. Je me détestais de lui parler de cette manière mais je ne voyais clairement pas comment nous pourrions parler de la météo après ce qu'il s'était passé entre nous.
Il eut quand même le courage de répondre à ma misérable attaque :
"- Ce n'est pas ce que je voulais dire ..."
Afin d'alléger un peu mon affront, je rajoutais d'un air plus résigné, qui me ressemblait plus :
"- Ce n'était rien de plus que ce à quoi l'on s'attend du Ninja copieur ..."
Il fallait que je tienne bon. Je ne devais pas tourner les yeux vers lui. Car je me fichais de savoir avec quel regard il me toisait. Je ne voulais pas le savoir. Car même si je ne voulais pas le savoir, je savais très bien que peu importe ce qu'il y aurait dans son regard, il me ferait flancher. Il avait déjà pris le risque de se tourner vers moi et de me parler. Je savais que si je tombais dans son regard, c'en serait fini de ma volonté.
Voyant que je ne lui accordais pas plus d'attention, il renonça et se retourna à nouveau vers la pierre de commémoration. Il insista néanmoins d'une parole un peu moins posée, semblant être un peu contrarié tout de même par mon comportement :
"- Non je ... je te parle de ce que tu fais pour ton élève. C'est remarquable. Crois-moi, je sais bien que tu es doué pour tuer de sang froid mais ton dévouement pour tes élèves, ça c'est incroyable. Je sais bien que les gens ne voient en toi que l'homme puissant et fort mais moi j'y vois clair Kakashi. Je te connais ..."
Je compris à cette phrase que j'avais tort, il ne faisait absolument pas exprès de me faire flancher. Il me félicitait vraiment, il était honnête. Il me remerciait vraiment.
Cela suffit à me donner à la nausée. Iruka venait de franchir la limite. La limite de ce qu'il nous avait imposé à tous les deux. Il avait franchi et fait s'effondrer la lourde barrière qu'il avait érigé entre nous, nous retranchant à être de simples connaissances. Et au final, cela ne m'étonnait même pas qu'il n'est pas réussi à tenir en place ces frêles barricades car nous n'étions rien de cela. Nous étions amants et jamais nous ne pourrions être autre chose. Je m'attardais à nouveau sur l'importance de ne pas le croiser dans ma vie de tous les jours tellement cela m'était insupportable de me tenir à ses cotés. Cela me rendait fou de frustration et répandait une rage folle et destructive en moi. Cela me rendait d'autant plus fou qu'il avait fallu qu'il soit au courant que mes missions de rang S à répétition concernait la protection de Naruto.
Il n'était pas à sa place. Il n'avait pas le droit de me faire ça et encore moins de me dire tout ça.
La colère se déversa avec force et mon sang ne fit qu'un tour dans mes veines et je répondais furieux, me retournant vers lui, le toisant avec mépris et colère, perdant toute ma volonté précédente de l'ignorer :
"- Comment oses-tu dire ça ? Que sais-tu de la raison qui me pousse à faire tout ça Iruka ? J'en ai marre de tous vous entendre me mettre sur un piédestal continuellement. Que sais-tu de ce que je ressens lorsque je tue de mes mains et que j'ôte des vies ? Qu'en sais-tu, alors que toi tu es bien assis derrière ton bureau d'administratif !" Je me retrouvais à hausser la voix, comme un serpent crachant son venin. "Hein Iruka, qu'as tu fais toi, ces derniers mois ?"
Son regard fut surpris, même un peu blessé. Je n'y accordais pas plus d'attention et je tournais les talons pour repartir d'un pas rapide. Mes mains tremblaient avec force et je les engouffrais dans mes poches. J'avais complètement perdu les pédales. C'était à prévoir. J'étais complètement furieux. Je n'en pouvais plus. Je ne supportais plus de recevoir les incessantes félicitations de tous ces gens qui m'adulaient alors que je n'étais qu'une machine à haine, une arme. Je portais ce terrible halo lumineux de la plus grande tromperie du monde. Toute ma vie, j'avais été adulé et remarqué pour mon talent de monstre, de tueur d'élite. Je n'en pouvais plus ! Et il fallait qu'en plus de ça Iruka soit la cerise sur le gâteau à me féliciter à son tour d'avoir effectué le sale travail pour le bien de son petit protégé, qui était le mien aussi par la même occasion. Raaah ! Je détestais maintenant que nous ayons ce point en commun.
Je n'étais qu'un humain et malgré l'exceptionnel talent que j'avais en moi, personne ne me voyait vraiment pour qui j'étais. Je n'appartenais pas à l'image que tout le monde avait de moi. C'était clair, pourquoi personne n'était capable de voir ça ? Et pourquoi fallait-il qu'Iruka dusse, encore une fois, me repousser dans mes retranchements ? J'en avais tellement marre de ne pas comprendre ce qu'il attendait de moi. Cela recréait en moi toute l'incompréhension que j'avais ressenti le soir de notre séparation.
Je le savais très bien que voir Iruka ne serait pas bénéfique pour moi. C'était pour cela que j'avais tout bien barricadé dans ma tête. J'avais savamment et pointilleusement fais tout ce que je pouvais pour éviter de le croiser. Mais il n'y avait rien à faire, je n'aurais pas pu l'éviter toute ma vie même si j'aurais bien aimé.
J'étais complètement désarmé.
Et à ce moment précis, alors que je ne tenais plus, tous les sentiments que j'avais repoussé depuis tant de temps, me reprirent durement et se déversérent en traversant et détruisant le barrage que j'avais savamment construit. La culpabilité en première ligne de toutes les autres émotions que je refoulais avec soin depuis tant de temps.
J'avais essayé.
J'avais essayé de vivre et continuer ma route comme si jamais je ne l'avais rencontré. Ce soir là, je m'étais efforcé de tout oublier, mon corps et mon cœur s'étaient ankylosés, comme si mon monde s'était endormi. J'avais essayé de tout éteindre. J'ai tout fait pour que mon cœur se recolle, qu'il ne soit pas brisé. J'avais échoué.
Je ne voulais pas paraître plaintif ou faible mais j'étais forcé de comprendre que je ne voulais plus vivre dans ce monde seul. Je ne voulais plus que les gens voient cette fausse image de moi. Je voulais laisser parler la vraie personne en moi. Je voulais avancer mais je n'étais plus sûr de pouvoir avancer sans la présence d'Iruka. Et je commençais à comprendre que le problème, il était là.
J'avais l'impression de c'était écrit sur mon front "Je ne peux pas me passer de toi".
Durant une vie entière, j'aurais pu faire semblant que nous nous connaissions pas mais il ne fallait pas être un génie pour comprendre que ça ne changerait rien.
Je n'étais pas capable de laisser Iruka partir. Je l'avais dans la peau. C'était dur à reconnaître mais rien ne pourrait jamais changer ça. Sans lui, je n'étais plus vraiment vivant, je détestais la personne que j'étais, l'image que je renvoyais. Mais dans ses yeux ... j'étais différent ... Comme si je me définissais à travers lui.
Alors ce soir là, alors que je m'étais réfugié sous mon arbre favoris pour réfléchir à tout ça, je laissais la douleur m'envahir et le manque me tirailler le ventre. Je laissais mon cœur et mon corps supporter la douleur, la tristesse et la solitude. Je ne réfrénais plus rien. Je ne pouvais pas le laisser partir, c'était impossible. J'avais essayé mais j'avais échoué. Il fallait juste que je fasse avec.
Lorsque la nuit fut tombée, mon corps se mit à nouveau à bouger tout seul sans vraiment que ma tête puisse y faire quelque chose. Je commençais à ne plus vraiment combattre le vice ni le besoin de le voir s'éparpiller dans ma tête. Je laissais l'obsession se développer et m'envelopper complètement de ses bras pendant que je me dirigeais vers l'appartement de mon ancien ami brun.
J'avais fait une promesse.
J'arrivais en bas de son appartement et je levais la tête pour voir son perron et son entrée. Les lumières étaient allumées. Au lieu de monter par les escaliers, je laissais mes vieilles habitudes obsessionnelles reprendre le contrôle de mes mouvements. Une fois arrivé en toute discrétion sur la fameuse branche donnant sur la fenêtre d'Iruka, je faisais ralentir mes forces vitales et je dissimulais mon chakra. Et alors qu'il était trop tard pour me raisonner, je m'asseyais sur la branche et je fixais mon regard sur sa fenêtre. Mon cœur rata un battement alors que je l'aperçus. Il était rentré tôt. Il mangeait des ramens instantanées. Je soufflais doucement de soulagement. Je posais mon dos contre l'arbre je me laissais complètement aller à le regarder vivre, dans le simple cours de sa vie de tous les jours.
Je laissais ma dose de drogue me détendre doucement...
Cela me calma instantanément. Assis, sur mon arbre, je regardais Iruka vivre sa vie et moi j'effectuais ce qui faisait que la mienne restait logique, le regarder et le protéger.
Et il n'y avait rien d'autre que je n'aurais pu m'imaginer faire à cet instant précis.
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