Chapitre 17


Lizbeth observait ce qui se passait autour d'elle pour ne pas avoir à regarder Jacob. Les autres filles avaient des robes de bal colorées à crinoline qui ne passaient pas inaperçues. Elle aurait peut-être dû opter pour une autre robe. Mais maintenant autre chose la tracassait. Ses mains tremblaient alors elle les posa sur ses genoux et se tint bien droite.

- Lizbeth, lui dit Jacob, tu es magnifique.

- Merci, répondit-elle en baissant les yeux vers ses genoux.

- Tu n'as plus l'air d'une petite fille. Je viens de m'en rendre compte.

- Mieux vaut tard que jamais, répliqua-t-elle.

- Qu'est-ce qui se passe ? Tu es susceptible, interrogea Jacob.

Elle leva alors le regard vers lui et le regarda droit dans les yeux.

- Susceptible ! Répéta-t-elle d'une voix aigue. Paniquée, effrayée et perturbée seraient les mots appropriés. Écoute, on ne peut pas...c'est impossible...on est amis. On ne pourrait pas échanger avec le couple à côté de nous ?

Jacob jeta un coup d'œil au garçon et à la fille assis à la table adjacente.

- Si tu veux que toute l'école voie tes ébats demain, alors vas-y.

- Quoi ?

- Ce gars-là cache une caméra dans sa chambre et montre pas la suite la vidéo à tous les gars du dortoir. Dans une semaine, cette fille-là va avoir couché avec la moitié des garçons de cette école. Si c'est ce que tu veux, propose-leur.

Lizbeth secoua la tête.

- C'est bien ce que je me disais, dit Jacob. Écoute, je sais que c'est...euh...déroutant ce qui arrive, mais on n'a pas vraiment le choix.

- Il doit bien y avoir une solution. Je ne peux pas faire ça avec toi.

- Et pourquoi ?

Lizbeth fut estomaquée par sa question.

- Parce que ce ne sera plus pareil entre nous. Et en plus, je ne suis pas ton genre, tu me l'as déjà dit.

- Je t'ai dit ça pour que tu ne te fasses pas d'idée. Et pourquoi ne pas profiter de notre soirée ? On se préoccupera du reste plus tard.

- Pour que je ne me fasse pas d'idée ? Comment veux-tu que je couche avec un garçon que je n'intéresse même pas ?

- Hey ! Je n'ai pas dit ça !

Il s'interrompit le temps que les serveurs leur servent leur soupe.

- Écoute, lui dit-il en lui touchant la main, tu es la plus belle fille de la salle. Je t'ai à peine reconnue. Sérieusement, je ne regrette pas une minute que ce soit mon nom qui ait été pigé.

- Tu aurais dit la même chose à n'importe qu'elle partenaire.

- Non, la coupa-t-il. Si ça avait été un autre gars qui avait été placé avec toi, je l'aurais démoli.

- Pourquoi ?

- Parce que je ne veux pas que les autres te touchent.

La jeune fille laissa échapper un petit rire.

- Je ne suis pas ta petite sœur, lui dit-elle alors. Arrête de te comporter comme un grand frère. Je suis assez mature pour faire mes choix moi-même.

- Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je t'avais toujours vue comme une gamine insignifiante, mais aujourd'hui j'ai vu la vraie toi.

- La vraie moi ? Explique–toi.

- La toile que tu as fait, ça m'a démontré à quel point tu es passionnée et c'était la première fois que je te voyais comme ça. En fait, non, la deuxième. La première fois était lorsque tu as chanté notre chanson en cours de musique. Tu avais l'air dans ton élément, en harmonie avec ce que tu faisais. Habituellement, tu as l'air triste et morose et c'est un peu déprimant. Mais j'ai vu que tu revis lorsque tu peins, et ça me donne le goût de te voir comme ça tous les jours. Puis, lorsque je t'ai vue descendre l'escalier en souriant, j'aurais tout donné pour que ce sourire me soit destiné. Malheureusement, il n'a pas duré longtemps lorsque tu as entendu mon prénom.

La jeune fille ne s'attendait vraiment pas à cette réponse.

- J'ai été prise de cours, répondit-elle.

- J'ai bien vu ça, j'avais peur que tu t'enfuies en courant.

Lizbeth haussa les épaules en guise d'excuse. Elle s'aperçut alors qu'il avait toujours la main dans la sienne et la retira.

- Et demain, on va faire comme s'il ne s'était rien passé, c'est ça ?

- J'imagine que ce ne sera pas facile, mais on essaiera.

- Alors, dit-elle en portant son verre de vin à ses lèvres, je vais tellement me saouler que je ne me souviendrai plus de rien. Ça va régler le problème.

Il arrêta son geste.

- Je crois que tu voudras t'en souvenir, lui dit-il en la regardant droit dans les yeux.

- Ah oui ?

- Parce que moi, je veux m'en rappeler.

Un silence gênant se créa entre eux jusqu'à ce que Jacob lève sa coupe vers Lizbeth.

- Carpe Diem, dit-il alors tandis que Lizbeth levait son verre à son tour et l'entrechoqua avec lui.

- Carpe Diem, murmura-t-elle en essayant d'éviter à sa main de trembler.

Jacob commença alors à manger, laissant Lizbeth méditer sur ces dernières paroles. Mais qu'essayait-il de lui faire comprendre ?

Elle baissa les yeux vers son potage aux légumes. Il avait l'air bon, mais elle avait perdu l'appétit. Elle se força tout de même à prendre quelques bouchées et ils mangèrent en silence.

La jeune fille remarqua que certains couples riaient entre eux, d'autres paraissaient mal à l'aise et quelques-uns étaient en grande conversation. Le directeur et les professeurs étaient assis à une table et papotaient ensemble.

- Tu l'as fait avec combien de filles ? Demanda soudainement'Lizbeth.

Jacob, qui s'apprêtait à prendre une bouchée, stoppa  son geste.

Il hésita quelques instants.

- Je ne crois pas que ce soit une bonne idée de parler de ça, dit-il enfin.

- Et pourquoi ?

- Ça ne te servira à rien. Et c'était différent avec chacune d'entre elles.

- Y en a-t-il eu plusieurs ?

Il soupira.

- En tout j'ai participé à cinq initiations et il y a eu quelques filles que j'ai connues à l'école.

- Et tu n'as jamais eu de relations amoureuses avec elles ?

- J'ai fréquenté uniquement Mélodie.

- Et pourquoi pas avec les autres ?

- Je n'avais aucun intérêt pour elles.

Il prit une autre bouchée et Lizbeth comprit qu'il ne voulait pas poursuivre la conversation, mais elle insista.

- Elles n'étaient pas belles ?

- Oui, elles l'étaient.

- Ah...

En piochant dans son bol, Lizbeth se demanda ce qui pouvait bien intéresser Jacob chez une fille. Si aucune d'entre elles n'étaient de son goût, il était fort probable qu'elle-même ne l'intéresse pas. Elle n'avait rien de particulier. Il lui avait dit qu'il la trouvait jolie, mais les autres aussi l'étaient.

- Qu'y a-t-il ? Lui demanda-t-il alors.

Elle haussa les épaules.

- Tu ne manges pas ?

- Je n'ai pas très faim.

- Tu veux qu'on parte toute de suite ?

Elle secoua vivement la tête. Il fallait qu'elle retarde ce moment à tout prix.

- Si tu ne veux pas rester, on a qu'à aller écouter un film chez moi...

- En temps normal, je te dirais oui, mais ça ne me dit rien en sachant ce qui va se passer après.

- Et qu'est-ce que tu penses qu'il va se passer après ?

- La raison pour laquelle on est ici.

Jacob parut réfléchir quelques instants.

- J'ai une suggestion à te faire. On écoute un film, et si après, si tu n'as vraiment pas le goût de le faire, on verra demain. 

Elle resta pensive quelques secondes puis accepta.

- Parfait, alors je suggère qu'on reste pour le début de la soirée et qu'on danse un peu et, ensuite, on ira écouter un film au loft, dit Jacob.

Elle acquiesça, puis ils finirent leur repas. Lizbeth n'avait pas encore eu le courage d'avouer à Jacob qu'elle avait peur qu'il ne lui brise le cœur. Depuis deux semaines, son cœur battait plus fort chaque fois qu'il s'approchait d'elle. Elle savait qu'il ne ressentait rien pour elle et, après ce soir, cela lui ferait encore plus mal. Elle ignorait comment lui faire comprendre.

Puis, elle se dit qu'elle aurait le temps de se plaindre plus tard de son sort. De toute façon, elle ne pourrait rien y changer. Elle avait quand même perdu ses parents et y avait survécu. Elle pourrait sans doute surmonter un cœur brisé...

Ils finirent leur repas et la soirée commença.

- Tu veux danser ? Lui proposa Jacob.

- Pas vraiment. Je ne suis pas très bonne danseuse.

- Et comment le sais-tu puisque tu as perdu la mémoire ? De toute façon, c'est le gars qui mène la danse, alors tu n'auras qu'à me suivre.

- D'accord pour une chanson, capitula-t-elle.

- Parfait !

Ils se levèrent alors qu'un slow commençait et se rendirent sur la piste de danse qui était déjà pleine à craquer. Jacob se positionna devant elle et plaça ses mains sur sa taille. Lizbeth n'eut pas le choix de passer ses bras autour du cou du garçon et ils commencèrent à se mouvoir. Elle sentit ses joues s'enflammer.

- Pourquoi tu rougis ? Lui demanda alors Jacob.

- Je ne rougis pas, j'ai seulement chaud.

Il sourit et elle sut qu'il ne la croyait pas.

- Relaxe, lui dit alors Jacob. Tu es raide comme une barre.

Elle se relâcha un peu et appuya la tête sur l'épaule de Jacob comme une autre fille faisait à côté d'eux. Elle inspira son odeur de savon et se crème à raser et reconnut que ça la calma. Elle sentit les mains de Jacob monter plus haut dans son dos et la serrer davantage contre lui. Lizbeth ferma alors les yeux et se rendit à peine compte lorsque la musique se termina. Jacob la lâcha lorsqu'une autre fille se mit à lui parler. Ils se dirent quelques mots et celle-ci éclata de rire. Était-elle en train de flirter avec lui ? Jacob lui répondit quelque chose et quelques instants plus tard, elle tourna les talons.

- Tu la connais ? Lui demanda Lizbeth.

- Oui, elle vient à toutes les soirées d'initiation. Elle voulait danser avec moi, mais je lui ai dit que j'étais déjà pris ce soir, lui précisa Jacob.

Elle se demanda s'il avait déjà couché avec elle, mais essaya de sortir cette pensée de sa tête. Elle observa la fille se diriger vers un autre gars et se mettre à lui parler. Ses cheveux bruns étaient attachés en chignon et sa robe turquoise n'était pas aussi sophistiquée que les filles initiées ce soir mais elle était sans nul doute attirante pour les garçons. Lizbeth aurait aimé avoir l'air aussi souriante et détendue qu'elle. Elle devait attirer tous les hommes qu'elle voulait. Pourtant, Lizbeth avait juste une personne en tête et elle était en face d'elle.

- Arrête de te comparer à elle, lui dit soudain Jacob. C'est toi la plus belle ce soir.

- Peut-être ce soir, mais demain je vais redevenir la gamine insignifiante que tu connais.

- Tu ne seras plus une gamine. En plus, ta fête est dans deux jours. Tu auras seize ans, c'est un âge important.

Elle leva les yeux au ciel, ce qui le fit rire.

- On part, annonça-t-il alors.

- Déjà ?

Lizbeth sentit la panique monter en elle.

- Oui, on va aller écouter le film dont je t'ai parlé. Ça va t'aider à te détendre. On dirait que tu vas perdre connaissance à tout moment.

Il exagérait ! Ne trouvant pas d'excuse puisqu'elle ne voulait pas danser, elle le suivit jusqu'au loft.


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