Chapitre 8: Autrefois


Lixa adorait voler, traverser les nuages, voyager avec les oiseaux. Elle aimait la sensation de frôler les soleils et cette impression de se rapprocher de Syrna. En équilibre sur le dos de Zarox, elle prenait plaisir à sentir le vent lui fouetter le visage. Aussi haut dans le ciel, son esprit était libre, elle ne pensait plus, elle n'était plus. Ce mirage de liberté était son exutoire et elle n'aurait abandonné cela pour rien au monde.

Bien que trempée par la pluie, elle n'avait pu s'empêcher de sourire quand cette dernière avait cessé. La princesse put alors admirer le matin se lever et la lumière faire scintiller les toitures d'Irylia. C'était un spectacle magnifique, à la fois nouveau et anodin. Elle aimait sa ville et son désordre chaleureux. Il n'existait aucune harmonie entre les bâtiments, tantôt immense et clairs, tantôt fourbus et sombres. De sa hauteur, Lixa pouvait admirer le Marché Éternel se réveiller, elle pouvait presque sentir les odeurs d'épices qui se mélangeaient aux parfums des fleurs. Arador était le point névralgique d'Irylia et représentait à merveille les anciens clans dans un magnifique tableau. Au centre de la ville, là où toutes les grandes allées se réunissaient, se trouvait le palais, son foyer, le point de départ.

Oui, Lixa adorait voler.

Mais très vite vint l'heure de rentrer. La démone soupira avant de se pencher pour caresser les écailles du dragon.

— Rentrons, mon ami.

Celui-ci grogna et commença sa descente. Ses puissantes ailes fendaient l'air. L'animal était à la fois magnifique et intimidant. On racontait que jadis, son espèce terrifiait les démons qui étaient incapables de se défendre face aux flammes de ces bêtes. Mais la Reine Fondatrice, Azagoth, avait su les dompter, obtenir leur confiance, tendre une main amicale vers eux. Le majestueux dragon était alors devenu l'emblème d'Irylia. « Il n'est ennemi que celui que tu crains », telle était la devise du royaume.

Zarox émit une sorte de feulement et la princesse sourit intérieurement. Son frère n'était pas loin, l'animal réagissait toujours ainsi quand il le sentait. Greyson revenait certainement de sa promenade matinale où il en profitait pour faire le tour de la ville et vérifier que tout allait bien.

Le dragon battit des ailes de plus en plus vite au fur et à mesure qu'il se rapprochait du sol. Lixa sentit une légère secousse quand ils furent enfin sur la terre ferme. Elle glissa habillement du dos de la bête et entreprit de gratter son immense menton pour la féliciter.

— C'est bien mon beau, merci pour le spectacle.

Remercies toujours ta monture, c'est la moindre des choses.

Sa mère, Meriva, lui répétait jadis ce conseil et la démone l'avait toujours appliqué. La défunte guerrière avait transmis beaucoup de chose à ses enfants et surtout le respect... Ainsi que son obstination. Zarox poussa doucement la princesse pour réclamer plus de caresses et elle rit, le coeur léger.

Elle ne sut pas vraiment ce qui la motiva à se retourner. Était-ce le Destin ou un espoir qu'elle pensait enfoui ?

Elle ne sut pas vraiment si ce qu'elle vit était réel.

Si ces yeux d'un vert éclatant étaient bien les siens.

William.

Il se tenait là, à quelques mètres d'elle, les vêtements trempés et sales. Il la regardait avec une mine aussi surprise que la sienne, la bouche légèrement ouverte, les bras le long du corps. Le vent souffla dans les cheveux de Lixa, le dragon gronda mais elle s'en moquait. Plus rien n'avait d'importance que le regard qu'elle ne voulait lâcher.

— Lixa, murmura-t-il.

Comme autre fois.

Elle fit un pas vers lui, se rappelant comment faire, puis un autre. Petit à petit, elle se rapprocha et put à nouveau détailler les traits de son visage. Sa légère repousse de poil sur ses joues, sa cicatrices sous son sourcil, ses cernes. Elle s'arrêta et dut se retenir de tendre la main pour le toucher. Une part d'elle craignait qu'en l'effleurant, il disparaîtrait comme un mirage.

— Tu es là, souffla-t-elle, la voix tremblante.

— Tu es là, répondit-il sur le même ton.

Les yeux du Lieutenant parcoururent les traits de la jeune femme. Il semblait désorienté, perdu, épuisé.

Ce fut lui qui fit un geste. Lentement, prudemment, il posa sa main contre la joue de Lixa et le coeur de cette dernière se stoppa, le temps d'une seconde. Elle retrouva sa chaleur, sa douceur et un court instant elle s'autorisa à se laisser aller et à fermer les yeux pour savourer. Son esprit était emporté dans un tourbillon d'émotions qu'elle pensait enfouies. Elle accentua le contact avec sa peau et souleva ses paupières pour diriger son attention sur l'homme en face d'elle. Sur ce vert magnifique.

Les montagnes d'Amar.

— Tu es là, répéta-t-il avec plus de force.

— Bienvenue sur Irylia, sourit-elle.

***

Il n'arrivait tout simplement pas à le croire. Comment était-ce possible ? Comment Lixa pouvait-elle se tenir face à lui ? William n'arrivait pas à le concevoir et pourtant... c'était bien la texture de sa peau, ses cheveux étaient toujours d'un rouge profond et ses yeux étaient pareils à un lac gelé... D'un bleu translucide et non d'un noir lugubre comme il l'avait vu à Brooklyn.

Et son sourire.

Il lui fit rater un battement. Sans qu'il réfléchisse à ce qu'il faisait, il attira la démone contre lui et glissa son visage dans son cou, dans une étreinte que l'on pourrait juger de désespérée.

Peut-être qu'il l'était.

Sûrement.

Il se sentait terriblement perdu, empli de doutes, et il se raccrocha à la seule chose qui lui parut vraie. Elle était là, dans ses bras. Il sentit ses mains remonter le long de son dos et elle le serra à son tour. Le monde extérieur disparut, il retrouva son parfum, sa force. Il la retrouva elle.

Ce fut Greyson qui le ramena à la réalité. Le démon se racla discrètement la gorge.

— Nous ferions mieux de rentrer.

À contrecœur, il s'éloigna de Lixa mais cette dernière glissa sa main dans la sienne et se tourna vers l'immense créature derrière eux. L'humain retint un gémissement, il avait oublié le dragon. Le regard de la bête était rivé sur lui et William espérait profondément qu'il n'envisageait pas de le dévorer. La démone siffla et le monstre s'envola, faisant trembler le sol sous leur pied. Malgré la peur qui le rongeait, le Lieutenant ne pouvait cacher le fait que l'animal était majestueux... et capable de l'écraser par accident comme s'il n'était qu'une vulgaire brindille.

— Il se nomme Zarox, dit alors Lixa.

— J'ignorais que tu avais un dragon...

— Il est né il y a six mois, c'est encore un enfant.

Bon sang, mais quelle taille fait un adulte ?!

Elle tira doucement sur son bras et ils suivirent Greyson qui marchait à quelques mètres d'eux, pour leur laisser un peu d'intimité sans doute... Ou peut-être pour méditer sur le fait que William ait accusé sa sœur d'avoir massacré des humains alors qu'elle se tenait là, souriante. L'Irlandais fronça les sourcils. Il s'apprêtait à dire quelque chose mais le Selem se tourna légèrement vers lui. Le regard qu'il lui lança lui fit comprendre que le sujet « Brooklyn » attendrait qu'ils soient dans un lieu plus calme, à l'abri des regards et des oreilles indiscrètes.

Compris.

Pour le moment, il se contenterait de surfer sur la vague d'euphorie qu'il ressentait.

— Depuis quand es-tu là ? demanda Lixa.

— Quelques heures je crois, il faisait nuit et on a été...

— On ?

— Jimmy est venu avec moi.

La démone sourit.

— J'aurais dû me douter qu'il te suivrait.

— Il est avec Zyshna en ce moment.

— Il doit être heureux.

William ne répondit pas. Non pas parce qu'il ne savait pas quoi dire, mais parce qu'ils étaient arrivés devant le palais.

Les portes s'ouvrirent à leur approche et ils entrèrent. William ne put qu'admirer le couloir, il se dévissa le cou pour détailler les sculptures sur les hauts plafonds. Tout était immense, et il se rappela la taille du Roi Bélial. Il fallait bien que ce dernier puisse déambuler chez lui sans se cogner à chaque lustre. Ils marchèrent encore un moment et l'humain se contenta de suivre les deux démons qui avançaient la tête haute. Il avait l'impression d'être un de ces touristes devant les grands immeubles de la 5ème Avenue.

Ils croisèrent plusieurs personnes qui s'inclinaient devant les héritiers avant de lui jeter des coups d'œil curieux.

William, enchanté.

Était-ce parce qu'il était humain ?

Il n'eut pas de réponse. Greyson les avait conduit dans ce qui ressemblait à un jardin d'intérieur ouvert sur le ciel.

— Je vais chercher Père, dit-il avant de repartir.

Profitant d'un instant d'intimité, le Lieutenant se tourna alors vers Lixa qui lui souriait mais il put voir dans son regard un brin de tristesse. Il vit également que quelque chose avait disparu en elle. Une étincelle.

— Je sais que je devrais être heureuse de te savoir ici, souffla-t-elle, mais je ne suis pas dupe... que fais-tu ici, William ?

Elle n'était plus celle qu'il avait connu il y a deux ans, et pourtant c'était bien elle... Sa Lixa, sa guerrière.

Et les images de Brooklyn ne cessaient de tourner dans son esprit alors qu'il détaillait la démone.

— William ?

Qu'avait-il vraiment vu ?

Qu'avait-il vraiment entendu ?

Elle posa sa main sur la sienne, qu'il avait serré inconsciemment. Ses yeux se posèrent sur son cou, où sa marque était visible, et il fut assailli de doute.

— Dis-moi que ce n'est pas toi.


***

Bonsoir les amis,

J'espère que vous allez bien et que ce chapitre vous a plu! Comme vous avez pu le remarquer, les publications s'espacent entre chaque chapitre, les cours obligent. Je n'ai plus autant de temps pour écrire...

Mais je n'arrête pas pour autant! Je vais m'accroche et petit à petit vous aurez la suite! J'espère que vous serez au rendez-vous!

Avec tout mon amour,

Yael

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