Chapitre 9
Maggie et Paul m'emmènent dîner. On s'installe toutes les trois à la table du restaurant chinois du coin. Je commence à leur parler. Au fur et à mesure que j'avance dans mon monologue, leurs yeux s'écarquillent de plus en plus. Tellement que je pense qu'ils vont les faire sortir de leur orbites au bout de mon discours.
_ C'est très étrange, en effet, commence Paul.
_ Comment tu as réagi quand il t'a envoyé les mails ?
_ Comme je vous l'ai dit, je ne savais pas quoi faire. Alors je l'ai fait monter, avouais-je en m'assayant. Je ne sais pas où j'en suis.
_ Tu veux faire quoi, Kate ?, me demande Paul.
_ Aucune idée. Je pense que c'est une mauvaise idée de redevenir ami avec lui. En même temps, on ne l'a jamais été...
_ Pas faux... Ecoute, je te connais depuis assez longtemps pour te dire que tu seras assez grande et intelligente pour prendre la bonne décision. Mais ne détruit pas son couple. Enfin, fait quelque chose à partir du moment où il ne sera plus avec elle. Parce que ça me paraît mal parti, eux deux, souligne Maggie.
_ Je pense que Maggie a raison. Et j'ai besoin de manger. J'en ai besoin. Grand besoin.
_ Bon ! Et si on commandait ? Ça m'a donné faim, tout ça !
Plus tard dans la soirée, je rentre à la maison pour me changer et ensuite déposer Paul et Maggie chez eux. J'ai besoin d'être seule pour réfléchir à tout ça. Pas que les conseils de Paul et Maggie ne sont pas bien mais des fois, il faut être seul pour y voir clair. Je croise Kyle dans la salle de bain.
_ Tu veux quelque chose, avant d'aller dormir, ce soir ?
_ Pas la peine, Kyle. Je vais rentrer tard, je crois.
Je file dans ma chambre et prends une paire de baskets, un jean et un haut gris. Je retrousse les ourlets et enfile le pantalon, puis le t-shirt. Les chaussures aux pieds, je me glisse dans un gilet épais, de la même couleur que les chaussures. C'est l'une des rares fois où je suis à plat. Je prends les clés de ma voiture et conduit le couple vers l'ascenseur.
Une fois les portes fermées, Maggie me fait part de sa profonde pensée.
_ Il n'est pas venu te voir pour rien. Il attend quelque chose. Et tu sais à quoi t'attendre, vu qu'il te l'a dit. Il veut plus qu'une simple amitié. Tu as bien vu le regard qu'il t'a jeté au jour de l'an. Tu le connais, Kate. Mieux que personne, d'ailleurs.
_ Maintenant, il y en a une autre qui me bat à ce jeu-là, m'avouais-je vaincue et appuyée contre le fond de la cabine.
_ Qu'est-ce que tu en sais ? Il te l'a dit ?, intervient Paul.
_ Non, mais je le sens au plus profond de moi. Tu sais, quand il est entré, je l'ai trouvé vraiment différent, d'avant. Plus viril, plus rigide et froid qu'autrefois. Elle l'a changé.
_ Ou alors c'est lui qui a grandi, continue-t-il.
_ Mais je n'ai pas grandi moi ! J'ai l'impression de retomber en adolescence et de vouloir m'amuser tout le temps. Comme si j'avais perdu plusieurs années de ma vie.
_ C'est vrai. Tu t'es renfermée sur toi-même. Mais tu es une fille extraordinaire, Katherine. Rend-toi en compte s'il-te-plaît. Il l'a compris, lui, renchérit Maggie.
_ Non, il n'a rien compris, du tout.
Les portes du garage s'ouvrent et nous pénétrons à l'intérieur. Je grimpe dans la voiture. J'éteins la radio pour que le silence s'installe. Depuis l'ascenseur, ils n'ont pas décroché un mot. Moi non plus, d'ailleurs. C'est peut-être mieux comme ça.
Une fois devant chez eux, Maggie m'a dit une dernière parole qui m'a retourné le cerveau.
_ Tu sais, les égoïstes vivent plus longtemps. Bisous, ma grande.
_ Bisous Maggie. Bonne nuit, Paul.
Ils m'adressent un sourire et referment les portières.
Je rallume l'autoradio et mets mon CD. Les Rolling Stones, avec leur Gimme Shelter, commencent à faire vrombir les haut-parleurs de ma voiture. Je conduis sans vraiment savoir vers où je vais. Puis, je me retrouve vers l'I-5. Sans réfléchir, je m'engage vers la sortie, sur Port Ludlow. Je baisse le son de la radio et me gare devant la maison de Jeremy. Rien n'est allumé. Mais une voiture est garée. C'est la sienne. Son Escalade noire. Et la nostalgie s'empare de moi, comme quand une vague s'échoue sur la plage. Et je me mets à pleurer, d'un coup. Je fixe la maison. Cette maison que j'ai rénovée et aménagée pour lui. Je ne l'ai jamais vu finie. On s'est séparé avant qu'elle ne soit terminée, pour tout vous dire. Soudain, la lumière du porche s'est allumée. Je m'empresse de démarrer la voiture et je pars en laissant un gros nuage de poussière derrière moi, à cause du gravier. Je regarde dans le rétroviseur. Ce n'est pas une femme, ça, c'est sûr. Pourquoi suis-je venue ici, bordel ?
Plus tard dans la soirée, je m'assieds en plein milieu d'un restaurant chic, sans avoir changé de vêtements, bien sûr. Sinon, ce n'est pas drôle. Je commande un verre de limonade. Le serveur a bien voulu me donner des olives, histoire que je mange un peu. J'accepte. Une demi-heure plus tard, mon téléphone sonne. C'est Kyle.
_ Oui, Kyle ?
_ Katherine, il faut que tu reviennes à l'appartement, tout de suite. C'est urgent.
_ Que se passe-t-il ? Tu vas bien ?
_ Oui, moi oui. C'est juste que... Tu as un visiteur... Inattendu ?
_ J'arrive tout de suite.
Je jette un billet de vingt dollars sur la table. Largement plus que le total de ce que j'ai commandé mais je m'en fiche. Je n'ai qu'une idée en tête : que ce soit lui chez moi. Qu'il soit revenu me voir. Cela ne m'étonnerait pas de lui, sincèrement. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai envie de le voir. Je grimpe dans ma voiture en courant. Je démarre en trombe et je suis chez moi en même pas cinq minutes.
_ Que se passe-t-il, Kyle ?, m'écriais-je en entrant dans l'appartement.
Aucun son. Elle me regarde et retourne son regard vers le canapé. Une grande carrure. Des cheveux noirs comme l'ébène et un regard qui ressemble étrangement au mien. Et quand il se retourne, une haine monte très rapidement en moi. Mon frère vient de débarquer chez moi.
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Salut ! Alors vous avez encore jusqu'à demain pour profiter de l'offre un chapitre publié par soir!
Mercredi ça revient à la normal !
Si vous avez des questions par rapport à l'histoire, ou même par rapport à son écriture, ou même à propos de moi, mettez les en commentaires. Je me ferai une joie d'y répondre.
Gros bisous,
Joëlle SADOK-QUILICHINI
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