C'est l'impression de liberté qui se meut en premier.
Au travers des couleurs et des gens.
   Juste ce qu'il faut pour se sentir fier.
Et pour pouvoir aimer. Et s'aimer.
Sans en avoir peur.
Juste ce qu'il faut pour vivre.
À deux. À trois. Seul.

Il savait, en voyant son sourire, qu'il avait fait le bon choix.
Que sa décision de tout quitter pour lui ne pouvait être que bénéfique.
   Surtout dans sa vie.
Pour une existence enfin pleine de sens.

Ce garçon n'avait rien de conventionnel.
   Il avait des cheveux rose.
   Des baskets roses. Sauf aujourd'hui.
Et un appareil dentaire dans lequel il se piquait souvent la langue quand il l'embrassait.

Il était toujours habillé de rose. Sauf aujourd'hui.
Car aujourd'hui était le jour où la liberté rimait avec fierté.
Ou l'on portait une multitude de couleur pour s'exprimer.
   Sans honte.
   Sans haine.
Tout était sécurisé.
Tout avait été mis en place pour vivre la parfaite journée.

Les deux garçons s'étaient réveillés ensemble.
Traînés au lit.
   Ils avaient fait l'amour, aussi.
   Ils avaient déjeuné, ensemble.
Puis ensemble, ils avaient rejoint des amis.
Pour enfin passer le reste de la journée à vivre avec ceux qui leur avaient permis de se sauver.
Se sauver de la haine.
   De la tristesse.
   De cette envie de disparaître.
Pour juste, se réveiller le matin et n'avoir aucun regret.

Ouvrir les yeux.
Se dire qu'il avait devant lui le garçon
   Le plus beau
   Le plus drôle
   Le plus maladroit
   Le plus extraordinaire qu'il avait pu rencontrer.
Simplement pouvoir se dire que ce garçon existait.

Qu'ils vivaient ensemble.
Dans un endroit à eux.
Qui leur ressemblait.

De la musique dans les oreilles, il se tourna vers lui.
   Son sourire brillait.
Il l'embrassa.
Juste pour lui dire qu'il l'aimait.
Avec un geste de la main, il le lui dit aussi.
Avant de repartir dans la foule.

L'amour l'avait frappé en plein cœur comme la vague s'abat sur un rocher.
   Avec violence.
   Avec toute sa puissance.
Pour partir un peu plus loin.
Sans jamais disparaître.

Il remerciait le destin, la vie, peut-être même un dieu.
Pour l'avoir mis sur sa route.
Et rendre sa vie bien plus belle.

Ce soir, il comptait aller plus loin.
Le faire sien à vie.
   Qu'importe leur jeune âge.
   Qu'importe si cela voulait dire n'inviter aucun membre de leur famille.
Ils avaient leurs amis pour ça.

Il regarda le bijou dans sa poche.
Les chaussettes arc-en-ciel de son amant.
   La rue bondée.
Le short en jeans échancré de son amour.
   La poubelle qui paraissait trop pleine.
Les piercings à ses oreilles.
   La foule qui dansait au milieu de la chaussée.
Ses lèvres qu'il voulait encore et à jamais possédé.

Puis une insulte.
   L'absence de musique.
   Le silence
Il se tourna vers lui.
Juste le temps de voir son visage une dernière fois.
Juste le temps de voir la peur.

Puis un nuage brûlant.

Le mirage venait de disparaître.

Et la réalité qui s'en suivit ne fut que dévastatrice.