22h22 (1/3)
Yoan, c'était le mec qui réussissait mieux que tout le monde.
Pourtant ce soir-là, il avait vraiment l'impression du contraire. Il ne savait pas pourquoi, quelque chose manquait à l'équation : beau garçon (brun, pas trop grand, ni trop petit), populaire depuis le collège, des super notes, une petite copine franchement jolie et sa famille lui envoyait même de l'argent pour les fins de mois difficile... Parfait en somme. À l'évidence, c'était ça, le problème. La vie de Yoan était trop parfaite.
Il désirait que ça change. Comment ? Il n'en savait fichtre rien. Mais il le voulait.
Enfin lasser d'envoyer ses pensées au fond de son gobelet vide en plastique, il le reposa sur un coin de meuble. Face au salon remplit de cadavres de bouteille et de presque adultes débordants d'hormones, il soupira. La vie paraissait tellement plus simple pour eux. Boire, fumer et pas que du tabac, jouer à des jeux un peu débiles (qui peut bien trouver amusant de cracher le plus loin par la fenêtre ?), danser jusqu'à en avoir des points de côté et embrasser son voisin ou sa voisine. Suzanne devait surement le chercher pour obtenir la même chose de sa part. Son besoin de respirer se fit pressant. Le jeune homme enjamba les verres, esquiva des coups de bras ou d'épaule et parvint enfin à ouvrir la porte du balcon. Deux filles collées l'une à l'autre jurèrent à cause du courant d'air. Il ne leur prêta pas attention et prit une grande bouffée d'air pollué. VIVA PARIS. Enfin... La région parisienne, du moins. Il coulissa la baie vitrée et aperçut une chaise libre au milieu des plantes plus ou moins vertes. Les pots vides servaient de cendriers pour les plus accros. David n'était pas fait pour le jardinage. Yoan eu beau lui répéter, son meilleur ami ne pensait pas à ces pauvres petits végétaux. Remarque, il valait mieux qu'elles en fassent les frais, qu'un petit rongeur ou un chat.
Enfin assis sur le fauteuil, il tendit les jambes et laissa tomber ses bras, la tête en arrière. Aucune étoiles dans le ciel et c'était déprimant. Il comptait donc sur les vacances d'été à la mer pour rétablir ce triste constat.
-- La vue est belle ?
Yoan retourna sur la terre ferme, observant celui qui venait de lui parler. Il ne l'avait jamais vu auparavant, ou du moins, il ne l'avait pas remarquer. Ce qui était bien étrange avec une telle coupe et couleur de cheveux. Un vrai pétard gris aux racines noires. Ses joues étaient rondes comme celles d'un enfant et avait une petite fossette sur la pommette droite.
Son nom lui revint en mémoire, en même temps qu'il lui sourit. Naïm. Il ne le connaissait pas plus que ce qu'on disait de lui en cours. Un garçon qui avait quitté sa petite campagne pour ses études. La cigarette qui se consuma lentement entre ses doigts offrit une pointe de lumière à la scène.
-- L'air est pollué, répondit Yoan. Sympas les chaussures, il rajouta, j'aime bien la couleur.
Naïm fit bouger ses pieds et cogna les pointes entre elles. Le tissus jaune citron s'avérait briller comme en plein jour.
-- Merci. J'aime bien ta veste.
Naïm regarda en l'air à son tour et souffla, créant un halo de fumée toxique autour de son visage. Yoan ne s'attendit pas à lancer une grande conversation et ses yeux se perdirent sur le balcon voisin. Celui-ci bien plus fleuri. Sans pouvoir l'expliquer, son attention retourna vers le garçon à ses côtés. Il avait quitté le fauteuil pour s'accouder au balcon. Ses doigts passèrent dans ses mèches pour en placer une derrière son oreille, dévoilant des petits piercings.
-- Qu'est-ce que tu fais dehors, à pas faire comme tout le monde ? demanda Naïm, le visage tourné dans sa direction.
Yoan examina la petite terrasse, comme pour s'assurer qu'il s'adressait bien à lui. Exceptés eux, l'endroit était totalement désert.
Un léger rictus vint éclairer son visage et il reprit sa cigarette entre les lèvres.
-- Parce que en général ceux qui traînent dehors pendant les soirées sont les fumeurs, les amoureux pour s'embrasser et ceux bourrés. Et tu ne sembles être aucun des trois.
Il se retourna totalement vers lui, dos au vide du quatrième étage. Son air était joueur et sa voix, douce. Yoan décida d'entrer dans son jeu, y trouvant un certain amusement. Après tout, il était venu dans cet appartement pour ça.
-- Et qui te dit que je ne fais pas partie de l'une de ces catégories ? rétorqua le brun.
-- Tu n'as aucune cigarette en ta possession. Je ne vois personne avec toi. Et tu sembles complètement sobre, répliqua le second garçon.
- Il ne faut pas se fier au apparence jeune blanc-bec. J'ai toujours mon paquet et un briquet dans mes poches. Je suis officiellement en couple avec une fille ultra collante. Surtout, ne lui dis pas. Et pour ce qui est de l'alcool, là, tu as raison. Mais il y a des chances pour que je me retrouve vite la tête dans le cul.
Pour confirmer ses dires le brun but rapidement ce qu'il restait d'une bière. Une bière bien immonde qu'il recracha aussitôt. Naïm rit en dévoilant sa pomme d'Adam puis posa sa joue sur son épaule et sa langue humecta sa lèvre.
Un fait lui revint en mémoire et Yoan fixa ses pieds.
-- Je peux te poser une question ?
-- Je t'écoute. Demande ce que tu veux au gars percé et à la chevelure excentrique.
-- Est-ce que t'es gay ?
La musique sembla s'être adoucis à l'intérieur du petit appartement, laissant les deux garçons entamés une conversation plus sérieuse. Qu'est ce qui pouvait être mieux que parler sexualité à un parfait inconnu ?
-- Non.
Yoan se sentit soudainement honteux.
-- Ah ! Pardon je pensais que tu l'étais avec ton... Style.
Naïm lâcha un petit rire discret et se gratta le nez avec son pouce. Évidemment qu'il avait un style pour plaire aux garçons. Il n'empêchait pas non plus pour plaire aux filles. Surtout quand il mettait des vêtements qui moulaient ses muscles et souriait avec sa cigarette à la bouche.
-- Je suis pas hétéro non plus.
-- Alors t'es bi ?
-- Pourquoi je devrais forcément me mettre une étiquette ? Je sais pas pour toi, mais je tombe pas amoureux d'un sexe, mais d'une personne. Je veux pas être nommé comme pan ou je sais pas quoi ! Je suis juste moi. Point.
Naïm lui envoya un regard qui se voulait strict. Pour lui, personne ne devait se sentir obliger d'avoir une étiquette. Que se soit pour les autres ou pour soi-même. Il ne dénombrait même plus les fois où il avait vu des personnes se prendre la tête pour ce genre de problème.
-- Et toi ? T'es quoi dans ce cas ? Je suppose que t'es hétéro. Avec ta belle gueule d'ange et ton petite sourire en coin. Pour sûr, tu fais craquer les filles. Surtout ta copine pot-de-glue.
Yoan rit de bon cœur en hochant la tête et retira un tube de nicotine de son paquet pour fumer à son tour. Le voir faire lui avait donné une irrépressible envie. Toujours le regard de l'autre garçon sur lui. Plus précisément sur les cicatrices à ses doigts.
-- Il t'es arrivé quoi ?
Le brun fixa sa main, comme s'il se rendait compte pour la première fois de ses blessures et alluma sa cigarette en tremblant.
-- J'invente de nouvelle histoire à chaque fois. Qui ne font pas pleurer les gens, de préférence.
-- Il me tarde d'entendre l'une d'entre elles.
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