Prince

Prince
he / him, il
20 ans

★彡 。 Spécial

Trigger warnings
Violence, abus domestiques, abandon, mort, abus sexuels

Nom : Colin

Colin est un nom de famille populaire dérivé de Nicolin, Nicole ou Nicolas. C'est un nom issu du grec niké signifiant victoire et de laos qui veut dire peuple, signifiant donc en tous peuple victorieux. Du point de vue de Prince, c'est un nom qui lui fait surtout penser au poisson, donc c'est un nom de merde, mais bon on fait avec ce qu'on a.

Prénom : Prince

Si Prince déteste son nom de famille, il le déteste encore plus en combinaison avec son prénom. Prince Colin, ça sonne comme si Colin était son prénom et Prince une forme de titre royal. Ça fait ridicule. Prince préfèrera largement se présenter avec son prénom tout court, rien de plus.
Mais Prince, ça aussi c'est un prénom bien prétentieux et nul. Comment des parents pourraient appeler leur fils comme ça, ça fait vraiment étrange. Mais c'est le cas de Prince, et le pire c'est que l'idée ne vient même pas de ses parents, de l'amour qu'ils lui portaient ou quoique ce soit d'autre un peu romantique et affectueux. Non, c'est un prénom trouvé sur internet quand on tape « fête prénoms 25 septembre », ce qui est la date de naissance de Prince. Donc oui, Prince s'appelle ici parce qu'il est né un 25 septembre et c'est la fête des Prince ce jour là (mais aussi la saint Hermann, Silouane ou Anatole... et Prince préfère encore son prénom plutôt qu'un des trois autres).

Sexe et genre : masculin

Âge : 20 ans, bientôt 21
Date de naissance : 25 septembre 2000

Signe astrologique : balance
— ordonné, charismatique, pacifiste

MBTI : ESTP entrepreneur (jaune)
— rationnel, attentif, fermé

Orientation sexuelle et romantique : Prince est pansexuelle ; tant que c'est un corps humain, il se fiche bien du genre. Ça n'a jamais été difficile à assumer pour lui, au contraire d'ailleurs on ne lui a jamais posé trop de questions sur le sujet donc il n'a même pas eu besoin de chercher une quelconque justification. Et il sait très bien faire taire ceux qui l'embêtent un peu trop quant à sa sexualité.

Objectifs : actuellement, pas trop d'objectifs dans la petite tête de Prince. Et pourtant, il est ambitieux, il adore relever les défis et se surpasser. Ces derniers temps cependant, juste survivre est bien suffisant. Avant, il voulait faire un groupe, puis prendre le contrôle de la ville, créer tout un système pour inclure les Specials dans la société. Il se pensait capable de construire tout ça, parce qu'il avait Javaïd, il avait des amis, il avait suffisamment de nourriture pour ne pas avoir à s'inquiéter de la taille de ses vêtements, dans lesquels il flotte maintenant. Avoir des vêtements à sa taille, ça ce serait un objectif pas mal pour le moment.

Groupe : les Animas. Même si Prince n'est plus dans le groupe depuis longtemps, il se considère toujours comme son créateur, son chef et comme un membre à part entière. Un chef, même. En plus, beaucoup doivent le connaître sous ce rôle, puisque les Animas sont célèbres. Ce sera toujours dur pour lui d'avouer que ce n'est plus son groupe ou qu'il n'en fait plus partie.

Repaire actuel : Prince traîne au hasard dans la ville et ses alentours. Il ne veut pas rester au même endroit de manière prolongée, ça l'angoisse plus qu'autre chose maintenant. Alors il se promène, établit un campement pour la nuit, repart le matin. Il n'a pas de repère, pas de maison, pas de camp. Cependant, il lui arrive souvent de revenir chez Lunares.

Physique

Faceclaim
— Dane Dehaan

Blond, yeux bleus, pas très grand en taille, physiquement Prince n'est pas celui qu'on remarquerait le plue au milieu d'une foule. Avec ses 1m76, taille qu'il déteste profondément depuis que son petit frère l'a dépassée et pas lui, il ne semble pas particulièrement imposant ou digne de retenir l'attention au premier coup d'œil. Et d'ailleurs Prince a souvent joué sur cette particularité, puisqu'elle lui a souvent permis de passer inaperçu sans qu'on ne lui pose trop de questions sur les blessures qui parsemaient trop souvent sa peau.

Mais en opposition à son physique discret, Prince a beaucoup de charisme. Cela se voit dans sa manière de se tenir, toujours le dos très droit malgré les coups, le menton relevé, les épaules détendues ; ou bien dans sa façon d'observer ce qu'il a autour de lui avec son regard bleu glacé attentif, capable de capter ce à quoi la plupart ne porte pas attention.

Sa peau blanche, qui prend les coups de soleil bien plus facilement qu'elle ne bronze, a au moins le mérite de faire ressortir la couleur de ses lèvres fines, qui se courbent avec facilité dans un sourire léger. Prince n'est pas le plus expressif, mais il sait très bien modifier ses traits de manière à se faire apprécier des autres, ce qui a souvent donné l'illusion qu'il était très sociable. Il sait faire le regard attentif et plein de compassion, il sait sourire sans que cela ne sonne jamais faux (et en plus, il a ce genre de rire et sourire communicatifs, qui donne instantanément envie de l'imiter aux autres). Ça fait de lui un très bon manipulateur, déjà rien que par sa gestuelle. Il aurait été excellent en théâtre, s'il avait essayé.

Prince est quelque de très réactif. Il n'est pas du tout du genre à sauter de partout en permanence, il dégage au contraire quelque chose d'assez posé et ancré, par contre il a des réflexes absolument incroyables, qui en surprennent plus d'un. À force de constamment côtoyer la violence, Prince est capable de prévoir les mouvements des autres et de les bloquer ou bien les esquiver. Il est aussi très fort pour rattraper les objets, ce qui aurait fait aussi de lui un bon atout dans tous les jeux de ballons, là encore s'il avait essayé.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, Prince n'est pas un combattant. Il n'a rien d'un guerrier, pourtant quelque chose dans son apparence semble le suggérer à tort. Si Prince se bat, c'est par obligation et jamais par plaisir. Ça ne fait donc pas de lui le meilleur adversaire, même s'il peut tout de même se débrouiller, notamment parce qu'il connaît les points les plus douloureux (à force qu'on l'ai blessé à ces endroits) et puis parce qu'il est doué par esquiver (à force de constamment se prendre des coups inattendus).

On ne pourrait pas dire que son état s'est dégradé depuis la crise. Bien sûr, il est plus maigre qu'avant à cause de la famine. Mais il a toujours eu les mêmes cernes depuis ke début de l'adolescence, a toujours eu les mêmes bleus en permanence, les mêmes courbatures. La crise ne change pas grand chose de son point de vue. Par contre, il se cache moins, est peut-être plus affirmé. Il a vécu beaucoup depuis l'apparition des premiers liés et c'est évident que ça l'a changé.


Caractère

Poli, courtois, charmeur, sympathique... on peut attribuer beaucoup d'adjectifs positifs à Prince. C'est même tout son objectif. Avec les années, Prince s'est construit toute une façade pour éviter les problèmes, cacher ses difficultés et la violence qui régnait chez lui, dissimuler son instabilité sous de jolies qualités. À force, cette façade est une part de lui et c'est un réflexe de l'ériger dès qu'il n'est pas avec quelqu'un de proche ou quand il se sent en danger.

Ce Prince là n'est pas méchant, mais on ne pourrait pas le dire gentil non plus. Il est calme, toujours très posé, voire même blasé. Il ne s'exprime pas beaucoup, cultive cette énergie mystérieuse qui intrigue autant qu'elle tient à l'écart. Ce Prince là est un bon soutien, quelqu'un qui donne des conseils facilement quand on le lui demande et a l'air de s'intéresser aux autres tant qu'ils font le premier pas. Il ne dit jamais rien de vulgaire ou de blessant, tient la porte aux gens qui passent après lui, dit bonjour dans la rue. C'est une personne polie, agréable, toujours contenue... jamais réelle.

Si Prince a d'abord érigé toute cette part de lui, c'est parce qu'il a été confronté à un changement brusque qui l'a heurté. C'était son moyen de se protéger, d'éviter les problèmes et puis d'enfermer les autres dans une illusion confortable. Après tout, s'ils ne savaient pas ce qu'il lui arrivait, alors ce n'était pas vraiment réel, on n'avait pas besoin d'y faire face. Mais ensuite, cette protection lui a semblé de plus en plus agréable, comme une armure. Prince s'y sentait en sécurité. S'il agissait comme ça, alors personne ne pouvait l'accuser de rien, on ne pouvait pas lui trouver de problème. Il n'avait pas besoin d'efforts. Alors, autant continuer.

Mais dès qu'on passe du temps avec lui, alors c'est possible de voir un peu plus loin que cette façade. C'est souvent à partir de là que les gens se lassent et s'agacent, parce qu'en fait Prince n'a rien de ce qu'il montre. Il est égoïste, hypocrite, il se sent supérieur aux autres. Il aime se mettre en valeur, porte peu d'attention aux autres. Il n'est pas courageux. Il n'est même pas poli, parce qu'il arrive à sortir une insulte presque à chaque fois qu'il parle. Il manipule. Il se moque des autres. Il est arrogant. Non, pas beaucoup de qualités ; quand on arrive au-delà de la façade, on a l'impression de ne trouver rien que des défauts. Et souvent, les gens s'en vont à partir de ce stade. Il est chiant, c'est vrai. Il est insupportable.

Inconsciemment, c'est peut-être même volontaire. Prince éloigne les autres de lui ainsi, chasse ceux qui le forcent un peu. C'est rapide, ça ne lui demande pas beaucoup d'efforts et, gros point positif, ça lui évite d'être blessé. C'est bien connu, les gens ne sont là que pour abandonner. Comme son père. Ou bien que pour faire du mal. Comme sa mère. Prince a eu beaucoup d'exemples de cruauté chez ses proches. Il n'a pas envie de tester plus. Alors il trie, il repousse, il énerve. C'est sa façon de se protéger.

Puis il y a ceux qui supportent, qui s'en amusent, qui ne se vexent pas. Ils ne sont qu'une minorité, mais ceux-là parviennent enfin à atteindre quelque chose de plus réel chez Prince, de plus humain. On y trouve un garçon perdu, un peu trop balloté dans tous les sens par la vie, qui s'y agrippe pourtant fermement à en faire saigner ses doigts. On y trouve sa loyauté enfin acquise, sa confiance, ses rires sincères et ses taquineries incessantes. On y trouve son envie de construire quelque chose d'autre, de ne surtout pas être oublié, de changer le monde. Il y a sa colère, destructrice, dangereuse, mais il y aussi ses peurs paralysantes et ses tristesses sans fins.

Lorsque Prince se libère complètement de son armure, on le voit tout entier, avec ses blessures, ses larmes, ses rires, tout ce qui est détruit et tout ce qui se construit.

Prince est quelqu'un de curieux, et surtout bec tout ce qui touche au savoir. Il aime la littérature, est passionné d'Histoire, s'intéresse à la science... Savoir, tout connaître, tout apprendre, c'est ce qui l'a toujours fasciné depuis enfant, un amour qu'il a souvent abandonné au côté de sa route, mais qui l'a sans cesse rattrapé. Prince est quelqu'un de très cultivé et ça surprend, surtout lorsqu'on le connaît en tant qu'élève. Il aime montrer son savoir, il est rassuré par l'idée de pouvoir connaître tout ça pour s'y rattraper. Il n'est pas rare qu'après une dispute violente, on le retrouve à étudier, parce qu'au moins c'est quelque chose qu'il contrôle et qui l'occupe suffisamment pendant assez de temps.

Prince n'aime pas la solitude. Quand on comprend ça, on comprend aussi pourquoi il n'a pas été célibataire plus d'un mois pendant des années. Il a besoin d'être touché, d'être entouré et ce même si ce n'est pas vrai, même si ça n'a rien de sincère. En fait, Prince est quelqu'un qui vit beaucoup dans les illusions, quelqu'un qui préfère cacher la vérité plutôt que lui faire face. Et ça couplé à son côté buté qui refuse d'abandonner quoique ce soit, ça devient impossible de le confronter à ce qu'il refuse.

Plus tôt, je disais Prince peu expressif, voire en fait pas du tout. C'est vrai. C'est d'ailleurs ce que la grande majorité dira à son propos. Prince ne s'exprime pas. Il ne s'exprime pas pendant les disputes, il ne s'exprime pas quand on lui demande son avis, il ne s'exprime pas quand on s'en prend à lui ou qu'au contraire on essaye de lui faire preuve d'amitié ou d'amour. Mais c'est n'est pas totalement ça. Prince ne s'exprime pas de manière conventionnelle. Il ne parlera pas souvent de ses sentiments avec les mots ou avec des expressions. Mais ça ne veut pas sire qu'elles ne sont pas là ou qu'elles ne se voient pas. On les voit sur son corps, dans ses yeux, autour de ses mains comme s'il essayait de les rattraper dans l'air. On le voit à ses manières d'agir, à ses silences ou à ses mimiques. Il suffit d'observer.

Et en tant qu'observateur, Prince est d'ailleurs très doué. Il est attentif aux détails, remarque ce qui a tendance à échapper aux autres. Ça aussi, c'est une manière pour lui d'avoir le contrôle, de le garder.

Parce que Prince adore être en contrôle, aime avoir du pouvoir. C'est d'ailleurs un très bon meneur, capable de réunir du monde autour de lui, même si ce n'est pas forcément grâce à la sincérité. Il garde son côté supérieur, et d'ailleurs c'est sans doute cela qui le rend sceptique quant à tout ce qui est spirituel ou bien religieux.

Et finalement, ce qui caractérise le plus Prince et ce que personne n'a jamais saisi chez lui, c'est la paralysie. Tout le paralyse. La peur, le stress, la pression, la colère... Prince est un enfant que sa mère a paralysé, enfermé dans un bloc de glace pour qu'il ne puisse plus jamais se défendre. Et c'est pour ça que, lors d'une dispute, on le pensera blasé ou désintéressé. C'est pour ça qu'il n'est pas capable de s'expliquer quand on l'accuse et lui crie dessus. C'est pour ça que, quand quelqu'un qu'il aime s'en prend à lui, il ne parvient jamais à se défendre ou à rétorquer. Prince est paralysé, depuis des années, et malgré ses efforts pour s'en sortir, le bloc de glace n'a pas l'air de fondre.

Lié

Forcément, il a fallu que le gars qui s'appelle Prince se retrouve lié au roi des animaux. Prince s'en amuse beaucoup, il moque le destin pour ces coïncidences. Quoiqu'il en soit, il ne changerait pour rien au monde. Être lié à un lion lui a offert bien des avantages au début de la crise et, lorsque lui et Javaïd ont commencé à créer les Animas, il se sentait plus écouté quand le félin était à ses côtés. Crainte ? Admiration ? Respect ? À voir selon les personnes.

Ensuite, il y a son nom. Niké est la déesse de la victoire. Donner un « nom de fille » à son lié mâle amusait Prince et il ne s'en est pas privé. En plus, la victoire, c'est quelque chose qu'il aime bien.
Mais Niké, à l'oral, ça fait assit niqué. Et c'est aussi un truc que le côté plus immature de Prince adore. Et comme le lié est censé être une partie de lui, y'a aussi son côté traumatisé et désespéré qui s'exprime ici. Après tout, il n'est juste qu'un pauvre gars qui s'est fait niquer par la vie et par le destin et qui rit de l'ironie avec laquelle il vit encore.

Niké est un fauve aux airs calmes, presque flemmards. Il préfèrera toujours prévenir en montrant les crocs avant de passer à l'attaque face à une menace, simplement parce que cette option demande beaucoup moins d'efforts. Pas qu'il n'aime pas la violence, au contraire même, Niké se déchaîne avec une grande facilité. Mais il y a un côté paradoxal que l'on retrouve en lui, entre colère et flemmardise.

En tous cas, Niké est assez obéissant envers Prince. Leur relation elle aussi est étrange, parce qu'on voit bien que Prince s'efforce constamment de garder le contrôle, et que de son côté Niké est un acolyte complaisant, du genre à te faire comprendre qu'il pourrait facilement renverser la situation, mais n'y voit pas encore d'intérêt. Ils s'agacent souvent tous les deux, les disputes ne sont pas rares (contrairement à ce qu'ils font croire aux autres). Niké rappelle à Prince tout ce qu'il n'aime pas chez lui, tout ce qui le dégoûte et l'enragé. Prince évoque à Niké une dominance bien trop stricte, qu'il a souvent bien envie de détruire, surtout qu'il l'a sait aussi fragile qu'un château de cartes...

On distingue l'espèce de Niké avec sa crinière abondante, qui montre qu'il est un lion d'Afrique. Son pelage est moins épais cependant qu'un lion d'Asie et il est également plus lourd et imposant que ces derniers. Plus de 225 kilogrammes pour Niké, quoique personne n'ai jamais essayé de le peser. Sa musculature développée lui permet de mettre à terre des proies pouvant faire plusieurs fois sa taille et ses crocs peuvent déchirer la peau épaisse de celles-ci (comme les gnous). Attention cependant à ne pas voir les griffes et les crocs comme les seules menaces : un coup de patte d'un lion assez puissant peut provoquer la rupture des organes internes et casser des os. Sympathique, toujours.

Le lion préféré vivre en groupe et Niké ne fait pas exception. Il a souvent cherché d'autres fauves de son espèce à Haut et a eu la chance d'en trouver. Généralement, quand il n'est pas avec Prince, c'est qu'il est allé à la recherche de ces derniers

Il consomme environ 7kg de viande par jour, parfois même 40kg lors des périodes de chance au milieu d'une famine. Cela fait beaucoup, alors Niké n'hésite pas à tuer quand il en a l'occasion. D'autant plus qu'il n'est pas le meilleur des chasseurs ; les lionnes étant meilleures que les mâles. Il aura tendance à faire des réserves de nourriture et ne se mettre à la chasse que lorsque celle-ci est épuisée, ou bien se nourrir de charognes qu'il trouve sur son chemin.

Lorsque Prince met Niké en mode passif, c'est une aura aux reflets dorés qui se forme autour de lui, rappelant la robe de sable du lion.

Famille

Mère — Emilie Dumas
Prince déteste sa mère autant qu'il l'aime. C'est une forte dualité qu'il entretien avec cette femme qui lui a donné la vie, pour ensuite s'appliquer à la détruire au maximum. Emilie battait ses fils. Elle les battait, mais elle les manipulait aussi beaucoup. Elle était alcoolique aussi. Prince n'était qu'un enfant et le piège s'est refermé sur lui bien trop vite pour qu'il se doute du danger. Il ne pouvait plus s'enfuir. Oh, il ne savait même pas s'il le souhaitait. C'était sa mère. Et il aimait sa mère. Jamais il n'a réussi à détacher la femme qui criait et le torturait de cette femme qui l'a mis au monde, le berçait petit et l'acceptait dans son lit lorsqu'il faisait des cauchemars. C'est compliqué, et je pourrai m'étendre sur le sujet pendant des heures et des heures. Mais ce n'est pas un sujet que Prince apprécie. Alors, si vous lui demandez ce qu'il pense de sa mère, il se contentera simplement de hausser les épaules sans rien dire.

Père — John Colin
Prince a moins de doutes envers son père. Disons que c'est plus facile de détester quelqu'un quand il n'est pas en face ou à côté pour le voir. John a abandonné sa famille, ses fils, il a abandonné Prince et il le déteste pour ça. Il lui en veut, beaucoup. Et il lui manque. Beaucoup. Enfant, Prince adorait son père. Du jour au lendemain, il était disparu.

Frère — Grayson Colin areuondrug
Avec Grayson aussi, c'est compliqué. Prince ne sait pas trop, c'est peut-être même avec Grayson que ses émotions sont les plus troubles. Ils se détestent, il ne se supportent pas, ils ne se parlent pas. Et en même temps, ils sont frères et jamais une seule fois Prince n'a cessé de s'inquiéter pour Grayson. Pas une fois il s'est complètement détaché de lui, pas une seule fois il s'est dit « je vis ma vie et tu vis la tienne, bye ». Et pourtant, n'est-ce pas l'impression qu'il donne à son frère ? Il ne sait pas. Il ne sait pas gérer tout ça. Avec Grayson, il a sans cesse l'impression d'être ramené à cette époque où il était un enfant impuissant devant tous les changements, qui pourtant s'efforce de protéger son petit frère, de faire barrière avec rien que son propre corps entre lui et sa mère. Parfois, Prince a l'impression d'avoir tout fait pour son frère... parfois il se dit ne pas avoir fait assez. En tous cas, il ne l'a pas revu depuis qu'il a tué leur mère et ne sait pas ce qu'il devient, où il est, s'il est vivant.

Relations

Javaïd WolfEye_
Javaïd. Rien que ce nom fait réagir Prince. Javaïd a d'abord été son meilleur ami, le plus proche qu'il n'ai jamais eu. Ils se connaissent depuis l'enfance et ont pratiquement grandi ensemble, dans des foyers similaires dans lesquels la violence régnait. Puis, ils sont tombés amoureux. Prince est tombé amoureux de son meilleur ami et s'en est rendu compte trop tard, puisque celui-ci était en prison. Lorsqu'il est ressorti, ils étaient en couple. Ça a duré plusieurs années, ils ont construit quelque chose d'incroyable ensemble, ils ont sauvé les Specials. Et ils se sont séparés. Et Prince ne s'en remet pas. Est-ce qu'il l'aime encore ? Non. Peut-être. Oui. Oui oui oui. Toujours.

Loriane morte
Là aussi, il y a une certaine dualité. Prince a toujours beaucoup aimé Loriane, dès qu'il l'a rencontrée. Elle était gentille, elle faisait attention à lui, elle avait l'air de le comprendre. Et surtout, elle lui offrait une refuge : lorsque ça n'allait pas, il se cachait dans sa grande maison vide le temps que l'orage passe. Et Loriane le consolait. Leur relation a toujours été étrange, surtout vue de l'extérieur, car Prince ne se posait pas beaucoup de questions. Loriane était une sorte de grande sœur, une grande sœur aux airs maternels qui l'embrassait quand même régulièrement et couchait beaucoup avec lui. Ils étaient proches, tactiles, mais lorsqu'on les voyait, on ne pouvait s'empêcher de ressentir quelque chose de malsain. Trop de mauvaises choses pour que ce mélange fasse quelque chose de bien. Et c'est ce qui est arrivé. Loriane a tout ruiné.

Mage
C'est le meilleur ami de Prince. Ils sont très proches tous les deux, se connaissent depuis petits, ont l'impression d'avoir tout vécu ensemble. Il n'y a rien de plus, leur relation est simple mais très forte. Ils ont été ensemble pendant un moment, sont restés amis après et se sont encore rapprochés avec la crise. Ils n'ont pas besoin de parler beaucoup pour se comprendre, ils se soutiennent et s'entraident, les grands discours sentimentaux entre eux n'ont jamais été nécessaires.

Darius lisxuillee et Payge areuondrug
Comme avec Mage, Prince est proche d'eux, ce qui reste assez rare dans ses relations. Il apprécie beaucoup à la fois Darius et Payge et aime bien passer du temps avec eux. Il ne sait pas ce qu'ils deviennent depuis la crise, puisqu'il n'a pas de nouvelles d'eux.

Mars morte et Cannelle
Prince les a connues par Mage et Loriane. Il les aime bien, sans être spécialement proches d'elles. Mais Mage était en couple avec Mars et très proche de Cannelle, alors il les appréciait pour son meilleur ami. Plus tard, Mars a aussi fondé un groupe et il l'a beaucoup soutenue dans ce projet et Cannelle était avec les Animas et c'est lui qui l'a nommée lieutenante. Il sait que Mars est morte, n'a aucune idée de ce que Cannelle est devenue depuis la chute des Fantômes.

Ziomara
Ziomara est la femme de Loriane. Prince ne la connaît pas bien et donc agit derrière sa carapace avec elle. Il est hypocrite, poli, mais il ne s'intéresse pas à elle. Pire, il évite que ce soir le cas, parce que Loriane a souvent couché avec lui alors qu'elle était en couple avec Ziomara et il préférerait éviter les problèmes.

Arthur WolfEye_
Pareil, avec Arthur, Prince est derrière son masque. Il l'apprécie, s'il était ennuyé par sa présence il l'éviterait, mais il n'est pas proche de lui. Arthur a sans doute l'impression qu'il s'entend très bien avec Prince, et c'est normal, c'est ce qu'il souhaite faire croire. En réalité, il se préoccupe assez peu de lui.

Hippolyte, Aslan, Sinnead, Garance
VentNoir137 Shivahe
Pareil pour tout ce petit monde, avec qui Prince semble bien s'entendre sans vraiment être intéressé. Il a peut-être été en couple avec quelques-uns, rien de très marquant cependant.

Lunares Shivahe
Avec Lunares, Prince est mitigé. Elle lui a sauvé la vie, donc il devrait déjà être reconnaissant. En tous cas, avec elle ça dépend des jours, parfois il est derrière sa carapace, parfois pas. C'est compliqué et ça l'embête, et en même temps ça le rend plutôt curieux.

Tous ses exs (qui n'ont pas été mentionnés plus tôt)
Xanthe, Uslan, Zenon, Griffin
lisxuillee areuondrug WolfEye_

Histoire

C'est un 25 septembre que nait Prince, premier enfant d'un couple de jeunes amoureux bien partis pour mener une vie paisible et belle. Sa naissance n'est sans doute pas vraiment prévue, mais Emilie et John l'acceptent avec amour et enthousiaste tout de même. Deux ans plus tard, c'est au tours de Grayson de naître et voilà la famille complète.

Prince grandit, entre à la maternelle, se fait ses premiers amis. À la maison, tout va bien et chacun s'installe dans un quotidien agréable, ou du moins c'est l'impression qui est donnée. L'été, ils partent en vacances à la montagne, Prince est malade en voiture et c'est sans doute ça, la plus grosse difficulté de sa vie.

Ils étaient dans la voiture. Ils allaient à la montagne. « Pour les vacances », avait dit son père.

Prince maudissait ces vacances et cette destination. La tête penchée vers le sac plastique qu'il tenait, il se plaignit une énième fois. Douloureusement, il vomit le reste de son repas de midi.

— Mon petit, ça va ?

Prince croisa le regard de sa mère. Ses parents ne l'appelaient jamais par son prénom, comme une forme de honte d'avoir attribué un tel nom à un gamin, se disait-il. Une sorte de honte de lui avoir donné à lui, parce qu'au fond il n'avait rien de princier. Dommage qu'ils l'aient découvert trop tard, apparemment ils étaient bien les seuls à ne pas l'avoir sur dès le départ.

— Non, ça va pas, cracha-t-il. Et arrête de me toucher, toi !

Il repoussa violemment le bras tendu de son frère et lui lança un regard furieux. La petite main, auparavant posée sur les cheveux de l'aîné, battit immédiatement en retraite. Grayson se mit à pleurer et Prince râla de plus belle, puis se défendit rageusement quand sa mère le réprimanda pour avoir fait pleurer son frère.

Les trajets en voiture mettaient toujours tout le monde de mauvaise humeur, de toute manière. Lui le premier, puisqu'il se retrouvait à rendre tous ses repas au premier virage un peu trop brusque.

D'ailleurs, son visage blanchit brusquement, comme s'il n'était pas déjà assez pâle. Le jeune garçon geignit de plus belle. Il y avait une drôle de sensation nichée au creux de son ventre, lui rappelant une illusion de chute interminable.

Ah non, ça n'allait pas. Sa mère avait été bête de demander, même. Ça n'allait pas du tout. Prince avait l'impression qu'il allait mourir... et si c'était vraiment le cas ?

La peur l'envahit soudain. Il n'avait pas envie de mourir. Pas maintenant. Il était enfant encore et il voulait au moins pouvoir fêter son anniversaire avant de mourir. Un goût désagréable brûla sa gorge, suivit d'un son étranglé. Tant bien que mal, Prince tenta de garder son calme.

— Papa, comment on sait qu'on va mourir ?

Son père avait l'air plus renseigné sur la chose que sa mère. Une intuition. En tous cas, ce dernier se tourna vers son fils, et la mère protesta immédiatement, parce qu'il était en train de conduire.

— Quand tu n'arrives plus à faire un poing pour donner une bonne raclée à la vie et ceux qui t'embêtent.

Il avait répondu sans hésitation, comme si la réponse était évidente, comme si tout était aussi simple que ça. Un poing. Il ferma sa main en démonstration et ajouta :

— Regarde. Avec ça je sais que j'ai encore beaucoup de temps à vivre.
— Pas si tu ne regardes pas cette foutue route, John, merde !

S'ensuivit une discussion, quoique plutôt une dispute, mais de toute manière Prince n'y prêta pas attention. Il observait sa main. Avec une extrême lenteur, parce que cela semblait être une action importante, il ferma ses doigts et observa son poing. Il était encore en vie. Il n'allait pas mourir.

Grayson avait apparemment arrêté de pleurer. Prince jeta un regard à son frère, puis observa sa main, celle qui avait effleuré ses cheveux un peu plus tôt. Doucement, il replia uns à uns les petits doigts de son petit frère. Il fit gentiment cogner leurs deux poings.

— Comme ça, toi non plus, tu vas pas mourir.

Prince est un enfant intelligent, stable, qui se démarque à l'école pour sa curiosité et sa soif de savoir. Sociable, il n'a pas peur des autres et se lie sans problème avec les autres enfants. Il adore son petit frère, Grayson, et prend très à cœur son rôle d'aîné. C'est une fierté pour lui, et il se vente à qui veut l'entendre d'être grand frère, et même le meilleur qui soit.

Et puis un jour, tout change. Prince ne s'en rend pas compte tout de suite. Il a sept ans, lui et son frère vont à l'école, il se dit simplement que son père est parti plus tôt au travail et puisque sa mère n'a pas l'air inquiète, il ne s'inquiète pas non plus. Le soir quand ils reviennent, John n'est toujours pas là. « Encore au travail ? » demande Prince. Sa mère ne lui donne pas de réponse claire.

Les jours passent sans aucun signe de John. Emilie s'angoisse et cette fois c'est bien visible. Prince commence à paniquer à son tour. Pourquoi est-ce que son papa n'est plus là ? Emilie dit qu'il est parti. L'enfant entend la colère dans sa voix et ça le fait frissonner, parce que sa maman lui fait souvent peur quand elle s'énerve. Il évite de reparler de ce sujet.

Pas plus d'explications. Emilie n'en a pas, ou bien elle ne les donne pas. John ne revient pas non plus pour les livrer. Du jour au lendemain, Prince et Grayson n'ont plus de père, comme s'il n'avait jamais existé.

À partir de là, ils arrêtent d'aller à la montagne en été. Ils arrêtent de partir en vacances ou de faire des week-ends en famille. Emilie se renferme sur elle-même et Prince se tend, parce qu'il sent que rien n'est normal. À l'école, il devient plus turbulent, se dispute plus souvent, dérange la classe. Les professeurs s'en agacent, prennent des rendez-vous, se désolent de sa mauvaise attitude alors qu'il était un si bon élève, alors qu'il est si intelligent.

Quelques mois après le départ de John, Emilie lève la main sur ses fils pour la première fois. Elle les frappe. Ce jour reste définitivement gravé dans la mémoire de Prince. On ne l'avait jamais frappé avant. Mais là c'est pire encore, parce que c'est sa mère, sa maman, la personne en qui il est censé donner toute sa confiance.

Un part de cette confiance se brise ce jour-là.

De plus en plus, la violence s'empire. Prince a huit ans et a des bleus sous ses vêtements lorsqu'il va à l'école. Il ne veut pas rentrer chez lui. Il est qualifié d'élève perturbateur, mal vu des professeurs. Il s'éloigne de ses amis, se renferme sur lui-même.

Les signaux devraient montrer quelque chose. Et d'ailleurs, un jour, une maîtresse vient à sa rencontre. Elle lui demande si à la maison, tout va bien. Peut-être qu'elle parle trop, peut-être qu'elle lui fait peur, peut-être que Prince n'est pas prêt à être confronté au sujet. En tous cas, il secoue la tête et s'enfuit. Ce jour-là, sa mère est furieuse. Elle a reçu un appel de la même maîtresse et accuse Prince. Elle lui ordonne de répéter tout ce qu'il a dit, le traite de menteur quand il dit la vérité. Le lendemain, Prince ne va pas à l'école, parce qu'il est trop blessé pour ça. Les jours suivants, il garde une distance avec la maîtresse et tous les autres adultes.

Prince avait huit ans et des bleus cachés sous son col. Il courait dans la cour de récréation ; il fallait fuir le chat. Javaïd le rattrapa et tira son teeshirt, révélant l'hématome.
— C'est toi... qu'est-ce que tu t'es fait ?
Le blond balaya la question d'un geste.
— Cours, sinon je vais te toucher et tu vas redevenir le chat.
Javaïd ne répondit rien. Mais en reculant de quelques pas, il remonta sa manche, laissant apparaître une blessure similaire. Ils échangèrent un sourire et la course recommença.

Prince rencontre Javaïd. Ils jouent ensemble lors des récréations et c'est bien. Ils savent qu'à la maison, ils vivent la même chose. Pas besoin d'en parler, c'est juste réconfortant de savoir qu'ils ne sont pas seuls.

Il se rapproche aussi de Mage. Il a un an de plus que lui, mais ils s'entendent bien et deviennent rapidement bons amis.

À la maison, la situation ne fait que s'empirer. Prince emmène Grayson dans sa chambre et bloque sa porte pour empêcher sa mère d'entrer. La terreur se glisse sous les meubles, sur les murs, même dans la nourriture. Prince est sans cesse en train de redouter un soudain éclat de rage pendant le repas, pendant qu'il prend sa douche, pendant qu'il dort, pendant qu'il fait ses devoirs... Sa mère est terrifiante et il apprend à faire au mieux pour ne pas provoquer sa colère. Si à l'école c'est un enfant terrible, chez lui il est poli, soumis, discret, serviable et obéissant. Il devient l'archétype de l'enfant « parfait », celui qui ne pose pas de problème aux parents, qui repart ses bêtises tout seul, qui surtout n'exprime jamais ses émotions, ne donne jamais son avis, ne se plaint jamais, ne pose jamais de problèmes.

Prince est n'encore qu'en primaire mais il sait que son enfance est terminée. À la place, il essaye d'en donner une à son petit frère, tant bien que mal, douloureusement. Il le protège comme il peut, vole de l'argent à sa mère pour lui acheter des bonbons après l'école, se lève tôt pour regarder des films avec lui pendant qu'Emilie dort encore.

Mais il est un enfant. Et c'est trop.

La nuit, Prince s'enfuit. Puisqu'il ne peut pas vivre en journée, trop entravé par l'école et sa mère et son frère, alors il décide que ses moments à lui seront ceux sous les étoiles. Il rejoint Javaïd, ils soignent leurs blessures, se parlent pendant des heures.

À cause de ses excursions nocturnes, Prince troque son attitude bruyante à l'école contre un peu de sommeil. Maintenant au fond de la classe, il dort la tête dans ses bras pour essayer de diminuer au moins un peu l'étendue des cernes qui soulignent son regard bleu déjà trop mature pour son âge.

Tout est bancal, tout est interminable, mais le temps finit par passer. Prince arrive au collège, sans grands espoirs pour les années à suivre. Il garde ses amis actuels, mais découvre aussi tout autre chose : les couples. Et Prince est seul. Il se sent seul. Il n'a plus de parents et sait qu'il ne peut pas trouver ce qu'il cherche chez ses amis et encore moins son frère. Il veut être touché. Il veut être important. Il veut avoir des gens autour de lui, même si c'est une illusion, parce qu'il n'y arrive plus et sa vie devient insupportable.

Alors il commence à sortir avec des gens, se mettre en couple avec eux. Filles, garçons, peu importe tant qu'il y a un corps humain en face de lui. Ses relations ne durent pas longtemps, la plupart s'agacent avec lui, parce qu'il est hypocrite et pas très chaleureux et fermé et mystérieux. Il est faux.

— Nous deux, c'est terminé. 
Un silence.
— Ok.
— Ok ? C'est tout ce que tu trouves à répondre, connard ?
— Oui. Si tu veux partir, je ne vais pas te retenir.
Un rire sec et Prince se tendit. Il replaça ses appuis, l'air de rien ; il ne se préparait pas au combat, mais à recevoir des coups.
— Tu tiens si peu à moi ? Je sais pas, ça va faire deux mois qu'on est ensemble, ça veut rien dire pour toi ?
— Je sais pas, t'es libre. Tu fais ce que tu veux.
— Une autre... ou même un autre ! ça ne changerait rien du tout pour toi, c'est ce que tu me dis ?
Il ne répondit rien. La fille voulut le gifler, mais Prince attrapa son poignet avant qu'elle ne le touche. Doucement, il lui sourit.
— J'ai toujours été gentil avec toi. N'essaye même pas de me faire du mal.

Peu importe les disputes, la réputation qui se forme autour de lui. Prince s'accroche de toutes ses forces à la vie, seulement personne n'est conscient de son combat qui dure pourtant depuis des années. C'est normal, puisqu'il s'applique à surtout n'en montrer aucun signe. Depuis que la maîtresse de primaire s'est intéressée à lui, il dissimule toutes suspicions avec de plus en plus d'habilité. Personne ne doit savoir, d'abord parce que c'est dangereux, pour lui et Grayson. En plus, parce que c'est humiliant. Il ne veut pas qu'on sache qu'il est battu par sa propre mère, qu'il a peur de rentrer chez lui et d'affronter sa rage. Et puis, à quoi ça servirait ? Il ne veut pas aller en famille d'accueil ou en orphelinat. Il ne peut pas non plus faire ça à Grayson, ce n'est pas juste. Et s'ils étaient séparés ? À treize ans, Prince se promet qu'à ses dix-huit ans, il essayera d'obtenir la garde de son frère et ils partiront d'ici.

Préoccupé par ce nouvel objectif, Prince daigne s'intéresser un minimum à l'école. Il se dit que pour obtenir la garde de son frère, alors il doit être intelligent et avoir un minimum de débrouiller. Ses notes deviennent excellentes ; on ne peut pas en dire autant sur son attitude. Prince est le genre à avoir des moyennes incroyables affublées de commentaires agacés et déplorants ses manières. Mais il en tire une certaine fierté. Les professeurs ont beau le détester, ils ne peuvent nier son niveau académique excellent. Prince s'en vante à qui veut bien l'entendre. Il découvre qu'il se délecte d'être le meilleur, adore son semblant d'invincibilité, apprend qu'il a bien plus d'ambition qu'il ne le pensait.

Le temps passe, les années s'écoulent. À la maison, rien ne va mieux. Prince, qui pensait pouvoir s'habituer, ne s'habitue en fait pas du tout. La violence est aorte entière de son quotidien, et pourtant il se retrouve toujours paralysé face à elle, sent toujours son ventre se nouer lorsqu'elle apparaît. Non, il ne s'y habitue pas. Elle est familière, et pourtant il n'y a jamais eu rien de plus étranger que ça.

Il rentre au lycée. C'est vers cet âge-là qu'il rencontre Loriane. Ils se rapprochent, elle lui présente ses amis, il lui présente Mage et Javaïd. Ensemble, ils organisent une rencontre entre Mars et Mage, ce qui les rend encore plus complices. Quand Prince n'est pas en couple, alors c'est elle qu'il va voir.

Il se rapproche aussi de Javaïd. Ils passent leurs vacances ensemble, se cachent de leurs familles. Il leur arrive de fuir l'école aussi pour se réfugier dans la forêt, tous les deux. Là, ils traînent dans les ruines pendant des heures.

Quelque chose que Prince aimait bien à propos de l'été : le soleil et l'absence de l'école. C'était tout. À part ça, il détestait l'été. Beaucoup de monde partait en vacances et il se sentait seul, abandonné avec les souvenirs de ses propres voyages qui dataient de longtemps, quand son père était encore là. Il serait les poings et s'agaçait d'être encore si vivant. Et il s'ennuyait. Beaucoup.

C'était à cause de cet ennui qu'il avait un jour entraîné Javaïd au fond de la forêt, là où il y avait les ruines. C'était interdit d'accès pour risques de chutes et de blessures. Les autres ruines plus loin ou même celles du zoo étaient plus sûres et donc plus fréquentées. Malgré le danger, ici l'avantage était qu'il n'y avait jamais personne.

C'était en été qu'ils passaient le plus de temps là bas, en se cachant des quelques gardes forestiers qui venaient patrouiller. Se faire trouver ici n'était pas une option : Prince s'imaginait mal devoir confier à sa mère qu'on lui avait collé une amende.

C'était une autre chose que Prince détestait pendant l'été. Sa mère. Avec l'attention de l'école en moins, la moindre excuse servait pour qu'elle décharge sa colère sur lui ou Grayson. En été, pour ne rien arranger, elle était encore plus sur les nerfs. Prince s'imaginait que c'était à cause des vacances, du fait qu'ils ne partaient pas et ne le feraient jamais, parce qu'un membre de la famille avait décidé de se barrer pour une durée indéterminée – sans doute l'éternité.

Alors voilà que Prince passait ses journées et parfois ses nuits à traîner dans la forêt. Il était bien ici. Ni sa mère ni Grayson ni personne ne pouvaient le trouver. Seul Javaïd connaissait l'endroit. Javaïd et lui.

Par ici, les ruines ressemblaient encore à une sorte d'habitation. Ça aurait été une maison, avant.

Pendant des mois, Javaïd et Prince se sont appliqués à rénover l'endroit. Lorsqu'ils se sont fait surprendre par un garde forestier – c'était inévitable – ils l'ont miraculeusement convaincu de les laisser tranquille. Peut-être a-t-il été adouci par les bleus et blessures qui ornaient leurs corps. Peut-être était-il simplement sympathique. Prince ne se questionnait pas beaucoup sur ça.

Une fois la menace des gardes éloignée, tout a été plus facile. Rénover l'endroit demandait des efforts et n'avait pas grand chose d'utile en soi, mais Prince se plaisait dans cette activité. Et il ne se laissait pas de la partager avec son meilleur ami.

Javaïd est partit en prison et Prince est resté. Il a continué. Quand il est revenu, il y avait maintenant une espèce de prison improvisée au sein de leur domaine secret. Prince a sourit. « Puisqu'ils sont pas foutus d'enfermer les propres personnes, j'ai créé la mienne. » Pas qu'il comptait s'en servir, mais c'était marrant. L'endroit lui permettait de refaire le monde, de le modifier et de le contrôler à sa guise. Quelque part, c'était peut-être tout ce dont il avait besoin pour mettre de côté la colère de sa mère, les disputes avec Grayson, la violence, l'impuissance, l'injustice, l'école, le monde, tout. Peut-être qu'il avait simplement besoin de ça : un domaine caché et Javaïd à ses côtés.

Prince s'éloigne aussi de plus en plus de son frère. Il passe beaucoup moins de temps avec lui et quand c'est le cas ils se disputent violemment. Ils nourrissent une certaine rage l'un pour l'autre : Prince pour avoir l'impression de sacrifier une trop grosse partie de sa vie pour son frère ; Grayson pour estimer que son frère n'est pas assez là pour lui. Ils s'en veulent tous les deux et c'est injuste, parce qu'ils n'avaient à gérer rien de tout ça. Mais c'est le cas. Et ils s'en veulent.

Ils s'éloignent de plus en plus. De toute façon, Grayson traîne dans les fêtes le soir et a ses amis la journée. Prince le laisse faire sa vie. Lui aussi à ses méthodes pour fuir Emilie.

Juste avant que Prince et Javaïd n'entrent en première, Javaïd est envoyé en prison. Prince a à peine le temps de comprendre ce qu'il se passe que son meilleur ami de toujours est emmené loin de lui. Ça le fait bouillir de rage et son impuissance lui paraît humiliante. Il se rabat sur Loriane et Mage, mais ils ne sont pas toujours là, alors il fait la rencontre de Darius et Payge. Ils sont de bons amis (et aussi de bons exs) et Prince aime bien passer du temps avec eux pour se distraire de l'absence de Javaïd. Durant cette année, il est presque constamment en couple, sautant d'une relation à l'autre à toute allure.

— Tu comptes venir me voir chaque fois qu'on te lâche ?
Loriane tendit une cigarette à Prince. Il la remercia vaguement et s'occupa de l'allumer, en haussant les épaules.
— Peut-être.
— T'as un sérieux problème, mec.
— T'es mal placée pour parler.
Elle rit en réponse, lui fit un doigt d'honneur. Prince se contenta d'un demi sourire.
— Alors, petit, raconte moi.
Comme ses parents, elle non plus ne l'appelait pas souvent par son prénom. Question d'égo, peut-être, à l'idée d'appeler un autre ainsi. Parfois, il avait l'impression qu'elle était jalouse. Loriane, en même temps, c'était commun comme prénom. Passe-partout.
— Y'a rien à dire.
— Alors parle moi de ton copain.
— Qui, Javaïd ?
— De qui d'autre je pourrai parler ?
— N'importe qui ayant vraiment été mon copain. J'ai jamais été avec Javaïd. On est juste amis.
— Oh, ose me dire que tu meurs pas d'envie de plus...
Elle se rapprocha de lui et il sentit son souffle sur ses lèvres. L'air de rien, il s'installa plus confortablement sur le canapé.
— Il est en prison de toute manière.
— Il sort quand ?
Prince se crispa. L'intérêt de Loriane pour Javaïd ne lui plaisait pas. Ce n'était pas étonnant que ça l'agace, mais il y avait une forme de malaise qui le surprenait. Il attira Loriane vers lui.
— Tais toi. Arrête de parler de lui.
Ils s'embrassèrent. Les mains de Loriane glissèrent sur lui, douces et savantes, comme si elles connaissaient son corps mieux que personne. Prince ferma les yeux. Ils ne dirent plus rien.

Dès l'année terminée et le retour de Javaïd, ils se mettent en couple. Prince a considéré une véritable torture le fait d'être séparé de son meilleur ami si longtemps. Et il se rend compte qu'il l'aime. Il aime Javaïd comme il n'a jamais aimé personne avant. C'est nouveau, mais c'est familier, apaisant.

Prince passe en terminale. Javaïd redouble, alors il est dans le niveau en dessous, ce qui l'embête pas mal, mais il s'en remet puisque ça ne les empêche pas de passer beaucoup de temps ensemble. Il passe son bac. Son anniversaire arrive, il a dix-huit ans.

Et maintenant ?

Prince ne sait pas. Il est complètement perdu.

Il pourrait partir. Quitter Haut, s'éloigner de sa mère, lâcher Grayson. Il est majeur, maintenant. C'est le moment qu'il attendait, adolescent, le moment qu'il imaginait en boucle le soir avant de dormir. Alors pourquoi ne sait-il plus quoi faire ?

Il n'a pas d'argent. Il ne peut pas partir. Et, à sa grande surprise, Emilie ne souhaite pas son départ non plus. Prince s'inscrit à la fac, juste histoire de faire quelque chose de sa vie. En parallèle, il fait plusieurs boulots pour gagner de l'argent. Il renoue avec son lui de treize ans : il va gagner assez d'argent pour sortir Grayson de l'enfer que leur fait vivre Emilie. Hors de question qu'il s'en aille en le laissant là. Et hors de question qu'il s'en aille sans Javaïd, alors cette année de préparation lui permet de laisser à son copain le temps de passer le bac.

Mais la crise arrive et casse tous les plans de Prince. Tout s'emmêle soudain, le chaos s'installe, il a du mal à trouver du travail. L'atmosphère à la maison devient insoutenable. Et un jour, lors d'un éclat de colère particulièrement violent de la part d'Emilie, Grayson se lie. Et il tue sa mère. Et Prince se lie à son tour.

Grayson s'enfuit.

Emilie est morte.

Prince ne peut plus bouger, trop sous le choc pour faire quoique ce soit.

Juillet 2019. Le chaos à Haut.

Prince attendait au coin d'une rue, fusil à la main. À côté de lui se tenait un lion sans nom ni parents, dont l'existence restait inexplicable. Cela faisait un mois qu'ils se connaissaient, c'était à la fois trop et pas assez.

Des éclats de voix retentirent. Prince retint son souffle et posa sa main à plat sur le dos de son lié. Attends.

Silence à nouveau. Puis, un hurlement. Prince plaça son fusil. Il tira. D'autres cris suivirent la détonation, mais le blond fronça les sourcils, car il n'y en avait aucun qui évoquait la douleur. Il avait raté sa cible.

À nouveau, il effleura la fourrure du lion. Attends. Il tira à nouveau. Cette fois, le son des voix qui lui répondirent le satisfit assez. Il sourit et pointa la scène du doigt. Immédiatement, son fauve bondit en avant.

Quand il revint, sa fourrure maculée de sang, Prince était assit par terre. C'était à son tour d'attendre. Le lion s'arrêta en face de lui et le garçon enfouit ses mains dans sa crinière, se rapprochant de lui jusqu'à ce que leurs fronts se touchent.

Depuis deux semaines, ils défendaient leur territoire. Personne ne pouvait s'approcher d'eux sans y risquer sa vie. Specials, Chasseurs ou humains, cela importait peu, ils étaient des ennemis. Et Prince avait quelque chose à protéger.

Et il vire à la folie. Peut-être que c'était destiné, que c'est dans ses gènes parce qu'il est le fils d'Emilie et que Emilie est folle. En tous cas, Prince sort de chez lui, secondé par son lion, et laisse le cadavre à l'intérieur de la maison. Lui, il reste sur le palier. Il ne peut pas abandonner le corps de sa mère. Mais il ne peut pas non plus l'enterrer. S'il n'ouvre plus la porte d'entrée, alors il peut garder l'illusion que tout ça est irréel. C'est mieux comme ça.

Prince se réveilla en sursaut, alerté par un craquement. Le regard encore brillant de sommeil, il observa autour de lui et siffla entre ses dents, agacé de s'être endormi.

Il était assit devant la porte de sa maison, sur les quelques marches devant l'entrée. Il faisait froid et nuit noir, la pierre dure n'était pas confortable, mais il ne supportait pas l'idée de rentrer à l'intérieur. Alors, voilà qu'il passait ses heures de repos sur ces marches ou bien caché dans le jardin, à somnoler inutilement, recroquevillé sur son fusil. Il se dit que ce n'était pas prudent, un faux mouvement et voilà qu'il pourrait se tirer dessus, s'exploser la tête et mourir. Les fusils n'étaient pas des jouets. Il avait entendu parler de ce gamin qui avait tué sa sœur lors d'une partie de chasse familiale. L'événement avait fait du bruit, ils en avaient entendu parler dans les médias locaux pendant des semaines. Tout le monde avait finit par en avoir marre et ne plus avoir aucune empathie pour la fillette tuée ou le frère tueur.

Prince se dit que ce serait peut-être pareil pour lui. On se serait pas touché s'il mourait. Alors, il reprit sa position de départ et ferma les yeux. Tant pis s'il se tuait tout seul. Ce serait ça de gagné.

Il allait se rendormir quand un nouveau craquement retentit dans le silence nocturne, cette fois suivit de bruits de pas distincts. Prince se leva rapidement et pointa son arme sur l'intrus qui approchait, prêt à tirer. Il n'avait même pas besoin de savoir qui c'était, simplement de discerner la silhouette de sa cible.

Il tira au hasard, une première fois. Au moins comme ça, l'inconnu savait à quoi s'attendre. S'il le touchait, c'était tant mieux. Sinon, il avait plein d'autres munitions en réserve.

— Prince, arrête, c'est moi !

Prince se tendit. Une furieuse panique monta en lui et il ferma les yeux, histoire de la contrôler.

— Javaïd. Putain, pourquoi t'es là ?

Un silence. Javaïd s'approcha et Prince abaissa le fusil. Il jeta un coup d'œil à son lié qui venait de le rejoindre, alerté par le coup de feu.

— Pour toi. J'ai appris pour ton... activité. Qu'est-ce qu'il se passe, Prince ?

Son estomac se tordit dans son ventre. De honte, peut-être, ou de détresse. Honte de ne pas être mieux que ses parents et ceux de Javaïd, de ne pas être au niveau de ce en quoi ils voulaient croire. Honte d'avoir cédé si rapidement à la peur et au chagrin et détresse de ne jamais savoir en ressortir. Deux semaines qu'il s'isolait, qu'il attaquait n'importe qui s'approchant trop de lui. Deux semaines qu'il se sentait devenir de plus en plus fou, de moins en moins stable, de moins en moins lui-même.

— Rien, répondit-il.

Silence. Prince détourna le regard et se sentit soulagé que cette discussion se passe de nuit : c'était plus facile de cacher ses émotions.

Javaïd ne dit rien.

Ils attendirent.

Prince céda.

— Ma mère est morte.

Là encore, Javaïd resta silencieux. Prince ne s'en étonna pas : du point de vue de son... meilleur ami ? Petit copain ? il avait toujours détesté sa mère. Il lui avait confié la vouloir morte, vouloir l'enfermer, vouloir qu'elle soit loin de lui, inatteignable, pour qu'enfin il soit en sécurité. Sa mort rendait tout cela possible. Et pourtant.

Et pourtant Prince avait l'impression qu'on lui avait arraché le cœur et jamais rendu. Il avait l'impression qu'il avait tout perdu, qu'il ne serait jamais plus bon à rien maintenant, qu'il n'y avait plus de raison de faire quoique ce soit et même d'être en vie. Il se sentait comme un traître, comme un lâche, comme un incapable qui n'avait pas su agir quand on en avait le plus besoin.

Un frisson le parcouru et, pour une énième fois depuis deux semaines, il revit l'explosion de sang qui venait tâcher les murs du salon. Le cri de Grayson, accompagné du rugissement de l'ours, vrilla ses tympans douloureusement et il grimaça, prenant sa tête entre ses mains. L'image du corps mutilé de sa mère se superposa à sa vision. Elle n'avait même pas eu le temps de réaliser, l'animal était apparu de nulle part et l'avait tuée. Le lion avait suivit, mais à la place de l'attaquer elle, il avait voulu s'en prendre à Grayson.

Grayson s'était enfuit avec son lié et Prince était resté. Tout était détruit dans le salon. Les dégâts matériels et le sang n'étaient pas une chose nouvelle. Ce qui l'était, c'étaient les yeux grands ouverts de sa mère rivés sur lui, sa poitrine qui se soulevait difficilement au rythme de son agonie, et ses lèvres qui, une dernière fois, s'étaient animées pour lui cracher :

« Je te hais. »

Prince était resté pétrifié. Il y avait une seconde à peine, c'était lui qui se faisait battre. Il ne résistait pas pour ne pas faire souffrir Grayson. Maintenant, son frère était partit et sa mère était morte. Son regard s'était éteint, empli de la même haine de toujours, inondé par le même message. Ça aurait du être toi.

— Prince ?

Il serra les poings. Toujours vivant, donc. Merde.

— Prince, regarde moi. On doit s'en aller. Les Chasseurs sont sur ton dos, tu ne peux pas rester ici, ils vont te tuer. On va s'habriter dans un endroit plus sûr. Viens avec moi.

Il observa la main tendue, le regard inquiet qui lui faisaient face. Il recula d'un pas. Javaïd sembla blessé par ce mouvement.

Il ne pouvait pas partir, parce que le cadavre était encore dans la maison et il avait peur d'ouvrir la porte et il ne voulait pas que quelqu'un d'autre le fasse. Il ne voulait pas qu'on touche le corps ni qu'on l'enterre ni qu'on lui offre la moindre compassion. Sa mère ne le méritait pas. Mais il ne pouvait pas l'abandonner, parce que sinon Grayson serait accusé de meurtre et sa vie serait ruinée, alors il devait protéger cette maison, s'assurer que personne n'entre dedans, que personne ne sache jamais.

Et il avait laissé sa mère mourir, alors c'était sa punition, c'était sa punition pour n'avoir rien fait, pour l'avoir regardée mourir sans bouger. Sans même avoir envie de bouger et de l'aider.

— Je ne te laisse pas mourir. Tu viens avec moi. Je ne les laisse pas te tuer.

Prince ne répondit rien. C'était à son tour de jouer avec le silence. Il aurait aimé que Javaïd le comprenne sans avoir besoin d'un mot, qu'il sache sans avoir besoin d'explication. Mais ce n'était pas possible et Prince était injuste d'espérer cela.

— Rends-toi compte, Prince. Plein de gens sont en train de mourir. Tout le monde s'entretue. Et je ne compte pas te laisser mourir ici. Si les Chasseurs te trouvent, ils n'hésiteront pas à te tuer. Tu ne peux rien faire contre eux. Du moins, pas pour le moment. Ils sont nombreux. Allez, viens avec moi. Prince, amour, s'il te plaît.

La mort, encore. Prince s'esclaffa doucement. D'accord, ils allaient tous mourir. À quoi bon fuir ?

Amour.

Il s'approcha et embrassa Javaïd. Ça, ça lui avait manqué. Et c'était peut-être une raison suffisante pour fuir. Pour ne pas mourir tout de suite.

Mais ce n'était pas tout. Prince voulait plus. Il voulait qu'on le connaisse. Il voulait faire mieux que ce qu'il avait fait. Il voulait se sortir de cette torpeur émotionnelle et des sables mouvants psychiques qui l'étouffaient. Il voulait se sentir vivant, entouré, utile.

Il se détacha à peine des lèvres de Javaïd pour murmurer :

— D'accord. Mais on fait un groupe. On fait un groupe plus grand que les Chasseurs et plus fort. Pour qu'ils n'aient plus jamais l'idée de nous faire du mal.

Réuni avec Javaïd, Prince se sent soudainement invincible. Mais il lui faut du temps pour se reprendre en main, pour chasser les mauvais rêves et les insomnies, les terreurs et les crises de panique ou de folie qui le prennent à n'importe quel moment. Avant de créer un groupe, il doit être stable émotionnellement, il doit savoir s'occuper de lui-même. Alors, il fait ce qu'il peut. Il donne un nom à son lié. Il est doux avec son corps. Il est patient avec son esprit. C'est tout ce qu'il y a à faire.

Et en parallèle, il réfléchit. Comment créer un groupe ? Comment le nommer ? Comment intéresser les gens ? Prince joue sur ses contacts, discute stratégie avec Javaïd, s'informe sur les Chasseurs comme il peut. Et, ensemble, Prince et Javaïd fondent les Animas.

Les débuts ne sont pas faciles, mais ils sont cruciaux. Il faut rester discret le temps que le groupe s'agrandisse, agir dans l'ombre avec patience et précision. Prince se jette la tête la première dans son groupe, se dédie entièrement à lui, à son développement, à sa puissance. C'est tout ce qui l'éloigne de la mort de sa mère et de Grayson et de tous les souvenirs horribles, c'est tout ce qui l'empêche de retomber dans un autre épisode de folie. Alors il s'accroche de toutes ses forces à ce petit bout d'espoir, refuse de lâcher.

Et il fait bien, car les Animas grandissent de plus en plus, jusqu'à ce que les gens soient suffisamment au courant pour parler d'un groupe de Specials à Haut, que même les Chasseurs ne peuvent pas éliminer. C'est là que Prince se dit qu'il peut commencer des choses interessantes, changer le monde... ou au moins celui de Haut.

Il faisait nuit. Prince était debout, encore une fois. Mais cette fois, il n'était pas seul. Il se disait qu'il ne serait plus jamais seul. Autour de lui, trois autres personnes marchaient. Et partout des liés progressaient à leurs côtés. Non, Prince n'était pas seul. Il ne le serait plus jamais.

Les Animas avançaient d'un même pas en direction de la ville. Ils avaient la forêt. Mais puisque les Specials continuaient de mourir, cela ne suffisait pas. Il fallait plus. C'est pourquoi ils allaient s'en prendre à la mairie, symbole de l'Etat qui voulait leur mort et repère des Chasseurs qui les tuaient sans remords.

Prince sentait son cœur battre contre sa poitrine. Ils n'avaient jamais fait ça encore. Cette fois, ils ne défendaient pas. Ils attaquaient.

Lui et les autres étaient cachés par l'ombre de la nuit et leurs capuches. Si Prince ne savait pas qui l'accompagnait, il n'aurait su reconnaître aucun d'entre eux. C'était bon signe. Le danger devenait réel à partir du moment où les ennemis connaissaient leur identité : à partir de là, ils savaient où chercher et avaient bien plus de chances de parvenir à leurs fins.

Quand ils arrivèrent à destination, le jour se levait tout juste. Prince s'arrêta. Bientôt, les gens commenceraient à sortir dans la rue. Des Chasseurs devaient déjà être à l'intérieur du bâtiment. Leur attaque attirerait l'attention ; elle ne fera pas beaucoup de blessés, mais servira en tant qu'avertissement.

— Préparez les explosifs.

Explosifs était un grand mot. Mais grâce à Internet, trouver comment fabriquer un cocktail Molotov était plus que facile. L'arme était largement suffisante pour l'action qu'ils voulaient mener.

— Faites attention quand vous l'allumez, tirez bien loin de vous. Rappelez-vous, une fois que c'est fait, partez immédiatement.
— Prince, ça va aller. On sait faire.
— Justement. C'est pas le moment de foirer.

Cannelle secoua la tête. Malgré son air amusé, son regard orage ne trompait pas : elle était prête à l'attaque.

— Allez-y.

Les trois lieutenants du groupe allumèrent les tissus reliés aux bouteilles en verre qu'ils tenaient. Puis, d'un même mouvement, ils lancèrent les objets enflammés qui atterrirent sur la grande porte de la mairie.

Les flammes montèrent immédiatement. Une épaisse fumée noire s'éleva ensuite. Les cris retentirent. Prince et ses compagnons détalèrent, suivis de leurs liés.

— STOP AU MASSACRE DES SPECIALS ! STOP AUX MEURTRES D'ENFANTS !

C'est mille fois mieux que d'être le meilleur à l'école. Prince est chef d'un groupe. Et il adore le pouvoir que cela lui donne. Il s'en régale, le partage avec Javaïd, se lie d'amitié avec certains Animas. Il se dit que la crise n'est pas si mal finalement, qu'il peut enfin commencer à vivre pour de vrai.

Tout se passe et tout aurait pu continuer de bien se passer... si seulement Loriane n'était pas intervenue.

— T'es juste jalouse de moi, lâcha Prince.

Il s'éloigna de Loriane, sourcils froncés. Il ne comprenait pas. Ne devrait-elle pas être contente pour lui ? Il était plus heureux que jamais. Elle était une amie. Pourquoi est-ce qu'elle ne pouvait pas se réjouir avec lui ?

— Non.

Prince se crispa. Le ton de Loriane avait été sec, autoritaire. Son corps se prépara immédiatement à recevoir des coups et il blêmit. Loriane lui rappelait sa mère. Ça, c'était dangereux.

Il ne bougea pas.

— Je ne suis pas jalouse. Prince, pourquoi je serai jalouse de toi ? Je n'ai rien à t'envier. J'ai tout ce que tu n'as pas. Depuis toujours.

Elle approcha sa main vers lui et il sursauta. Il eut du mal à cacher l'anxiété dans sa voix.

— Qu'est-ce que tu veux ?

Le regard de Loriane s'alluma. *Ton bonheur*. Elle voulait le voir dépendre d'elle, elle voulait être le soleil vers qui il se tournait pour avoir un peu de chaleur. Elle le détestait d'avoir un groupe, d'avoir Javaïd, d'avoir un lié. Elle détestait exister moins à ses yeux à cause d'eux. Alors elle devait le lui retirer. Le lui enlever.

— Je veux juste passer du temps avec toi. On est amis, non ? Pourquoi tu t'inquiètes ?

Prince acquiesça lentement. Pas de raison de s'inquiéter, ils étaient amis. En réalité, il n'en était plus si sûr.

Loriane fait pression sur Prince. Ah, il ne voudrait surtout pas qu'elle le dénonce lui et son groupe aux Chasseurs. Elle pourrait les encourager à attaquer de nuit, de sorte à surprendre tout le monde. Prince ne pourrait rien faire. Et en plus, elle pourrait dénoncer Grayson pour le meurtre d'Emilie, mettre du monde à ses trousses. Non, elle ne veut pas grand chose, dit-elle. Juste un peu d'amour, un peu d'attention, un peu de contact. Elle embrasse Prince et il n'est pas certain d'en avoir envie, cette fois.

Il pensait avoir le pouvoir ? Oh, il se trompait. Prince ne contrôle rien. Loriane, par contre, a l'air de dérouler son jeu à la perfection.

Elle vient le voir de plus en plus souvent, ignore ses alertes sur la possibilité que Javaïd ne les trouve. Rapidement, Prince ne dort plus, ne mange plus, s'éloigne de son copain, se renferme sur lui-même. Il ne comprend pas pourquoi Loriane agit ainsi. Elle lui fait peur. Il la déteste. Ce n'est pas juste. Il était enfin libéré de sa mère et il fallait qu'on le capture à nouveau.

Bien évidemment, Javaïd finit bien par remarquer quelque chose, puis à découvrir la vérité. Ou du moins, celle qui veut montrer Loriane. Prince trompe Javaïd. Alors, Javaïd le confronte, lui ordonne de quitter les Animas, de s'en aller. Prince refuse, reste muet devant les accusations, ne parvient pas à donner d'explication. Il se pétrifie, comme toujours face aux conflits.

Alors Javaïd, sous le coup de la colère, le frappe.

Prince le laisse faire.

Il le laisse faire jusqu'à se retrouver couvert de sang, jusqu'au départ de Javaïd. Alors, il s'en va dans une direction au hasard. Mais il est blessé, fatigué et affamé. Il ne va pas bien loin qu'il s'écroule sans pouvoir se relever.

Il se dit qu'il va mourir. Que c'est plus simple comme ça.

Il ne sait pas combien de temps il reste là. En tous cas, lorsqu'il ouvre les yeux à nouveau, il n'est pas mort car il peut serrer son poing. Et Mage est à côté de lui.

Enfin, ça n'a rien d'un sauvetage. Mage est dans un mauvais état lui aussi. Mais au lieu de se retrouver à mourir tout seul, Prince se dit qu'ils vont pouvoir mourir à deux.

Mais non. Non, pas encore.

Prince se réveille dans une maison et il n'a aucune idée de où il est. En tous cas, Mage est avec lui. Ainsi qu'une fille aux longs cheveux. Elle s'appelle Lunares, elle est tombée sur eux et a décidé de les ramener chez elle. Mage, qui était en bien meilleur état que Prince, est déjà sur pied.

Prince prend plus du temps. Il n'a pas envie de continuer de s'accrocher. Après Loriane, après avoir perdu son groupe et Javaïd, il ne voit pas quoi faire. Mage lui raconte ce qu'il lui est arrivé. Une rage inhumaine le prend par vague en y repensant.

Il ne fait rien pendant plusieurs jours, puis ces jours se transforment en semaine, puis en mois. Peu à peu cependant, il réapprend à aimer la vie, à trouver de l'extraordinaire dans le quotidien. Mage et Lunares sont à ses côtés.

Et un jour, il estime qu'il est l'heure pour lui de partir. Il remercie Lunares, dit au revoir à Mage, promet de revenir leur rendre visite. Et il s'en va.

Il ne retourne pas aux endroits qui portent encore trop de souvenirs. Il ne retourne pas chez lui ou bien dans l'ancien camp des Animas. Il se promène. La solitude lui va bien, finalement, à lui qui l'a si souvent fuie. Elle ne lui fait plus si peur. Mais il sait qu'elle ne durera pas longtemps. Il a du monde à retrouver.


Nombre de mots : 11 239

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top