Chapitre 9 - partie 3

L'aube se leva sur un campement tranquille où les braises fumaient encore parmi les cendres. La relève de la garde sonna le clairon pour tirer les marchands de leur court sommeil.

La porte Nord de la cité fut ouverte, laissant sortir une vingtaine de soldats chargés de l'inspection. Le responsable s'avança vers la tente la plus proche de l'entrée et réveilla le chef de tribu :

— Alors, mon frère, on m'a dit que vous avez festoyé jusque tard dans la nuit ?

Le sexagénaire se redressa, une main sur son crâne.

— Oh là ! Je crois que ce n'est plus de mon âge, plaisanta-t-il.

Le garde amusé l'aida à se relever. Il lui octroya une tape amicale sur l'épaule :

— On commencera à tous vous faire rentrer dans une heure, ça vous laissera le temps de ranger vos affaires.

— Et d'ouvrir les yeux. C'est bien aimable de ta part, petit frère. Je vais envoyer mes garçons réveiller les autres. Nous serons prêts dans les temps.

Le responsable l'en remercia avant de retourner près de ses subalternes pendant que les enfants de la tribu Hedia s'en allaient dans tout le campement. L'un d'eux arriva rapidement à la tente d'Eivind où il le réveilla sans mal. Il fit passer l'information quant au début de la fouille et s'en alla continuer sa mission.

Les nomades s'afférèrent à démonter les tentes et à ranger toutes leurs affaires. On prêta une attention particulière aux fûts de vin qui contenaient les armes. Les rebelles furent prêts avant l'échéance, ce qui ne servait pas à grand-chose étant donné qu'ils ne passeraient pas la porte avant la fin d'après-midi au mieux.

La journée leur sembla donc longue et peu attrayante. L'avance se résumait à quelques pas tous les quarts d'heure, entamant l'euphorie collective et la patience de chacun. Mais on souffrait en silence ; on attendait puis on avançait encore un peu.

L'après-midi passa, puis la soirée vint enfin. Le soleil était encore haut dans le ciel lorsque les tribus rebelles commencèrent enfin à passer entre les mains des sentinelles. Les Drasky de Dehhu entrèrent les premiers dans la cité, suivis des Chadli d'Emel et de leur précieux chargement.

Quatre hommes grimpèrent sur les charriots pour examiner les fûts. Ils furent ouverts un par un mais les gardes ne remarquèrent rien d'autre qu'un vin foncé et une odeur alléchante. Des plaisanteries furent échangées entre les soldats sur l'envie qu'ils avaient de remplacer le vin par de l'eau pour en profiter à la place des nobles, mais Emel leur rappela joyeusement qu'il tenait à sa tête.

— Ne t'inquiète pas, Chef Chaldi, lui répondit un garde d'à peine plus de vingt ans. Nous tenons aussi à la nôtre !

— Alors dépêche-toi de faire ton travail, mon garçon. Et s'il reste quelques précieuses goûtes à la fin de la Foire, je penserai à toi.

Le jeune homme posa une main sur son cœur :

— Tu sais me parler, Chef. Laissez-les passer ! cria-t-il aux autres soldats en descendant du chariot. Ceux-là ne feront rien d'autre que saouler notre très chère noblesse.

Son ton méprisant lui valut un coup de coude de son responsable.

— Surveille tes paroles, idiot, ou le vin ne sera pas la seule chose à te passer sous le nez, si tu vois ce que je veux dire.

Eivind vit le garde réprimandé retourner à sa place en faisant la moue, puis l'inspection reprit avec la tribu Hemlu à laquelle Eivind et Gildun appartenaient le temps de l'opération. Là encore, la fouille dura longtemps. Tous les tissus furent vérifiés mais rien ne devait être froissé avant l'arrivée sur les étalages. Les nomades aussi étaient fouillés au corps et Eivind n'échappa pas à la règle. Il découvrit son visage lorsqu'on le lui demanda. Le garde qui lui faisait face resta interdit un moment.

Si les familles descendantes des Tamham ne se cachaient pas, il était en revanche beaucoup moins habituel de voir des héritiers arborant les tatouages traditionnels. La coutume s'était presque perdue au fil des siècles.

Finalement, un autre soldat coudoya son ami :

— Tu l'arrêtes ou tu le laisses passer, mais bouge-toi !

L'autre reprit ses esprits et autorisa Eivind à entrer dans Devenha.

— Enfin..., souffla ce dernier, soulagé que l'attente se termine.

Il suivit le reste de sa caravane le long de la grande rue de la ville. Les habitants s'y étaient attroupés pour accueillir les nomades et rêver devant les marchandises qu'ils transportaient mais qu'ils ne pourraient jamais acquérir.

Le premier jour de la Foire était fermé aux Devenhani au profit des nobles. Ceux-ci, craignant le contact avec le peuple, avaient obtenu l'accord de l'Empereur pour réserver la place à leur seule présence. Ils avaient alors tout le loisir d'acheter les meilleures marchandises, quelles qu'elles soient.

Les tentes furent montées autour de la grande place principale et de ses deux cent dix mètres de diamètre alors que les étals, encore vides, furent installés sur l'esplanade selon les emplacements réservés à chacun.

Eivind remarqua que les tonneaux de vin avaient été déposés derrière les chariots, loin des regards indiscrets. Il leva ensuite la tête vers la citadelle dominée par le palais dont les murs blancs et le toit couvert d'or étincelaient à la lumière du soleil couchant.

Sighild regardait les ombres des montagnes s'étirer avec la disparition de l'astre derrière leur horizon. Assise en hauteur sur une petite avancée rocheuse, elle s'impatientait.

Ses affaires étaient déjà rangées et son épée affûtée, elle attendait simplement que la nuit tombe. Hyulha et Glaam étaient couchés en contrebas, paisiblement endormis. Ils savaient que la nuit serait longue et si Sighild n'était pas aussi nerveuse, elle les aurait certainement imités. Mais ne pas savoir ce qu'il se passait à Devenha et ne pas être là pour mener l'action la rendaient inquiète. Elle était tellement habituée à tout gérer elle-même que laisser la tâche à d'autres lui était insupportable.

Elle espérait qu'Eivind s'en sortirait en l'attendant.

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