Chapitre 8 - partie 3
Eivind alla directement se mêler aux hommes lorsqu'il arriva sur le plateau. Inévitablement, on lui parla du duel de la veille. Le pisteur prit le temps d'écouter tous les nomades venus le trouver et répondit patiemment à chacune de leur question. Ils avaient besoin d'être rassurés quant à la stabilité de l'autorité. Elle avait suffisamment été mise à mal ces dernières semaines pour inquiéter de façon sérieuse. Mais l'entente inébranlable des chefs rebelles signifiait que cette guerre devait être menée coûte que coûte et que les frères marcheraient toujours ensemble.
Ce ne fut qu'à l'heure du déjeuner qu'on lui permit enfin de respirer, lorsque l'appel de l'estomac fut plus fort que la curiosité. Il laissa les hommes s'en aller avant de rentrer à son tour. Sur son chemin, il croisa Shaya qui l'interpella, visiblement heureuse de le voir. Eivind prit un instant pour discuter avec elle. Après un échange courtois de banalités, elle amena le sujet sur la guerre prochaine :
— Les hommes vont partir longtemps, s'inquiéta-t-elle. Ce sera dur, aussi bien pour eux que pour nous.
En disant ça, elle s'était rapprochée du pisteur.
— Le départ est pour bientôt et le voyage s'annonce long. Sans compter la guerre qui couve. Je pourrais te faire oublier tout ça durant quelques heures, lui proposa-t-elle, certaine qu'il comprenait parfaitement son sous-entendu.
Eivind sourit devant le culot de la jeune femme.
— Non, merci, déclina-t-il en lui tournant le dos.
Elle lui attrapa la main.
— Ne m'oblige pas à te menacer d'aller voir Dassine, dit-elle.
— Aller le voir pour quoi ? s'étonna Eivind.
— Pour lui dire que tu as été incorrect avec...
Elle se tut en sentant le tranchant d'une lame sur sa gorge. Elle déglutit difficilement. Son regard se posa sur une Sighild furieuse. Si les yeux avaient réellement été les fenêtres de l'âme, la jeune Faroren aurait pu admirer toute la noirceur haineuse qui veinait ceux de la Sigvaldan à cet instant précis.
Les mâchoires crispées, Sighild parvint malgré tout à articuler :
— Ne m'oblige pas à te menacer de te décapiter, petite pute. Si tu veux te faire défoncer, trouve-toi un désespéré.
Elle augmenta la pression de la lame sur le cou de Shaya qui recula, les larmes aux yeux.
— Dois-je te transpercer la gorge, ou me feras-tu le plaisir de disparaître avant que je ne cède à cette jouisive tentation ?
Shaya ouvrit la bouche pour parler mais la peur de dire un mot de travers la paralysa. Elle la referma. Les lèvres tremblantes, elle recula de deux pas avant de partir en courant. Sighild rengaina.
— J'ai parlé à Amalu, reprit-elle sans accorder plus d'attention à ce qui venait d'arriver.
La jeune femme fit rire Eivind malgré elle. La surprise passée, elle s'autorisa un sourire.
— Qu'est-ce qui t'amuse ? demanda-t-elle.
— Ta capacité à oublier rapidement les gens qui ne t'intéressent pas, répondit-il. Alors, de quoi avez-vous parlé avec Amalu ?
Elle jeta un regard alentour pour s'assurer qu'il n'y avait personne et s'approcha de lui :
— Il m'a confirmé qu'Haydar était connu pour être quelqu'un de gentil. Trop, d'après notre ami.
— Pourquoi avoir vérifié ? Signe te l'avait dit. Tu n'as pas confiance ?
— Si, mais j'espérais qu'Amalu me dirait pourquoi Izril a tant besoin de retrouver cette cité.
— Je crois savoir pourquoi. Allons manger un bout, je t'expliquerai en chemin.
On informa le couple, durant le déjeuner, que l'assemblée se tiendrait en début d'après-midi. Le conseil, cette fois-ci, durerait certainement longtemps car beaucoup de décisions importantes étaient à prendre aujourd'hui. Les discussions s'annonçaient fastidieuses.
Les deux heures qui les séparaient de la réunion passèrent anormalement vite et avant même qu'ils ne s'en soient rendu compte, ils étaient assis dans la salle du Conseil, entourés de tous les chefs rebelles et de leurs aînés, à l'exception de Dehhu venu seul. L'homme ne croisa à aucun moment le regard de Sighild.
Comme à chaque fois, il fut décidé que Gildun présiderait l'assemblée. Ainsi donc, le dialogue s'engagea.
Le sujet de l'infiltration de la citadelle et du palais fut abordé en premier. S'il serait aisé de faire entrer les hommes dans la ville, leur faire passer les hauts remparts serait une autre histoire. Les portes n'étaient ouvertes que lorsqu'un noble entrait ou sortait ; le reste du temps, elles demeuraient closes et bien gardées.
— Je m'infiltrerai dans la citadelle la première, intervint Sighild.
— Et par quel heureux miracle ? demanda Agerzham. En passant à travers les murs ?
Sa gouaillerie souleva des rires retenus. Après ce qui était arrivé avec Berkwan, personne ne tenait à provoquer la colère de la princesse.
— Grâce à Hyulha, le corrigea-t-elle sur un ton ouvertement méprisant. Elle me déposera dans la citadelle.
— Un dragon de vingt mètres de long et autant d'envergure, qui plus est aussi coloré qu'un Kereoban, se fera repérer même en pleine nuit, argua Dassine.
— Pas si elle ne vole pas plus bas que les toits, contra Sighild.
— Celui du palais fera l'affaire, appuya Izril. Je pourrais me débrouiller pour vous faire entrer et vous guider jusqu'en bas.
— Et en admettant que vous y parveniez, reprit Gildun. Comment détournerez-vous l'attention des gardes assez longtemps pour faire entrer les autres ?
— Il me suffira de mettre le feu à un bâtiment, répondit-elle. J'aurai un dragon avec moi, autant s'en servir jusqu'au bout.
— C'est risqué, constata Dassine.
— Par les dieux, c'est une guerre ! s'énerva Sighild. C'est risqué par définition, cessez donc de nous le rabâcher à longueur de journée. Il serait peut-être temps de vous rentrer dans le crâne qu'il y aura des morts et que vous-même y resterez peut-être, que votre attaque échouera certainement et que les représailles de l'Empereur feront plus de morts encore. Dans chaque combat, le risque existe.
— Vous avez raison, je m'excuse, se rattrapa-t-il.
— Continuez, Princesse, le pria Emel.
— Il ne faudra pas plus d'une vingtaine d'hommes dans la citadelle, reprit-elle. Sinon nous nous ferons vite repérer et nous aurons du mal à nous faufiler dans le palais. Izril, vous n'aurez pas besoin de me conduire personnellement en bas car vous devrez impérativement rester dans votre chambre. Si les choses tournent mal, il faut que la garde vous y trouve.
— Et comment nous dirigerons-nous dans le palais dans ce cas ? questionna Dehhu.
— Signe accompagnera Izril et Haydar lorsqu'ils rentreront. C'est elle qui nous mènera jusqu'à Sibsab.
— Une panthère ? s'étonna Gildun.
— Je vous rassure, son intelligence vaut dix fois les vôtres réunies, cingla Sighild, fatiguée de les entendre s'arrêter sur toutes ses phrases.
Les rebelles sentaient qu'elle perdait patience et étaient conscients que la suite de la conversation serait dure à mener. Au moindre faux pas de l'un d'entre eux, la femme les lâcherait.
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