Chapitre 8 - partie 2

Eivind était presque arrivé à sa chambre lorsqu'Izril l'interpella. Le pisteur s'arrêta pour lui donner l'occasion d'avaler la distance qui les séparait puis se remit en marche.

— C'était habilement joué de la part de Sighild, avoua le Djilhali. Endosser le rôle de la méchante et te faire passer pour un gentil vont rallier les nomades à ta cause.

— Certainement, même si nous ne sommes pas passés loin du pire...

— Comment ça ?

— Parce que j'avais vraiment l'intention de tuer ce bâtard, répondit Sighild.

Les deux hommes étaient arrivés aux appartements. La chasseuse attendait devant la porte, Signe à côté d'elle.

— C'est la première fois que j'épargne un homme qui m'a insultée, ajouta-t-elle en entrant dans la pièce, précédant ainsi les deux frères.

À l'intérieur, elle ôta son épée et son épaisse ceinture de cuir avant de se mettre à l'aise sur la banquette. Eivind ôta son chèche et son arme qu'il déposa au pied de son lit.

— Au moins, nous n'aurons plus ni Berkwan ni Dehhu dans les pattes, se réjouit Izril. Demain, je demanderai une assemblée pour parler des derniers détails. Nous devons encore choisir qui ira dans la ville et qui pénétrera la citadelle, même si je suppose que vous devez avoir votre idée, Demoiselle de Sigvald.

— En effet. Mais ce qui m'intéresse pour l'instant, c'est cet Haydar. Comment est-il, Eivind ?

— Brave. Il donne l'impression de vouloir faire le meilleur pour Faror.

Elle hocha la tête d'un air entendu.

— Un gentil empereur, résuma-t-elle. Bien. Et si nous dormions ? proposa-t-elle en se levant.

— Ce serait une bonne idée, confirma Izril qui se sentait particulièrement las.

Il avait fumé sa dose dès que Signe était partie avec Eivind mais il ne tarderait pas à devoir en reprendre une.

Izril prit aussitôt congé, suivi par Signe qui s'était visiblement très attachée à lui. Il pesta intérieurement en pensant qu'il devrait biaiser pour pouvoir fumer mais fut en même temps heureux de ne pas être seul ce soir.

Sighild alla s'allonger sur le lit dès que la porte se referma derrière le Djilhali. Eivind la rejoignit, s'assit sur le bord du matelas et la regarda tendrement.

— Merci, lui dit-il sur un ton reconnaissant tout en lui caressant le visage.

— Puisque tu as une dette envers moi, que dirais-tu de la payer maintenant ? murmura-t-elle d'une voix lascive.

La main de l'homme glissa le long de son cou pâle comme il la dévorait des yeux et passa sous son haut. La chasseuse se cabra légèrement tout en se délectant des va-et-vient lascifs des doigts solides d'Eivind sur ses seins.

La nuit promettait de les laisser plus épuisés que reposés.


Signe vint réveiller les amants à l'approche de la fin de matinée. Elle sauta sur le lit et s'étala de tout son long sur eux, récoltant des protestations de la part de Sighild et des caresses d'Eivind. L'once se moquait bien des remontrances tant qu'on le grattait derrière les oreilles.

— Tu es lourde, Signe, râla la chasseuse en tentant de s'extirper de dessous le corps massif de l'animal.

— C'est à cause des poils, rétorqua la panthère.

— Alors vire-les de là avant que je les arrache avec les dents, menaça-t-elle sérieusement.

L'irbis lui octroya un coup de langue sur tout le visage, finissant de l'énerver, puis sauta par terre.

— Vous êtes en forme dès le matin, constata Eivind. C'est comme ça à chaque fois ?

— Seulement quand Signe s'occupe du réveil, lui dit Sighild en se levant.

Elle rassembla ses vêtements éparpillés sur les draps et s'habilla. Eivind s'assit dans le lit tout en la regardant faire, songeur. Il n'arrivait pas encore à réaliser que ce qui se passait entre eux était réel. La pensée que tout puisse s'écrouler d'un instant à l'autre lui fit peur, tout comme l'impression tenace de ne pas être utile.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Sighild en voyant qu'il l'observait.

— Rien, répondit-il en se passant la main sur la nuque.

— Mentir est inutile.

Eivind soupira, un peu découragé.

— Je pensais pouvoir être utile aux nomades et pouvoir faire mes preuves mais au final je suis inutile. Je n'ai aucun statut et je ne suis pas à l'origine du plan d'attaque de Devenha. Tout ça, c'est toi qui l'a fait.

Sighild fit le tour du lit et se pencha sur son compagnon.

— Crois-tu que n'importe qui aurait pu rallier autant d'hommes en si peu de temps et gagner leur confiance au point qu'ils le suivront jusque dans la mort ? Si les nomades ont accepté mon plan c'est uniquement parce que tu l'as approuvé, sinon ils ne m'auraient jamais écoutée. Il faut une certaine rudesse de cœur pour décider d'envoyer des centaines d'hommes au trépas, ne t'en veux pas d'en être privé.

— Mais je ne pourrais jamais t'épauler à la tête du village si ma seule qualité est d'avoir bon cœur.

— Tu sous-estimes tout ce que cela implique, Eivind. Tu as fédéré une armée étrangère à la tête de laquelle tu t'es imposé en seulement quelques mois là où il m'a fallu des années pour être acceptée en tant que meneuse par mes propres guerriers, par les hommes que mon père gouverne et que je gouvernerai qu'ils le veuillent ou non. Ce n'est pas un titre ou une stratégie martiale qui suscitent le respect, c'est la grandeur d'âme.

Avec une autre femme, ces mots auraient eu comme seul but de lui redonner courage avant la bataille, mais pas avec Sighild. Tout ce qu'elle disait était le reflet exact de sa pensée, raison pour laquelle ses paroles blessaient autant qu'elles galvanisaient.

Eivind se tranquillisa puis embrassa la jeune femme.

— Je descends la première, lui dit Sighild. Je dois parler à Amalu avant la réunion.

— De quoi ?

— Du prochain empereur, répondit-elle en se redressant. J'y vais. Tu viens avec moi, Signe ?

La panthère lui emboîta le pas en guise de réponse. Bientôt, Eivind se retrouva seul dans la chambre. Il ne laissa pas l'occasion à une nouvelle incertitude de le gagner en se levant et se préparant. Il devait se concentrer sur la réunion d'aujourd'hui.

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