Chapitre 7 - partie 1
Les jours défilèrent paisiblement dans les appartements d'Izril. Signe eut l'occasion, par deux fois, d'apercevoir cet Haydar dont lui avait parlé l'humain. De ce qu'elle en avait vu, cachée parmi les plantes fournies du jardin, l'homme lui semblait âgé, à en juger par sa barbe et ses cheveux blancs, calme et peu loquace mais brave et inoffensif. Izril et lui n'avaient pas eu de réelles conversations puisque le futur empereur s'était contenté d'acquiescer à chaque ordre du Djilhali. Même l'once arrivait à comprendre la raison qui poussait Izril à proposer son vieil ami : il ne saurait lui tenir tête en aucun cas.
L'irbis appréciait en revanche les moments où Ark rendait visite à l'humain. L'atmosphère était alors beaucoup plus légère et agréable. Izril se détendait jusqu'à laisser de côté ses plans compliqués et sa détresse constante.
Arkhoris n'était pas un homme tourmenté, certainement parce qu'il avait vu trop d'horreurs en tant que soldat puis chef de la garde. Il avait vite compris que la vie se perdait facilement et les regrets n'étaient, au final, qu'un gâchis considérable de temps. Il n'avait pas non plus envie de mettre sa relation avec Izril en attente dans l'espoir que leur situation change un jour. La seule chose dont il était certain, c'était qu'il l'aimait et qu'il comptait bien chérir chaque instant passé avec lui.
Gabir, obnubilé par une enfant de douze ans, délaissa totalement son Djilhali bien-aimé. La jeune fille, offerte en guise de paiement par des sujets pauvres, fut conduite jusqu'à l'Empereur par Arkhoris lui-même. L'hésitation du chef de la garde, au moment de lâcher la malheureuse pour la laisser aller avec Gabir, faillit lui coûter cher. Ark était l'aîné d'une fratrie de sept enfants et ses jeunes sœurs, les deux dernières nées, étaient à l'abri de l'appétit malsain de Sibsab uniquement grâce à l'obéissance de leur frère. Même si c'était cruel, il préférait que le Souverain jette son dévolu sur une inconnue.
La situation convenait aussi à Izril qui s'assurait ainsi de ne pas provoquer la colère d'Ark, lequel aurait alors mis sa menace à exécution. Si Gabir était tué trop tôt, son plan risquerait de devenir caduc, réduisant à néant des années de préparation. Le Djilhali se consola en pensant que le calvaire de la jeune enfant prendrait fin bientôt, même si le mal serait déjà fait.
Tout en rangeant des vêtements dans un sac au tissu solide, il parla à Signe comme il avait pris l'habitude de le faire depuis plus de deux semaines :
— Il me tarde que toute cette histoire se termine enfin, confia-t-il. C'est encore un long voyage qui s'annonce demain, même si ton flair nous fera gagner du temps en évitant beaucoup d'embûches... Ce qui me rassérène, c'est que la prochaine fois, je ne partirai pas sans Ark.
Il termina de ranger vêtements et provisions puis posa ses sacs près de l'entrée. La nuit était totalement tombée maintenant, l'heure était bien avancée mais l'homme n'avait pas sommeil. Il avait seulement les mains qui tremblaient.
— Je pourrais aussi me débarrasser de cette horreur, dit-il en fixant ses doigts agités par son manque.
Il avait réussi à diminuer sa prise depuis que Gabir ne s'intéressait plus à lui. Mais le temps-mort ne durerait pas si Sibsab restait sur le trône.
Il serra les poings.
Tout serait bientôt terminé, il se le jura.
L'once, Izril et Haydar prirent la route avec les premiers rayons de soleil. Le Djilhali avait loué les services d'un Trois-cornes jusqu'à l'entrée du Petit Décor, après quoi, comme la dernière fois, on lui prêterait des élands.
La célérité insoupçonnée des dragons était un atout et un confort qui ravissait toujours les voyageurs. Leur démarche souple soulageait le dos et la bonne assise permettait aux humains de tenir le rythme soutenu que les reptiles imposaient.
Ce fut donc à contrecœur que, moins d'une semaine plus tard, les deux hommes troquèrent les grands animaux contre les élands aux portes du Petit Décor. Ils avaient parcouru plus de la moitié du chemin mais le restant serait fait dans un laps de temps sensiblement identique à cause du sable et de la menace des bullars.
Signe mena les humains le long des montagnes, loin du terrain de chasse des serpents géants, même si l'itinéraire n'empêcha pas quelques fausses frayeurs. Lorsqu'ils arrivèrent finalement à l'entrée des galeries menant au camp rebelle, l'once les guida en suivant l'odeur du dernier homme passé par là, ce qui les obligea à suivre un chemin qu'Izril ne connaissait pas du tout malgré ses nombreuses visites.
En arrivant sur le plateau, l'irbis fut momentanément déboussolée : plusieurs dizaines de tentes avaient poussé autour de l'oasis et grouillaient d'hommes portant des chèches de toutes les couleurs.
— Les tribus ont répondu présentes ? s'enquit Haydar.
— Il semblerait, constata Izril avec contentement. Allons-y.
Ils avancèrent parmi la foule qui se scinda en deux pour les laisser passer. À dire vrai, la panthère blanche attirait tellement l'attention qu'on s'écartait de son chemin par crainte. Les nomades remarquèrent à peine les deux cavaliers qui la suivaient de près.
Des cris annonçant leur arrivée finirent par s'enchaîner jusqu'aux cavernes. Izril et Haydar mirent pied à terre lorsqu'Eivind s'avança vers eux, l'air épuisé. Izril présenta son compagnon de route à son cadet.
— Tout va bien ? s'enquit-il finalement.
Le Pisteur ôta son chèche et souffla de fatigue. Haydar nota la ressemblance entre les deux hommes mais s'abstint de faire tout commentaire.
— Les hommes ne sont pas prêts. À force de mettre mon autorité en cause, Berkwan a réussi à semer le doute dans tout le camp. Le plan étant risqué, les nomades ont plus de facilité à se méfier...
La patte de Signe sur sa jambe le fit taire. Il s'agenouilla et prit son énorme tête entre ses bras, lui offrant toute l'affection qu'elle réclamait.
— J'en ai parlé à Amalu, reprit-il. Il semblerait que je n'ai pas le droit de le défier.
— En effet, confirma Izril. Tu n'es ni chef, ni fils de chef, tu n'as aucun titre d'aucune sorte et donc, d'après le Code, tu n'as aucun moyen de demander un duel. Et il serait inutile de réunir les chefs rebelles, ils n'accepteront pas de le mettre à l'écart. Dehhu nous laisserait totalement tomber. Sa tribu est importante, nous ne pouvons pas nous le permettre. Sauf si...
Il laissa sa phrase en suspens pour harponner la curiosité de son puîné. Ce dernier se fit prendre facilement :
— Sauf si quoi ?
— Sauf si Sighild le défie. Elle est fille de chef et est en mission officielle.
Eivind devint grave, ce qui surprit Izril.
— Encore faudrait-il la trouver, marmonna le Pisteur.
Le Djilhali les avait quittés en bons termes, du moins aussi bons qu'ils pouvaient l'être entre eux, mais quelque chose semblait s'être produit depuis.
— Qu'est-ce qui se passe, Eivind ?
Il soupira de dépit :
— Depuis... depuis quelques jours, elle ne se montre que pour les repas. Le reste du temps, personne ne sait où elle est.
Signe grogna. Haydar sourit.
— Pardon de me mêler de la conversation, mais je crois que cette panthère au flair si fin a une vague idée de l'endroit où se cache votre amie.
Eivind le fixa avant de poser son regard sur l'irbis :
— Tu me guides ? lui demanda-t-il.
Pour toute réponse, elle partit au trot vers les grottes. Eivind promit à son frère de venir le voir dès qu'il l'aurait trouvée avant d'emboîter le pas à l'once.
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