Chapitre 6 - partie 2
Les effets de la drogue se dissipèrent à l'approche du début de soirée. Il sembla à Izril qu'il s'éveillait soudain alors qu'il était resté conscient depuis le début. Malgré les brumes épaisses alourdissant encore son corps, il se souvenait de tout.
Il se passa la main sur le visage et battit rapidement des paupières. Dès qu'il reconnut la chambre impériale et qu'il sentit les draps froissés sur son corps nu, les larmes lui montèrent aux yeux, enflammant sa gorge sur leur passage. Le cœur au bord des lèvres, il étrangla ses pleurs tout en se relevant avec difficulté. Il se tint péniblement sur ses deux jambes, luttant pour ne pas s'écrouler sous le poids de la honte qui l'accablait.
Il se sentait sali. Impur. Souillé. Il se dégoûtait. Son propre corps le répugnait, son âme bafouée l'écœurait. L'envie de se lacérer la peau pour se purifier lui traversa l'esprit et resta longtemps lovée dans un coin de sa tête.
Il fallait qu'il sorte d'ici.
Izril se baissa lentement pour attraper son pagne et le passa. En jetant un coup d'œil rapide à la pièce, il vit qu'il était seul. L'Empereur avait dû retourner à ses occupations une fois ses envies bassement satisfaites. Le Djilhali avança vers la porte des appartements. Il se redressa en s'efforçant de ne rien laisser paraître, remit de l'ordre dans ses cheveux et sortit.
Le trajet jusqu'à sa chambre lui sembla long et pénible. Lorsqu'il retrouva les murs salvateurs de cet endroit où Gabir n'entrait jamais, son mal-être se fit moins corrosif.
Izril passa devant Signe sans remarquer sa présence ni prêter attention à son rugissement de mécontentement motivé par sa faim grandissante. Dans la salle contiguë, la panthère entendit l'eau couler dans un gros récipient en métal. Ayant horreur de se mouiller, elle ne se décida pas tout de suite à aller voir ce que faisait l'humain.
Sa curiosité fut attisée lorsqu'elle entendit le liquide déborder et s'écouler sur le sol. Avec prudence, elle passa la tête par l'ouverture de la pièce carrelée. Le sol penchait légèrement vers un trou où l'eau s'évacuait, évitant l'inondation générale. S'armant d'une grande dose de courage, elle posa une patte sur le parterre détrempé mais la retira vivement avant de la secouer pour en chasser les gouttes indésirables.
Signe porta son attention sur le bain. L'humain y était totalement immergé, ce qui lui parut étrange. Il lui sembla se souvenir que les Hommes étaient incapables de respirer sous l'eau. Elle retenta une avancée.
Armée d'une plus grande volonté, elle parvint à atteindre le centre de la pièce et à poser ses pattes avant sur le rebord de la baignoire. Izril, nu, les yeux fermés, ne bougeait pas. L'once le regarda tranquillement, sans se douter que si l'homme ne sortait pas bientôt, il se noierait.
Les oreilles de la panthère pivotèrent vers la porte de la chambre lorsque celle-ci s'ouvrit. Il ne lui fallut pas longtemps pour reconnaître le pas d'Ark. Elle miaula pour l'attirer dans sa direction. Dès qu'il apparut par l'ouverture, sa mine réjouie laissa place à la panique.
Il se précipita vers la baignoire et attrapa Izril. Sous l'effet de la peur, sa force s'exacerba : il le souleva presque à bout de bras et le sortit de l'eau sain et sauf. Le Djilhali inspira profondément dès qu'il sentit l'air sur sa peau. Arkhoris s'agenouilla et posa son homme par terre tout en le serrant contre lui.
Izril avait l'impression que sa tête allait exploser d'un instant à l'autre à cause du manque d'oxygène. Il la posa lourdement sur le torse du garde.
— Qu'est-ce qui t'a pris ? murmura Ark, la voix encore tremblante de peur.
— J'arrivais pas à me vider la tête...
Le chef de la garde examina Izril et trouva des griffures sur son dos et des hématomes discrets sur le reste du corps. Son cœur se compressa sous le poids de la haine.
Il baissa la tête vers celle de son amant. Sa gorge était si douloureuse que le moindre mot l'incendiait comme une traînée de lave.
— Tu m'avais dit qu'il ne te touchait plus, articula-t-il sur un ton bas et affecté tout en resserrant ses bras autour du Djilhali. Je vais le tuer. Je vais le tuer..., répéta-t-il, la mâchoire crispée à s'en faire mal.
— Aide-moi à me lever. Je voudrais m'habiller.
Ark ne bougea pas. Izril amena sa main à son visage et, du bout des doigts, essuya la larme qui roulait sur sa joue.
— Tu es la seule personne au monde capable de pleurer pour moi, Ark. (Le garde consentit enfin à le regarder.) Je ne le mérite pas.
— Ça, c'est à moi d'en juger.
Il se releva tout en aidant son amant, éteignit l'arrivée d'eau et l'amena jusqu'à son lit. Il le laissa le temps de prendre un linge dans une armoire finement ouvragée puis revint vers lui. Izril eut du mal à se sécher seul. Il abandonna rapidement, laissant faire le garde.
— Je n'ai pas rapporté de quoi manger à Signe, laissa échapper le Djilhali dès qu'Ark eut terminé.
— Qui ?
— La panthère, précisa Izril.
— Je vais aller lui chercher quelque chose. Ton repas va bientôt t'être amené, je vais en profiter.
— Je ne veux pas manger seul. Vas-y maintenant, je vais terminer.
Arkhoris hésita un instant. Il n'était pas rassuré de le laisser sans surveillance une nouvelle fois. Il se tourna vers Signe :
— Veille sur lui pour moi, ma damoiselle.
Signe miaula.
— Elle comprend ce qu'on dit ? interrogea le garde.
— Des fois, je me demande...
L'air désabusé d'Izril fit sourire Ark. Il déposa un baiser sur son front puis sortit.
Le Djilhali passa un nouveau pagne, cette fois-ci plus simple, avant de venir s'asseoir sur un grand coussin moelleux. Signe s'approcha et posa sa grosse patte sur le visage de l'humain tout en grognant.
— Je suis désolé de t'avoir oubliée. Je pensais à autre chose, marmonna-t-il en lui caressant la tête. Mais connaissant Ark, il va te ramener un vrai festin.
Elle grogna derechef, de contentement cette fois-ci, Izril l'aurait juré. L'animal était étonnant. Son intelligence dépassait de loin celle des autres félins.
— Je comprends pourquoi Sighild a insisté pour que tu m'accompagnes. Tu es vraiment une aide précieuse.
Le compliment lui valut un coup de langue râpeuse sur le visage.
— Si on oublie cette sale manie de lécher tout ce qui bouge ! ajouta l'homme en s'essuyant.
Signe s'allongea et posa sa lourde tête sur ses jambes pliées en tailleur.
Les humains étaient d'étranges créatures. Elle ne comprenait pas le besoin qu'ils avaient de se faire mal et de faire souffrir, tout en recherchant le bonheur et la joie d'être entourés de gens comme eux. Alors que d'autres, comme Sighild, ne supportaient pas leurs congénères au point de leur préférer la compagnie d'animaux.
Tout en remuant lentement la queue, l'irbis continua son questionnement intérieur, frustrée de ne pas avoir le droit de s'ouvrir à l'humain qui lui grattait les oreilles. Elle était pourtant certaine qu'il savait plus de choses sur le comportement humain que Sighild.
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