Chapitre 4 - partie 4

Izril laissa échapper un rire bas :

— Ne t'inquiète pas, je la traiterai avec déférence, par égard pour toi uniquement. Qu'elle s'occupe de la stratégie ne me dérange pas tant qu'elle ne s'immisce pas dans les affaires politiques.

— Le devenir de ce pays ne l'intéresse en aucune façon. Tout ce qui lui importe c'est d'honorer la promesse faite à son père, ajouta-t-il en reprenant son chemin vers le point d'eau.

Eivind eut alors un moment d'hésitation qui arrêta son pas. Il avait promis à Halfan de revenir, alors pourquoi son chef avait-il envoyé Sighild pour le chercher ? N'avait-il pas confiance en lui ? Ou peut-être était-il juste inquiet de le savoir seul à l'autre bout du monde, dans un pays qui lui était totalement inconnu ?

Le doute s'insinua désagréablement en lui et s'ancra dans sa conscience.

— Quelque chose ne va pas ? s'enquit Izril.

— Ça va, mentit son cadet. Qu'en est-il de ton futur empereur ? N'oublie pas que je souhaite le rencontrer.

— Je n'oublie pas, mon frère. Je ne peux pas partir longtemps loin du palais sans éveiller les soupçons mais je peux le quitter régulièrement. Je repars ce soir et reviendrai dans dix-sept jours avec lui. C'est un homme bon, je suis certain que tu l'apprécieras à sa juste valeur.

— Nous verrons cela.

Eivind se tourna vers la caverne. Sighild se tenait à l'entrée, abritée du soleil, les bras croisés et regardait dans sa direction. Il savait qu'en retournant la voir maintenant, il s'exposerait à ses critiques acerbes, mais la chose serait pire s'il la délaissait.

— Je dois y aller, dit-il à son aîné avant de s'en aller.

Il n'avait pas envie d'être l'exutoire de la mauvaise humeur de la chasseuse, pourtant son pas était rapide, comme si la vitesse pouvait diminuer l'irritabilité de la jeune femme.

Eivind arriva finalement vers elle tout en s'excusant de l'avoir abandonnée un instant.

— De quoi voulait-il te parler ? demanda-t-elle sans même le laisser finir de parler.

— De vous. Il ne vous connaît pas, il voulait savoir s'il pouvait avoir confiance.

— A-t-il peur que je me mêle de ses affaires ?

— En effet. Vous comptez vous en mêler ?

— Seulement si c'est nécessaire à ma mission, affirma-t-elle.

L'homme trouva là un moment opportun pour dissiper le doute qui le troublait :

— J'ai promis à Halfan de revenir en Sigvald. Pourquoi vous a-t-il envoyée ?

Elle le toisa un instant et Eivind s'aperçut que ses yeux blancs n'étaient pas comme d'habitude. Ils étaient pareils à ceux avec lesquels elle l'avait regardé des mois plus tôt, alors qu'ils étaient entourés de Moeth en furie.

— Tu n'as pas besoin de le savoir, répondit-elle sèchement.

— Je...

Signe arriva à cet instant et alla poser ses pattes avant sur les épaules d'Eivind pour quémander un câlin.

— J'ai faim, se plaignit-elle.

Tout en la grattant derrière les oreilles, Eivind lui assura de lui trouver un petit encas.

— Nous t'attendrons dans tes appartements, l'informa Sighild.

Elle fit claquer sa langue. Signe retomba lourdement sur ses pattes et lui emboîta le pas de son allure souple.


Ce fut avec le corps de deux didjaha en mains qu'Eivind rejoignit sa chambre. Signe se jeta sur son repas comme une affamée dès que l'homme lui présenta les animaux. Il alla ensuite rejoindre Sighild qui consultait les documents laissés là par Izril.

— L'auteur de ces cartes est un très bon cartographe, commenta-t-elle alors que le pisteur s'asseyait à bonne distance d'elle sur un coussin rond.

— Qu'avez-vous fait de Chance ? demanda Eivind, évitant ainsi de revenir sur le sujet de la guerre.

— Mon père l'a adopté dès qu'il l'a vu. Les loups sont de plus en plus rares et il manque d'une personne affectueuse à ses côtés.

— Vous oubliez Dame Alrun.

Sighild esquissa une grimace méprisante :

— Même la mort est plus affectueuse que ma mère. Elle n'aime pas mon père et me déteste cordialement. Chance est un meilleur compagnon pour lui.

Eivind n'ajouta rien. Sighild en fit de même, se concentrant sur les livres d'Histoire. Elle aimait connaître les endroits où elle allait, d'autant plus lorsqu'un affrontement s'y préparait.

En face d'elle, l'homme l'observait. Il attendait les habituels reproches qu'elle lui adressait toujours mais rien ne venait. Avait-elle trouvé les nomades si stupides que cela avait occulté la présence de son chasseur ? Le combat qui approchait devait également la préoccuper. Sighild avait l'habitude de passer des heures enfermée dans ses appartements avant une chasse ou une bataille. Halfan lui avait dit un jour que sa fille faisait une consommation abusive de cartes sur lesquelles elle griffonnait et raturait allégrement. Ne pas pouvoir le faire ici devait la contrarier. Alors pourquoi ne disait-elle rien ?

Ce silence mettait Eivind mal à l'aise.

— Tu devrais passer le reste de la journée avec les Faroren, conseilla-t-elle au bout d'un moment. J'ai de quoi m'occuper jusqu'à ce soir.

— Je viendrai vous chercher avant la réunion, lui promit-il en se redressant.

Elle ne leva pas la tête, alors Eivind s'en alla.

À la tombée de la nuit, l'assemblée fut de nouveau réunie. Bien sûr, les discussions étaient allées bon train toute la journée, à tel point que même les femmes et les enfants étaient au courant de la proposition de la Perle du désert – surnom affectueusement donné à Sighild par les garçons de la tribu. La stratégie effrayait, assez pour convaincre la majorité qu'elle devait être bonne. Les hommes, eux, conservaient plus de retenue car si le plan de Sighild était mis à exécution, il faudrait choisir ceux qui iraient à une mort certaine.

Dans la caverne, on se toisa avec insistance. Le temps était arrivé pour Eivind de s'imposer en tant que meneur, il le savait. Et sa première décision à ce poste semblait impossible à prendre. Pourtant il le devait.

Il se redressa pour se donne plus de contenance :

— Le choix est difficile mais quoi que nous fassions, des sacrifices seront faits. Le plus important pour nous reste la chute de Sibsab et de sa cour. Faror a besoin d'un nouvel espoir et nous sommes les seuls à pouvoir le lui offrir. Nous ne devons pas échouer.

Il marqua une pause pour se laisser le temps de trouver le courage de continuer puis il annonça :

— Nous suivrons le plan de Sighild.

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