Chapitre 3 - partie 4
Un puissant rugissement déchira le silence qui s'était installé et la foule vit une masse imposante d'un blanc taché de noir percuter brutalement Berkwan. Le rebelle s'effondra sous le poids de l'animal et hurla de peur lorsqu'une gueule aux dents acérées approcha dangereusement de son visage. L'homme réussit à se dégager, rampa en arrière et se releva, son épée tendue devant lui pour se protéger. Eivind essuya les derniers grains de sable qui meurtrissaient ses yeux et regarda, interdit, l'ennemi de Berkwan.
Le magnifique once, les oreilles plaquées en arrière, rugissait en donnant des coups de pattes, toutes griffes dehors. Sur son pelage hérissé, entre ses omoplates, brillait un sceau magique d'un bleu lumineux qu'Eivind n'avait jamais vu. Il ne connaissait qu'une seule panthère des neiges capable de venir jusqu'ici :
— Signe..., murmura-t-il.
Le désert, la chaleur et le combat devaient le faire délirer. Il aurait pu croire à la folie si les cris de peur de Berkwan et le mouvement de recul de la foule n'avaient pas été là pour lui affirmer que tout était réel. Il ne pouvait pas se tromper, c'était bien elle.
Il s'approcha.
— Signe, appela-t-il avec vigueur.
L'irbis s'immobilisa et leva les oreilles. Elle tourna la tête vers lui. Pendant que Berkwan s'éloignait à pas prudents, le pisteur s'avança. La panthère lui fit face et, dès qu'il fut à sa hauteur, s'appuya sur ses membres antérieurs pour amener ses pattes avant sur les épaules de l'humain. Face à l'animal debout qui baissait la tête vers lui, Eivind se sentit petit. Tellement petit... et heureux.
Il lâcha son épée pour serrer la panthère dans ses bras. La fraîcheur de sa douce fourrure le surprit à tel point qu'un frisson le parcourut. Ce devait être l'œuvre du deuxième sceau.
En réponse à son étreinte, Signe lui octroya un coup de langue râpeuse sur les cheveux, les dressant en piques.
— Qu'est-ce que tu fais ici ? demanda-t-il.
— J'ai suivi ta trace pour te trouver, chuchota-t-elle avec sa voix particulière. Nous étions inquiets pour toi.
— Nous ? répéta-t-il sur le même ton.
Signe releva la tête. Le pisteur était certain que si elle avait pu sourire, elle l'aurait fait. Ce fut alors que l'homme remarqua que le sceau sur sa gorge brillait encore. Comme en réponse à ses questions muettes, l'irbis tourna la tête sur sa gauche. Eivind l'imita. Son regard parcouru l'assemblée jusqu'à tomber sur un inconnu vêtu de marron foncé de pied en cap.
Les rebelles s'affolèrent en le découvrant également.
Les chefs ordonnèrent d'arrêter l'intrus sur-le-champ. Les hommes foncèrent sur l'étranger d'un même mouvement. Eivind ne pensa même pas à intervenir. Il regarda, imité par Signe qui s'était remise à quatre pattes.
L'inconnu ne bougea pas malgré la troupe qui arrivait sur lui, comme si l'attaque le laissait indifférent. Pourtant au dernier instant, il repoussa sa cape sombre et dégaina aussi vite que le vent, parant les coups avec une facilité déconcertante. Les épées semblaient glisser sur lui comme si elles étaient incapables de l'atteindre.
Non content de désarmer ses ennemis les uns après les autres, il leur assénait des coups de pieds prodigieux qui dénotaient de sa souplesse et de son habileté, car ses jambes se levaient parfois jusqu'au visage de ses assaillants.
Les chefs rebelles restèrent cois une bonne partie de l'affrontement et personne, durant un long moment, ne songea à faire cesser tout ça.
Finalement, Amalu hurla à ses pairs d'arrêter, ce que tous firent plus ou moins consciemment.
L'étranger, droit et immobile, avait déjà rengainé son épée. Il trônait comme un roi au milieu des rebelles qu'il avait si facilement sonnés. Avant que quiconque ait pu bouger, il attrapa son sac de voyage et s'avança vers Eivind tout en enlevant son chèche.
À la première mèche blanche qu'il vit, au premier morceau de peau pâle qui se dévoila, il sentit son cœur se serrer si violemment qu'il eut réellement mal. Avant que ses poumons ne se remplissent une nouvelle fois d'air, le turban marron foncé pendait sur les épaules de Sighild.
Elle était juste devant lui. Si près, qu'il eut simplement besoin de baisser la tête pour croiser son regard.
La foule laissa échapper des murmures mêlés de surprise et d'émerveillement car personne, en Faror, n'avait jamais vu pareil spectacle. De longs cheveux blancs semblables à une fourrure soyeuse, une peau à l'éclat de perle, des yeux d'un blanc pur, des mèches bleu pâle qui encadraient son visage, une grande taille... Elle était si différente des femmes d'ici qu'elle incarnait à elle seule l'immensité du monde.
Eivind en oublia les nomades, la chaleur, le désert et même l'endroit où il se trouvait. Son univers s'était rétréci à une vitesse vertigineuse et se limitait maintenant à ce visage tout droit sorti d'un rêve, à ces traits si familiers qui ne pouvaient appartenir qu'à un fantôme. Il n'osait ni bouger ni ciller tant il redoutait que la vision s'évanouisse.
Mais si, pour lui, le temps semblait s'être arrêté, ce n'était pas le cas pour tout le monde.
— Vas-tu te décider à bouger ? demanda la femme. Le soleil a-t-il fait fondre le peu d'esprit que tu avais ? Mène-moi au frais et donne-moi à boire. Ce soleil m'épuise.
Sans attendre la réponse de son guerrier, elle passa à côté de lui et se dirigea vers la grotte, sous le regard interloqué d'Eivind et des chefs rebelles qui, comme tantôt, n'eurent pas la présence d'esprit de réagir. Du moins, pas tous. Gildun s'avança jusqu'à barrer la route de la nouvelle venue. Izril s'approcha de son frère tout en détaillant l'étrangère de la tête aux pieds.
— Qui êtes-vous ? demanda Gildun. Qui vous a amenée jusqu'à nous ?
— Ne vous inquiétez pas, chef nomade, votre camp est impossible à trouver sauf si ceux que vous craignez vous ont talonné et possèdent le flair d'un once. (Signe s'approcha et se frotta à Sighild.) Quant à moi, je suis Sighild Svanhild, fille d'Halfan, héritière de Thorov en Sigvald. Je suis ici en mission officielle, ajouta-t-elle en tendant à Gildun une lettre signée de la main de son père. Je viens récupérer mon chasseur.
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