Chapitre 10 - partie 2
Dans le palais, l'agitation gagna toute la garde. Les rebelles infiltrés se tinrent cachés le temps que la protection de l'Empereur se mette en place. Sa famille et ses Djilhali furent escortés dans la suite impériale avec pour ordre de ne sortir sous aucun prétexte. Si l'ennemi gagnait trop de terrain, ils seraient évacués par le sud du bâtiment.
Arkhoris, bâillonné et les mains liées, avait mené les nomades au plus près de la chambre de Sibsab, mais ils avaient dû trouver refuge dans un petit salon non loin le temps que les hommes de Gabir se calment.
— Qu'est-ce qu'on fait ? demanda Eivind à sa cheffe.
— On fonce, Arkhoris en bouclier.
Le pisteur lui saisit le bras et lui fit comprendre d'un regard qu'il ne devait rien arriver au garde. Elle posa sa main sur la sienne pour le tranquilliser.
— Si on me prenait en otage, tu prendrais le risque de tenter quelque chose ?
— Non, répondit-il.
— J'espère que vos hommes vous apprécient, dit-elle à Ark.
Ils se relevèrent sur ces mots. Sighild jeta un regard par la porte : une dizaine de gardes armés bloquaient l'accès aux appartements de Sibsab.
— On y va.
Amalu, un poignard sur la gorge de son otage, sortit d'abord, immédiatement suivi par Sighild et Eivind. En les apercevant, les soldats impériaux se mirent en garde mais hésitèrent à charger en reconnaissant Arkhoris. Leur doute permit aux nomades de les attaquer en premier. Le combat, largement inégal, ne dura pas longtemps. Les rebelles entrèrent dans les appartements. Ils furent accueillis par de nouveaux gardes qui n'eurent pas plus de chance que les précédents.
Sighild prit un instant pour observer les gens agenouillés devant elle dans l'attente d'une mort certaine. Elle reconnut Izril et Haydar et trouva Sibsab par élimination. L'aîné d'Eivind s'affola en voyant son amant prisonnier.
— Il est temps d'en finir avec cette guerre, annonça Sighild en saisissant les poignets d'Ark. Tue Sibsab, ordonna-t-elle à Amalu, prends sa tête et va sonner le cor.
Deux rebelles se saisirent de l'Empereur qui se débattait comme un diable, hurlant et pleurant qu'on lui laisse la vie sauve. Mais ses suppliques ne trouvèrent aucune oreille attentive. D'un coup net et précis, Amalu lui trancha la tête.
— Eivind, l'interpela Sighild. Prends Izril et Haydar et conduis-les au salon où nous étions à l'instant.
Le pisteur s'exécuta sur le champ, révulsé par les pleurs des femmes et le sang qui se répandait sur le sol. Elle attendit qu'il sorte à la suite d'Amalu avant de s'adresser aux captifs :
— Donnez-moi les esclaves de Sibsab, exigea-t-elle.
Cinq jeunes Djilhali, dont une fillette, se levèrent. Elle leur ordonna de s'en aller.
— Tuez les autres, intima-t-elle en sortant à son tour.
Les portes se refermèrent derrière Arkhoris et elle. Le chef de la garde impériale sentit son cœur se serrer et son ventre se nouer en entendant les hurlements de terreur de la femme, des filles et des nièces de Gabir. Sighild le sentit trembler d'horreur comme il s'imaginait le carnage.
— Détrôner un souverain est la pire des motivations pour une guerre, lui dit-elle sur un ton qu'elle voulait amical. Car en plus des nombreux soldats qui tombent pour cela, celui qui prend le pouvoir doit tuer toute la lignée de son prédécesseur pour enrayer une éventuelle vengeance. Sibsab pensait l'avoir fait mais il s'est trompé... et la vengeance l'a rattrapé.
Elle le fit entrer dans le salon où attendaient Haydar, Signe et les deux frères, puis lui enleva tous ses liens.
— Haydar, veuillez nous laisser, pria-t-elle.
— Mais pour...
Elle leva la main pour le faire taire :
— Chaque chose en son temps. Dehors, répéta-t-elle froidement.
Le vieil homme jeta un regard à Izril dans l'espoir de trouver une explication mais n'obtint qu'un écho à l'ordre de la femme.
— Bien...
Sur cet unique mot, il s'en alla. Sighild ferma la porte avant de se tourner vers les trois hommes restant.
— Amalu, Eivind et moi avons longuement parlé, commença-t-elle en fixant Izril. Vous disiez qu'Amalu ne désirait pas devenir empereur, ce qui n'était pas totalement faux, jusqu'à ce que je m'entretienne avec lui et lui fasse comprendre que Faror ne changerait jamais avec un homme comme Haydar à sa tête.
Izril serra la mâchoire. Il avait peur de comprendre où elle voulait en venir et sentit la colère gronder en lui.
— Amalu sera le prochain souverain, continua-t-elle, et vous ne pourrez rien y faire. Il doit être en ce moment même en train de brandir la tête de Sibsab. Imaginez-vous : le seul homme vivant au monde ayant ouvertement défié Gabir et qui, en héros opportun, offre la liberté au peuple en même temps que la tête du tyran. Il sera porté aux nues et son influence sera si grande qu'il pourra enfin remettre le pays sur pieds.
— Et si vous vous trompez ? demanda-t-il, la voix fielleuse.
— Je ne me trompe pas, affirma-t-elle. J'en ai eu confirmation un soir, dans le désert.
Elle faisait allusion à l'esprit cheval et Eivind comprit parfaitement que le moment du choix arrivait.
— Nous savons, Eivind et moi, que l'appui d'Haydar vous aurait donné les moyens de retrouver Lehnumia et que là-bas, vous auriez pu vivre votre amour pour Arkhoris.
Les deux hommes se raidirent, mais la raison n'était pas la même pour chacun. Ark tourna la tête vers son amant :
— De quoi parle-t-elle ? lui demanda-t-il.
Izril baissa les yeux. Il était fatigué, désabusé, meurtri. Il se laissa tomber sur une banquette et fondit en larmes.
Son rêve venait de mourir.
Eivind s'accroupit à côté de lui :
— Ne pleure pas sur Lehnumia, Izril. Même avec la plus grande armée du monde tu n'aurais pas pu la trouver. Les esprits des Anciens Rois du désert l'ont interdit aux Tamham.
Le Djilhali releva la tête :
— Quoi ?
Eivind lui raconta leur rencontre avec le Barbe champagne or pendant qu'Arkhoris, totalement perdu, luttait pour comprendre ce qui se disait.
— Comment avez-vous su ce que je préparais ? demanda finalement Izril.
Ses yeux étaient rougis par les larmes, son visage marqué par la fatigue et sa voix brisée par le chagrin. Signe s'approcha et posa sa lourde tête sur les genoux de l'homme.
— C'est moi qui le leur ai dit, confessa-t-elle.
La panthère vit le menton d'Izril trembler alors que ses yeux se remplissaient à nouveau de larmes. Il se mordit la lèvre inférieure pour les empêcher de couler. Il se sentait totalement démoli et trahi.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top