Chapitre 10 - partie 1

Sighild se déplaça sous couvert de la végétation dense et, une fois certaine qu'il n'y avait personne alentour, elle traversa le large chemin de promenade pour se mettre à l'abri de l'autre côté, près de la porte.

Sur le toit, Hyulha prit son envol, tourna deux fois en cercle et ne descendit vers les bâtiments que durant le laps de temps qui séparait la sortie d'une patrouille dans le secteur et l'entrée d'une autre.

D'un souffle, elle enflamma toutes les écuries.

La chasseuse fut impressionnée par la réactivité de la garde impériale. Sibsab était peut-être un tyran mais il savait comment s'entourer.

Comme elle l'avait prévu, les hommes en place appelèrent les gardes en patrouille pour les aider à sortir les chevaux des flammes et tenter de maîtriser l'incendie. La deuxième partie serait plus délicate car le feu des dragons était pratiquement inextinguible. Il était certain que le bâtiment de la garnison contigüe aux écuries brûlerait aussi.

Dès que la voie fut libre, Sighild ouvrit la petite porte et laissa entrer les hommes, le cadavre des deux sentinelles dans les bras. Ils les cachèrent parmi les fougères et retournèrent vers Signe.

Monter jusqu'à la chambre de Sibsab serait moins aisé que l'avait été la descente à cause de leur grand nombre. La panthère devrait redoubler de vigilance en les guidant car ils ne pourraient pas tous passer au nez et à la barbe des gardes. L'agitation provoquée par l'incendie les servait tout de même un peu car il avait fallu prendre des renforts là où il y en avait.

Les nomades se servaient de tout ce qu'ils trouvaient pour se dissimuler : grands vases, plantes aux feuilles larges, banquettes ou colonnes. L'avance était lente et difficile, à tel point qu'il vint vite à l'esprit de tout le groupe qu'il ne trouverait pas Sibsab avant le lever du jour.

À un croisement, Signe fit arrêter tout le monde. Les guerriers se plaquèrent sur le sol comme l'irbis se couchait. Avec l'agilité d'un félin, Sighild se plaça au-dessus de la panthère sans s'éloigner du mur.

— Qu'est-ce qu'il y a ? chuchota-t-elle.

— Arkhoris, le mâle d'Izril, répondit-elle sur le même ton. Il va nous trouver.

— Il te connaît. Fais diversion.

Sighild recula et fit signe aux hommes de ne pas bouger. Signe se releva et s'extirpa de sa cachette. Le jeune garde qui accompagnait Ark laissa échapper un hoquet de surprise en voyant la panthère. Il pointa sa lance sur elle. Ark la lui fit baisser.

— Oublie que tu l'as vue, ordonna-t-il à son subordonné. Elle appartient à Izril mais tu sais ce qui arrivera si Sibsab le sait.

— Euh... oui, Chef.

— Va aider la première garnison, ajouta-t-il en voyant par les fenêtres que l'incendie n'était pas maîtrisé. Tout est tranquille par ici, je devrais pouvoir m'en sortir seul.

Le garde inclina la tête avant de partir au pas de course dans le sens opposé. Ark s'agenouilla et caressa la panthère.

— Izril sera furieux quand il saura que tu te promènes dans les couloirs.

Sighild fit signe à Amalu de s'avancer vers elle.

— Viens, je te ramène à la chambre, dit Ark à l'once.

Il se releva et leur tourna le dos pour raccompagner la panthère. Amalu et Sighild sortirent de leur cachette avec célérité. Le grand guerrier du désert se jeta sur le chef de la garde et l'immobilisa facilement grâce à l'effet de surprise. Une main sur sa bouche, il l'empêcha de quémander de l'aide. Sighild s'approcha de lui et glissa la pointe de son épée sous son menton :

— Je te laisse le choix, Arkhoris : la tête de Sibsab ou celle d'Izril ?


L'armée rebelle se tenait prête à l'extérieur de la ville. Monté sur son éland, Dehhu fixait Devenha qui n'était qu'un gros point lumineux à l'horizon. Il se tourna vers l'est : la nuit pâlissait.

— Rebelles ! hurla-t-il en brandissant son sabre. Devenha est à nous !

Les soldats reprirent son cri en chœur. Puis l'assaut fut donné.

Les élands partirent au galop comme des flèches, soulevant un nuage de poussière qui gagna en intensité avec leur course.

L'armée arrivait sur la ville.

En haut des fortifications, les soldats les virent approcher. L'alerte fut donnée. Les patrouilles intérieures rejoignirent les sentinelles, apportant avec elles des armures et des munitions de flèches. Les archers se mirent en place et visèrent, mais les nomades étaient encore trop loin. Il fallait attendre.

Encore un peu.

Encore.

— Tirez ! hurla un haut gradé.

Mais les premiers rayons du soleil éblouirent les soldats ; les flèches manquèrent leurs cibles.

À l'intérieur de la ville, les rebelles en place ouvrirent la porte nord. Les hommes de Dehhu ne mirent pas longtemps pour s'y engouffrer comme un raz de marée.

Un chaos sans nom s'abattit sur Devenha.

Alors que les combats s'engageaient dans la ville, la première garnison s'acharnait toujours à éteindre le feu. Lorsque l'annonce de l'attaque leur parvint, ce fut un coup de massue sur leur moral. Ils se battaient depuis presqu'une heure contre l'incendie qui gagnait maintenant leur bâtiment, ils étaient fatigués et découragés à l'idée de devoir prendre les armes. Mais leur honneur le leur dictait.

Ils récupérèrent ce qu'ils purent dans leur quartier général et allèrent se placer aux portes de la citadelle, prêts à accueillir tous ceux qui tenteraient de passer. Le feu finirait bien par s'éteindre dès qu'il ne trouverait plus rien à brûler.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top