Chapitre 9

Les félins avançaient en silence, sans s'échanger un seul mot. Ils partirent d'abord inspecter les frontières entre le Clan du Vent et le Clan du Tonnerre et Griffe du Cèdre en profita pour conter à Nuage de Corbeau un incroyable récit dont il était le héros.

« Et lorsque le renard était à terre, j'en ai profité pour me jeter sur lui et-

— Bon, Griffe du Cèdre, tu nous tiendras au courant quand t'auras fini de raconter n'importe quoi, d'accord ? » C'était la voix de Moustache de Tigre. Il se tenait à quelques queues de renard du matou brun et de son apprenti.

« Tu dis ça parce que tu es jaloux de moi, ricana l'intéressé. Une lueur malicieuse dansait dans ses yeux lorsqu'il poursuivit. Tu te rappelles du succès que j'ai eu, à l'époque ? Je n'étais apprenti que depuis une lune, et j'avais déjà battu un renard ! Fleur de Violette était sous mon charme, mais bon, je l'ai recalée. Tu t'en souviens de ça, Moustache de Tigre ?

— Oui, mais "ça", c'était à l'époque. » Répliqua amèrement le mâle roux, mettant immédiatement un terme à cette conversation.

Tout le reste de la patrouille se fit dans le plus grand des calmes. Le groupe arriva à l'entrée du camp et s'apprêta à rentrer, mais Nuage de Lande s'arrêta.

« Je sens quelque chose... C'est un lapin ! » La jeune femelle se coucha au sol, les oreilles pointées vers l'avant. Alors qu'elle s'approchait doucement de sa cible, Nuage de Corbeau écrasa une brindille par mégarde. Crotte de souris !
Le lapin, effrayé, fit un bond et se mit à courir. Ni une ni deux, Nuage de Lande se lança à sa poursuite, déterminée à l'avoir. Elle revint quelques secondes plus tard, avec l'animal dans la gueule. Moustache de Tigre lui fit un signe de tête approbateur puis rentra au camp, suivi de Griffe du Cèdre. La novice en profita pour lancer avec dédain :

« Bien joué, cervelle d'oiseau. Si je n'étais pas aussi expérimentée, tu aurais pas eu de quoi manger ce soir. »

Nuage de Corbeau ne répondit pas, mais était profondément touché. Il n'était pas dépendant des soi-disant talents de chasse de Nuage de Lande pour se nourrir, il aurait très bien pu avoir ce lapin lui aussi, n'est-ce pas ?

Le ciel aux teintes orangées rayonnait, offrant un spectacle absolument magnifique. Nuage de Corbeau se prélassait au soleil, plus que détendu. Il fut surpris de sentir une présence se poser à ses côtés. Un chat au pelage crème était assis, une souris dans la gueule. Son odeur était familière.

« Je m'appelle Nuage de Lièvre, commença timidement l'apprenti, on s'était vus l'autre jour, tu t'en rappelles ?

— Oui... Qu'est-ce que tu fais là ? Demanda Nuage de Corbeau, sur un ton qu'il voulait amical.

— Je- Je mange...? »

Les deux novices eurent un petit rire fou rire, extrêmement gênés.

« Je me suis dit que ça te ferait plaisir d'avoir un peu de compagnie... Reprit le fauve aux poils clairs. À moi aussi, d'ailleurs. J'en ai marre de voir constamment Nuage de Pétales et Nuage de Lande !

— Alors ça nous fait un point commun ! Sourit son interlocuteur, ému de s'être fait un camarade. Ce dernier poussa à l'aide de sa patte son repas, puis proposa :

— Tu veux un morceau ?

— Oui, je veux bien. »


Le ciel indigo indiquait qu'il était temps d'aller dormir, ce qui n'était pas de refus pour Nuage Corbeau : la patrouille l'avait épuisé !
Les paupières du félin étaient lourdes, et alors qu'il s'apprêtait à dormir, une voix l'interpella.

 « Nuage de Corbeau ? »

C'était Écorce de Chêne.

Le petit matou se leva avec surprise, il ne s'attendait pas à revoir cet étrange fantôme de sitôt.

« Quelque chose ne va pas, Écorce de Chêne ? s'enquit-il

— Eh bien... » L'esprit astral respira profondément avant de reprendre son discours. Son intonation indiquait l'importance de son message. « Tu ne t'en rends peut-être pas compte, mais il y a beaucoup de murs à renforcer dans ton Clan. Tout ce qui vous entoure est instable, tout croule sous vos pattes. Tu dois faire vite, car les flocons arrivent en masse. Le manteau blanc veut récupérer ce qui lui appartient. Tu es le seul à pouvoir calmer la tempête. Tu es le seul à pouvoir le faire. »

Nuage de Corbeau était paralysé, il ne parvenait pas à saisir le sens de ces mystérieuses paroles qui lui étaient destinées. Il était perturbé : quels murs étaient à renforcer ? En quoi le Clan du Vent était son clan ? Qui était ce manteau blanc ? Pourquoi était-il le seul à pouvoir arranger les choses ?
Finalement, l'apprenti réussit à prononcer quelques mots.

« Mais je... Je ne comprends pas... » Il était trop tard. L'entité disparaissait peu à peu dans la toison argentée, laissant derrière elle de la poussière d'étoiles.

« Je compte sur toi... »

Le corps de Nuage de Corbeau tremblait, comme s'il venait subitement de recevoir le poids de l'avenir.
Peu à peu, le félin reprit ses esprits. La silhouette de Griffe du Cèdre se détacha alors de l'obscurité.

« Alors comme ça on parle tout seul ? Je savais que tout n'allait pas très bien dans ta petite tête ! »Plaisanta-t-il.

— Très drôle... marmonna son interlocuteur.

— Cervelle de souris, tu sais très bien que je rigole ! »

Un silence embarrassant s'installa alors entre le mentor et son apprenti. Une voix brisa alors la glace.

« Vous ne dormez pas ? »

Une femelle de petite taille, au pelage charbonneux, surgit des ténèbres. Ses yeux ambrés, animés d'une lueur intrigante, fixaient intensément le chausseur au pelage noisette.

« Oh, A-Aile Cendrée ! Bafouilla Griffe du Cèdre. O-On admire tout simplement la toison argentée... » La dénommée Aile Cendrée s'orienta ensuite vers Nuage de Corbeau.

« Les plus grands règnent là-haut, tu le sais, ça ? » L'intéressé hocha la tête, intimidé par l'aura que dégageait la guerrière. « Je vous laisse, alors. Miaula-t-elle. Je vais aller me mettre un truc sous la dent. Au re- »
Griffe du Cèdre lui coupa la parole.

 « Je n'ai pas mangé non plus, lança-t-il, on peut manger ensemble ?

— D'accord... » Bien qu'un peu offensée qu'on lui ai coupé la parole, Aile Cendrée avait un sourire en coin. Elle semblait agréablement surprise par l'acte du mâle brun...

Nuage de Corbeau se retrouva à nouveau seul. Il se trouva un endroit pour dormir, mais restait éveillé : le message d'Écorce de Chêne occupait ses pensées.



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