Chapitre 7

Deux aubes s'étaient écoulées depuis l'emprisonnement de Jais. Le minet s'ennuyait à longueur de journée et aidait de temps en temps Truffe de Mâche, qui avait supplié le chef pour que le chaton soit comme son assistant temporaire. Jais passait le plus clair de son temps à rester assis devant l'antre de la soignante, observant envieux les apprentis du Clan du Vent rapporter des proies ou se prélasser au soleil tout en discutant. Le soleil devenait de plus en plus brûlant et éblouissant, et le vent soufflait de moins en moins. Selon le prisonnier, le Clan du Vent se portait très bien. La guérisseuse du Clan du Vent surgit subitement devant Jais.

« Bonjour, Jais. » Miaula-t-elle, une proie dans la gueule. Son interlocuteur la salua à son tour, puis la femelle l'invita à manger le lapin qu'elle avait récupéré dans le tas de gibier. Jais déclina la proposition, alors, la soignante déposa le lapin à l'intérieur de sa tanière avant de revenir.

« Je me demandais si tu voudrais m'accompagner pour chercher des feuilles de bourrache, je n'en ai plus et puis... On ne sait jamais ! » Le jeune chat soupira et accepta, de toute façon, il avait besoin de se dégourdir les pattes.

Les deux félins sortirent du camp, en direction de la frontière avec le Clan du Tonnerre. Les fauves marchaient en silence, aucun d'eux n'osait parler. Finalement, ce fut Truffe de Mâche qui prit la parole.

« Tu n'es pas trop triste d'être prisonnier, loin de tes proches ?

- Je n'ai pas vraiment d'amis, uniquement mon père qui à l'air de préférer Amande que son propre fils ! » Le félidé au pelage noir sortit les crocs, en colère. Sa camarade eut soudain les poils hérissés.

« Vraiment ? Qui est cette Amande ?

- Une horrible chatte que je déteste profondément. Répondit sèchement le petit mâle qui reprit un peu plus calmement. C'est une domestique qui vient sans cesse voir mon père. J'ai l'impression que depuis, mon père est gêné quand je suis là... Ils vont finir ensemble, c'est sûr ! » La guérisseuse ne put s'empêcher d'être extrêmement indignée.

« Mon pauvre petit, souffla-t-elle, tu n'as pas de chance. » Elle posa sa queue sur le dos de son accompagnateur, qui fut soulagé à l'idée que quelqu'un l'ait enfin écouté et comprit. Il laissa sa tête se reposer sur la fourrure de la femelle grise et ronronna. Celle-ci lui lécha affectueusement le haut du crâne puis s'arrêta.

« Nous sommes arrivés. » Annonça-t-elle avant de se mettre à chercher des feuilles de bourrache. Jais explora partout et se stoppa face à un énorme lac, où de loin, on pouvait voir une petite île. Le jeune chat admira toute l'eau que contenait ce bassin. Il flaira soudain une odeur de plante. Il regarda au sol et vit un végétal aux larges feuilles avec des petites grappes de fleurs roses et mauves. Était-ce de la bourrache ? Fallait-il arracher les feuilles puis les donner aux reines ? Le minet préféra demander à la guériseuse.

« C'est sans aucun doute de la consoude, affirma-t-elle, n'en prends pas ça risque de prendre de la place dans ma tanière. Et puis, je n'en ai pas besoin ! »

L'assistant temporaire de la chatte était perplexe : elle n'avait pas besoin de bourrache pourtant, elle était partie en chercher ! Jais cueillit discrètement la plante puis rattrapa son aînée qui avait finalement trouvé des feuilles de bourrache.

« Nous pouvons rentrer. » Déclara-t-elle, contente.

Sur le chemin du retour, la soignante enseigna à Jais les facultés des feuilles de bourrache ainsi que celles de la consoude.

Midi était sûrement déjà passé, et les félidés franchirent enfin l'entrée du camp. Ils posèrent les feuilles de bourrache à l'intérieur du gîte de la guérisseuse. Du bruit attira l'attention des deux camarades qui sortirent immédiatement de la tanière. Une patrouille, probablement celle du midi, déboula dans le camp. Deux chats, un brun et un autre crème, aidaient une femelle au pelage noir à marcher. Jais reconnut la guerrière et se souvint qu'elle lui avait demandé de ne pas trop parler aux autres.

« Bourrasque du Soir s'est blessée ! » Miaula une chatte blanche aux yeux verts, accourant vers Truffe de Mâche. Celle-ci se précipita vers l'invalide et l'examina. Ses poils se hérissèrent soudainement.

« Elle s'est cassée la patte... » La guérisseuse se retourna vers son assistant temporaire. « Va vite chercher de la consoude ! »

Le petit mâle noir ne put s'empêcher de ronronner, fier.

« Qu'est-ce que tu attends ? » S'impatienta la femelle grise. Jais s'élança dans l'antre de la soignante où il avait déposé la consoude, il la récupéra et la rapporta à son aînée.

« Comment...

- Tu m'avais dit de ne pas en prendre, mais je l'ai quand même fait. » Truffe de Mâche contempla le jeune chat, à la fois ébahie et amusée.

« Eh bah ! Tu m'as impressionée ! » Les chasseurs commencèrent à s'agacer. Alors, Truffe de Mâche demanda d'ammener la blessée dans sa tanière puis, elle commença les soins.

Pendant ce temps, Jais était resté debout, immobile. Un guerrier, au pelage brun rayé et aux yeux verts s'avança vers le chaton.

« Merci, petit. Grâce à toi, Truffe de Mâche n'a pas perdu de temps. Elle soigne déjà Bourrasque du Soir. »

L'intéressé ne fit pas attention à sa qualification de petit. Il était heureux que l'on reconnaisse enfin son efficacité.

« Je suis content que mon désobéissement ait servi, pour une fois. »

Le grand fauve effleura l'épaule de son cadet puis rejoignit un imposant guerrier couleur crème. Ayant encore du temps libre, le félin trottina pésiblement vers un coin ombragé du camp et s'allongea mais quelqu'un l'interpella.

« Nuage de Pétales et moi avons reservé cet endroit. » Nuage de Lande toisa durement son interlocuteur.

« Nuage de Lande... Marmonna Jais, en montrant ouvertement son irritation.

- Qu'attends-tu ?

- Il n'y a pas de résevation disponible ici, à ce que je sache.

- Priorité aux membres du clan ! Maintenant va-t'en, prisonnier !

- D'accord. » Accepta Jais avec courroux, qui s'éloignait déjà du recoin à l'ombre.

Il entra maussade dans le gîte de Truffe de Mâche qui venait tout juste de terminer les soins de la guerrière blessée. Sans dire un mot, le prisonnier s'installa dans son nid de mousse, et rapidement, il s'endormit.

Jais ouvrit les yeux. Il faisait sombre, un faible rayon de lumière éclairait l'antre de la soignante. Elle n'était pas en train de se reposer, visiblement, elle ne se trouvait pas dans sa tanière. Est-ce que je rêve ? S'interrogea le minet. Une voix brisa le silence de la nuit.

« Que veux-tu, Truffe de Mâche ?

- Désolée du dérangement, Étoile de Flocons. » Jais frissonna, en se demandant de quoi ou même de qui allaient parler les deux félins.

« Je voulais te parler de Jais, du prisonnier. » Le félidé noir se retint de se joindre à la discussion.

« Que se passe-t-il avec lui ?

- Absolument rien ! Il est serviable, docile, amusant, il a de bonnes intuitions... » Le petit chat s'empêcha de ronronner, il était très touché par les mots de la chatte. Il se tut en entendant la coversation reprendre.

« Où veux-tu en venir ?

- Pourquoi ne pas le libérer ? Il s'ennuie beaucoup.

- Il est le mieux traité de tous les prisonnier que le Clan du Vent a eu ! Ce n'est pas parce qu'il s'ennuie que je vais le libérer !

- Je... Étoile de Flocons, je t'en prie !

- Non.

- Te souviens-tu de la dette ? Moi aussi je voulais partir avec Nuage du Froid, et devenir errante ! Mais tu m'as retenue.

- Il fallait à tout prix un apprenti guérisseur ! Et tu étais passionnée par ça. Grâce à toi, notre clan a une formidable guérisseuse.

- De nombreuses lunes plus tard, tu n'as toujours pas payé ta dette, c'est le moment. »

Jais n'en revint pas ; le chef était le frère de la guérisseuse et ils faisaient possiblement partie de la même fratrie que son père ! Truffe de Mâche était en train de demander la libération de l'otage, ainsi, le meneur n'aurait plus cette fameuse caution ? Le chaton fut profondément reconnaissant envers la guérisseuse. Celle-ci commançait à s'impatienter.

« Alors ?

- Je ne sais pas...

- Si tu as peur de paraître faible face aux ennemis en libérant un chaton ou si tu ne veux pas le rendre à son papa, inquiet par sa réaction alors, qu'il devienne un apprenti du Clan du Vent. »

À cet instant, le temps sembla se figer.

Jais vit enfin une issue.

Aura-il le droit à sa liberté ?

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