Chapitre 6
Jais se recroquevilla sur lui-même, à la fois honteux et inquiet. Lorsqu'il entendit des moqueries, il sentit sa fourrure se hérisser et se dit que c'était à cause du vent. Soudain, une idée lui traversa l'esprit : comment réagirait son père si il ne revenait pas ?
« Donc, reprit alors Étoile de Flocons, n'allez pas sympathiser avec lui. Et s'il tente de s'évader, poursuivez-le et ramenez-le, vivant. »
Étrangement, le chaton fut rassuré. S'il venait à s'enfuir, on ne le tuerait pas. De toute manière, il ne songeait pas à rentrer ; la possible réaction de son père le faisait claquer des dents.
« L'assemblée est terminée. Conclut le chef en se relevant. Vous pouvez y aller. » Tandis que la foule se dissipait, le meneur, lui, restait debout, immobile, son pelage blanc semblable à la lune était aussi lisse que de la pierre malgré la brise nocturne. De loin, le minet put à peine voir les yeux cyans du grand fauve qui étaient plongés dans le ciel indigo piqueté d'astres. Bien qu'absorbé par Étoile de Flocons, Jais se rendit que compte que quelqu'un approchait. Ne voulant pas se faire passer pour un fouineur, il décida de s'allonger dans un nid de mousse et il fit comme s'il dormait.
« Jais ? » Appela Truffe de Mâche en passant sa tête dans la tanière. « Jais ? » Interpela-t-elle à nouveau, sans succès. Dès qu'elle vit le jeune félin soit-disant somnolant, elle se tut. La guérisseuse s'avança vers le petit mâle et lui lécha tendrement le front, ce qui remémora au chaton un des rares moments qu'il avait vécu avec sa mère.
« Bonne nuit, petite boule de poils. » Chuchota-t-elle au rejeton avant de s'enfoncer dans les ténèbres de son antre.
Les lumières de la douce matinée éveillèrent Jais qui était lové dans son nid moelleux. Il poussa deux ou trois grognements avant de battre de nombreuses fois des cils pour faire une toilette rapide. Une fois satisfait de son pelage soyeux, il s'étira, s'ébroua et se posta à la sortie de la tanière de la soignante. Celle-ci déboula de nulle part comme à son habitude.
« Bonjour ! Lâcha-t-elle souriante. Bien dormi ? » Elle ronronna et s'arrêta net. La guérisseuse changea brusquement d'attitude ; elle se raidit en sentant le regard des autres et prit un air neutre, inexpressif.
« Tout va bien ? » S'enquit innocemment le minet, les yeux interrogateurs. La femelle grise lui fit un bref signe lui indiquant qu'il devait la suivre. À l'écart dans un recoin du gîte de la chatte, les félidés étaient assis, assez silencieux.
« Je ne dois pas être trop gentille avec toi... Déclara Truffe de Mâche qui, tenta tant bien que mal de couvrir son ton mélangé entre de la mélancolie et de la déception.
— Pourquoi ?
— Tu es un prisonnier, enfin ! » Répondit la guérisseuse en baissant ses yeux verts, voilés d'une tristesse nostalgique.
« Oui.
— Tu n'es pas un membre du clan et encore moins un proche. Les ordres nous ont dit de ne pas sympathiser avec toi.
— Oui je sais mais...
— Mais ! Comment le sais-tu ? Tu n'as pas participé à l'assemblée d'hier ! » S'exclama la soignante comme si on l'avait trahie. Jais ne put s'empêcher de tout avouer.
« J'ai écouté l'assemblée, tout en restant à couvert. » Truffe de Mâche parut impressionnée.
« Oh. Tu as été très discret alors !
— Pas énormément.
— Alors tu... La guérisseuse fut embarrassée. Tu dormais vraiment ?
— Quand tu es arrivée, je me suis précipité pour faire comme si je dormais. Je me suis très vite endormi. Pourquoi ?
— Oh ! Comment est-ce que je ne t'ai pas remarqué ? Je dois dire que je me sens obligée de te dire bravo !
— Merci. »
Un miaulement attira l'attention des deux chats.
« Truffe de Mâche ! »
Un grand fauve brun rayé de rayures plus foncées entra soudainement dans la tanière de la soignante.
« Que se passe-t-il ? » Demanda l'intéressée les oreilles dressées.
« Lueur de l'Aube ne se sent pas bien. Elle a mal au ventre.
— Je vois. Jais, fit-elle, apporte-moi des baies de genêt. Ce sont les plantes à ta droite. » Le prisonnier s'exécuta et rapporta quelques baies de genêt à la femelle. Elle le remercia avant de suivre le guerrier brun.
Jais resta alors seul, curieux de découvrir les membres du clan. Il sortit de la tanière de Truffe de Mâche et trébucha à cause d'une petite pierre, tombant nez à nez avec Nuage de Lande ainsi qu'une autre novice qui avait le pelage crème.
« Fais attention ! » S'écria cette dernière les poils hérissés de peur.
« Ne t'en fais pas, Nuage de Pétales. » Lui lança Nuage de Lande avant d'ajouter d'une mine dégoutée : « C'est une cervelle de souris ! En plus, il ne fais attention à personne. Il croit qu'il est supérieur à nous. »
« Pas du tout ! protesta le minet, irrité. Je ne vous connais même pas et puis, vous non plus, vous ne me connaissez pas. » Il renchérit ensuite à l'attention de Nuage de Lande. « Tu ne peux pas me juger si tu ne sais rien de moi, et d'ailleurs, arrêtes de penser que tu sais tout ! »
Outrée, la novice tachetée feula, la queue battante. Elle souffla puis s'en alla, accompagnée de Nuage de Pétales. Bravo ! Songea Jais la queue dressée.
Au loin, un jeune mâle - visiblement un apprenti -, était en train de grignoter ce qui s'avérait être un lapin. Intrigué, l'otage se hâta vers lui et tenta de commencer une discussion.
« Bonjour. Comment t'appelles-tu ? » Mais il ne reçu aucune réponse ; une guerrière grise sollicita le dénommé Nuage de Lièvre qui se dressa avant de la talonner.
Le chaton au poils noirs soupira. Aujourd'hui je n'ai pas de chance au niveau des rencontres... Peut-être parce que je n'ai presque jamais croisé d'autres chats. Encore une fois, il resta seul.
« Petit ! » Miaula une voix derrière le félin qui se retourna. Il vit une chatte au pelage d'un noir de jais. La femelle prit un air sérieux. « Ne viens pas vers les membres de clan, tu veux ? Ça risque de nous attirer des ennuis, et à toi aussi, d'ailleurs. » Sur ces mots, elle s'élança en direction de la sortie du camp, un grand mâle crème l'attendait. Une fois la chasseuse arrivée, les félidés s'éclipsèrent du camp.
Jais soupira ; ses jours en tant que prisonnier n'allait pas être passionnants du tout ! Le jeune matou sentit une masse de fourrure se poser sur son épaule. Il reconnut la queue de Truffe de Mâche. Elle s'était installée à coté de lui.
« Tu t'ennuies, pas vrai ? » Demanda-t-elle.
« Comment ne pas l'être ! Souffla désespérément l'otage.
— Je suis désolée que tu en sois arrivé à là.
— Je pensais que ça vous... Que ce qui m'arrivait t'étais égal ?
— Eh bien... On peut dire que j'éprouve de la compassion... Pour un petit être comme toi.
— Je ne suis pas petit ! » S'écria Jais à son aînée qui, ronronna d'amusement. Le prisonnier aperçut dans les yeux de la guérisseuse une lueur joyeuse. Il comprit soudain une chose qui lui réchauffa le cœur.
La soignante était devenue sa camarade.
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