Chapitre 10
Le soleil se levait, emmenant avec lui une brise aride. Nuage de Corbeau dormait paisiblement, jusqu'à ce que quelqu'un ne le réveille.
« Lèves-toi, toi. »
Cette voix amère n'étais pas celle de Nuage de Lande, mais celle de Nuage de Pétales. Elle avait le regard haineux, enfin plus qu'à son habitude. Voyant que son interlocuteur ne bougeait pas, elle commença à s'impatienter.
« J'ai dit lèves toi ! »
Nuage de Corbeau prit sur lui et obéit, ne voulant pas créer de problèmes. Nuage de Pétales eut un sourire méprisant, que le novice ignora une fois de plus.
Sur ce, les deux apprentis rejoignirent la patrouille de l'aube au pas de course.
Nuage de Corbeau se sentait seul. Tout le monde se parlait, et il ne faisait partie d'aucune de ces discussions. Le novice fit mine d'aller bien, car il ne voulait pas que l'on remarque que cette sensation de mise à l'écart l'affectait profondément. Est-ce qu'on finira par m'accepter ?
La patrouille était constituée de quatre chats. Parmi eux se trouvaient Nuage de Pétales et celle qui avait l'air d'être son mentor, Lande Herbeuse, une femelle aux orbes jade.
Lueur de l'Aube était une guerrière au pelage crème et aux yeux ambrés. Elle était à la tête de la patrouille en compagnie d'un petit mâle au regard glacé. Ses prunelles menthe croisèrent maladroitement celles de Nuage de Corbeau, qui détourna immédiatement le regard. Quelques instants plus tard, l'apprenti senti une présence à ses côtés.
« Qu'est-ce que tu as à nous fixer ? » Demanda le chasseur d'un ton impassible.
Nuage de Corbeau craignait la suite de sa phrase, ne voulant pas recevoir d'insultes.
« Tu peux venir nous parler, tu sais ? Il n'y a que comme ça que tu pourras te faire une place parmi nous.
— Ce n'est pas aussi facile... » Il était inutile de poursuivre : le fauve était retourné auprès de sa camarade. Si tu serais resté un peu plus pour me parler, ça aurait été plus évident de "me faire ma place" ! Songea le novice, courroucé.
Le temps passait très lentement pour Nuage de Corbeau. Un petit bruit attira son attention : une souris. Brusquement, le félin au pelage noir se plaqua au sol et avança ventre à terre vers sa proie, confiant. Elle est à moi ! Malheureusement, un membre de la patrouille miaula trop fort et effraya le gibier. Elle ne peut pas m'échapper ! Se dit l'apprenti. Il se lança à la poursuite de l'animal, et manqua de trébucher. Par chance, il réussit à frapper au bon moment et acheva sa proie. Il retourna auprès du groupe triomphant, ce qui agaça fortement Nuage de Pétales.
« Il n'y a pas de quoi être aussi fier, dit-elle avec dédain. Nuage de Lande a fait beaucoup mieux, hier. Elle a tué un lapin.
— Et qu'est-ce qu'on en a à faire de Nuage de Lande, hein ? » Ces paroles n'avaient pas été prononcées par Nuage de Corbeau, mais par le guerrier crème. Il se tenait face à Nuage de Pétales, prêt à en découdre. Les deux interlocuteurs faisaient la même taille mais pourtant, le chasseur était bien plus intimidant : son regard givré était plongé dans celui de sa benjamine.
« Tu pourrais arrêter de parler d'elle comme si c'était une idole ? Ce n'est qu'une apprentie qui déteste tout le monde, sauf toi peut-être parce que vous avez la même mentalité de cœurs de renards et Lande Herbeuse parce qu'elle n'a pas le choix, puisque c'est sa mère. »
Personne ne s'attendait à une telle agressivité de la part du mâle envers une simple apprentie. Lande Herbeuse se détacha alors du groupe et intervint.
« Qu'est-ce que tu racontes ? Nuage de Lande m'aime autant que je l'aime et pas juste parce que je suis sa mère !
— Ça, c'est ta réalité, mais moi je vais te dire la vérité. Nuage de Lande te prends comme exemple puisque t'es la seule personne de sa famille qui lui reste, mais toi, tu la compares constamment à Nuage d'Épervier, et tu sais quoi ? Nuage d'Épervier est mort. » Les paroles prononcées par le chasseur transpercèrent le cœur de la mère, qui ne répondit rien. Elle fit demi tour et prit la direction du camp.
Le reste de la patrouille se fit dans le calme le plus plat. Personne ne parlait, et aucune proie ne venait perturber les chats du Clan du Vent. Comme tous les autres, Nuage de Corbeau était perdu dans ses pensées. Et si Nuage de Lande était méchante avec moi juste à cause de sa mère ? Ce n'est pas possible, sinon elle serait désagréable avec tous les autres, même si apparemment, c'est le cas...
Le groupe rentra au camp, toujours en silence. Aucune odeur suspecte n'avait été détectée, et une souris avait été ajoutée à la pile de gibier. Le seul problème était l'histoire de Lande Herbeuse, qui hantait toujours l'esprit du novice. Une voix le sortit alors de sa rêverie.
« J'ai besoin de toi ! »
Truffe de Mâche accourait vers le jeune mâle. Ces derniers-temps, elle semblait très occupée.
« Que se passe-t-il ? S'enquit l'apprenti.
— Cœur de Libellule se plaint de ses tiques... J'aurai besoin que tu les enlèves.
— D'accord, j'y vais...
— J'ai envoyé Nuage de Lièvre s'occuper de celles de Griffe Pointue. Il t'expliquera comment faire.
— C'est gentil, merci. » Le novice était sur le point de s'en aller lorsqu'il se remémora le message d'Écorce de Chêne. Devait-il en parler à Truffe de Mâche ? On ne sait jamais ! Se dit-t-il.
« Au fait, Truffe de Mâche, tu aurais deux minutes ? J'aimerais te parler, en privé. »
La guérisseuse semblait surprise et accepta.
« Ça tombe bien, j'allais justement prendre une pause pour manger. »
Les deux félins s'installèrent dans l'antre de la soignante. Celle-ci dégustait un lapin, tout en écoutant attentivement son interlocuteur.
« J'ai... Je crois que j'ai reçu un message du Clan des Étoiles.
— Comment est-ce possible ? La femelle leva brusquement la tête, abasourdie.
— Ça fait depuis maintenant quelques temps qu'un ancien guérisseur du Clan du Vent entre en contact avec moi et hier soir... Il m'a annoncé quelque chose d'important. Il m'a dit que je ne m'en rendais peut-être pas compte, mais beaucoup de murs étaient à renforcer au sein du Clan... Tout croule sous nos pattes, et les flocons arrivent en masse... Le manteau blanc veut à tout prix récupérer ce qui lui appartient. Je suis le seul à pouvoir calmer la tempête... »
La guérisseuse était gueule bée.
« Une prophétie ?
— Je-Je ne sais pas... Je ne comprends pas ce que ça veut dire... » Nuage de Corbeau eut alors une illumination. « Et si les murs à renforcer étaient les relations au sein de notre Clan ?
— Oui, ça doit être ça ! Comment ai-je fais pour ne même pas y avoir pensé ? » La soignante mastiquait joyeusement sa viande, jusqu'à ce qu'elle ne se rende compte de la suite de la prophétie. « Mais le manteau blanc... Qui est-ce ? Est-ce que ça pourrait être... » Elle s'arrêta net, puis chassa amicalement son protégé.
« Allez ! J'ai encore beaucoup de travail qui m'attend... Et toi, ce sont des tiques qui t'attendent ! On en reparlera plus tard, tu veux ?
— Euh... Si tu veux... »
Dehors, il faisait chaud, et le soleil avait presque atteint son zénith. Nuage de Corbeau entra dans la tanière des anciens au pas de course. Il fut soulagé de voir que Nuage de Lièvre était toujours là. Celui-ci salua chaleureusement son camarade.
« Nuage de Pétales, est-ce toi ? » Une vieille femelle grise apparut, le poil en bataille. Nuage de Lièvre lui répondit doucement.
« Non, Cœur de Libellule, c'est Nuage de Corbeau. Tu sais, le nouvel apprenti.
— Sérieusement, c'est lui qui ce charge de mes tiques ? Non merci ! Il est hors de question qu'il me touche, il risque d'empirer les choses ! Je préfère me débrouiller moi-même ! » Nuage de Corbeau ne put s'empêcher de sourire, Cœur de Libellule avait vraiment l'attitude d'un petit chaton.
« Si tu tiens tant à te débrouiller toute seule... » Le novice au pelage noir fit mine de s'en aller, et il ne suffit que de quelques secondes pour que la femelle change d'avis.
« Non, reste ! Après tout, je ne t'ai pas encore raconté mes histoires... »
Le groupe passa un très bon moment. Même Griffe Pointue, qui avait été assez méfiant, avait fini par se dévoiler, et se montrer tel qu'il est : un vrai farceur ! En effet, il ne pouvait s'empêcher de profiter que les apprentis aient le dos tourné pour se cacher et leur sauter dessus une fois le moment venu.
Cœur de Libellule, elle, avait un sens de l'humour unique en son genre, et un cœur plus pur qu'un diamant. Mais Nuage de Corbeau appréciait surtout sa langue bien pendue et sa façon de raconter des histoires.
« Il faudrait que j'attrape des tiques plus souvent ! » Ria l'ancienne, alors que les deux apprentis partirent manger ensemble.
Le reste de la journée se déroula tranquillement pour Nuage de Corbeau, qui en avait même oublié tous ses problèmes. Le moment de se coucher lui était venu, mais quelqu'un l'interrompit.
« On part en patrouille du soir. » Miaula Aile Cendrée au félin.
Décidément, tout le monde a besoin de moi !
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