48.
BLESSING
Ma confrontation avec Leila m'a tellement épuisée mentalement que je décide de faire une sieste, une fois rentrée.
Je prends le temps de me doucher et après avoir enfilé un jogging, je me dirige vers le placard de Cameron et récupère l'un de ses sweats à capuche. Je l'enfile et respire longuement l'odeur qui s'en dégage.
Une boule se forme instantanément dans ma gorge et les larmes affluent à mes yeux. Je les ferme, espérant faire barrage. Je ne veux pas pleurer, je l'ai assez fait pendant ces cinq derniers jours. Il est temps d'affronter les choses, comme j'ai affronté Leila tout à l'heure.
Je m'installe dans le lit et pense a cette journée, quand mon téléphone se met à vibrer de façon répétitive. Je le récupère sur la table de chevet et mon cœur s'emballe lorsque je vois le prénom de Cameron s'afficher. J'ai instantanément envie de pleurer, pour une raison qui m'échappe. Pour quelqu'un qui voulait affronter les choses...
Je réponds juste avant que l'appel ne passe sur mon répondeur, qui n'est toujours pas configuré, d'ailleurs... Il serait peut-être temps que je m'en occupe.
— Cameron, je murmure après avoir décroché.
— Bless, murmure-t-il à son tour.
Pendant d'interminables secondes, nous ne parlons pas. C'est toujours pareil, quand il m'appelle. J'ai l'impression qu'il nous faut ce temps pour assimiler la distance entre nous, avant de pouvoir nous parler normalement.
— Comment tu vas ? il demande enfin.
Quelque chose qui ressemble à un gémissement plaintif s'échappe de mes lèvres, et je soupire.
— Tu ne veux pas plutôt me raconter ta journée ? je tente de détourner la conversation.
Le silence à l'autre bout du fil me fait rapidement comprendre qu'il ne dira rien tant que je n'aurais pas parlé.
— Une journée normale au restaurant, je réponds finalement.
Il ne répond toujours rien, et je comprends qu'il ne me croit pas. Pourtant, sans que je ne sache pourquoi, il finit par abandonner et me raconte sa journée.
Avoir les détails de ses sorties avec sa sœur me fait sourire. Ils ont réellement l'air de bien s'entendre, j'entends clairement l'adoration de Cameron pour elle dans ses récits. Le fait d'avoir des précisions sur ce qu'ils font à New-York me fait voyager, aussi. Chaque fois qu'il me parle d'un endroit qu'il a visité, je fais une recherche sur mon téléphone après notre appel. Ça me donne l'impression d'être plus proche de lui, quelque part.
— Jessie n'arrête pas de me rabâcher que je dois me mettre au sport, il rit. Elle veut absolument que j'aille courir avec elle, comme si courir dans Central Park était quelque chose de magique. Il lui faut déjà bien vingt minutes pour atteindre Pennsylvania Station, puis encore dix pour arriver au parc. Et après ça, elle court encore pendant une heure ! il soupire. Elle pourrait très bien courir ici, ça lui prendrait moins de temps, mais elle dit sans arrêt que c'est moins plaisant, qu'elle ne se sent pas vraiment New-Yorkaise, si elle ne court pas là-bas.
Je suis incapable de me repérer dans la grande ville, alors ses indications ne servent pas vraiment, mais j'adore qu'il me donne autant de détails et qu'il soit si dépassé par les agissements de sa sœur.
— C'est incompréhensible, il rit à nouveau.
Je ris avec lui et j'entends des voix en fond sonore. Je reconnais celle de Jessie, qui s'est trouvée près de lui pendant de nombreux appels, et une autre voix féminine, qui doit être celle d'Amanda. Cameron ne m'a pas parlé d'elle ou de Nick plus que ça, mais je ne crois pas que ce soit pour me tenir à l'écart. Il a réellement l'air de se sentir comme un étranger, chez eux. Ça me rend triste pour lui.
— Dis-lui de rester loin du four, il crie, probablement à l'attention de sa mère adoptive. Elle a quand même brûlé des cookies, la dernière fois !
Je me sens sourire quand j'entends Jessie lui répondre qu'elle aurait dû les lui faire avaler de force, et Cameron de lui répondre qu'il serait mort sur le champs.
Après quelques échanges de plus, il reprend le cours de son récit.
— Jessie rêve de te rencontrer, d'ailleurs ! il lâche tout à coup.
Et autant dire que ça me prend de court.
— Oh, euh... je... oui, ça me ferait plaisir, je réponds.
— Elle veut absolument que je te fasse venir, il ajoute.
Je sens que sa phrase n'est pas anodine, mais je ne sais pas vraiment quoi dire.
— Ah ? je rétorque.
Un silence se fait alors entendre.
— Oublie ce que j'ai dis, il soupire alors.
— Non, Cameron, je... j'aimerais beaucoup, mais le travail... et Massey...
— Je sais, il me coupe. Désolé, je sais. C'est juste que j'aurais bien besoin de te prendre dans mes bras.
Oh... mon cœur se serre. Bon sang, il me manque tellement !
— Je... j'avale la boule qui s'est logée dans ma gorge et soupire. J'ai hâte que tu rentres.
— J'ai hâte de pouvoir t'embrasser, il réplique de sa voix rauque.
Je t'aime, je pense tout à coup, et cette pensée me surprend. Je me sens rougir et je serre l'oreiller que je tenais entre mes bras.
— Bientôt ? je lui demande dans un soupir.
— Bientôt, joli cœur. Bientôt, il susure, comme une promesse.
Et comme chaque fois que ces mots sont échangés, nous raccrochons, nous rattachant à cet espoir que la situation ne sera pas telle qu'elle est pendant trop longtemps.
*
Massey et Nelson sont plantés au milieu du salon et débattent de ce que nous pouvons faire ce soir. Comme d'habitude, je sais qu'ils ne me laisseront pas seule à l'appartement, alors je décide de me motiver et propose quelque chose qui m'étonne moi-même :
— Et si on allait dans un bar ?
Mon amie fronce les sourcils et pose sa main sur mon front, comme pour vérifier que je ne suis pas malade. Je ris et repousse son bras.
— Tu es sûre que tout va bien, Bless ? elle me demande.
— Oui, je hoche la tête. J'ai envie de me prouver que je peux sortir sans faire de crise de panique et disons que ce n'était pas vraiment une réussite, la dernière fois.
Elle hoche la tête à son tour, ayant l'air de comprendre. Elle pose sa main sur son bras et le serre, d'un air réconfortant. Elle me fait savoir qu'elle est là, qu'elle me soutient, et ça vaut mille mots à ce moment-là.
— Avec plaisir ! lance alors Nelson. Il faut absolument que je me trouve un bel étalon pour la nuit, il rit.
Je reste un instant interdite, l'observant d'un œil étonné. Un bel étalon ?
Massey rit et il passe son bras autour d'elle, dans un geste que je jugeais plus intime les jours précédents. Je le vois différemment, à présent.
— UN ? je demande, mettant les pieds dans le plat.
Il me regarde en riant et hausse les épaules, comme si ce qu'il venait de dire n'avait rien d'une révélation. À vrai dire, ça n'a pas l'air d'en être une pour Massey. Je secoue la tête, tandis qu'il passe son bras autour de nous et nous dirige vers la porte, direction le bar.
Nous sommes installés depuis 15 minutes et Nelson a déjà trouvé un homme avec qui danser. Je me demande comment j'ai pu ne pas m'en rendre compte avant.
Lorsqu'il revient s'asseoir avec nous, un grand sourire s'étire sur son visage. Je crois que je le dévisage encore, sans pouvoir m'en empêcher.
— Tu vas t'en remettre ? il me demande en riant franchement.
Je me sens rougir, prise au dépourvu.
— Pardon, je réponds. Je suis juste... Depuis quand est-ce que tu es au courant ? j'interroge Massey.
Elle regarde longuement Nelson et fronce les sourcils, puis se tourne vers moi.
— Depuis le début, je crois. Ça fait partie de lui et il ne le cache pas, elle m'indique.
Je hoche la tête, un peu surprise tout de même. Moi qui me félicitait de savoir observer, de connaître les gens... je m'aperçois que je me suis vraiment laissée absorber par mes problèmes et ma vie. J'en ai oublié que je n'étais pas la seule à me battre tous les jours pour être acceptée.
— Tout le monde le sait ? je tente de me rassurer.
Il hoche la tête en souriant tendrement, comme pour me dire que ce n'est pas grave. Je me sens quand même bien bête.
— D'ailleurs, tu l'as dit à qui, en premier ? lui demande Massey.
Il ne réfléchit même pas, la réponse lui vient automatiquement.
— Cameron. C'est le premier à qui je l'ai dit, et il ne m'a jamais déçu par rapport à ça.
— Comment ça s'est passé ? C'était il y a longtemps ? j'enchaîne, curieuse.
— C'est une drôle d'histoire ! il rit. Quand on était au collège, Cam m'invitait souvent chez lui le soir, surtout quand ses parents n'étaient pas là et qu'il devait garder sa sœur. Elle devait avoir six ou sept ans à l'époque, c'était une gamine adorable. En grandissant, on se parlait de plus en plus, jusqu'à ce jour, au lycée, où Cameron a surpris une conversation avec elle dans mon téléphone. Il m'a presque arraché la tête, il pensait que j'en avais après elle !
Nous rions en chœur, et je me ravis de pouvoir en savoir un peu plus sur eux, leur amitié, leur passé ensemble.
— Il était tellement énervé que quand je lui ai dis que j'étais gay, il a continué de me pousser et de m'insulter. Je le savais déjà, mais je crois que c'est à ce moment que j'ai vraiment compris à quel point il était prêt à tout pour sa sœur.
— Et il a fini par réaliser ce que tu avais dit ? lui demande Massey.
— Pas avant que je l'ai répété une bonne dizaine de fois, rit-il. Il ne voulait rien entendre, ça a été difficile ! Mais quand il a comprit, on a fini par avoir un fou-rire, tant la situation était ridicule.
Le sourire qui s'étire sur son visage nous fait sourire également. Puis, tout à coup, Massey pose une question à laquelle je ne m'attendais pas.
— Tu n'es jamais tombé amoureux de lui ?
Mon sourire disparaît aussitôt. Je n'avais pas pensé à ça. En détaillant son expression qui me semble tout à coup plus grave, je me demande s'il n'a jamais eu de sentiments pour celui qu'il dit être son meilleur ami.
— C'est comme me demander si je veux coucher avec mon frère, il répond d'un air dégoûté.
Massey rit et un petit sourire s'étend tant bien que mal sur mon visage.
Comme quoi, il me reste encore bien des choses à apprendre.
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