45.
BLESSING
Pendant tout le trajet en taxi, Cameron ne dit rien. Son regard, perdu au loin, ne tombe jamais dans mes yeux. Comme si je n'étais pas réellement avec lui, qu'il se fichait de me laisser ici, alors qu'il part à plus de 1300 miles de distance. Et moi, je suis persuadée que c'est la fin. Je ne sais pas exactement ce qu'il y a entre nous, on n'en a jamais réellement discuté. On s'est laissés porter, comme il me l'a appris. Mais maintenant, qu'est-ce qu'on est censés faire ?
Les derniers jours ont été particulièrement compliqués. Cameron n'a pas cessé de faire ses valises, tout défaire, refaire ses valises et ranger son appartement comme s'il n'allait jamais revenir ou que Massey et moi étions des éléphants qui casseraient le moindre objet de valeur une fois qu'il ne serait plus là.
Le fait qu'il ait perdu son travail par ma faute me ronge de culpabilité. Quelque part, c'est probablement à cause de moi qu'il s'en va. Est-ce que j'ai réellement le droit d'être triste ? De lui en vouloir de me laisser ici ?
Je soupire quand je sens des larmes me monter aux yeux. Il n'a pas pris de billet de retour. Je le sais, car j'ai entendu Nelson lui demander quand il comptait revenir. Je comprends qu'il ait des choses à régler, qu'il veuille passer du temps avec ses parents et sa sœur. Après tout, si j'en avais l'occasion, je le ferais également. Mais j'aurais voulu qu'il n'ait pas à choisir entre visiter ses parents et rester avec moi. Encore pire : égoïstement, j'aurais voulu que ce choix ne soit pas si facile.
De mon côté du taxi, je regarde par la fenêtre. La ville défile sous mes yeux, comme je ne l'ai jamais vue. Je ne me suis jamais aventurée de ce côté-ci. Les immeubles sont si hauts que j'en ai mal à la nuque, à force de chercher à en apercevoir le bout. Nous sommes dans le quartier d'affaires ; bien loin des petits cafés et restaurants qui longent les rues de la plage. On dirait une ville différente.
À un moment, le chauffeur s'arrête à un feu rouge. Quand le véhicule se stabilise, je sens que la ceinture que j'avais attachée au démarrage se relâche contre ma poitrine. La main de Cameron se pose sur la mienne, contre le siège, et l'attrape. Il me tire vers lui d'un coup, me rapprochant de son côté de la banquette. Il agit rapidement, comme si nous n'avions plus assez de temps.
Tout à coup, sa main lâche la mienne et il la passe dans ma nuque, dévoilée par mes cheveux relevés. Son autre main attrape fermement ma cuisse et la passe au-dessus de ses jambes. Tout contre lui, mon corps se réchauffe et quand ses lèvres se cognent littéralement contre les miennes, cette chaleur que je commence à reconnaître brûle tous mes membres et particulièrement dans mon ventre. Il n'est pas tendre, pas patient. Il ne me demande pas la permission, il prend tout. Ses dents rencontrent ma lèvre inférieure et un soupir m'échappe. Sa main, jusqu'alors restée sur ma cuisse, remonte sur ma hanche et la pétrit. Un grognement rauque se fait subitement entendre. Cameron délaisse alors mon visage pour s'attaquer à mon cou, que je lui offre volontiers. Un interminable frisson me parcourt quand je sens ses dents contre ma peau sensible, puis ses lèvres, sa langue... et le cycle recommence.
— Cam... je soupire. Cameron.
Une plainte s'élève de ma gorge quand il se détache. Je ne l'appelais pas pour qu'il arrête ! Je ne sais pas si c'est la perspective de son départ qui me fait tout ressentir si fort, mais je ne veux jamais qu'il arrête de me faire me sentir aussi libre, aussi bien...
Je secoue la tête en murmurant un « non » à peine audible. Mes mains encadrent son visage et le rapprochent du mien. Cette fois, je l'embrasse, de façon plus douce que lui, cela dit. Sa main, qui était dans ma nuque, passe sur ma joue. La caresse me redonne confiance et l'une de mes mains se balade sur son torse, puis tombe sur son ventre ferme qui se contracte à mon passage. Je ne sais plus où j'en suis, ce que je fais, ce que je ressens. Tout mon corps n'est plus que sensations.
Subitement, tout s'arrête quand sa main se pose sur la mienne. Nos lèvres se détachent et il vient embrasser mon nez, doucement, puis mes joues, mes yeux, mon front et ma bouche, à nouveau.
— Bless...
Ses mains passent maintenant sur mon visage, se faufilent dans mes cheveux, détachant des mèches de mon chignon. Il m'observe et je suis si proche de lui que je vois chaque changement qui s'opère dans ses yeux. La tendresse est de retour. Cette tendresse qui m'a fait tomber amoureuse de lui.
Ses prunelles vagabondent partout sur moi. Je sens la chaleur se diffuser sur mes joues. Il soupire tout à coup, et pose son front contre le mien.
— Tu vas tellement me manquer, il murmure.
Il n'en faut pas plus pour me rappeler la situation dans laquelle nous nous trouvons ; il est sur le point de partir. S'il vient de m'avouer que cette décision n'était pas si simple à prendre, cela ne me rassure pas pour autant. Son départ reste imminent, je ressentirais bientôt son absence, tous les endroits où son corps et ses mains ont touché le mien seront subitement trop froids. Tous les moments que nous avons passés ensemble, chez lui, au North Paradise... tout ne sera que souvenirs.
Les larmes que je retenais jusqu'alors se mettent à couler. Son soupir de défaite me serre le cœur. Il essuie mes larmes et pose ma tête contre son épaule, où je me réfugie pour me calmer.
Mes yeux se posent alors sur le rétroviseur, en plein dans ceux du chauffeur, qui nous jette des regards appuyés. Il a probablement tout vu. Le rouge me monte aux joues et j'enfouis mon visage plus profondément dans le cou de Cameron.
Son odeur m'apaise, mais elle me rappelle inévitablement que je ne la sentirais plus et mes larmes redoublent, coulant silencieusement. Il me serre plus fort contre lui sur toute la fin du trajet, comme si ça pouvait changer quelque chose au fait que, d'ici quelques heures, il ne sera plus là.
*
— Prends soin de toi, d'accord ? il me demande, comme une supplique.
Je hoche la tête, incapable de prononcer le moindre mot. Ma gorge me semble si serrée que j'ai l'impression que je vais être malade.
Cameron tient fermement sa valise d'une main, la deuxième accrochée à la hanse de son sac à dos. Le regard qu'il me lance me dit qu'il ne m'oubliera pas, qu'il sera vite de retour, qu'il aimerait que les choses soient différentes. Tant de choses, mais pas celle qui me semble importante, à ce moment précis.
— Je t'appellerai, d'accord ?
Je hoche la tête, à nouveau. Je me sens incapable de tout autre mouvement.
— Et n'hésite jamais à m'appeler, si tu en ressens le besoin et que je ne le fais pas en premier, d'accord ?
Mes yeux s'humidifient une fois de plus et ma tête entreprend le même mouvement, pour la énième fois. Cameron soupire et lâche la poignée de sa valise pour passer sa main dans ses cheveux. Il détourne le regard quelques instants, observant les voyageurs pressés, les adieux, les retrouvailles.
J'aimerais qu'on en soit déjà à ce moment-là... les retrouvailles.
Il repose ensuite ses yeux sur moi et hoche la tête à son tour, les lèvres serrées.
— Il va falloir que j'y aille... il m'annonce.
Mais je le savais déjà. Il n'a pas beaucoup d'avance et les contrôles de sécurité à Miami prennent une éternité, d'après ce que j'ai entendu.
— A bientôt.
Ma voix ressemble plutôt à un couinement, comme un animal blessé. J'ai subitement très froid, je rabats alors mes bras autour de moi. Je porte à nouveau le sweat de Cameron, parce que je m'y sens bien et que je sais que j'aurais besoin de ce réconfort, une fois qu'il sera parti.
Quand il remarque mes mouvements, un petit grognement s'échappe d'entre ses lèvres et il lâche tout ce qu'il tenait entre ses mains, passant ses bras dans mon cou et me rapprochant de lui. Son odeur m'enveloppe aussitôt et toute la culpabilité que je ressentais remonte à la surface.
— Je suis tellement désolée, je lui murmure.
— Arrête, il chuchote à son tour. Arrête de t'excuser, je t'ai déjà dit mille fois que rien de tout ça n'est de ta faute.
C'est vrai, il l'a dit. A de nombreuses reprises, d'ailleurs ; à chaque fois que je m'excusais de l'avoir fait renvoyer. Après tout, si je n'étais pas entrée dans sa vie, Leila n'aurait jamais fait tout ça.
Le fait qu'il me le dise ne me fait pas me sentir moins coupable. Au contraire, j'ai l'impression de ne pas le mériter. C'est comme un rappel que tout ce que je possède peut disparaître bien trop rapidement.
Mais je ne dis rien de plus, parce que ce n'est ni le lieu, ni le moment, et qu'en plus, il ne m'écouterait pas.
— Fais bon voyage, je renifle, me détachant de son étreinte.
Une larme dévale ma joue et je me retiens de toutes mes forces de ne pas en laisser couler d'autres. Je n'ai pas le temps de l'effacer qu'il le fait à ma place : il pose ses mains sur mon visage, balayant ma tristesse de ses pouces.
Il dépose un tendre baiser sur mes lèvres et je m'accroche désespérément aux bretelles de son sac à dos. Il se détache, rabat la capuche de son sweat sur mes cheveux et dépose une dernière fois ses lèvres sur les miennes, puis sur mon front.
Une dernière étreinte et il me tourne le dos, emportant sa valise derrière lui. Je mémorise chaque pas, sa démarche, ses vêtements... Il ne se retourne pas.
Il dépose ses affaires sur le tapis, passe le champ magnétique, récupère ses affaires et bientôt, je ne le vois plus. Il ne s'est pas retourné.
Le vide que je ressens déjà me coupe le souffle et mes joues ne restent pas sèches très longtemps. Je porte ma main à ma bouche, étouffant la plainte qui cherche à s'en échapper. Pourquoi on ne m'a pas dit que ça ferait si mal ?
Je plonge mes mains dans la poche avant du sweat gris. La capuche que Cameron a remontée sur ma tête cache mon état aux personnes qui m'entourent. Un soupir tremblant franchit mes lèvres, et je réalise qu'il faut que je rentre. Je sors alors mon téléphone pour appeler la compagnie de taxi, mais une fois que l'appareil est déverrouillé, mon doigt dévie sur un autre prénom.
La sonnerie ne retentit qu'une fois, avant que mon interlocuteur ne décroche.
Pendant quelques secondes, aucun de nous ne parle ; seuls mes légers sanglots se font entendre. Il sait pourquoi je l'ai appelé. Il m'a dit de le faire, si j'en ressentais le besoin. J'entends tout le brouhaha des voyageurs derrière lui, pourtant c'est comme s'il n'y avait que nous deux. Je n'ai besoin de rien dire ; il comprend.
— Je sais, mon ange, il murmure. Je sais.
***
Hello les amis ! (Première fois que je mets un petit message en fin de chapitre, ça fait bizarre...)
C'est parti, on passe à une nouvelle étape de cette histoire. Blessing et Cameron ne passeront plus tout leur temps ensemble et on va apprendre pleeeeeein de nouvelles choses ! J'espère que vous êtes prêts :D
J'avais une petite question à vous poser : est-ce que ça vous dirait d'avoir des photos de ce à quoi mes personnages ressemblent (plus ou moins, évidemment, parce qu'on ne peut jamais trouver la personne qui correspond exactement à ce qu'on imagine en écrivant) ? J'ai eu plusieurs commentaires derrièrement de personnes qui imaginaient Leila brune, et Nelson aussi, d'ailleurs. Ça peut vous aider à avoir une idée un peu plus précise de qui sont mes chers persos, mais je sais que ça peut aussi bloquer certains lecteurs. C'est pour cette raison que je vous demande votre avis ;)
Donc, voulez-vous un petit chapitre spécial "fiches personnages", avec photo, nom complet, âge, tout ça ?
En attendant, la suite arrivera probablement d'ici deux semaines. Je fais mon maximum pour finir cette histoire avant la fin de l'été !
Je vous embrasse !
Maïlys
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