18.
CAMERON
Pour la première fois depuis très longtemps –trop longtemps pour que je m'en souvienne- je me réveille calmement, sans cris, sans sueur, sans peur. C'est étrange et assez déroutant pour moi de ressentir une telle plénitude au réveil et j'ai à peine le temps de me demander pourquoi, que je sens un poids sur ma poitrine qui me rappelle que je ne suis pas seul. Ce serait bien trop cliché de dire que la présence de Blessing me rassure et m'empêche de revivre ces incessants cauchemars, mais le problème, c'est qu'à cet instant, j'ai l'impression que tous mes soucis se sont envolés, et que c'est grâce à elle. Je n'arrive pas à me convaincre que ce sont les médicaments qui m'empêchent de réfléchir pendant mon sommeil.
Je suis encore dans les vapes, mais j'arrive à sentir tous les endroits où nos corps se rencontrent. Sa tête dans le creux de mon épaule, près de mon cou, sa jambe passée sur la mienne. Je sens sa main glisser sur mon torse et son poing se refermer sur mon t-shirt. Je ne sais pas si c'est inconscient, volontaire, ou si c'est juste un spasme. Je tente de bouger légèrement et un petit gémissement s'échappe des lèvres de Blessing, suivi d'un soupir. Je lève ma main libre et viens repousser un cheveu qui me colle à la nuque.
Dans la nuit, lorsque je me suis réveillé, je l'ai retrouvée dans la même position. J'avais besoin de la réveiller pour l'avertir que les antidouleurs ne faisaient plus effet et j'avais alors préféré m'éloigner d'elle pour qu'elle ne prenne pas peur. Elle a sauté du lit et est allée dans la salle de bain immédiatement, et avec mes directives, a trouvé les médicaments avant de me les faire avaler. Puis, quand je lui ai demandé de rester à nouveau, elle s'est réinstallée. J'avais été étonné de la sentir se coucher plus près de moi, mais je n'avais rien dit.
Cette fois, je n'ai pas envie de bouger. J'ai envie de rester comme ça et d'attendre sa réaction. Elle peut tout aussi bien s'enfuir en courant ou simplement rester, être gênée et ne plus jamais accepter de dormir avec moi. Quelle que soit sa réaction, je sais qu'elle ne voudra plus m'approcher, qu'elle tentera de s'éloigner. Mais je n'ai pas la force de rester loin d'elle. Je n'ai plus la force de faire quoi que ce soit, en réalité, et ma cuisse recommence à me faire souffrir. Je n'aurais jamais cru que je serais du genre à prendre une balle pour quelqu'un et j'avoue ne pas avoir vu que l'homme était armé, mais je ne regrette pas d'être intervenu. S'il a été capable de tirer sur moi, il aurait également été capable de tirer sur Blessing. Et je ne pense pas que j'aurais pu le supporter.
Je sens que Blessing se réveille doucement. Elle ne doit pas comprendre où elle se trouve au départ, car elle ressert son emprise sur mon t-shirt. J'attends encore quelques secondes qui me paraissent interminables, mais elle ne bouge pas. Puis, doucement, elle déplace sa tête sur l'autre oreiller et se place d'une autre façon, me tournant le dos. Je comprends qu'elle me pense encore endormi, et je souris. Il finira peut-être par y avoir du progrès. Peut-être qu'elle finira par me faire confiance.
— Bonjour, je dis.
Elle se racle la gorge, probablement gênée.
— Bonjour, Cameron.
Ses mots sont faibles, sa voix encore endormie. Elle ne devrait pas avoir si peu confiance en elle. Mais c'est une des facettes de sa personnalité qui me donne encore plus envie de la protéger. Je prends l'initiative de me lever, tapotant sa jambe au niveau de son genou.
— Je vais faire le petit déjeuner, je commence à me lever.
— Mais ta jambe !
Elle se tourne subitement vers moi et lorgne sur ma cuisse. Je sais ce qu'elle se dit : elle ne peut s'empêcher de se rejeter la faute dessus. Ça lui permet de se trouver une excuse pour partir. Mais je ne la laisserais pas faire et si pour ça je dois lui répéter cent fois que ce n'est pas sa faute, que j'ai fait le choix de la suivre en toute connaissance de cause, pour qu'elle intègre enfin l'idée, et bien je le ferais.
Pendant que je fais cuire des œufs et du bacon, j'entends des pas derrière moi. Rapidement, je m'aperçois qu'il s'agit de Nelson, et qu'il est prêt à me donner une leçon.
— Tu es complètement irresponsable, il chuchote. Tu ne te rends pas compte de ce qui aurait pu t'arriver ! Tu ne pourras pas t'en sortir si facilement éternellement. D'autant plus que tu sais très bien comment ces gens fonctionnent !
Je lui jette un regard en biais et soupire. Je sais qu'il a raison, mais je ne pouvais justement pas laisser Blessing entre leurs mains en sachant ce qui l'attendait.
— Je sais que tu aimes beaucoup Blessing, et c'est tout à ton honneur de t'occuper d'elle comme ça. Mais tu dois arrêter de te mettre en danger ! Tu as déjà vécu bien assez de choses pour en plus te mettre dans de tels problèmes.
— Je n'arrive pas à la lâcher, Nels, je chuchote. C'est dingue, c'est surréaliste, mais quand elle s'en va, je ne peux pas m'empêcher de m'accrocher à elle désespérément. J'ai besoin d'elle autant qu'elle a besoin de moi.
— Je sais, je le sais très bien, parce que je vois comment tu te comportes avec elle ! Mais je suis fatigué de te sauver la mise. Elle commence à poser des questions, elle se demande si tu es habitué à ce genre de chose, il dit en désignant ma jambe. Et j'ai bien peur qu'avec sa tendance à s'attirer des problèmes, elle finisse par t'en attirer aussi. Et des biens plus graves que ce minuscule incident.
Je détourne les yeux. Mon ancienne vie rattrape toujours la nouvelle. Malheureusement, on ne se détache jamais complètement de son passé. Je soupire en m'apercevant que Blessing est plutôt perspicace. J'aurais espéré qu'elle ne remarque rien, trop paniquée à l'idée que j'ai été blessé. Mais j'aurais dû savoir qu'elle se mettrait à réfléchir à toute vitesse et qu'elle en déduirait rapidement certaines choses.
— Je m'occupe de ça.
Il me détaille longuement, essayant probablement de savoir si je dis la vérité. Il ne me croit pas.
— Arrête de te battre tout seul, Cam. C'est bien beau d'avoir ses combats, et je suis fier de toi de te voir t'accrocher autant à quelque chose, à quelqu'un... mais s'il te plaît, si ça ne mène nulle part, arrête de te battre tout seul.
Je hoche la tête, tandis qu'il prend ses clés sur le plan de travail et m'avertit qu'il rentre se doucher. Il m'a fait passer l'envie de parler à qui que ce soit.
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