17.

BLESSING


Si on prend en compte toutes les horreurs que j'ai déjà pu voir et vivre dans ma courte vie, alors on pourrait croire que cette situation m'est habituelle. Pourtant, je me sens dépassée par les évènements. Lorsque j'ai commencé à travailler, j'ai réellement pensé que j'arriverai à m'en sortir sans trop d'efforts. Après tout, Billie me paye correctement, et après quelques mois de travail, je n'aurai pas eu de mal à me trouver un endroit où vivre. Je me rends maintenant compte que c'était complètement illusoire. Comment aurai-je pu quitter Massey et Jase, de toute façon ? Ils sont tout ce que j'ai, et pourtant lorsque je pensais à mon futur, je ne les voyais pas. Je ne les imaginais pas avec moi.

Comment expliquer que le fait d'être passée à deux doigts de perdre Cameron me rende si triste ? Il faudrait pour cela commencer par comprendre la place que cet homme a pris dans ma vie, en seulement quelques jours, quelques semaines. Il s'est infiltré dans ma tête et j'ai honte d'admettre que lui, je le voyais. Bon sang, je m'imaginais des tas de choses ! Je m'imaginais un futur différent, avec lui à mes côtés, alors que je le connais à peine. Je m'imaginais une vie normale et une grande maison. Et alors que Massey et Jase auraient très bien pu faire partie de cette vie-là, je ne les y voyais pas. Quel genre d'amie est-ce que cela fait de moi ? Qu'est-ce que je devrais faire pour me rattraper, surtout ? Parce que je ne sais pas si j'aurais encore cette chance avec Jase, mais Massy est toujours là, elle. Je devrais probablement me concentrer davantage sur elle, l'aider, la pousser à changer, elle aussi.

Ces différentes pensées me donnent mal au crâne, tandis qu'avec Cameron appuyé sur mes épaules, mon corps me fait déjà sacrément souffrir. Le trajet jusqu'à son appartement se fait dans le silence le plus total alors qu'il claudique lentement. Je ne sais pas quoi lui dire. Parfois, un gémissement plaintif s'échappe d'entre ses lèvres, mais il ne fait aucun commentaire et ne m'a pas adressé un mot depuis que je me suis effondrée dans ses bras, quelques instants plus tôt, alors qu'il venait de se prendre une balle pour moi. J'ai peur qu'il m'en veuille. Notamment, je ne sais pas quoi faire dans cette situation. Devrais-je l'emmener à l'hôpital ? La balle est-elle toujours dans sa jambe ? Devrais-je appliquer une quelconque pression sur sa blessure ? Je suis complètement désorientée et mon incapacité à l'aider me rend furieuse.

Je repense aux événements et alors que j'ai toujours peur pour Cameron, je commence à réaliser que j'étais initialement la cible de cet homme. Je n'ai jamais eu aussi peur pour ma vie. J'ai réellement cru qu'il allait me tuer, et soyons honnêtes, c'était de toute évidence le scénario le plus probable. Des centaines de SDF meurent chaque mois, chaque année, à cause de la chaleur, du froid, ou de différents trafics douteux. Mais cela aurait été simplement dingue que je me retrouve dans ce pourcentage de SDF à ne pas tenir le coup, alors que je ne traîne dans rien d'illégal et que les conditions météorologiques ne sont pas pires que celles auxquelles j'ai déjà dû faire face. Mais c'était évidemment sans compter sur Cameron qui, aussi inconscient qu'il ait pu être, n'a pas hésité une seule seconde pour venir à mon secours.

Nous arrivons bientôt devant son bâtiment, et je repère Nelson et Massey à l'extérieur, ayant une conversation qui me semble plutôt mouvementée. Je n'entends pas ce qu'ils se disent, mais je n'ai pas le temps d'approcher pour en savoir plus qu'ils se tournent vers moi et leurs voix s'élèvent rapidement, me posant tout un tas de questions. J'entends des injures, mon prénom, celui de Cameron, mais je ne sais même plus d'où viennent les questions ou qui les prononce.

— Je me suis pris une balle dans la jambe, lâche tout à coup Cameron. Nelson, il faut que tu regardes comment est la blessure. La balle n'est pas restée dans ma jambe donc tu ne devrais pas avoir trop de travail. Blessing, Massey, montez avec nous et restez dans le salon. Surtout, vous ne bougez pas.

Sa voix est ferme, catégorique, tandis que Nelson prend le relais et supporte le corps de Cameron jusqu'aux escaliers qui mènent à son appartement. Le regard que son ami me lance est triste. C'est un regard qui en dit long sur ce qu'il pense. Il a l'air d'en connaître beaucoup sur le comportement de Cameron, et je suis choquée qu'il n'ait pas l'air étonné de le voir dans cet état. Est-ce fréquent ? S'amuse-t-il à jouer les super héros pendant ses heures perdues ? Je me sens de plus en plus en proie au doute et je ne cesse de m'interroger sur la raison qui a pu le pousser à intervenir, alors qu'il a bien dû voir que l'homme qui me tenait était armé. Ou peut-être qu'il ne l'a pas vu ? J'ai du mal à me remémorer la façon dont tout s'est passé, tant j'ai eu peur.

Massey me retient en posant sa main sur mon bras et son regard inquiet me fait comprendre qu'elle se pose certainement tout un tas de questions.

— Que s'est-il passé ? Elle me demande.

— Il...

J'ai le souffle coupé, incapable de lui fournir une véritable réponse. Mais je me fais violence, parce que c'est Massey, et surtout parce que si je ne lui dis rien, elle sera encore plus en danger.

— Il est revenu, je soupire. Il était armé et Cameron est arrivé et puis...

Je tremble encore, me rappelant à quel point le bruit sourd qui a retenti m'a désorientée, et à quel point j'ai ressenti une peine immense en pensant que Cameron était sûrement touché.

— C'était horrible, Mass ! J'ai cru qu'il était mort, qu'il s'était pris la balle, que j'allais mourir aussi et...

Je me sens incapable de finir ma phrase, car mes paroles deviennent rapidement incohérentes. Je suis encore dans un épisode de terreur duquel je n'arrive pas à sortir. Mes yeux se baladent frénétiquement dans la rue, sombre et calme, quand mon regard rencontre celui de Cameron. Il est tourné vers nous, et je le vois lâcher Nelson, tentant tant bien que mal de se diriger vers nous. Vers moi. Je me rapproche de lui pour le soutenir et l'empêcher de faire trop de mouvements. Une fois près de lui, il se soutient en entourant de nouveau mon cou de son bras.

— Calme-toi, Bless. Ça va aller, il me chuchote au creux de l'oreille.

Je ferme les yeux, déglutis, et retrouve bizarrement conscience. J'ai l'impression qu'il est, en ce moment-même, la seule personne capable de me faire relativiser et garder mon calme.

— Je n'arrive pas à croire que tu sois venu me chercher alors que tu savais que ce mec allait revenir... Tu n'aurais jamais dû...

Il me fait taire en m'enlaçant un peu plus fort et en déposant ses lèvres sur ma joue, doucement, sans me faire peur, sans me prendre par surprise. Je m'étonne même à fermer les yeux, appréciant ce moment de calme et de tendresse après les quelques heures qui viennent de s'écouler. Je m'en veux de ne pas l'avoir écouté. Il avait raison, c'était bien trop dangereux, mais je n'avais pas voulu lui donner raison et j'étais partie alors même que j'étais consciente du danger.

— Tais-toi et rentrons, j'ai besoin que Nelson s'occupe de ma jambe.

Il me sourit, comme si rien ne s'était passé, et je me surprends à me dire que son sourire m'a manqué. Peut-être bien plus que je ne voudrais me l'admettre. Après tout, les derniers jours ont été compliqués et c'est vrai que sa tendresse et son sourire m'aident particulièrement à tenir le coup.

Quand une grimace se dessine sur son visage, je me rappelle la situation et commence à me diriger vers son appartement, le soutenant toujours tant bien que mal. Rapidement, Nelson me rejoint et m'aide à le monter jusqu'à son appartement, puis jusque dans sa chambre où il le couche sur le lit. Il se précipite vers la salle de bain, faisant un boucan sans nom et reparaît avec deux serviettes dans les mains –l'une sèche et l'autre mouillée- ainsi que d'autres choses dont je ne vois pas l'utilité. Il a l'air de s'y connaître, de savoir quoi faire.

— Aide-moi à lui enlever son pantalon, Blessing, me demande Nelson.

Je le regarde, presque incrédule, et observe ensuite Cameron qui a les yeux fermés. Il ne dit rien, mais je devine à son expression qu'il souffre. Dans une autre situation, il aurait probablement fait une blague ou fait comprendre à Nelson qu'il n'avait pas besoin d'aide, mais quand je ne le vois pas réagir, je ne réfléchis pas plus longtemps et entreprend d'aider Nelson à la tâche qu'il m'a confiée. Une fois le pantalon tâché de sang enlevé, je découvre une plaie, saignant encore abondamment. Je n'arrive pas à déterminer la profondeur de l'entaille. D'après Cameron, la balle ne l'a que frôlé, mais tout ce sang me retourne l'estomac et ma tête tourne douloureusement.

— Sors de là, Blessing, dit Cameron d'une voix rauque. Je ne veux pas que tu voies ça.

Je ferme les yeux une demi-seconde avant de les rouvrir sur son visage. Ses iris noisette sont posées sur moi, un léger sourire peint sur ses lèvres malgré la douleur qu'il ressent probablement. Je me mords la lèvre et hoche doucement la tête, quittant la chambre avec son pantalon entre les mains. Je me dirige vers la salle de bain et entreprends de le laver, bien que je sache qu'avec le trou dont il est maintenant affublé, il est fichu. Mais ça m'aide à penser, et ça m'aide surtout de me dire qu'il y aura moins de sang une fois qu'il sera lavé. Parce que tout ce sang est là par ma faute, une fois encore.

Je frotte sans relâche le pantalon de Cameron. L'eau qui s'écoule d'un rouge pâle fait couler mes larmes et je m'acharne pour ne plus voir cette couleur. Un grognement de frustration m'échappe alors que je relève les yeux. Dans le miroir, je croise le regard de Massey. Elle se tient derrière moi, je ne sais depuis combien de temps. Quand elle remarque mon état, elle se jette sur mon dos et m'enlace, pleurant à chaudes larmes.

— Je suis tellement désolée... j'aurais dû venir avec toi... je savais qu'il reviendrait et je t'ai laissée y aller seule...

Elle ne cesse de pleurer et ça me fait mal au cœur. Je repense notamment à ma réflexion de plus tôt, quand je disais ne pas les voir dans mon futur, et je m'en veux d'autant plus. Elle n'a rien à se reprocher. Au contraire, c'est la seule à avoir eu assez de bon sens pour rester dans un environnement protégé et ne pas s'exposer au danger comme j'ai pu le faire.

— Ce n'est rien, Mass, ne t'en fais pas. C'est normal d'avoir voulu profiter de ce confort pour une fois, et d'avoir préféré la sécurité à moi. Si j'avais autant de bon sens que toi, j'aurais sûrement fait la même chose.

Elle hoche la tête, ses bras m'entourent toujours tandis que ses pleurs se calment. Dans la chambre d'à côté, j'entends Nelson sermonner Cameron et ça me rappelle encore et encore la scène à laquelle j'ai assisté. Le regard de cet homme, sa détermination, les coups de feu, Joey, puis Cameron...

— Tu sais, il était comme un fou quand tu es sortie de son appartement. J'ai cru qu'il allait appeler la police pour qu'ils te cherchent. Il n'a pas arrêté de passer des coups de fils et puis il est parti d'un coup à ta recherche, comme ça, sans même me prévenir. Je crois même qu'il avait oublié ma présence, en réalité, débite Massey.

Je me mords la lèvre, me rendant compte de plus en plus à chaque seconde de la stupidité de mon acte. Tout ce qu'elle me dit ne me rassure pas, mais ça me fait pourtant réaliser quelque chose ; je sais maintenant que je ne suis plus seule.

— Il tient réellement à toi, Blessing. Sincèrement. Et si tu n'arrives pas à voir ça, si tu n'arrives pas à comprendre qu'il ne veut que ton bien, alors je ne sais plus quoi faire pour toi. Il faut que tu arrêtes de te braquer en permanence et que tu te laisses vivre.

Je ferme les yeux et hoche la tête. Elle a raison. Elle a toujours eu raison. Mais c'est bien plus compliqué d'appliquer ces conseils que de les comprendre. J'ai toujours eu l'habitude de me braquer et je ne suis pas certaine que ce fait puisse changer si rapidement. Il va falloir que je fasse un effort sur moi-même, sur mes habitudes et sur mon comportement.

Après quelques minutes assises sur le canapé, je ne tiens plus en place. Il faut que j'aille voir où en est Nelson. Heureusement, au moment où je me lève, je le vois apparaître dans le salon, les mains tachées de sang et le visage impassible. Je prends peur immédiatement, et je m'approche de lui aussi vite que mes faibles jambes me le permettent.

— Il va bien, il me dit lorsque j'arrive à son niveau, voyant certainement la panique qui m'habite subitement. Il a perdu pas mal de sang mais ça devrait aller.

Je soupire, un peu soulagée. Je ne sais pas ce que nous aurions fait s'il n'avait pas été là. Avec le refus de Cameron d'aller à l'hôpital, il aurait certainement perdu plus de sang encore, et je préfère ne pas me demander ce qui serait alors arrivé. Je lance un regard interrogateur à Nelson et je crois qu'il comprend ce que je veux lui demander.

— J'ai été infirmier avant de travailler au North Paradise. J'en sais pas mal sur ce genre de blessures et il fallait juste désinfecter et recoudre la plaie pour qu'il cesse de perdre autant de sang. Il n'y a pas d'hémorragie, et aucun muscle n'a été touché, heureusement.

Je soupire à nouveau, beaucoup plus soulagée qu'initialement. Mais la force et la conviction avec laquelle Cameron s'est jeté sur cet homme me hantera toujours. Il n'a pas hésité.

— Ça lui arrive souvent de se mettre dans ce genre de situations ? Il avait l'air de plutôt bien supporter la douleur et d'être assez habitué à vivre ce genre de choses. Il ne voulait pas que je l'emmène à l'hôpital...

Je débite mes paroles si rapidement que je ne suis pas certaine qu'il comprenne ce que je dis. Il me lance un regard compatissant.

— Si tu dois savoir quoi que ce soit, ce sera à lui de te le dire.

Il me sourit, et s'en va rejoindre Massey sur le canapé. Je les regarde un instant, ne sachant pas quoi faire, et décide de me diriger vers la chambre de Cameron.

— Je lui ai donné des antidouleurs, m'informe Nelson. Ce qui veut dire qu'il risque d'être dans les vapes et de s'endormir rapidement.

Je hoche la tête et m'arrête devant sa porte. J'espère le trouver encore éveillé, alors je ne perds pas de temps avant de toquer doucement contre le bois. Rapidement, j'entends un grognement s'élever dans la pièce. J'ouvre doucement et découvre Cameron allongé sous un drap fin, sa jambe meurtrie posée par-dessus la couverture. Sa cuisse est bandée et son visage est si fermé que j'ai peur qu'il me demande de m'en aller, qu'il me dise que tout ce qui arrive est de ma faute. Il aurait parfaitement raison, après tout. Mais dès que ses yeux se posent sur moi, son regard est toujours aussi tendre, et son sourire ne trahit aucun ressentiment. Il est réellement heureux de me voir, et je me sens tout à coup encore plus triste de l'avoir mis en danger.

— Je suis tellement désolée... je murmure.

Il me fait taire en levant péniblement la main et me demande d'approcher.

— Est-ce que ça va ? Il me demande, réellement concerné.

— Je... oui mais...

— Pas de « mais ». Si tu vas bien, c'est tout ce qui compte. Arrête de t'en vouloir, c'est moi qui ai pris la décision de venir te chercher et je savais quels étaient les risques à ce moment-là, il tente de me rassurer.

Je baisse la tête et mon regard tombe sur sa main, bandée elle aussi. Je la prends dans les miennes et lève à nouveau des yeux interrogateurs sur lui. Il me sourit, faiblement, mais il sourit quand même. Il a l'air très fatigué et ses paupières tombent toutes seules, ses yeux se ferment lentement. Je décide de ne pas l'embêter plus longtemps et me lève doucement, reposant sa main près de son corps.

— Reste ici... s'il te plaît...

Sa voix s'éteint doucement et il sombre dans un sommeil artificiel. Les médicaments doivent l'aider à ne pas sentir la douleur, mais je sais que ce sera pénible pour lui dès qu'il se réveillera. Je regarde un instant autour de moi, considérant la chaise de son bureau. Un bâillement m'échappe, je décide alors de m'installer dans la place libre de son lit, prenant soin de rester loin de lui pour éviter de lui faire mal ou de le réveiller. Quand je suis certaine qu'il s'est endormi, je prends le temps de l'observer.

Ses cheveux châtains –un peu trop longs sur le devant, lui tombent dans les yeux. Ses fossettes rendent ses joues plus rondes que ne devraient l'être celles d'un homme de son âge, mais sa mâchoire carrée et ciselée lui rend cette maturité. Il est beau, vraiment très beau. Et même si je le savais déjà, je n'avais pas réellement pris le temps de l'admirer, tant j'étais constamment occupée à le fuir. Même si je ne les vois pas en ce moment, je sais que ses yeux sont d'un brun doré, tirant parfois sur le vert, et qu'il a des dents blanches et parfaitement alignées. Je comprends pourquoi Leila s'entête à vouloir le garder pour elle, après tout son charme n'a d'égal que sa personnalité.

Je l'observe encore une minute puis décide qu'il est temps de le laisser dormir et de quitter la pièce. Seulement, quand je me lève, je sens sa main attraper mon bras pour me retenir.

— Reste, il souffle.

Je le regarde un instant, pensant qu'il est réveillé, mais rien ne vient. Je me rassois donc à la place à côté de lui et finis par me coucher, laissant toujours cette même distance entre nous. Le cœur battant, je repense à tout ce qui m'est arrivé depuis que je le connais. C'est dingue à quel point une seule et unique personne peut avoir le pouvoir de changer votre vie, même quand vous ne le voulez pas ou que vous l'en empêchez. Cameron est entré dans la mienne et a tout chamboulé, sans même m'en demander la permission. En y repensant, je me dis que j'ai vraiment été nulle avec lui. Il voulait m'aider depuis le début, et je n'ai fait que lui apporter problème après problème. Cependant, je ne peux pas m'empêcher de me dire que toute cette gentillesse cache quelque chose... Personne n'est si gentil par pure bonté de cœur.

Sur ces doutes, je m'endors en me répétant mentalement qu'il ne faudra pas que je baisse trop ma garde, même si tous les récents événements me poussent à faire confiance à Cameron. Il y a encore bien trop de choses, de détails, qui restent inexpliqués.

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