Prologue


Il ne savait pas combien de temps s'était écoulé depuis qu'il s'était assoupi sous l'ombre du vieux chêne. Cette place, au pied du majestueux arbre qui trônait au milieu du parc, aménagé il y a quelques années, était l'endroit où il passait le plus clair de son temps. C'était le lieu idéal pour quiconque cherchait calme et solitude.

Sa tête reposait contre l'extrémité d'une longue et épaisse racine. Celle-ci s'était frayée un passage jusqu'au chemin de bitume qui parcourait une partie du parc. Une de ses mains reposait contre son front, tentant de bloquer les quelques rayons de soleil que ne pouvaient cacher le feuillage garni du chêne. Quelques mèches de cheveux bruns foncés tombaient devant ses yeux clos. Sa mère les trouvait beaucoup trop longs, elle lui avait répété maintes fois de se les faire couper. Mais pour Sebastian, il en était hors de question. De son point de vue, ils avaient juste la longueur qu'il fallait ; trop courts pour tous les attacher correctement avec un élastique, mais juste assez longs pour repousser ses mèches sombres derrière les oreilles.

À coté de lui, sur le gazon jauni par endroit, reposait la housse d'une guitare. Il emmenait souvent l'instrument avec lui. De cette façon, il pouvait profiter de chaque occasion se présentant pour jouer ses morceaux favoris, ou pour improviser. C'était ce qu'il faisait de plus en plus ; il laissait simplement courir ses mains sur les cordes ; elles trouvaient d'elles-même les accords qui se succédaient les uns après les autres. Suivant son humeur, l'atmosphère dans laquelle il se trouvait, ou juste parce qu'il en avait envie ; de nouvelles mélodies prenaient forme. De temps en temps, il fredonnait en même temps ; très doucement au départ, puis, au fur et à mesure, le volume de sa voix montait. Comme s'il passait d'hésitation à assurance. Souvent ses improvisations donnaient lieu à de nouvelles créations qu'il rejouait, en peaufinant toujours un peu plus. Mais jamais, il n'était confiant concernant ces ébauches, et donc se remettait à interpréter des chansons déjà existantes. Se méprisant lui-même d'oser penser que ses semblants d'œuvres pouvait intéresser qui que ce soit d'autre.

Cette partie du parc était plutôt déserte, cet après-midi ; il pouvait compter sur les doigts d'une main le nombre de personnes qui étaient passées devant lui. Le seul son troublant la quiétude du lieu, n'était que les pépiements joyeux d'oiseaux. Si l'on tendait l'oreille, on pouvait aussi entendre le chant relaxant du ruissellement d'un cours d'eau un peu plus loin. Seb aimait l'arpenter à chaque fois qu'il sortait du parc ; cela lui procurait un dernier moment de sérénité avant de retourner à la réalité.

Une légère brise agita les feuilles des arbres, l'agréable son de bruissement que cela produisit lui arracha un petit soupir d'aise. Il sentit ensuite, le faible souffle caresser son visage, son front se plissa légèrement et ses paupières se fermèrent plus fort ; c'était un air tiède, mais bienvenu face à l'atmosphère étouffante de l'été. Même sous l'ombre du feuillage entrelacé du bois du parc, la chaleur parvenait à envahir l'air. Toutefois, il s'agissait sans doute de l'un des endroits extérieurs le plus frais de la petite ville de Fort Sur L'Ill.

Une fois le courant d'air passé, il entendit le bruit d'une conversation qui se rapprochait. Deux personnes parlaient à volume plutôt bas, et riaient doucement. Il entre-ouvrit ses paupières et tourna sa tête sur le coté pour voir un couple se promener le long du chemin bitumeux. Ils devaient tous deux avoir quelques années de plus que Seb. C'était un jeune et beau couple. Ils marchaient en étant quasiment collés l'un à l'autre, leurs deux têtes penchées l'une vers l'autre. Bientôt, Seb fut en mesure de distinguer plus nettement les traits de leurs visages.

Ils étaient tellement absorbés dans leur propre monde, qu'ils n'avaient sans-doute pas remarqué la présence de l'adolescent couché au pied de l'arbre.

Ils poursuivirent leur chemin se souriant mutuellement. Et soudainement, le visage du jeune homme se détacha légèrement de celui de sa compagne pour se tourner vers Seb. Ce dernier voulu détourner les yeux, mais il se trouva alors, comme happé par le regard bleus-gris posé sur lui. Dans la pénombre du tunnel boisé, il put discerner de courts cheveux noirs, dont quelques petites mèches tombaient devant ses yeux hypnotisant. Ce jeune homme avait une peau matte, et un corps fin, mais les bras et les jambes découvertes montraient des muscles obtenus après de l'effort physique régulier. Il portait, tout comme la jeune femme, des vêtements clairs, et une paire de lunettes de soleil pendait au creux du col de son T-shirt.

Le contact visuel fut maintenu jusqu'à ce que le couple ne soit trop proche pour que Seb ne puisse les voir sans avoir à basculer sa tête en arrière. Il resta couché dans le gazon, alors que les deux jeunes gens poursuivaient leur balade le long du petit chemin. Au bout de quelques secondes, il tourna la tête de l'autre côté, et ne distinguait clairement plus que la chevelure blonde de la jeune femme s'éloignant progressivement. Son compagnon aux yeux perçants ne le regardait plus, il gardait la tête droite, le regard tourné sur la direction à prendre.

Sebastian était confus. Pourquoi ce type l'avait-il fixé de cette manière ? Peut-être se connaissaient-ils. Mais s'il l'avait déjà rencontré, Seb n'avait aucun souvenir le concernant. S'il n'était qu'un inconnu, comme il le pensait, alors la raison pour laquelle il l'avait regardé de cette façon était, pour lui, un mystère. Toutefois, Seb avait réellement l'impression qu'il devrait connaître cet homme. Son visage lui était familier, mais il n'arrivait pas à se souvenir où et quand il l'avait vu. L'adolescent fronça les sourcils, se concentrant, il fouilla dans sa mémoire, mais il ne trouva rien qui puisse l'aider à connaître l'identité de l'inconnu.

«Pas grave » se dit-il finalement, avant de se remettre à somnoler.


Sa sieste fut interrompue quelques minutes, à peine, plus tard. Un coup de pied fut donné à ses jambes. Seb se redressa en grognant, il se massa la nuque, une ombre le dominait. En levant les yeux, il vit Zack, son meilleur ami. Ce dernier était un jeune homme bien battit, ses muscles dépassaient sous son marcel blanc et son bermuda en jeans. Il avait les bras croisés, et fixait Seb sévèrement. « Qu'est-ce qu'ils ont tous à me mater bizarrement, aujourd'hui ? » se demanda-t-il.

Comme Seb ne bougeait pas, Zack soupira en frottant ses courts cheveux crépus, avant de tendre une main à son ami. Seb la prit en marmonnant.

- Faut déjà qu'on y aille ? Fit-il.

- Il est seize heure. On devrait déjà y être, répondit Zack.

- Merde, jura le jeune homme. Et on encore le pain et les caisses à chercher.

Zack haussa les épaules.

- Comme je ne te voyais pas venir, je les ai déjà cherché ; ils sont dans la camionnette.

Seb fronça à nouveau les sourcils.

- La camionnette ? Tu conduis ? Mais si tu te fais arrêter ?

- Ben, je dirais que c'est mes patrons qui m'y ont obligé.

Seb ne trouva rien à redire. Zack était apprenti dans le restaurant qui se situait non loin du parc ; il rêvait de pouvoir ouvrir un jour son propre établissement. Seb, quand à lui, apportait une aide occasionnelle ; c'était une sorte de job d'été. En réalité, il connaissait assez bien les gérants ; Madame Koenig, la patronne de Zack, lui avait demandé un an auparavant, s'il serait intéressé pour venir de temps en temps au restaurant pour interpréter quelques chants, histoire d'ajouter un peu d'ambiance. Il avait été assez mal à l'aise au départ ; il n'avait joué que devant ses amis ou les autres lycéens lors de petits concerts qu'organisait l'école. Mais Zack l'y avait encouragé. Il avait finalement accepté. Le premier soir de sa représentation, il avait eu un trac qui l'aurait cloué surplace, si Zack ne l'avait pas prit par le bras pour le pousser sur la petite estrade installée à l'une des extrémité du restaurant.

« Tu me remercieras plus tard » lui avait-il soufflé.

Une fois les premiers accords joués, Seb avait progressivement oublié où il se trouvait puis s'était mis à chanter.

Il était depuis devenu l'un des musiciens qui se produisait régulièrement sur la scène du Palais de l'Ill. Et de temps en temps, il leur donnait son aide pour la préparation de la salle ou de la terrasse, ou encore leur apportait les caisses de boissons commandées ; il aidait là où il le pouvait avant d'installer le matériel pour ses représentations. En réalité, il n'avait aucune obligation, mais le fait qu'il passe du temps au restaurant, n'était pas désintéressé. Cela lui permettait de trouver une excuse pour ne pas rester chez lui et éviter une personne en particulier.

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