Chapitre 4: Nos mondes en collision (Partie 2)
Attention : La fin de ce chapitre peut paraître assez brutale
Aiden s'était installé au comptoir, proche de la cuisine, un verre de bière à la main. L'air était plus frais et agréable à l'intérieur, toutefois, ce n'était pas la raison pour laquelle il avait décidé d'y rester. Dehors beaucoup trop de personnes commençaient à le dévisager. Non qu'il n'y soit pas habitué, mais il avait espéré passer des vacances au calme ; il voulait juste jouer au type qui rentrait voir la famille qui vivait en campagne. Être une personne anonyme parmi toutes les autres.
Ensuite, Kayla, qui avait entendu parler du problème de Seb, s'était mise en tête de l'aider. À moins que ce ne soit la scène qui lui manquait. Kayla était probablement le membre du groupe le plus ouvert, beaucoup plus proche du public que ne l'étaient les autres. Elle adorait montrer ce qu'elle savait faire, et pouvait passer des journées entières devant son instrument sans ne s'arrêter ne serait-ce qu'une seconde. Elle était à l'aise autant sur scène qu'en dehors, elle allait sans problème à la rencontre des fans, toujours souriante.
Matt était le seul qui pouvait la faire ralentir. Il ne lui suffisait que d'un mot, pour qu'elle oublie le reste de l'humanité ; ils se retrouvaient alors, tous les deux, seuls, dans leur monde, n'ayant d'yeux que l'un pour l'autre.
Aujourd'hui, elle n'oubliait pas que ce qu'ils faisaient n'étaient pas pour eux-même. Ils donnaient un coup de démarreur à Seb. Par contre, Matt, ne semblait pas avoir saisi le but de la manœuvre. Ce devait être une des rares occasions, où ils n'étaient pas sur la même longueur d'onde.
Après avoir servi plusieurs clients, Catherine s'installa derrière le comptoir, et prépara les prochaines commandes, que d'autres serveurs allaient emporter. Une fois fait, elle porta son attention sur son neveu. Ce dernier fixait sans le voir son verre qu'il n'avait quasiment pas touché, les yeuxdans le vague ; il était clairement absorbé par des pensées trop moroses pour une personne censée être en vacance.
- Tout va bien ? s'enquit-elle.
Le jeune homme ne répondit pas.
- Aiden ? Appela-t-elle un peu plus fort.
Toujours pas de réponse.
- Tu veux que j'appelle Zack pour se disputer avec toi ? Ça te changera les idées.
La réaction fut immédiate. Il se redressa si brutalement, qu'il manqua de tomber du tabouret sur lequel il était perché. Il se rattrapa en agrippant le rebord du comptoir, mais du bout des doigts, percuta son verre, dont une bonne partie du contenu se déversa un peu partout.
- Et merde ! Marmonna-t-il.
Catherine soupira en épongeant le comptoir.
- Au moins, il y a encore certaines choses qui te font réagir.
- Désolé, je renverse à nouveau quelque chose.
- Oui, à croire que ça commence à être une de tes nouvelles habitudes.
Il y eu un court silence durant lequel elle l'observa, alors que lui, s'emprisonnait à nouveau dans son esprit.
- Quelque chose ne va pas ? Demanda-t-elle.
Aiden prit une grande inspiration. Puis se frotta le crâne, comme s'il réfléchissait.
- Je sais pas vraiment. On a un peu de stress, cet été. On a des concerts de prévus, Matt ne sera pas disponible pour la plupart, et on a encore trouvé personne de potable pour le remplacer.
- Hum, fit Catherine. Si j'étais toi, je ne m'inquiéterais pas tant que ça.
De la tête, elle désigna l'entrée de la terrasse.
- Ouais, Seb, je sais. On a commencé à y penser. Mais, d'abord, il a ses propres projets, apparemment. Ensuite, si par chance, on arrive à le convaincre, il faudra qu'on en parle tous ensemble ; on ne peut pas juste décider entre nous ; Kayla, Matt et moi ; il va falloir qu'on voit ça avec Saya et Antony aussi. Et même si, on arrive à avoir Seb pour cet été, ça ne réglera pas le problème entièrement. D'ici la fin de l'année, Matt aura quitté le groupe. Même si ça fait un moment qu'on auditionne ; c'est sacrément dur de se dire qu'il ne sera plus avec nous et qu'il y aura quelqu'un d'autre, juste comme ça. Il faut que le feeling passe, tu vois.
- Du coup ..., commença sa tante, ce soir, est-ce que ce n'était pas aussi une sorte de test caché ?
Seb était encore en scène les heures suivantes ; il n'avait pas fait une seule pause. Matt avait fini par le laisser seul pour rejoindre Kayla. Ils avaient tous compris ce que le jeune homme essayait de faire : se montrer le plus occupé possible, pour éviter d'avoir à se confronter à son père. Il savait pourtant qu'il n'allait pas pouvoir, continuellement, l'éviter. Vers vingt deux heure, la famille Kern partait, laissant Seb enfin souffler. Il n'avait pas manqué le regard désapprobateur de son père lorsqu'il s'était levé, après avoir réglé l'addition.
Après avoir posé sa guitare de côté, Seb s'était dirigé vers la table où étaient installés Matt, Kayla et Aiden qui les avait rejoint une demi-heure plus tôt. Zack était ensuite arrivé avec deux verres de soda frais. Il posa l'un des deux devant son ami, puis s'installa et prit une grande gorgée de sa propre boisson. Il reposa son verre, sans cacher un énorme soupir de contentement.
- Ah ! Ça fait du bien !
- Longue soirée, commenta Aiden.
- En fait, non, pas tant que ça, révéla Zack. Je ne me souviens même pas m'être déjà arrêté aussi tôt.
La conversation se poursuivit durant encore prêt d'une heure. Seb sentait, et entendait légèrement les protestations de son ventre vide. Il savait que si Zack s'en était rendu compte, il se serait précipité en cuisine lui préparer tout un menu. Il essaya donc le plus possible de ne rien montrer de sa faim. C'était une des seules fois, où son meilleur ami pouvait profiter d'une pause aussi tôt dans la soirée ; il n'avait aucune envie de gâcher ce moment.
Kayla et Matt les avaient ensuite quittés. Ils n'oublièrent pas, cependant, de ranger au moins une partie de leur matériel. Aiden en avait profité pour ranger les micros et sa guitare, il emporta aussi quelques éléments de la batterie de Kayla. Puis revint s'installer avec Zack et Seb. Il commençait à se faire tard, et ce dernier savait qu'il ferait mieux de désinstaller l'estrade, mais pour le moment, il n'en avait ni la force, ni la volonté. Tout ce qu'il voulait, était de retrouver la tranquillité de sa chambre, et être capable de se téléporter directement de sa chaise au restaurant, à son lit chez lui.
Aiden avait clairement remarqué l'état de fatigue des deux amis. Surtout celle du musicien. Il était à peu prés certain que s'il partait maintenant, il allait finir par s'endormir en plein milieu du chemin.
- Bon, je peux pas vous laisser comme ça. Je vous raccompagne tous les deux chez vous, décida-t-il.
- Quoi ? S'étonna Zack. J'ai jamais eu besoin de qui que ce soit pour me raccompagner.
Seb, lui ne dit rien ; il peinait déjà à garder ses yeux ouverts.
- Ouais, merci, marmonna celui-ci, mais ça ira.
La signification du regard que lança alors Aiden à Zack était sans équivoque. L'expression du visage du cuisinier changea subitement.
- Euh, tout compte fait. Je crois que je suis beaucoup plus fatigué que je ne le pensais, déclara Zack sur un ton beaucoup trop surjoué pour être sincère.
- Aller, j'aide à tout ranger, puis on y va, lança Aiden.
Seb s'obligea à décoller ses fesses du siège, pour se diriger à nouveau vers l'estrade. Hormis les trois jeunes hommes, il n'y avait plus personne en terrasse, et les tables avaient été débarrassées et nettoyées depuis un moment.
Lorsque tout fut rangé, Zack et Seb suivirent le plus âgé vers sa voiture garée sur le petit parking du restaurant. Seb s'installa à l'arrière ; de cette façon, il pouvait avoir assez de place pour placer sa guitare à côté de lui. La Peugeot noire avait à peine quitté le parking, qu'un autre véhicule, que Seb ne connaissait que trop bien était arrivé. Il savait qu'il n'avait plus aucun choix ; s'il ne sortait pas de cette voiture immédiatement, il risquait, par la suite, une altercation trop éprouvante avec son père.
Le trajet fut épouvantable. Jamais, Patrick n'avait récupéré Seb au restaurant. Et le jeune homme se demandait si son père ne le faisait pas dans le simple but de décharger tout son mépris. Il s'efforçait de rester calme ; c'était tout ce qu'il pouvait faire ; alors qu'intérieurement, il bouillonnait de rage. Il ressentait un besoin quasi-irrépressible de hurler, mais se contenta de serrer ses poings, si fort que les jointures devenaient blanches et que ses ongles, pourtant courts, s'enfonçaient dans la chair de ses mains. Sa mâchoire était crispée, son souffle était profond et inconfortablement fort, comme si ses poumons refusaient d'eux-même à relâcher l'air chargée de dioxyde de carbone, pour récupérer celui de dioxygène. Sa poitrine l'emprisonnait physiquement. Il osait à peine bouger, il avait peur qu'au moindre de ses mouvements, il ne finisse par perdre le peu de contrôle qu'il lui restait.
Deux minutes à peine s'était écoulée, que Patrick, n'ayant pas eu de réactions de la part du jeune homme, perdit patience.
- Oh, t'as rien à dire ? S'exclama-t-il. Tu n'écoutes même pas ! Eh ! Mais écoute donc !
Seb ne voyait pas ce qu'il aurait pu dire. D'ailleurs s'il aurait tenté de glisser la moindre parole, le résultat n'aurait pas été meilleur ; son père lui aurait alors reproché l'insolence de répondre ; comme à son habitude, il lui aurait assené « Qu'est-ce que tu racontes ? Tu n'as rien à dire ; tu écoutes, c'est tout. Toi, tu n'as rien à dire. ».
Chaque seconde passée avec cet homme était un véritable calvaire. Certaines fois, il se demandait, si de son point de vue, son existence-même était une erreur. Tout lui était reproché, souvent des choses sur lesquelles le jeune homme n'avait aucun contrôle. Du moment, qu'il était coupable, du moment qu'il pouvait s'acharner sur lui. Surtout lorsqu'ils n'étaient qu'entre eux. Il était moins insupportable, en présence d'autres personnes.
Patrick ne s'arrêtait pas. Il se répétait lorsqu'il n'avait plus assez de matières à ajouter à sa liste accusatrice. Seb ne voulait plus écouter ; il n'avait pourtant pas le choix ; son père pouvait lui faire répéter ses dernières paroles, s'il le soupçonnait de ne pas l'avoir entièrement suivit. Il s'énervait alors encore plus. Le jeune homme se persuadait alors, que ce n'était qu'un mauvais moment à passer. Pourtant, ce type de moment se produisait de manière trop récurrente.
Un jour, lors d'un de ces jugements, il avait imaginé que tout ce que son père racontait, était en fait, des reproches qui s'appliquaient à lui-même ; sur le coup, la suite de critiques avait était plus facile à supporter. Sauf, qu'il n'avait pu le faire qu'une seule fois. Les fois suivantes, ces agressions mentales étaient devenues plus brutales.
Cette fois-ci, le départ avait été donné après cette simple phrase : « Tu prétends vouloir à tout prix aller en fac de bio, mais tu passes tes journées à la guitare ». La suite était un étalage d'arguments le décrédibilisant, le traitant de menteur et d'hypocrite se servant de la bienveillance des autres. Il n'oubliait jamais d'ajouter «De toute façon, tu fais ça uniquement parce que tu ne veux pas travailler ; tu ne sais même pas ce que ça veut dire ''travailler'' ». Patrick n'oubliait pas de le comparer aux autres ; soit à Zack et Élodie qui gagnaient déjà leur vie honnêtement, ou, à l'inverse, à ceux qu'il appelait ''les fonctionnaires'' ; «En fait t'es comme eux ; tu ne fous rien. Rien d'utile, en tout cas. Si tu es fatigué en rentrant le soir, c'est pour rien. Tu te fatigues pour rien. Tu n'obtiens aucun résultats. Ce que tu fais ne sert à personne. Pire, tu fais chier les autres. ».
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