Chapitre 3 : Je ne dirai rien (Partie 2)
Le trajet jusqu'à la boulangerie se fit dans un silence gênant. Zack s'appliquait à ne surtout pas regarder dans la direction du conducteur. Il ne lui donnait que de brèves instructions de directions quand cela était nécessaire. Une fois, arrivés à destination, Zack sortit de la camionnette qu'ils avaient arrêtés à l'arrière du bâtiment, et y entra par une large porte blanche. Aiden le suivit. Dans une grande pièce aux murs cachés par des piles de caisses vides, le pain était là, prêt à être chargé. Trois caisses de différentes sortes de pains leur étaient réservées.
- Tiens, il y a un nouveau au Palais de l'Ill ? Fit une voix féminine dans leur dos.
Zack se retourna, et reconnue Célia, l'une des plus jeunes boulangères. Elle était vêtue d'un pantalon de travail blanc, et d'un T-shirt sur lequel était passé un tablier, orné d'une constellations de tâches et de croûtes de pâte à pain séchée.
- Bonjour, dit simplement Aiden, avec un petit sourire aux lèvres.
Célia lui sourit aussi. Et cela exaspéra Zack ; il ne savait pas pourquoi, mais chacune de ses nouvelles réactions, lui donnait envie de détourner le regard, de fuir, voir même de pas entendre parler de lui.
- Ouais, Salut Célia; on prend, vite fait, les caisses puis on y va ; on a encore d'autres trucs à chercher, marmonna Zack en en emmenant une vers l'extérieur.
- Oh ! Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi t'es de mauvaise humeur ? S'étonna la jeune femme.
- Je commençais à croire que c'était son état habituel, fit Aiden en prenant une autre caisse qu'il chargea dans la voiture.
Sans un mot Zack retourna chercher la dernière ; une fois qu'il l'eut chargée, il s'installa directement sur le siège passager, et attendit qu'Aiden ne le rejoigne.
- Il s'est passé quelque chose ? Voulu savoir Célia.
Aiden haussa les épaules.
- Je crois qu'il m'en veut, avoua-t-il. Mais je ne suis pas certain de savoir pourquoi. En tout cas, ça ne peut pas être juste à cause du pain.
- À cause du pain ? Répéta la boulangère.
- Sans faire exprès, j'ai écrasé une dizaine de baguettes hier après-midi. Depuis, il me fait la gueule. En fait, il m'a toujours fait la gueule ; c'est à ce moment-là qu'on s'est rencontré.
- Ah d'accord ! S'esclaffa Célia. C'était un mauvais départ.
Le klaxon du véhicule retentit.
- Je ferais mieux d'y aller, sinon, il trouvera une autre excuse pour m'en vouloir.
- Oui, ce serait mieux,approuva-t-elle.
Aiden, s'apprêta à franchir le seuil de la pièce, lorsque qu'elle ajouta :
- Et pour ce qui est des baguettes que j'ai préparée hier, je ne te connais pas, mais tu es pardonné. Je t'aime bien, toi. Peut-être parce que ta tête me dis quelque chose.
Le sourire d'Aiden qui était encore en place s'estompa légèrement. C'est ce moment que choisit Zack pour venir le chercher.
- Bon, on y va ? T'as fini de la draguer ?
Sans attendre de réponse, il empoigna Aiden par le bras et le traîna derrière lui. Aiden salua Célia avec un bref geste de la main, qu'elle lui rendit avec un sourire.
Lorsqu'ils reprirent la route, Aiden se rendit compte que la tension avec le cuisinier s'était accrue. Rien ne pourra s'améliorer tant qu'ils n'aient une bonne discussion.
- Sinon, je ne cherchais pas du tout à la draguer, commença le musicien.
Cette déclaration n'était qu'une excuse pour démarrer une conversation, en espérant que Zack n'accepte la perche tendue. Malheureusement, il ne répondit pas.
- T'es jaloux ou quoi ?
Comme il ne réagissait pas, Aiden était obligé de le titiller un peu.
- N'importe quoi, grommela Zack.
- Y a bien une raison à ce que tu tires constamment cette tronche.
- Ouais, il y a une raison : t'es là.
Si Aiden n'était pas au volant, s'il n'était pas dans cette camionnette, s'ils étaient tous les deux dehors, il aurait perdu patiente. Il ne l'aurait pas frappé, mais il l'aurait sans-doute, brusquement, poussé vers le murs le plus proche ; et l'aurait empêché de se dégager. Il n'était peut-être qu'un musicien, mais il se savait assez fort. Il lui aurait dit ses quatre vérités, avec une petite menace à la clé, même s'il n'avait aucune idée de ce qu'il pourrait utiliser contre Zack. Pour l'instant.
- Si c'est encore à cause de ces fichues baguettes ; même Célia m'a pardonné, alors que c'est elle qui les a fait, d'après ce que j'ai compris.
Zack poussa un énorme soupir.
- Ça n'a rien à voir avec ces putains de baguettes, avoua-t-il, excédé.
- Alors, c'est quoi le problème ? Qu'est-ce que j'ai fait ?
Il n'y eut pas de réponse.
- Au prochain, croisement, tu vas devoir tourner à droite, indiqua seulement le jeune homme.
- OK, dit Aiden.
Un nouveau silence s'installa. Aiden ne pouvait pas en rester là, il devait encore essayer ; au moins lui expliquer une chose.
- Il faut juste que je te dise un truc ; commença doucement Aiden. Apparemment, je te fais chier. Mais je te jure que c'est pas intentionnel ; je ne le fais pas exprès. Alors si tu veux que ça s'arrête, il va falloir que tu me dises ce que je dois faire.
Zack était incapable de dire ce qui l'énervait exactement chez Aiden. Il en avait bien une petite idée, mais c'était stupide, et il n'avait pas envie d'en parler. La seule personne au courant de cette histoire était Seb, et une autre personne ; celle-ci, responsable de son malheur. Aiden n'avait pas grand chose à voir dans cette histoire ; il avait simplement été là, au mauvais endroit et au mauvais moment.
Il était en train de s'en remettre, et tout le reste marchait comme sur des roulettes. Toutefois, au fond de lui, subsistait une trace de la blessure qu'on lui avait infligé. Et la meilleure chose pour lui était d'oublier ce qui c'était passé. Il allait mieux, mais était encore vulnérable ; un rien pouvait le mettre en rogne.
Un long silence avait suivit la demande d'Aiden. Et Zack se rendit compte qu'il avait vraiment été patient avec lui depuis la veille. De son coté, Zack pouvait au moins essayer d'arranger la situation.
- Tu vas pas me croire, dit-il finalement, mais en réalité, je suis pas rancunier.
Aiden éclata de rire.
- Nan ! Pas du tout ! Ironisa-t-il.
Zack laissa un petit sourire apparaître sur ses lèvres. Un rien qui faisait un bien fou, malgré la boule dans le ventre, qui lui rappelait combien il est douloureux de baisser la garde face aux mauvaises personnes.
- Je suis désolé, de m'en être pris à toi, ajouta-t-il.
Aiden ne dit rien et le laissa simplement continuer.
- Il m'est arrivé un truc, il n'y pas si longtemps et ...
Zack prit une inspiration.
- Et depuis je suis devenu ... , je sais pas comment je peux te faire comprendre ça ; je suis devenu, en quelques sorte, plus sensible.
Le jeune homme fit une nouvelle pause, donna une direction à prendre à Aiden, puis reprit son explication.
- Les choses commençaient à aller mieux. Sauf que je suis à un moment où il en faut pas beaucoup pour me mettre en rogne. J'ai l'impression que j'ai passé des mois à garder toutes les merdes accumulées en moi. Alors quand on s'est foncé dedans avec ces baguettes ; c'est comme si toutes les émotions que j'avais retenu avaient envie de s'échapper. Et je ne veux pas laisser qui que ce soit voir ça. J'ai juste pété les plombs, j'avais besoin de me décharger sur quelqu'un ; et ça t'es tombé dessus.
Les deux jeunes hommes restèrent silencieux jusqu'au dépôt où ils devaient récupérer les boissons.
- Je suis désolé, s'était à nouveau excusé Zack.
Aiden lui avait dit que c'était bon ; il n'avait pas besoin de s'excuser une fois de plus. Par contre, il ne lui révéla pas qu'il lui avait pardonné. Il espérait que Zack ne s'en rende compte de lui-même. Quelque soit cette chose qui lui soit arrivée, il lui était difficile de se confier. Et il venait de le faire à une personne qu'il connaissait à peine.
Ils étaient presque de retour au restaurant lorsqu'Aiden lui dit :
- J'espère que les choses s'arrangeront pour toi.
Il marqua une pause, hésita, puis se dit que rassurer Zack ne serait pas de trop.
- Et ne t'inquiètes pas ; je ne dirai rien de notre conversation à personne.
Zack lui offrit un petit sourire.
- Je ne m'inquiète pas ; je ne t'en ai pas dit assez pour que tu puisses raconter quoi que ce soit. On se connaît à peine, et j'ai du mal à faire confiance. Mais j'ai surtout du mal à en parler.
Aiden arrêta la voiture à l'arrière du restaurant, puis tendis la main pour tapoter l'épaule de Zack.
- Aller, il va falloir qu'on décharge tout ça, dit-il. Et je te promets de ne foncer dans personne avec le pain.
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