Chapitre 2 : Comme un terrier à lapin.


Les tics et tacs de l'horloge te rappelaient à l'ordre à chaque fois que tu commencais à t'endormir. Cela faisait quatre heures que tu essayais de ne pas tomber de fatigue, et que tu t'étais adossée à la pendule pour te tenir éveillée. Derrière toi, la grande boîte battait comme un cœur d'acier alors que la pendule résonnait en son sein ; impossible de s'endormir avec ça.

Il était presque vingt heures, et dans deux heures, tu sortiras par la fenêtre et gagneras les rues à la recherche du bar de la dernière fois. Peut-être que le barman, dans une extrême bonté, voudra bien t'engager comme serveuse ou ménagère. Tout du moins, si le système est le même qu'à la surface. Ton père t'avait dit qu'une de ses amies d'enfance, Leana, avait été embauchée assez jeune dans un restaurant après avoir fuguée de chez elle. Alors peut-être que tu pourras faire exactement comme elle et te tirer de là sans problème. 

Tu fixas le cadran rond, sa face lunaire ressemblait à celle d'un gros bonhomme qui engloutissait les minutes pour les convertir en heure. Dans ton agacement, tu lui donnas un coup de pied, même si ça ne lui fera pas manger les secondes plus vite. Tout ce que tu en obtins, c'était un doing profond et la chute d'un objet du haut du bloc de bois. Sur la moquette tomba une petite statuette de chouette. Ca ressemblait à un jouet oublié, et la poussière accumulée sur son plumage de fer laissait à penser qu'il était là depuis longtemps. Tu l'examinas en détail, mais un craquement dans l'escalier te poussas à le faire glisser sous ton lit ; la Gérante arrivait, certainement à cause du bruit. 

Ses boucles châtains dépassaient de l'encadrement de la porte et elle te toisa sévèrement, heureusement tu arrivas à t'expliquer, ou du moins à lui mentir :

" Désolé, j'ai trébuché contre l'horloge, Madame...euh...madame... " 

C'est vrai, tu ne connaissais même pas son nom ! La femme ne semble pas trop s'attarder sur ce détail et ouvrit entièrement la porte pour déposer sur un bureau une tisane. 

" Tiens, il va se faire tard. Bois ça et vas dormir, ça te fera du bien ! "

Sur-ce, elle referma la porte et te salua de sa main... grande main. Plus tu regardais sa paume et ses doigts, plus tu les trouvaient griffues et bestiaux. Comme celles d'un renard, ou bien alors les serres de ce qu'on appelle, vers les montagnes, aigles. 

Tu lui fis un sourire hypocrite en signe d'au revoir et te lancas sur la tisane qu'elle t'avait proposée. Tu la reniflas, la fis tourbillonner, et même si elle semblait plutôt normale, tu gardais encore le doute qu'elle fut piégée ou empoisonnée. Alors, furtivement, tu vidas son contenu sur les toits et fit semblant d'aller te coucher. La chouette était encore sous ton lit, l'entendant presque hululer, elle se fit vite rapatrier dans ta poche et gardée comme un trésor. 

Deux heures plus tard, ton regard se tourna une nouvelle fois vers le cadran, mais cette fois, il était temps de se lever ! Tu déposas délicatement tes pieds par terre et essayas de faire le moins de bruit que possible. Tes mains venaient tâter le bord semi-visible de la fenêtre et soulèvèrent la vitre qui monta, te donnant l'espace requis pour pouvoir passer. Tu attrapas tes chaussures par leurs lacets et les rapprochas pour les enfiler mais, quelque chose vint arrêter ton mouvement. Une nouvelle fois, tu entendis une voix venant de l'extérieur de ta chambre.

" Elle vous conviendra parfaitement je vous assure ! En plus, je l'ai totalement endormie donc pas besoin de la violenter comme la dernière. "

Tu étais arrêtée dans ta lancée, lorsque la porte s'ouvrit pour la énième fois, et que tu vis son visage se froisser de colère lorsqu'il rencontra ta silhouette, tu étais comme un lapin pourchassant  les heures, fuyant lui-même une bête prête à lui bondir dessus à tout instant. La loi du plus fort dominait à elle seule la partie et tant que le sang de l'autre n'était pas versé, celle-ci n'est pas terminée. 

Un homme et une femme, semblant mariés, passaient alors le pas de la porte et déboulèrent furieusement vers toi ;leur venue était comme le top départ d'une course pour ta vie. A ce moment-là, l'horloge sonna 22h, et sans même prendre le temps d'enfiler tes chaussures tu t'élancas pied nu sur les toits de la cité. 

A tes trousses, les trois adultes passèrent le rebord de la fenêtre avec un peu plus de difficulté, étant donnée que l'ouverture était plutôt petite. Ca te permettait de les distancer un peu !

Tes pieds glissaient sur les tuiles et le béton frappait vite contre tes orteils, ça en devenait douloureux. Tu cherchas du regard un point de repère et tu vis au loin la statue ailée de la dernière fois. Tu sautas de toit en toit jusqu'à arriver près d'elle, alors que tes poursuivants étaient à quelques mètres de toi. Tu te rappelas soudainement que cette statue était sur un pont normalement, alors tu passas tes pieds par-dessus la menue rambarde et sautais à terre sur les pavés. Une odeur dérangeante s'émanait du sol et tu baissas vivement la tête pour te rendre compte que tu marches dans du sang sec ; ton cœur jouas au tambour-major et tes jambes redoublèrent de vivacité pour te faire quitter ces lieux au plus vite. 

A ta droite, se trouvait l'enseigne du bar de la veille, tu poussas ses portes en vitesse et cherchas du regard quelqu'un. Un corps buta sur le tien et l'homme au chapeau se dévoila devant toi, il semblait totalement désarçonné mais cette incompréhension n'était que temporaire : lorsque arrivèrent les trois chasseurs, il se prépara déjà à attaquer. 

La gérante s'arrêta devant lui, essoufflée et la posture animale, assoiffée par le besoin de t'attraper. Pour ce qui était des deux autre, ils avaient la carrure plus légère, orthodoxes, comme des petits saints prêts à demander une faveur.

La femme t'ayant accueilli, remis tout de suite son masque de "gentille bonne mère" et dit :

" Monsieur, désolé du dérangement mais nous allions signer les papiers pour l'adoption de cette fille, quand tout à coup elle s'est enfuie ! - Elle rigole, la main devant la bouche - Ah ! Les enfants sont si imprévisibles ! " 

L'homme et la femme censé "t'adopter", s'approchèrent docilement du type pour lui serrer la main. Ils s'échangèrent sans grande joie leurs prénoms. Apparemment l'homme que tu avais rencontré s'appelait Kenny. 

L'un d'eux sortit un papier de sa poche et le flanqua au visage du pseudo-criminel. Il lui rapporta ce qu'il y avait écrit sur la fiche :

" Adoption de T/p T/n par... - Il passe son doigt sur la phrase en gras - Nous allions marquer nos noms si elle ne se serait pas enfuie ! Dans ce cas, ne nous faîtes rien si on vous dit que... "

Kenny, tout de même assez énervé, lui arracha la fiche des mains et s'attabla au plus vite sur le comptoir en demandant une plume au barman au plus vite. Tu avais l'impression qu'il connaissait déjà ces gens et qu'il savait que leurs intentions étaient mauvaises.

 Comprenant ce qu'il risquait de t'arriver tu étais à la fois stressée et soulagée. Certes tu tombais certainement entre les mains d'un homme au passé probablement sombre, mais tu étais tirée de l'étrange affaire d'esclave du soi-disant couple. 

Kenny commençait à écrire son prénom mais la gérante, folle de colère, lui serra le bras et le tira sur le côté; son acte suivi par un magnifique réflexe de sa victime visant à lui broyant le ventre d'un coup pied. Tu l'encouragas :

" Kenny ! O-"

Eh merde, les deux autres arrivèrent vers toi et l'un d'eux semblait avoir la ferme intention de te clouer au sol. Ta cheville fut vite saisie par son poids t'écrasant, et sa conjointe te grippa, en te griffant le visage au passage, pour te maintenir au sol. Ton poing de jeune enfant, trop faible pour engendrer le moindre dommage, cèda sa place à ton pied, qui une fois bien placé, pouvait réellement faire mal. 

Alors que tu te débattais, de l'autre côté de la pièce, Kenny semblait avoir sorti l'artillerie lourde et un couteau reflétait déjà la lueur des bougies, empoigné dans ses mains. Il vint le glisser sous la gorge de la dame, et s'arrêta pile pour l'immobiliser. Heureusement, la boucherie n'était pas ouverte aujourd'hui et le boucher semble prendre congé en présence d'enfant. Enfin, tu l'espérais.

Pour en revenir à ton cas, la gars t'avait salement amoché mais s'était assommé comme un idiot contre une étagère à vin. Pour ce qui est de l'autre, un peu trop accablée par le sort de son mari, elle s'était décidée à te tuer. Ses deux mains serrées à ta gorge, elle ne te lâchait pas et ta respiration était presque totalement coupée. Tu tentas de crier, mais rien ne sortit, jusqu'à ce que miraculeusement, ton agresseur tomba d'un coup, inerte, à côté de toi.

Entre ce moment, et ta libération de son emprise, tu découvris que quelqu'un venait tout bonnement de la poignarder. Des yeux perçant la nuit, deux lunes sombres en guise de pupilles, des cheveux noir de jais cachant sa peau pâle ; un garçon des bas-fonds en toute évidence. Mais pas n'importe lequel, c'est celui qui venait de te retenir de tomber dans un terrier sans fin, il a l'ombre d'un loup, mais à tes yeux il devint vite une chouette, chassant de nuit, mais aux plumes aussi blanche que la plus pure des colombes.




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