8.No haber comido nunca en el mismo plato
Petit chapitre ! Bonne lecture 😚
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Je me félicitais d'avoir piqué un roupillon car, après la seconde prise de Chic-Ice, l'adrénaline – ou peut importe comment appeler cette sensation énergisante – m'empêcha totalement de sombrer. J'en profitais donc pour m'occuper l'esprit en jouant avec Jack-Jack-Girl, me découvrant un don inné pour la faire rire. Quoique, l'exploit perdit tout son impact quand elle s'esclaffa en découvrant une simple mouche sur la fenêtre.
Je pensais les bébés plus brailleurs ; pourtant, ma petite métisse ne pleurait jamais et même quand un petit creux la tourmentait, elle se tétait les mains ou venait mâchouiller mes doigts. Elle était par ailleurs super dégourdie, un véritable marsupilami capable de cavaler à quatre pattes, aussi efficace que Forrest Gump sur ses deux pieds. Et quand je l'observais à la dérobée, mettant dans sa bouche tout ce qui passait à sa portée, j'avais le sentiment d'avoir un petit singe chapardeur pour compagnie.
Si elle restait une aussi adorable petite fille, j'étais presque prête à l'adopter.
— Toi et moi, on est pareilles, fis-je en lui touchant le bout du nez tandis qu'elle bavait sur une pomme. Mais tu verras : même les orphelines ont le droit au bonheur.
La petite fixa ses prunelles sur moi et on aurait dit qu'elle me prenait dans ses bras. On se moque toujours des enfants qui louchent ; cela dit, si l'on me demandait mon avis, elle remportait haut la main l'oscar de la mignonitude.
Penser à la famille me rappela que sa grande-tante ne serait peut-être pas la plus patiente, ni la plus affectueuse. J'étais toutefois convaincue que l'amour que Karaen avait à lui offrir traverserait les galaxies. Jack-Jack-Girl était chanceuse de pouvoir compter sur elle. Enfin, si je la lui ramenais un jour.
Mais oui, tu vas la lui ramener, et en bonne santé ! me rabrouai-je.
— Bambamba bibibi, ajouta JJG en me jetant un regard très sérieux.
Mais quel âge pouvait-elle bien avoir ? Elle ne marchait pas encore, possédait de rares dents se battant en duel et se déplaçait sur ses genoux avec une grande efficacité. Huit mois ? Un an ?
— Hé, Rogelio, tu ne voudrais pas regarder sur internet à quoi ressemble un bébé d'un an ?
Tout en poursuivant son découpage de légume, affublé d'un horrible tablier qui détruisait sa virilité ET son air de tueur, il m'offrit un rictus du côté, assez clair pour que j'aille me rhabiller avec mes requêtes.
Rogelio semblait être le cuisto de l'équipe, et il nous préparait un petit-déjeuner digne d'un chef étoilé. J'étais heureuse de constater que malgré leurs manières d'hommes des cavernes, ils ne jouaient pas les carnivores le matin à coup de côtes d'agneaux. Même si les tranches de bacon, déposées dans une assiette, alimentaient le ronflement de mon estomac.
Je reportai mon attention sur la petite lorsqu'elle posa ses deux mains sur ma bouche, que je fis mine de manger en imitant une bête sauvage, avant de lui faire des bisous trompette sur le ventre qui firent carillonner son rire. Je me nourrissais de ses éclats, comme s'ils parvenaient à étouffer l'angoisse que j'éprouvais pour ma sœur. Elle avait le don d'éloigner mes sombres pensées.
À notre plus grand bonheur, mademoiselle n'avait plus pris feu, le médaillon lové contre sa peau jouant son rôle à merveille. Quand je le touchais, la chaleur émise par le métal doré paraissait bien trop élevée pour que cela soit naturel, mais je le mettais sur le compte de la magie : s'il se nourrissait des flammes de Macha avant qu'elles ne les produisent, cela faisait sens.
Au moins avions-nous réglé un souci rapidement.
Tout en observant les gestes experts de Rogelio, l'absurdité des circonstances actuelles me rappelèrent que je ne m'étais toujours pas confrontée au Rey. Juchant ma gamine sur ma hanche comme si j'avais fait ça toute ma vie, je passai devant un Felis prétendant roupiller, un bras au travers de ses yeux, et franchis le couloir menant aux escaliers. Je récupérai une serviette en passant devant la salle de bain pour y emmitoufler Macha et sortis en t-shirt. L'aurore peinait à percer l'amoncellement de nuages succédant à la tempête, transformant ce paysage sur l'eau en un monde de couleur entre chien et loup, d'où la brume matinale exacerbait les tons gris.
Tandis que je contournai l'habitacle de commandement occupé par mon cousin, qui me lorgna avec méfiance, je perçus la voix basse du Rey, sans comprendre son baragouinage. Il se tenait à l'avant du yacht, jambes écartées pour maintenir son équilibre et le torse légèrement en avant, comme s'il observait les vagues en aval.
Son catogan pendait dans son dos telle la queue d'un animal mort, retenu par un ceinturon de cuir. Il ne parlait plus lorsque je vins m'adosser contre la rambarde, mon attention fixée sur lui. Ses iris, capturant l'obscurité d'une nuit sans étoiles, me dévisagèrent un instant avec force, avant qu'ils ne se dérident et qu'une braise vienne les illuminer de l'intérieur. La langue enflammée de son aura m'emprisonna dans une fugace étreinte avant de disparaître, déclenchant sur son passage une myriade de réactions sur ma peau.
— Tu parles aux poissons ?
Perplexe, un tic agita son faciès et l'espace d'un moment fugace, il me rappela le Primum, quand je lançai une pique de mon cru qu'il ne saisissait pas dans son entièreté. Poursuivant la ressemblance, il ne répondit rien, préférant laisser son regard me parcourir, passant sur la petite que je tenais dans mes bras.
Je remarquai alors pour la première fois la fine cicatrice, tige d'imperfection sur sa peau parfaite, traçant une ligne sous le coin de son œil pour remonter vers la racine de ses cheveux. Et, sous celle-ci, une seconde, encore plus discrète et plus courte, mais s'élançant en parallèle. Si le visage du Primum était couturé de petites scarifications, c'était loin d'être son cas. Aucun garou ne pouvait vivre plusieurs années sans récolter de balafres. J'en étais la preuve.
— Que veux-tu, gronda-t-il en espagnol, hostile.
— Je te retourne la question.
Jack-Jack-Girl tira sur une mèche de mes cheveux, inclinant ma tête dans un angle désagréable. Mais je la laissai faire, sous le regard scrutateur du Rey.
— Tu es certaine que ce n'est pas ta gamine ?
J'ouvris la bouche dans l'idée de lui apprendre qu'à moins d'avoir été enfantée par la voix du saint esprit, cette gamine ne pouvait biologiquement pas sortir d'un vagin n'ayant pas vu une bite depuis belle lurette. Mais je me contins ; il aurait fallu me torturer pour que j'admette ne pas avoir eu de rapports sexuels à l'homme responsable de ma capture.
— Explique-moi un truc, fis-je en ignorant sa question. Tu sais que je ne suis pas Olivia, alors pourquoi diable tout ce cinéma pour une fille que vous ne connaissez pas ?
À l'entente du nom de ma mère biologique, le Rey se détourna et ses mâchoires se contractèrent sous les traits émaciés de ses joues.
— Nous récupérons simplement ce qui nous revient de droit.
— Je n'ai pas de propriétaire. Je n'appartiens à personne d'autre qu'à moi-même. Je répète donc : pourquoi m'avoir emmenée ?
Il tiqua dans un léger sursaut et, le regard fou, se colla à moi, limité dans sa progression par Macha qui fut ravie de tâter de ses petites mains un nouveau terrain de jeu. Je ne bougeai pas, pas même lorsque ses doigts s'emparèrent à son tour d'une mèche de mes cheveux pour l'observer.
— Ses cheveux étaient plus lisses. Plus noirs, aussi...
Mon cœur sautilla dans ma poitrine. Un genre de manteau mélancolique venait de s'abattre sur mes épaules. La main du Rey remonta et, aussi vif que l'éclair, me saisit durement le menton. Si je n'avais pas tenu Macha, je me serais révoltée ; coincée entre le parapet et leur corps à tous les deux, je puisais dans la nappe de sauvagerie qui m'habillait pour solidifier l'éclat de mon regard, et ainsi lui faire comprendre que je n'étais pas en reste, mais aussi - et surtout - indomptable.
Le grondement de mon jaguar m'anima de l'intérieur et je lui souris avec confiance. Il me rendit mon sourire, carnassier. Jack-Jack-Girl choisit ce moment pour m'adoucir en collant sa menotte sur ma gorge :
— Boum Boum Boum.
Je rêve ou elle imite les vocalises de ma Petite Ombre ?
Je fondis et ma véhémence se dégonfla un peu. Cette petite était douée pour désamorcer les conflits, il ne fallait surtout pas que le Primum apprenne ses capacités surnaturelles, sans quoi il l'adopterait et se baladerait avec pour me la brandir quand je ruerais dans les brancards !
— Tu fais partie de la famille, Bastet Núñez de Vega. Ta place est à nos côtés !
Et il se détourna, me tournant le dos sans l'once d'une crainte à mon égard. D'un autre côté, un lancer de bébé ne devrait en effet pas lui faire grand tort. Peut-être qu'en jouant au javelot de nourrisson enflammé, j'obtiendrais un résultat ?
— Je m'appelle Bastet De Soto, rugis-je inutilement.
Poussant un soupir rageur, je me détournai pour guetter l'horizon et l'éveil du soleil. Cette discussion n'avait servi à rien d'autre que valider mes craintes : le Rey était un sociopathe. Un sociopathe qui m'avait kidnappée sous l'unique mobile d'être en mesure de le faire, et parce qu'il le souhaitait.
— On est dans la merde jusqu'au cou, fis-je à Jack-Jack-Girl, qui claqua des mains et explosa de rire.
Et ma seule coéquipière s'amusait de mon désespoir. Nous formions un duo de choc transcendant.
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