Chapitre 1 ; "Même les poules ont des dents" [CO]

Déménager ne m'avait jamais paru si difficile, avant que je ne doive personnellement m'en charger. Faire appel à une équipe de professionnel pour déplacer les gros meubles fut la plus belle idée de ma mère, sans aucun doute. Sachant que notre famille, composée en tout et pour tout de trois filles - pas les plus balèzes au monde, exception faite de moi-même -, se débrouiller seules aurait été quelque peu compliqué. J'aurai pu m'en sortir sans leur aide, mais pas sans attirer l'attention.

Et attirer l'attention, ce n'était pas mon but, encore moins dés mon arrivée.

Heureusement donc, super Mama était là ! A vingt-huit ans, il était sacrément temps que je quitte le nid. Et c'est dans ces moments qu'on ne regrette absolument plus d'avoir une mère poule. Mais sans même n'avoir jamais eu de cordon ombilical relié à elle, celui-ci avait toujours métaphoriquement existé. Ceci dit, je n'allais pas m'en plaindre : sans elle, je ne serais sans doute pas devenue la femme accomplie qui peut aujourd'hui tenir sa propre entreprise.

Prendre mon envol, délaisser le cocon familial et endosser les responsabilités d'une vie d'adulte ne pourrait que parfaire l'éducation parfaite apportée par ma délicieuse maman. Cette phrase se trouve être l'exacte réplique de l'argument persuasif que j'ai dû présenter à ladite maman pour qu'elle accepte mon éloignement.
Car emménager loin des deux femmes constituant ma famille n'avait pas été aussi aisé que je l'avais l'escompté, mais trouver cet appartement à Exeter s'était révélé être l'un des plus beau jour de ma vie.
Une vraie ville, des gens, des jeunes, de la fête. Que rêver de plus à mon age que voir du monde ? Ou plutôt le découvrir, dans ma situation.
Ne vous y trompez pas, j'aime la campagne et l'aimerai toujours. Cependant, rajouter une petite centaine de millier d'habitants n'était pas plus mal, admettons-le. Je ne connaissais pas tout le quartier et personnes n'était au courant que ma mère était flic. Un bon début pour se faire des amis, me semble-t-il.
Enfin, si je suis encore capable de me faire des amis. Je ne suis pas associable, entendons-nous bien : mais il est fort probable que je me sois inconsciemment coupée du reste du monde en me contentant de ma mère et de ma sœur. Les deux jouant le rôle d'amie et confidente, lorsqu'une m'insupportait, il me restait toujours la seconde sur laquelle m'apitoyer.

Dans tous les cas, si des doutes persistaient quant aux bienfaits de changer de vie, ceux-ci s'étaient envolés quand j'avais posé un pied dans cette charmante petite ville.
Un vrai coup de foudre.
En plus d'être le chef-lieu du comté de Devon, Exeter a ce petit quelque chose d'atypique et d'ancien, avec des rues agréables, une splendide cathédrale et un centre historique animé et convivial. Ici, tous les gens sont accueillants et souriant, et on retrouve immanquablement l'hospitalité anglaise, bien plus poussée qu'à Dulverton où j'ai grandi et où les gens se méfient facilement d'une famille espagnole dont le mari est mort. Déjà que les espagnoles ne sont pas franchement chose commune dans la campagne Anglaise, alors imaginez y vivre dans un coin paumé et vous aurez la parfaite expression "on ne mélange pas les torchons et les serviettes".
L'avantage, me diriez vous, c'est que trois femmes typés font le plaisir des hommes et deviennent rapidement une attraction.

Ensuite, il suffit d'ignorer l'inconvénient d'être boycotté par le sexe féminin. D'ailleurs, c'est une des raisons qui a encouragé mon départ. Difficile de se sentir à sa place lorsqu'on est jalousée par des femmes trop coincées pour vous le dire et perpétuellement harcelée par des hommes qui ne vous intéressent pas.

Je ne sais même pas comment ma mère a fait pour rester là-bas aussi longtemps, défiant cet obsessionnel besoin humain d'avoir une vie sociale épanouie.
Parfois, je me dis qu'elle cherchait à nous excentrer intentionnellement pour éviter de nous exposer. Pourquoi ?
Peut-être pour cacher le fait que je sois capable de me transformer en panthère noire quand ça me chante, aussi surprenant cela soit-il.

J'ouvris le tupperware fumant que je venais de sortir du micro-onde et humai les vapeurs savoureuses du pot-au-feu cuisiné avec l'amour de ma mère. Ariel, ma farouche et jeune sœur, fronça le nez. Une adorable mimique familiale qu'elles deux étaient seules à maîtriser sans pour autant ressembler à un rongeur enragé.

- Pourquoi tu as l'air aussi heureuse de manger cette pâté de boue ? grogna-t-elle en lorgnant ma viande.

-Tu ne sais décidément pas ce qui est bon, répliquais-je en lui mimant un bisou.

- Oh que si ! Tout sauf ça, en fait. Et tout ce qui n'a jamais été vivant. Tu sais, quelque chose qui n'a jamais respiré, vu le soleil, couru sur deux ou quatre pattes, ce genre de choses... Ah ! Attends... je crois qu'on appelle ça un animal.

Je ricanai. D'aussi longtemps que je me souvienne, ma sœur a toujours été végétarienne. Un désespoir pour ma mère obligée de s'adapter à l'alimentation de ses filles en doublant les repas ; une honte terrible pour moi qui ne jure que par la chair tendrement moelleuse d'une bonne tranche de steak.
Sauf que du coup, je me faisais souvent traité de cannibale. Ce à quoi je répondais que je n'avais jamais mangé de chat, et qu'il ne fallait surtout pas oublier que je partageais ma vie avec une carnivore.

- Oui et bien, je me vois mal manger des brocolis. Tu vois beaucoup de panthère dans les documentaires mâchouiller des artichauts, toi ? répliquais-je avant d'ajouter puérilement : et d'ailleurs, tu penses à la pauvre salade que tu as arraché de terre et poussant son dernier souffle pour finir dans ton estomac ravageur ?

- Et bien, techniquement, tu es tout autant humaine, et tu sais parfaitement manger des légumes. Tu pourrais vivre que de ça, tu sais. Regarde moi ! Ça me réussi même mieux qu'à toi, argumenta-t-elle en ondulant son buste et en mettant en avant sa silhouette avec une moue de mannequin. Et c'est d'ailleurs pour cette raison que les fruits et légumes me remercient de les manger, figure-toi. Je leur offre une seconde vie.

J'explosai de rire.

Ma sœur savait pertinemment qu'un tel régime ne fonctionnait pas avec moi, elle ne faisait que me charrier une fois de plus.
Lorsqu'elle avait atteint l'age pénible de quinze ans, elle avait fait un tel caprice pour que sa grande sœur soit aussi respectueuse qu'elle-même que j'avais tenté vaille que vaille de manger à sa manière.
J'avais tenu un mois, au terme duquel j'avais fini affaiblie, alitée et hospitalisée. Carencée de tous les côtés, nous avions toutes trois dû admettre que je ne partageai pas seulement le physique d'une panthère.
Depuis, mon alimentation se composait à 90% de viande, 3% de fruits et légumes et 7% de sucre.

Le sucre, c'est important, je dirais même primordial à ma survie.

J'engloutis une énorme bouchée de viande. Je savourais le délicieux met en fermant les yeux, exagérant mon expression extatique. Ariel suivit mon délire et je l'entendis faire semblant de vomir.

Lorsque je rouvris mes paupières, elle avait croqué dans son sandwich aux crudités.

Miam, le bon fromage de chèvre. Mm... miam, la bonne tomate ! Ah tiens, n'était-ce pas un petit bout de cornichon qui dépassait ? Mais-quel-fes-tin-de-roi !

Ariel est parfaitement au courant du fait que je peux me couvrir de fourrure à peu près aussi souvent que je dors. Je suis une genre de louve-garou. Tout en étant la version panthère-noire-garou. Plus classe, non ?

Comme pour ma mère, cela fait maintenant partie de son quotidien. De notre quotidien à toutes, devrais-je dire.
Ariel n'avait pas été franchement heureuse d'apprendre mon départ du foyer, mais m'avait fait promettre de venir me voir quand elle le voulait. Voyez combien elle me déteste.
Elle avait le permis et même la voiture. Ses horaires d'étudiante en art n'étaient pas non plus bien contraignant - bien que son université basée à Petroc lui impose un certain temps de route -, et je savais que je la verrais débarquer chez moi plus souvent qu'elle ne change de petit copain. Sachant qu'elle change presque toutes les semaines.

Après tout, à tout juste dix-neuf ans, elle pouvait bien se permettre ce qu'elle voulait. Bientôt, elle devrait travailler. Grandir. Etre adulte. Responsable. Une parfaite représentation de moi-même. Tout ça, tout ça. Mais pour l'instant, je doutais même que "travailler" soit un verbe présent dans son vocabulaire. Pauvre Ariel.

Je mâchouillai ma viande et agitais ma fourchette devant son nez.

- Maintenant qu'ils ont livré le canapé, tu pourrais peut-être dormir dessus cette nuit, fis-je valoir en changeant sciemment de sujet.

Elle secoua la tête et me défia du regard.

- Pas question.

- Mais il est super confortable ! arguais-je en écartant les bras pour appuyer ma déclaration.

- Ben dors-y, toi, si il te plaît autant, fit-elle, narquoise.

Je ricanai. Bien tenté, la môme.

-Tu pars quand ?

-J'sais pas. Je me suis dit que j'aimerai bien être là quand tu ouvriras ta boutique.

Je roulai des yeux. Je comptais ouvrir ma boutique dans une petite semaine.
Cela faisait des années que j'économisais pour ce petit bijou de rêve. Aujourd'hui, j'avais enfin ce que j'avais tant espéré : un café-librairie-fleuriste. Ainsi, j'associais mes trois passions en une seule, pour en faire mon gagne-pain. Enfin gagner. Pas encore. Mais ça allait venir. Très, très vite.

- En ce cas, tu peux partir et revenir pour lundi prochain, non ? proposais-je.

Comme nous étions mardi, ça me laissait quelques jours pour souffler et me sentir un peu chez moi. Ce n'est pas que ma sœur est envahissante, mais après dix-neuf ans passé sous le même toit, un peu d'oxygène ne me ferait pas de mal. Et me séparer de ma mère n'était pas franchement suffisant. J'avais déjà de la chance qu'elle ait accepté de nous laisser seules après seulement deux jours d'emménagement.
Le hic, c'est que j'avais eu envie de fêter ça dignement avec Ariel sans avoir une "adulte responsable" dans les pattes. Je suis une super grande sœur, d'après ma cadette, et j'accepte volontiers de boire ou fumer à l'occasion avec elle, même si elle n'en a pas l'âge légal. Il faut savoir s'amuser dans la vie, et étant donné que je n'ai qu'une unique amie, difficile de s'amuser un peu sans palier aux interdictions..

- C'est que je veux t'aider à décorer ta boutique ! Tu sais, avec mes qualités d'artistes, toussa... ajouta ma seule amie.

Je posai le coude sur le bar de ma boutique et mis mon menton dans ma main en la regardant intensément. Ariel finit par comprendre le message et se tortilla sur place.
Bien sûr qu'elle était douée pour décorer. Pour toutes les subtilités artistiques, d'ailleurs. Mais elle devait comprendre que c'était MON bébé, de A à Z. Même si son aide était très rafraîchissante, voir précieuse, je savais qu'elle serait plus une dictatrice qu'une employée aux conseils avisés.
Je connaissais ma sœur comme si je l'avais faite.
Elle céda.

- Bon, d'accord. Mais je viens la veille au soir pour t'aider à terminer les préparatifs! Et puis, tu auras besoin d'une main d'oeuvre gratuite pour ton premier jour non ? fit-elle avec un clin d'œil.

Je haussai un sourcil surpris.

-Ai-je entendu gratis ?

Son fameux sourire de Cheshire apparut.

- 10 dollars de l'heure, c'est du offert !


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Voilà voilà la compagnie ! Voilà une nouvelle histoire qui a germé dans mon esprit récemment ! Avec présentation de nos deux personnages principaux !

Bon, pas de panique, vous ne connaissez pas encore le prénom de mon héroine, mais il a fallut le temps qu'il se fasse une place!

Lisez la suite et SURTOUT laisser des commentaires pour que je sache si vous avez aimé ! Ou pas ;)

Je vais tenter de faire des chapitres assez courts.

Bonne lecture !

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