19.

« Je crois qu'elle se réveille. »

Effectivement, comme le laissait sous-entendre ce que j'imaginais être la voix de mon père, je commençai à me réveiller. Je clignai des paupières de nombreuses fois, plissai le nez et ouvrit ma bouche, avant d'immerger complètement de ce sommeil qui avait possiblement duré quelques heures. En voyant mes parents qui semblaient soulagés et inquiets à la fois, je me redressai tant bien que mal pour leur montrer que j'allais bien. Ma tête tournait légèrement et je me sentais plutôt nauséeuse, en réalité. Je m'étais réveillée en plein milieu de la nuit, pour aller aux toilettes, et après mainte difficultés rencontrées (mon sens de l'orientation était mis à l'épreuve dans un lieu que je ne connaissais pas; j'avais été énormément surprise de réaliser que j'étais dans un hôpital avant de me souvenir de ce qui s'était passé.) j'avais enfin pu faire mes besoins tranquilles, avant de retourner me coucher.

« Lucy... Oh, je me suis fait un sang d'encre. » avoua ma mère en posant la main sur son cœur.

« Becca... Becca, elle a... Je l'ai vu... » bafouillai-je, encore un peu dans les vapes.

Mes parents échangèrent un regard lourd de sous-entendus, les lèvres pincées. Cette expression que je connaissais bien ne m'enchantait pas vraiment. Ce long regard n'était qu'échangé en situation grave et seulement entre mes parents, m'ayant laisser croire à une époque qu'ils communiquaient par télépathie.

« Qu'y a-t-il? »

« Rebecca est la personne qui t'as bel et bien trouvé dans ce parc. Elle t'a amenée dans cet hôpital, et Dieu sait comment. » répondit mon père d'une voix posée.

« Elle est de retour. » marmonna ma mère.

J'aurais voulu répondre que je le savais, que je l'avais vu en début de semaine, mais ça me semblait inutile, vue la situation. J'aurais parié que Becca avait pris la fuite après m'avoir déposé ici, mais ma mère me confirma  l'impensable.

« Rebecca est parti après s'être assurée que tu allais bien et que nous étions là. Crois-moi, la croiser a été extrêmement bizarre, mais ton père a réussi à se contrôler. Elle est revenue ce matin et elle attend dans la salle d'attente. Je crois qu'elle ne pourra pas attendre encore bien longtemps: la police a débarqué, mais Rebecca fait tout pour pouvoir te parler... »

« Je voudrais lui parler. Seule à seule. » annonçai-je.

« Lucy... Je ne crois pas que ce soit une très bonne idée. » marmonna mon père.

« Cinq minutes. Pas plus. »

« Bon, d'accord, t'as gagné, mais fais attention à toi. Je n'ai pas envie que tu subisses un lavage de cerveau. » affirma mon père après une longue hésitation.

Je fus extrêmement surprise d'apprendre que Becca n'avait pas pris la fuite, comme à son habitude. Elle était restée. Elle méritait au moins que je lui parle. Je ne pouvais pas l'ignorer et la laisser entièrement aux mains des policiers, en sachant que c'était l'un des rares gestes amicaux qu'elles avaient fait depuis des mois.
Mes parents, qui semblaient prêt à tout pour faire mon bonheur après avoir eu la peur de leur vie, sortirent de la pièce et une Becca un peu plus soignée que la dernière fois que je l'avais vue y entra, en s'assurant de refermer la porte derrière elle. Cette chambre était semblable à celle de l'infirmerie de l'école, à la différence près que le lit était beaucoup moins confortable et que les chaises d'invités semblaient plus sympathiques d'une certaine manière.
Becca décida de s'asseoir sur l'une de ses chaises où se trouvait toujours quelques affaires personnelles à ma mère. Elle semblait légèrement mal à l'aise, les cheveux encadrant son visage, et les pommettes rougissants. La gêne était bien un comportement qui ne lui allait pas. Jouer les salopes lui allait mieux.

« Alors qu'est-ce qui m'est arrivée? Même mes parents ont oubliés de me spécifier ce qui m'était arrivée. » lançai-je pour briser le silence, nos minutes étant comptés.

« À peu près la même chose que moi, lorsque j'ai découvert que la liste allait être public: tu t'es évanouie suite à une crise d'angoisse... Ou à un manque de sommeil. » répondit-elle en haussant les épaules.

« Sauf que c'est toi l'héroïne, cette fois. » marmonnai-je.

« Tu t'es seulement évanouie. Rien de très grave ne t'es arrivée. Tu t'en serais très bien sorti sans moi. »

Le silence s'installa peu après cette réplique cassante. Ma tête tournait toujours un peu, quoi que c'était peut-être la faute de ce maudit lit qui ne cessait d'émettre un grincement à chacun de mes mouvements. Becca baissa la tête, se mordillant la lèvre, comme si quelque chose la tracassait. Je lui lançai un regard insistant qui lui fit comprendre que je désirais qu'elle parle. Elle se lança, après une profonde inspiration.

« Je me sens responsable de ce qui est arrivée, Lucy. Je t'ai abandonnée avec tous les ennuis que j'ai causé. Ça n'a pas dû être facile pour toi. J'ai agit comme une vraie pétasse. »

J'aurais pu la contredire, mais je savais qu'elle avait raison. Becca avait vraiment agit comme une salope. Elle me regarda droit dans les yeux, l'air sincèrement désolée. J'aimerais la croire. Mais c'était beaucoup trop difficile pour moi de faire cet effort. Alors, je me contentai de sortir une phrase suffisamment banale.

« Le mal est fait, tu ne peux pas y changer grand chose. »

« Il aurait pu être évité. Si je n'avais pas été aussi bête. » songea Becca, avant d'ajouter, « Comment se faisait-il que tu étais dans ce parc? »

« Le directeur a pété un câble parce que Thomas Grant a porté plainte contre moi. J'ignore pourquoi. Enfin, si, je sais très bien pourquoi. En tout cas, le directeur s'inquiète de sa "réputation". Alors, je me suis enfui. » expliquai-je en omettant la nouvelle liste: je ne crois pas qu'elle aurait apprécié.

« M.Cree a toujours été un gros connard. Faut pas lui en vouloir, j'crois qu'il est né ainsi. » se moqua Becca, « Tu imagines M.Cree, jeune? Ouf, c'est quasiment pas croyable que ce type soit toujours capable de pisser tout seul. À quand les couches? »

Je rigolai, car malgré l'humour assez vulgaire de Becca, ça faisait du bien de rire. L'entendre blaguer sur M.Cree me rappelait une certaine époque, où à l'heure du dîner, on se moquait de lui en faisant des blagues de mauvais goût. On avait presque l'air d'être de vraies amies, dans ce temps-là. Ça semblait si loin derrière moi. Je me sentais un peu comme ma mère lorsqu'elle me racontait ses souvenirs d'université en disant que c'était ça, la belle époque.

« Dan a donné ton code à une personne mystère qui l'a payé pour. Cette même personne a ordonné à Dan et à quelques-uns de ses copains du club d'athlétisme de nous poursuivre dans les bois. » avouai-je.

Becca ne sembla pas surprise, moi qui croyais faire scandale en lui annonçant que son ex-petit ami était complètement traître dans cette histoire. Non pas que je voulais lui faire du mal, je cherchais juste à obtenir une réaction de sa part.

« Je m'en doutais, tu sais. Il en avait fait allusion à cette fête, chez Mary Ann, alors que nous nous disputions. »

« Qu'est-ce qu'il a dit? » demandai-je en me redressant.

« Un truc du genre "j'aurais du viser mieux" ou "j'étais à deux doigts de te toucher". Un truc de dingue. J'ai pas compris sur le coup, mais j'ai associé les pièces du casse-tête en te voyant aller chez lui. »

« Est-ce que tu sais qui t'as piégé? Je crois comprendre que ce sont des alliés de "la personne mystère". Ou peut-être que l'un d'eux est cette personne. » suggèrai-je.

« Écoute, j'ignore de qui il s'agit exactement, mais j'ai ma petite idée. Tu devrais un peu plus comprendre si tu demandes à May ou si tu trouves le Traité Des Listes. »

« C'est à cause de Dave Thompson? »

« Il se pourrait bien que oui. De vieux remords. » marmonna Becca.

J'avais toujours autant de question à lui poser, mais la porte de la chambre d'hôpital s'ouvrit brusquement, laissant place à mes parents et à deux agents de la police. L'un d'eux vint à la rencontre de Becca et lui agrippa le bras assez solidement. Il était solidement bâti, mais mon amie semblait s'en moquer.

« Ouh là, doucement, le gros. »

Le policier se contenta de grogner et de se diriger vers la sortie, sans défaire sa poigne du bras de la châtaine.

« Merci. » ce mot surpris Becca qui haussa un sourcil à la dernière minute, « Merci pour tout, Becca. »

Elle sourit vaguement, ses traits toujours un peu partagé par la surprise, avant de disparaître dans les couloirs de ce grand hôpital, escorté par deux policiers. Mon père ne posa aucune question, même si je savais qu'il mourrait d'envie de me demander pourquoi je la remerciais. Ma mère avait dû le convaincre de se calmer et de me laisser un peu de liberté. Je lui en étais reconnaissante.

• • •

Je descendis à la cafétéria à l'heure du dîner. J'avais pu troquer ma blouse d'hôpital pour des vêtements bien à moi, soit un t-shirt affichant le logo d'un groupe que j'affectionnais ainsi qu'un jean ajusté. L'infirmière assignée à ma chambre avait informé mes parents que je pourrais sortir d'ici après le dîner, avant de les informer de nombreux trucs contre l'anxiété.
La préposée de la cantine, me servit des pâtes qui ressemblaient plutôt à du fromage. Je ne me plaignis pas cependant. J'allais tout simplement m'asseoir à une table avec mes parents sur le dos. Ils étaient complètement au petit soin avec moi, comme si j'avais eu un infarctus et non un simple malaise. C'était suffisamment agaçant.

« Miam, des pâtes. » fit une voix derrière moi.

Je me retournai, sachant qu'il ne s'agissait pas de mes parents et dévisageait l'inconnu. Mes yeux s'agrandirent en le voyant de plus près et je lui sautais au cou, pour le serrer fortement contre moi.

« Conley! » m'exclamai-je, heureuse de le voir.

Je me décollai de lui pour le laisser respirer, mais aussi parce que mes parents nous regardaient. Je fis signe à mes parents que je m'éloignais. J'amenai Conley jusque dans un recoin plutôt éloigné d'eux et près des toilettes.

« Qu'est-ce que tu fais ici? » demandai-je, pinçant ma lèvre inférieure.

« Tes parents m'ont appelés. Je crois qu'ils ont eu mon numéro en fouillant dans ton portable. »

« Je suis contente de te voir, Conley. »

« Moi aussi, Powell. » se moqua-t-il en me défiant du regard.

Pour le faire taire, je l'embrassai, unissant mes lèvres aux siennes. C'était bon et doux à la fois. Conley embrassait si bien, que des papillons virevoltaient dans mon estomac, aussi ringard que possible. Avec lui, j'avais vraiment l'impression de pouvoir oublier tout mes soucis actuels, qu'il s'agisse de la liste ou de Becca. Conley était là. À mes côtés et je l'aimais. C'était ça qui comptait à mes yeux. Cette relation que nous avions bâti. Ces moments que nous partagions.
Conley mît fin au baiser qui dura une éternité selon moi et me regarda tendrement, nos visages prêts l'un de l'autre.

« Je t'aime bien. » affirma-t-il.

Je ne lui répondis pas. Mon regard rempli d'affection répondit, lui. J'appuyai mon front contre son épaule, sentant son souffle contre ma nuque.

« Je me suis beaucoup inquiété Lucy, quand j'ai remarqué ton absence en cours. En plus, tu ne répondais pas à mes messages. J'étais convaincue que tu t'étais dégonflée. »

Je levai la tête pour le dévisager.

« Pourquoi je me serais dégonflée? »

« Parce qu'on a une réservation dans un restaurant pas très loin d'ici, ce soir même. »

« Merde, j'ai complètement oublié! » lâchai-je en me giflant intérieurement.

Conley rigola légèrement, amusé par la situation. Je profitai de ce moment pour l'observer. Ses cheveux bruns étaient en bataille, comme toujours et une barbe de trois jours se trouvaient sur son visage, comme il l'aimait bien. Cependant, il avait troqué son fameux t-shirt et son jean délavé pour une chemise à carreaux ainsi que pour un jean neuf. Il était plutôt mignon.

« Pourquoi tu me regardes ainsi? » me demanda-t-il en haussant les sourcils.

« Tu es magnifique. »

« Merci, Lucy. » répondit Conley, surpris, l'air soudain très sérieux, « Si tu veux, je peux annuler la réservation. Tu devrais peut-être te reposer. »

Je le regardai comme s'il s'agissait d'une énorme connerie, avant de lui lancer un sourire qui voulait tout dire.

« Bien sûr que non, Conley » protestai-je, « Allons-y! »

« On peut pas aller au resto immédiatement, mais on peut sortir d'ici. »

Ce-dernier sourit avant de me prendre la main et de m'entraîner hors de ce fichu hôpital.

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Hé, salut!
Ce chapitre n'est pas très fort en action, mais j'ai bien aimé l'écrire. Lucy ne s'est qu'évanouie, pas de panique. ;) Merci énormément de voter, commenter et partager cette histoire.  J'ignore ce que je ferrais sans vous.

₁ Le rendez-vous de Lucey va-t-il bien se passer?
₂ Que pensez-vous du (second) retour de Becca? Du fait qu'elle soit resté, cette fois-ci?
₃ Becca cache-t-elle toujours des infos à Lucy?
₄ Vos prédictions?

✱ Je vous invite à aller lire Real Or Not? d'une auteure douée avec les mots: So4everyoung . L'histoire n'en est qu'à ses débuts, mais elle regorge de potentiel. Alors, si vous avez deux secondes, n'hésitez pas à aller y jeter un coup d'œil. ✱

→ Marianne

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