16.

« Mais qu'est-ce que tu fous ici?! »

Ce fût la première chose qui s'échappa de ma bouche. Je n'en croyais pas mes yeux: Becca se trouvait à nouveau devant moi. Ce qui me frappa en la voyant, c'était son physique. Ses cheveux, autrefois soyeux et bouclés, était réunis en une queue-de-cheval négligée, l'air sales et gras. Quelques mèches rebelles tombaient devant son front, lui donnant l'air d'une rescapée. Ses vêtements semblaient poisseux comme si elle avait les mêmes depuis deux semaines et qu'elle s'était roulée dans la boue pendant tout ce temps. Ses souliers de course étaient tachés par cette substance visqueuse et des feuilles étaient toujours collés sur leur semelle. C'était à se demander si sa voiture était tombé en panne et qu'elle avait dû marcher dans des endroits moins fréquentables. De plus en, Becca ne portait pas de maquillage, ce qui était plutôt rare venant de sa part. C'était à peine si on pouvait croire qu'elle avait fugué une semaine et demi. C'était facile de se méprendre et de croire que sa petite fuite avait duré plus d'un mois. Sa peau était toujours aussi belle - claire - , cependant, ce qui en faisait une exception. Elle avait un drôle de sac en bandoulière qui devait contenir quelques paquet de chips et des sodas en guise de provisions, des vêtements de rechange - pas trop certaine sur ce coup - ainsi que de l'argent de poche pour se payer quelque chose. Ce qui me perturbait le plus, c'était son regard. Il était pris d'une certaine folie, comme si Becca avait du mal a différencier la réalité de ce qui était faux.

« Lucy, j'ai pas beaucoup de temps, mais je dois te parler... C'est important. » s'empressa-t-elle de dire en regardant derrière elle pour s'assurer que personne ne nous observait.

« Pourquoi as-tu tué Mary Ann? » grognai-je, en perdant patience.

Son regard se perdit au loin. Elle ne semblait pas regarder un point fixe, simplement observer l'horizon comme une paranoïaque prise d'une démence incontrôlable.

« Je... Je ne l'ai pas tué... Ils l'ont tué. Ils m'ont piégé, d'accord? Tu dois te souvenir de cela, Lucy. Tu dois t'en souvenir. »

« Qui ça, "ils"? » demandai-je, soudain intriguée.

« Je n'ai pas beaucoup de temps... Je ne peux pas rester trop longtemps. Je... »

« Qui a tué Mary Ann, bon sang? » menaçai-je en la secouant brutalement.

Au son de ma voix aussi secouante, Becca sembla revenir à celle que j'avais cru connaître pendant cinq ans. Elle sembla aussitôt plus saine d'esprit, peut-être même plus apte à me donner des réponses digne de ce nom. Elle m'agrippa par les poignets, si fort que je poussai un petit gémissement de douleur.

« Je n'ai pas tué Mary Ann. On m'a piégé. » affirma-t-elle.

« Alors pourquoi as-tu pris la fuite? »

« Je savais que j'allais être soupçonné. Je ne pouvais pas rester là. »

« Eh bien, crois-moi ça n'a pas vraiment aidé. Tu m'as abandonné, Becca. » lui rappelai-je tristement, alors qu'elle défaisait son emprise.

Elle secoua la tête, comme pour chasser des mauvais souvenirs. J'avais de la difficulté à la regarder doit sans les yeux. À chaque fois que son regard rencontrait le mien, je pensais à toute les informations que j'avais déniché à son sujet, ces derniers jours et elle ne pouvait que me dégoûter. Cette fille était psychologiquement instable. Comment pouvais-je lui faire confiance?

« Je sais et j'en suis profondément désolée. J'ai agi sur un coup de tête, et une fois cela fait, je ne pouvais pas revenir sur ma décision. » répondit Becca, l'air sincère.

N'importe quoi, me dis-je. Elle devait encore essayer de m'embobiner pour la énième fois au cours de son existence. J'ignorais si je devais croire ce qu'elle disait. Peut-être n'avait-elle pas tué Mary Ann... Je n'en savais rien. Tant de mensonges avaient brisés notre amitié à la base superficielle qu'il était difficile de croire une personne telle que Becca.

« Je suis au courant pour l'autre liste, Becca. Celle que tu as écrite en première secondaire et qui dévoilait les plus grands secrets de tout le monde. Celle qui a poussé Dave Thompson a se suicider. »

Becca ne sembla pas très surprise, une réaction que je ne comprenais pas. Je venais de lui annoncer que je savais qu'elle avait inconsciemment poussé quelqu'un au suicide et elle se contentait de réagir en haussant les épaules comme s'il ne s'agissait que d'un vulgaire accident de parcours. Cette idée me répugna gravement, me donnant l'impression que Becca était une sociopathe.

« Je savais que tu allais finir pas le savoir, de toute manière... »

« Mais c'est monstrueux! Pourquoi as-tu proposé d'écrire une autre liste Becca? Pourquoi as-tu eu une si mauvaise idée? » protestai-je.

« Je te l'ai déjà dit, ma spécialité c'est les mauvaises idées. » dit-elle en essayant de blaguer, mais c'était raté.

« Ce n'est pas drôle, Becca! J'essaie de comprendre ce qui se passe, moi. J'ai besoin de comprendre. »

Becca hocha la tête, reculant de quelques pas, presque prête à partir. Il ne nous restait que quelques trucs à nous dire, selon elle. Moi, je n'en avais pas fini. Il me tardait de connaître la vérité et j'avais franchement l'impression que Becca en savait beaucoup plus que moi sur ce coup.

« Pour avoir des réponses digne de ce nom, renseigne-toi auprès de May l'infirmière et va à la bibliothèque de l'école. Cherche le document: Le Traités Des Listes. Ça t'aidera aussi. » me conseilla-t-elle, l'air lasse.

« Mais... Mais, tu vas encore fuir? Tu vas encore m'abandonnée, pas vrai? »

« Je suis désolée, Lucy, mais je n'ai pas d'autres choix. J'essaierais de te contacter par téléphone ou bien de te revoir un de ces quatre pour te fournir de meilleures explications. »

« Mais... Bon, d'accord. » je marquai une pause, hésitante, « Tu... Tu devrais téléphoner à tes parents. Ils semblent vraiment inquiets. »

Becca me lança un drôle de regard. Elle n'aimait pas vraiment parler de ses parents. Pour elle, c'était pratiquement comme s'ils n'existaient pas.

« Euh... Ouais, je devrais. À plus. »

« Ne pars... »

Trop tard, elle ne m'écoutait plus. Elle marchait déjà dans le sens opposé au mien. Elle me cria, au loin quelque chose qui attisa ma curiosité.

« NE FAIS CONFIANCE À PERSONNE, LUCY! »

Franchement, depuis que j'avais appris ce que Becca avait fait dans mon dos, ma confiance était suffisamment limité. L'autobus de ville que j'attendais s'arrêta pour m'embarquer, et lorsqu'il repartit, la silhouette de Becca n'était plus qu'un vague souvenir.

• • •

Je ne parlais à personne du fait que j'avais vu Becca et qu'elle occupait toute mes pensées. Pas même à Conley. Ni à mes parents. Cependant, ceux-ci semblaient se douter de quelques chose, car, mercredi soir, ils me questionnèrent alors que nous écoutions un film des années 70, tous ensemble.

« Lucy, est-ce que tout va bien? Tu es bizarre depuis quelques temps. » s'inquiéta ma mère, songeuse.

Je fis signe que oui, et m'excusai en vitesse pour gagner ma chambre. Je n'avais pas envie de m'éterniser dans cette conversation qui n'avait pas de véritable fin. Je ne voulais pas les inquiéter, mais je ne voulais pas pour autant leur partager ma discussion troublante avec Becca. Mon père pèterait un câble en l'apprenant. Et ma mère appèlerait la police pour les informer.
Je m'allongeai sur mon lit et serrai fortement mon oreiller, alors que Pritt bondit sur mon lit en poussant un ronronnement chaleureux. Je pris le temps de le caresser, mais la bonne humeur n'était pas au rendez-vous. Moi qui croyait que tout s'arrangeait pour de bon, voilà que cette salope de Becca réapparaissait en me laissant sur ma faim, alors que j'essayais de comprendre. Premièrement, j'ignorais comment elle m'avait trouvé: j'étais plutôt loin de chez moi. Peut-être m'avait-elle suivit? Ou bien elle comptait aller voir Dan en premier pour lui fournir des explications? J'aimerais bien qu'il s'agisse de la première option, étonnement. Elle avait dû se demander ce que je faisais chez son ex-petit copain. Ou bien elle savait depuis le début ce que Dan avait fait et qu'elle le couvrait tout simplement. Elle m'avait tant menti. Comment pouvais-je la croire après tout cela? Je me le demandais bien.
Mes yeux gris se remplirent d'eau, mais les larmes ne coulèrent pas car quelqu'un sonna à la porte, me sortant de mes pensées les plus noires. Je me levai donc et descendis à pas feutré les escaliers. Mes parents dévisageaient les nouveaux arrivants: c'est-à-dire une dizaine de jeunes qui se tenaient devant la porte d'entrée, l'air tous déterminés. J'eus peur pendant un instant, mais lorsque j'aperçus la petite silhouette d'Alicia et la grande et athlétique de Conley, je me sentis rassurée par leur présence. Mon coeur s'enflamma l'espace d'un instant. Lorsqu'on s'aperçut de ma présence, tous les êtres humains présents portèrent leur attention sur moi... Ou bien sur mon pyjama bleu ciel aux motifs de pizza. J'aperçu Conley se retenir d'éclater de rire. Je le fusillai du regard. Mon père fût le premier à réagir.

« Euh, Lucy tu peux nous expliquer ce qui se passe? »

Je bafouillai quelques mots, essayant de chercher une phrase concrète, mais j'ignorais comment formuler un but précis à leur venu. Heureusement, Alicia vint à ma rescousse. Elle sortit du petit troupeau et vint se présenter à mes chers parents qui semblaient ébahis.

« Bonsoir, Madame et Monsieur Powell. Je m'appelle Alicia. Je suis une amie de Lucy. »

« Ah, donc "Alicia" existe vraiment. » commenta mon père en me lançant un regard curieux.

Je soutenus son regard, contre tout attente. Je ne me sentais pas assez forte pour défier mon père, mais je n'avais pas l'intention de me laisser écrabouiller devant tous ces gens. Je méritais du respect.
À mon grand soulagement, mon père sembla le comprendre, car il détourna le regard, prêt à écouter ce qu'avais à dire Alicia.

« Eh bien, nous avons décidé d'organiser un feu de joie entre copains, et on venait chercher Lucy. » Alicia se tourna vers moi, l'air insistante. « Elle est légèrement en retard. »

« Ah, mais que suis-je bête! J'avais complètement oublié. Je monte me changer... »

« Non, on doit y aller maintenant. » se moqua Conley.

Je lui lançai un nouveau regard noir, sachant pertinemment qu'il se payait ma tête, mais obéit tout de même. J'enfilai une paire de bottine ainsi qu'une épaisse veste bien chaude par dessus mon pyjama. Ma mère me dévisagea, appuyé par mon père.

« Mais, Lucy, tu vas suivre ces gens... À huit heures du soir? » demanda ma mère en faisant bouger ses jolis cheveux courts.

« T'inquiètes, je les connais. Ce sont mes amis. Je me sentirais bête de leur dire non, alors qu'ils ont fait tout ce chemin, hein. »

Ma mère se pinça la lèvre, l'air hésitante. Je devais avouer que ça sonnait un peu louche, après tout. Une bande de jeunes adolescents pré-pubères envahissait votre maison pour réquisitionner votre fille pour un feu de joie, à huit heures du soir. Tout à fait normal.
C'est mon père qui donna le verdict après maint échanges silencieux avec ma mère pour s'assurer que c'était tout à fait juste.

« D'accord... Mais si tu n'es pas revenue à onze heures, j'appelle la police. C'est compris? »

« Oui, c'est compris. Merci mille fois. Bon, à plus, les vieux. »

Je sortis, le groupe sur les talons et refermai la porte avec un soupir de soulagement. On se mit en marche, le pas pressant. Une fois bien à l'extérieur, Alicia éclata de rire après avoir assisté à «La vie extraordinaire de Lucy Frances Powell». Je ne pus m'empêcher de sourire, cependant.

« Waouh, tes parents sont spéciaux! » se moqua-t-elle, gentiment.

« Et comment... »

Le groupe ria légèrement, rompant le silence que présentait la nuit. Nous marchions d'un pas assez rapide, alors que nos chaussures frottaient le bitume. Je calai ma tête dans mon épais capuchon, essayant d'aller à la même allure que tout le monde, ce qui s'avérait plutôt difficile. Je dépassai quelques personnes pour me retrouver à la hauteur de Conley et Alicia, qui se tenait à la tête du groupe.

« J'imagine qu'on ne va pas faire de feu de joie. » marmonnai-je.

« Effectivement. On va entamer la première phase de notre plan. » répondit Alicia, en s'humectant les lèvres, discrètement.

« On va le faire? »

« Oui. » elle marqua une courte pause, s'assurant qu'aucun étranger ne l'écoutait, avant de poursuivre, « On va écrire cette liste. »

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Nouveau chapitre! Un peu court, encore une fois, et je m'en excuse. ^^
J'espère que ça vous a plu, sinon, n'hésitez pas à me faire partager ce que vous n'avez pas appréciez. J'accepte tous commentaires (polis, de préférence, hein. :3 )

_| De quoi parlait Alicia en disant qu'ils allaient écrire cette liste?
_| Mauvaise idée? Bonne idée?
_| Que pensez-vous de Becca maintenant?
_| Est-elle fiable?
_| Content(e)s de l'avoir revue?
_| Vos prédictions?

Merci de continuer de me lire et de me donner un bon 12k de vues, même si ce que j'écris est franchement weird. Vous êtes mes petits weirdos. <3

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