13.

Je me tenais dans le stationnement de l'école, fixant l'énorme bâtiment d'un œil mauvais. Ma mère m'avait laissé là, il y avait de cela, plus de dix minutes. Elle avait semblé plutôt inquiète, mais elle était tout de même partie. Quelques élèves de première secondaire passèrent près de moi, sans m'accorder la moindre attention. Ils devaient être au courant de cette histoire de liste, mais aucun ne devait sans soucier réellement. Ça ne les regardait pas, de toute manière. Je fis un pas, toujours incertaine. Les cours commençait dans moins de cinq minutes et j'étais toujours dans le stationnement. À coup sûr, j'étais en retard. En réalisant cela, je partis à la course, sans me préoccuper des autres. Je m'arrêtai à mon casier, alors que la cloche sonnait. Merde. Je pris mes cahiers d'histoire et partit, telle une furie, vers mon local. Je fis interruption dans la classe, alors que le professeur, M.Cree, semblait expliquer un passage de l'histoire fort intéressant. Il s'interrompit, tandis que tous les regards se tournaient vers moi.

« Mlle Powell! Content de vous revoir parmi nous. Prenez un siège, je vous prie. »

Entre quelques regards haineux de la part de mes camarades, je posai un regard circulaire à la classe, avant de trouver un place, complètement au fond, près de la fenêtre. Près de Grant. Je baissai la tête et m'installai à ce bureau, peu enjouée à l'idée de me retrouver près de lui, à nouveau.

« Alors, nous faisions un retour sur ce que nous avions vu, vendredi passé. La Nouvelle-France changeait pour le Haut-Canada et le Bas-Canada, alors que le régime Anglais s'était approprié le territoire, vainqueur d'une guerre qui dura sept ans. Cette guerre opposait les Français et les Anglais. La colonie... »

Je fixai la fenêtre, lorsque je reçus un morceau de papier au visage. Il tomba sur mon bureau. Je me tournai pour apercevoir qui l'avait lancé et découvrit que ce n'était nul autre que Thomas Grant. Il me fit signe d'ouvrir ce petit morceau de papier de ses yeux qui m'apparaissaient menaçants. Je le dépliai et lu ce qui était écrit:

« Je n'arrive pas à croire que tu aie osé venir ici. M'enfin. Il y a une rumeur qui court comme quoi Becca serait toujours à Montréal, cachée à quelque part. Tu peux confirmer? »

Je levai les yeux et jetai un coup d'œil à Grant, qui n'avait pas cessé de me regarder. Je soupirai avant de lui répondre au verso du bout de papier.

« Je te l'ai déjà dit: j'ignore où elle se trouve. »

Je lui tendis le papier, subtilement. Il l'agrippa brusquement comme s'il ne voulait pas éterniser le contact entre nous deux. Il le lu en fronçant les sourcils, avant de se retourner vers moi comme s'il n'y comprenait rien. Il déchira un second bout de papier, écrit à l'intérieur, et me le lançai. Je l'attrapai au vol et le lu.

« Tu plaisantes? C'est ta meilleure amie et tu ne sais rien sur sa fugue... À moins que tu ne la couvres. Mais, cette fille a TUÉ quelqu'un. Ma petite amie. »

Je lui jetai un coup d'œil mauvais, avant de prendre mon stylo et de lui répondre.

« Je sais et je suis désolée. Je te jure que si je savais où étais Becca, j'irais lui dire un mot ou deux. »

Il prit le morceau de papier et le lu, mais, malheureusement, le professeur nous avait remarqué. Il semblait plutôt nous observer depuis un bon moment. Tous les regards étaient tournés vers nous. Cependant, j'avais plus l'impression d'être le centre de l'attention. Et je savais très bien pourquoi. M.Cree prit la parole, alors que j'étais figée comme une statue.

« Mlle Powell, content de voir que vous vous êtes fait un nouvel ami, mais, je crois que ce n'est pas le moment d'engager une conversation. C'est pareil pour vous M.Grant. »

« Oui, M'sieur. Et ce n'est pas mon amie, loin de là. » a répondu Grant, en baissant les yeux.

Je baissai la tête, alors que le professeur semblait détourner son attention pour reprendre son cours. Je fis mine d'écouter, en ne jetant aucun coup d'œil à Grant. Le professeur ne cessa de parler, jusqu'à ce qu'un élève fasse irruption dans la classe, attirant tous les regards. Il s'agissait de Johnny Greene. Tout le monde semblait le respecter, si bien qu'aucun des regards ne se montraient hostiles. Je n'avais pas reparlé à Johnny depuis la fameuse soirée où Becca avait assassinée Mary Ann et c'était très bien ainsi. Cependant, alors qu'il s'avançait vers le professeur, son regard se posa vers moi. Il aurait très bien pu se poser sur son copain qui était assis deux bureaux plus loin, mais non, il se posa sur moi. Certainement pas pour la même raison. Et ça m'inquiétait.

« M.Greene, que me vaut l'honneur? » demanda M.Cree.

« Lucy Frances Powell est demandée au bureau du directeur. »

J'écarquillai les yeux. Ça ne sonnait guère rassurant. M.Cree me fit signe de me lever et je m'exécutai, suivis des yeux par tous les élèves présents dans la classe d'histoire. Je suivis Johnny Greene jusque dans le corridor, là où il se mit bel et bien en route vers le bureau de M.Lee. Nous marchâmes pendant un bon moment, avant qu'il ne se décide à prendre la parole.

« Je t'avais dit que tu devais partir, l'autre soir. Tu aurais dû m'écouter. » me gronda Johnny.

« Mais, je... »

« Oui, tu es allée voir Becca. Sauf que tu t'es retrouvée au mauvais endroit au mauvais moment. Tu n'aurais pas dû aller dans cette pièce. Tu aurais dû quitter l'endroit, tout simplement. » il marqua une pause, puis reprit, « Il y a deux policiers dans le bureau de M.Lee. Ils veulent t'interroger. Et crois-moi, c'est louche. Ne parle jamais de la conversation que nous avons eu dans les toilettes, ce jour-là. Tu ne me connais pas; on ne s'est jamais parlé, ok? »

Il semblait stressée. Pourquoi donc? Johnny Greene n'avait rien à se reprocher dans cette histoire, pas vrai? Soudain, cela me parût suspect.

« Johnny, est-ce que tu serais au courant de quelque chose que j'ignore? » lui demandai-je, le regard suspicieux.

« Il y a des choses que je sais, effectivement. Mais, que je ne peux pas te dire. »

Je secouai la tête, pourquoi me dire cela s'il ne pouvait pas développer le sujet? Cette conversation commençait à attiser ma curiosité, chose qui pouvait me mener en territoire dangereux, si l'on se fiait à mes antécédents.

« Pourquoi devrais-je cacher notre conversation aux policiers? Surtout s'il s'agit d'un alibi qui pourrait me permettre de ne pas être considérée comme suspecte? »

« Parce que certaines personnes n'apprécieraient pas que j'ai pris soin de t'avertir à propos du danger. » me confia-t-il.

« Ça ne m'aide vraiment pas, ça, Johnny. » je marquai une pause, « Si ça se trouve, je suis l'une des principales suspectes dans cette histoire. »

« Tu me rendrais un grand service en faisant ça. »

L'idée de mentir à la police ne me plaisait pas, mais je ne pouvais rien refuser à Johnny, maintenant que je savais qu'il en savait bien plus que tout le monde sur les évènements des dernières semaines. Si j'arrivais à gagner sa confiance, juste assez pour obtenir quelques infos supplémentaires, ça m'aiderait grandement. Alors, mentir à la police pour couvrir Johnny de quelque chose ou de quelqu'un, me ferait gagner des points. Je ne pouvais pas refuser.
J'hochai la tête en guise de réponse, alors que nous arrivions devant le bureau du directeur. Johnny Greene me fit signe d'entrer et je le quittai pour me retrouver en compagnie de M.Lee et de deux policiers, dont l'un était celui à qui j'avais parlé, la nuit du meurtre, le Lieutenant Chase. Il avait la même mine grave que son collègue, ce qui avait le don de m'inquiéter.

« Assoyez-vous, Lucy. » m'a ordonné M.Lee, le regard lourd de reproche, alors que je m'exécutai.

Ça ne devait pas lui plaire que deux policiers se retrouvent dans cette école, c'était, certes, très mauvais pour son image.

« Le Lieutenant Chase et le Lieutenant Dawson ont quelques questions à vous poser sur la nuit du meurtre. » m'expliqua le directeur.

« Ça ne pouvait pas attendre? Je veux dire, j'ai manqué une semaine de cours, je pensais pouvoir me rattraper, aujourd'hui. »

« Non, malheureusement. Figurez-vous, Lucy, que vous êtes officiellement considérée comme suspecte, dans cette histoire. » m'a annoncé le Lieutenant Chase, avec une pointe de tristesse.

Je fis mine d'être surprise. À vrai dire, je m'y attendais un peu. La discussion avec Johnny avait presque confirmé ce que je croyais depuis la nuit du meurtre. Meurtre qui avait été commis avec mon propre fil d'écouteur. Pas étonnant, que je sois considérée comme suspecte dans cette affaire.

« Pourquoi ça? » demandai-je, innocemment.

« Mlle Powell, Mary Ann Aberline s'est fait assassinée à l'aide de vos propres écouteurs, sans parler du fait que vous étiez vous aussi à cette fête et que votre alibi est peu convaincant. » lança le Lieutenant Dawson, sèchement.

« Où étiez-vous entre 22h00 et 23h00, le soir du meurtre, Lucy? » me demanda son acolyte, beaucoup plus sympathique.

« Je vous l'ai déjà dit. J'ai discuté avec Dan Caius, le copain de Rebeca Travis, parce que je la cherchais. Il m'a avoué qu'ils avaient rompus et qu'il la croyait à l'étage. Puis, j'ai passé le reste de la soirée avec Conley. On a découvert Mary Ann... enfin, le cadavre. »

Je ne mentais pas sur le coup. C'était bel et bien vrai ce que je venais de dire. Bon, je n'avais pas passée la soirée entière avec Conley, mais tout juste.

« Toute la soirée? »

« Oui. »

Le Lieutenant Dawson nota tout sur un carnet. J'ignorais si ce que je disais était la vérité ou bien un mensonge. J'étais légèrement confuse. ça, c'était grâce à Johnny. J'ignorais si je le couvrais, de cette manière. Ça me brouillais légèrement.

« Avez-vous eu des discussions avec d'autres personnes, ce soir-là? » me demanda le Lieutenant Chase.

« Avec Mary Ann Aberline. Elle nous a accueilli, Becca et moi. Et... » je marquai une pause, me rappelant que je ne devais pas mentionner Johnny Greene. « C'est tout. »

Le Lieutenant Dawson me jeta un coup d'œil d'avertissement comme s'il savait quelque chose, mais je lui adressai un regard neutre, comme quoi je n'avais rien à ajouter. Il comprit le message et son collègue poursuivit.

« M.Lee nous a raconté à quel point la relation que vous aviez avec Rebecca Travis semblait compliquée. Pouvez-vous nous décrire cette relation? »

« En quoi c'est important? » demandai-je.

« Ça peut nous être utile à comprendre vos raisons d'accuser Mlle Travis. » a rétorqué Dawson. « Vous pourriez également nous parler un peu de cette fameuse liste. »

J'écarquillai les yeux. Je me tournai vers le directeur. Il me lança un regard dur, me laissant en déduire qu'il avait été forcé de leur dire. Je reportai mon attention vers les deux policiers, incertaine.

« Vous devez être coopérative, Lucy. Sinon, cette enquête ne mènera à rien. »

Je déglutis. J'essayais d'être coopérative, mais il semblerait que tout le monde ait quelque chose à cacher dans cette histoire, si bien que j'avais du mal à être complètement honnête.

« Becca et moi avons toujours eu une relation particulière. On est devenu amie en première secondaire, mais j'ai l'impression, aujourd'hui, que ça s'est fait artificiellement. Que ce n'était que pour préserver nos réputations. Nous nous lancions toujours des piques et nous adorions être contradictoires. » avouai-je. « Et puis, un dimanche après-midi, Becca est venue me voir avec l'idée de cette liste. J'ai accepté. On a écrit cette liste ensemble. On a classé les gens par couleur. Mary Ann s'est retrouvée rouge, car Becca me disait qu'elle avait brisé le cœur de son cousin, mais... Mais, j'ai eu l'impression que c'était beaucoup plus que ça. Sinon que dire de plus? Les gens ont découverts la liste et ça les a mis en colère. »

Les deux inspecteurs se lancèrent un regard qui en disait long. Je n'avais pas l'intention de rajouter quoi que ce soit, alors je fixai mes pieds, attendant le verdict.

« C'est d'accord. » a dit Chase en s'adressant à M.Lee et moi. « Nous allons partir, mais nous allons probablement revenir, très prochainement. »

« Heureux de vous avoir rencontré. » a déclaré le Lieutenant Dawson, sur un ton qui en disait tout le contraire.

Les deux lieutenants nous ont serrés la main, avant de partir, me laissant seule dans le bureau du directeur. Un long silence s'en suivit, qui fût finalement interrompu par la colère qu'avait caché M.Lee durant cet interrogatoire. La présence de la police dans son école ne devait pas le réjouir.

« Vous avez intérêt à enterrer cette histoire, Mlle Powell. »

Je fis signe que oui, le regard un peu perdu. J'étais confuse. De nouvelles pistes étaient crées, tout comme d'autres s'éteignaient. Il s'agissait simplement de savoir lesquelles. Sans regarder en arrière, je quittai le bureau du directeur, perdue dans le grand mystère de cette liste.

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Ouaip. Vous allez voir, Lucy va en voir de toute les couleurs, prochainement.
Croyez-vous que c'était une bonne idée pour elle d'aller à l'école?
Que pensez-vous de Grant?
Que pensez-vous de Johnny Greene?
Selon vous, qui aurait volé la liste à Becca, au tout début?
Vos prédictions sur la suite?
En tout cas, je suis à fond. MA FÊTE C'EST DANS 4 JOURS (le 2 juillet, hehehe) ^.^ Hum. Bye! ;p

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