09.

5 ANS AUPARAVANT

J'avais mes écouteurs enfoncés dans les oreilles, alors que je sillonnais les corridors de ma nouvelle école. Le secondaire m'avait toujours un peu effrayé. Lorsque j'avais fini ma 6ème année du primaire j'avais ressenti toute la peine du monde. J'avais quitté plein de gens et je savais que je ne les reverrais jamais. Certes, je n'avais jamais vraiment parlé avec la plupart de ces personnes mais j'étais attachée à la zone de confort que j'avais su créer au fil des années. Je me sentais comme une gamine perdue tandis que je cherchais ma classe de géographie. Quoi que j'étais une gamine. J'avais douze ans et pas plus.
Une fille me bouscula et je fis un bond de recule. Elle ne s'excusa pas. Ça n'en valait pas la peine, j'imagine. Je continuai de me promener dans le corridor, la cloche annonçant le début des cours n'avait pas sonnée à mon grand soulagement.
Quelques minutes plus tard, le local de géographie apparut dans mon champ de vision. J'entrai dans la classe et mon nouveau professeur me salua. Il s'agissait d'un vieux barbu qui avait pourtant l'air très sympathique malgré ses lunettes excentriques. Je jetai un regard circulaire à la classe. Plusieurs étaient déjà assis en équipe de deux. Car, à mon grand désespoir, les bureaux étaient tous pré-jumelés. Mon problème étant que je ne connaissais personne et que je n'étais pas vraiment du genre sociable. Mes sept ans de primaire en était l'exemple. Je préférais être seule dans mon coin et m'imaginer toute sorte de scénarios étranges. Mais au primaire ça ne dérangeait personne. Plusieurs étaient solitaires. Je savais bien qu'au secondaire ça n'était pas pareil. Les réputations et la hiérarchie comptaient beaucoup. Rester seule aurait été suicidaire. J'aurais été perçue comme une dérangée et ça aurait été ainsi jusqu'à la fin de mon secondaire. J'étais donc décidée à me faire quelques amis. Comment? Je l'ignorais.
Je regardai aux alentours. Tout le monde semblait avoir trouvé un coéquipier. Sauf, moi, bien sûr. Mes yeux se verrouillèrent sur une fille qui semblait seule, assise au fond complètement, griffonnant dans un cahier. Je m'avançai, incertaine en voyant la tête de la fille. Elle n'avait pas l'air sympathique. Plutôt bougonne. Quand j'arrivai à sa hauteur, elle leva la tête et me dévisagea.

« T'es qui, toi? »

« Je peux m'asseoir ici? » lui demandai-je en ignorant sa stupide question.

La fille me jeta un regard étrange. Elle me prenait pour une folle. Mais, elle ne daigna pas de me faire un peu de place, loin de là. Elle allait possiblement commencer un interrogatoire. Du moins elle en avait l'air. Et je ne me trompais pas.

« Pourquoi? » me demanda la fille aux cheveux châtains.

« Parce que je ne sais plus trop où m'asseoir. Et tu sembles être la seule qui n'a pas de coéquipier. »

« Eh bien, vois-tu, je n'ai pas besoin de coéquipier. Gérard fera l'affaire. »

J'haussai un sourcils, ne comprenant pas trop ce dont elle parlait. Qui était Gérard? Je ne voyais personne. Et de toute manière il ne s'agissait pas d'un prénom très présent de notre génération.

« Qui est Gérard? »

« Mon ami imaginaire. Je crois que tu viens de l'offusquer en posant cette question. » répondit la fille.

Elle me prenait pour une débile, c'était certain. Elle se moquait carrément de moi avec son Gérard. Et ça ne mettait en rogne. Je devais donc sortir le grand jeu.

« Écoute-moi bien. Je ne crois pas qu'avoir un ami imaginaire prénommé Gérard est facilement accepté ici. Tu sais, tu pourrais avoir une réputation de chiotte jusqu'à la fin de ton secondaire. Tu aimerais ça, toi, te faire rejetée par tes paires pendant cinq ans? Oh, mais tu peux très bien te mettre en équipe avec la fille qui a de sérieux problèmes d'acnés, qui se lavent une fois par deux semaines et qui risquent d'arriver dans deux minutes. Ou tu peux te mettre avec moi. Je crois que le choix est simple. À toi de voir. » rétorquai-je les sourcils froncés en jouant avec son crayon.

Elle m'observa pendant un instant, l'air de soupeser le pour et le contre. Puis, elle poussa ses multiples manuels pour me faire de la place. La fille me lança un regard de défi, lequel je dû relever en m'assoyant à ses côtés.

« Bon choix. » me moquai-je, une fois bien installée.

• • •

Je n'avais échangé aucun autre mots avec la fille, sauf qu'elle m'avait dit son prénom. Pas directement... Puisque il avait fallu nous présenter un par un au début du cours, devant la classe. Becca, ladite fille, avait précisé qu'elle faisait du basketball depuis neuf ans et qu'elle avait un grand demi-frère qu'elle ne voyait pas souvent puisqu'il était occupé avec ses cours à l'université. Pour ma part, j'avais précisé que j'adorais la musique et que je passais la majeure partie de mon temps dans ma chambre à lire quelque chose, des écouteurs dans les oreilles en compagnie de mon chat, Pritt.
Mais, voilà que le cours était fini et que la réalité me revenait: j'avais un cours de mathématiques. Je me précipitai dans le corridor à la recherche du local où se trouvait ce merdique cours. Je bousculai plusieurs personnes aux passages, mais personne ne s'en plaignit, heureusement pour moi. Mais au bout de quelques minutes, je me décourageai. Où pouvait bien être le local de mathématiques, bon sang?

« Tu cherches quelque chose? »

Je me retournai et tombai face à face avec la fille du cours de géographie - Becca. Elle avait retiré son air bête pour un petit sourire qui la rendais plus sympathique. Je n'allais tout de même pas tomber dans le panneau.

« Que veux-tu? » lui demandai-je, en ignorant sa question.

« Rien. Lucy, c'est bien ton nom, je ne me trompe pas? »

« Ouais, c'est mon nom. »

Je fronçai les sourcils. Son attitude me démontrait à quel point elle avait besoin de quelque chose. Elle ne cherchait pas à sympathiser, mais bien à obtenir quelque chose, j'en étais convaincue. La première pensée qui m'est venue se résumait en un mot: drogue. Peut-être pensait-elle que j'étais une dealeuse et que se faire amie-amie avec moi l'aiderait à avoir un bon prix sur la marchandise. Sauf que je n'étais pas une dealeuse. Tout le contraire.

« Écoute, je ne vends pas drogue, alors tu perds ton temps, compris? » clarifiai-je.

Becca me dévisagea comme si elle ne voyait pas où je voulais en venir, puis elle éclata de rire. Un espèce de rire qui se voulait mélodieux. C'était à mon tour de la dévisager, cette fois. Pourquoi riait-elle de la sorte? La châtaine arrêta de rire au bout d'un moment, les larmes aux yeux, prouvant à quel point elle trouvait ce que je venais de dire, hilarant.

« Hé, on se calme. Je ne veux pas avoir de drogue - quoi que si tu as des cigarettes sur toi, ça me va. De toute manière, si j'avais voulu un petit remontant, je ne me serais certainement pas adressé à toi. Sans t'offensé, t'as pas vraiment l'air d'une dealeuse. » affirma-t-elle avant de se remettre à rire.

« Alors que veux-tu? » rétorquai-je en essayant de ne pas me sentir vexée.

« J'aimerais qu'on fasse plus ample connaissance. »

Je la dévisageai, ne comprenant plus rien à son comportement. Tout d'abord elle agissait comme la reine des pestes et maintenant elle voulait que nous devenions... Amies. Mais ça n'avait aucun sens. Becca ne semblait pas trouver ça particulier. Elle semblait même sincère, ce qui m'effrayait davantage.

« Tu rigoles, j'espère? »

« Bien sûr que non. » répondit Becca en haussant les sourcils comme si c'était évident.

J'avalai difficilement ma salive. Moi, être amie avec... Elle? Non, ça ne collait pas. C'était tout simplement ridicule.
Au bout d'un instant de réflexion, Becca sembla comprendre que j'étais plutôt sceptique face à sa proposition. Elle se mit donc en tête de me convaincre.

« C'est toi même qui l'as dit, tout à l'heure. La réputation compte beaucoup au secondaire. Et je ne veux pas être la risée. J'ai donc besoin de toi. »

« Tu veux dire que tu veux te servir de moi? » demandai-je sèchement en accélérant le pas.

« Pas exactement. »

Je fronçai les sourcils. Pour moi, c'était plutôt clair. Elle voulait se servir de moi pour avoir une réputation saine. Ça sonnait un peu fou.
Pourtant c'est ce que tu as fait avec elle tout à l'heure, me chuchota ma conscience.
Non, ce n'était pas la même chose. Je voulais me faire une nouvelle amie, mais elle avait été si emphatique avec moi. Je lui avais fait une faveur. Pourquoi devrais-je lui en faire une autre avec le comportement de merde dont elle m'avait fait part.

« J'en ai pas très envie, désolé. »

Je la contournai, n'ayant pas très envie de m'expliquer davantage. Heureusement pour moi, le local de mathématiques m'apparut quelques secondes avant que la cloche ne sonne. Et Becca ne se trouvait pas avec moi, sur ce coup. Les bureaux étaient répartis individuellement. Du coup, je poussai un gros soupir de soulagement. Peut-être serais-je capable de survivre aux cinq ans qu'étaient le secondaire. Peut-être n'aurais-je pas besoin de Becca. Peut-être.

• • •

Malheureusement, j'avais oublié un truc: l'heure du dîner.
La cafétéria était déjà bondé. La plupart des personnes étaient déjà rassemblés en petite bande et semblaient s'amuser comme des fous. Merde. J'allais devoir m'asseoir complètement seule. Ça n'aiderait pas à me faire accepter. Lorsque j'étais au primaire, ça ne dérangeait personne. En fait, la plupart sympathisait avec moi. Ça aidait. Mais, je n'avais plus cette chance, maintenant.
Je m'assis au bout d'une table, seule. Je sortis mon sandwich à la dinde et commençai à manger en silence. Certains me dévisageaient. D'autres s'en fichaient tout simplement, trop embarqué dans une conversation avec leurs nouveaux copains.
Je pris une bouchée de mon sandwich ne pouvant m'empêcher de fixer un point sur la table. Mais ce calme fût très vite rompu par l'arrivée de Becca la Collante. Elle s'assit face à moi, déposant son plateau de nourriture contre la table. Je la dévisageai, alors qu'elle mangeai son ragoût sans problèmes, comme si c'était tout à fait normal.

« Qu'est-ce-que tu fais? » lui demandai-je.

« Euh, je mange. Qu'est-ce-que tu crois? »

Je soupirai bruyamment et attrapai son bras alors qu'elle s'apprêtait à prendre une nouvelle bouchée de son repas.

« À quoi tu joue? Je t'ai dit que je ne voulais pas être ton amie de service. »

« Faux. Je ne t'ai pas demandé d'être mon amie de service. Juste mon amie. Ce n'est pas qu'à moi que ça profitera, je te le garantis. » rétorqua-t-elle en essayant de paraître convaincante.

« Je t'ai déjà dit ce que j'en pensais. » répondis-je franchement.

Ce fût à son tour de soupirer. Elle s'écarta légèrement de moi, puis elle prit une grande respiration.

« Écoute, j'ai toujours été très bien toute seule. Mais, ce matin, tu m'as fait réalisé à quel point ça ne marcherait pas ce coup-ci. Je ne pourrais pas survivre à cinq ans de secondaire sans ami. » elle fit un petit sourire triste en me regardant droit dans les yeux « Lucy, je vais avoir besoin de toi. Je sais qu'il ne s'agit pas d'une relation fondé sur de bonnes bases, mais je crois qu'on pourrait devenir amies. Tu sais, deux asociaux ça colle bien. Je te demande juste une faveur. J'ai besoin d'avoir une amie dans cette école de merde. »

Je la regardai tristement avant de faire un faible sourire dans sa direction. Elle avait raison. En quelque sorte, c'était moi qui lui avait fait comprendre le truc des réputations très importantes au secondaire. C'était moi qui lui avait donné cette idée. Peut-être bien que...

« C'est d'accord, Becca. Je serai ton amie. »

Aussitôt que les mots sortirent de ma bouche, je le regrettai.
Notre amitié n'était pas saine. Elle ne le sera jamais. Ça, j'en étais convaincue.
Alors, je continuai de sourire comme si tout était ok.
Mais ce n'était pas le cas.

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Hey!
Ce chapitre est plutôt "flashback" qu'autre chose. C'est comme si l'histoire s'était mise sur pause l'espace d'un chapitre. Mais, ne vous inquiétez pas, vous en saurez plus sur la fin du chapitre 8 dans le prochain chapitre.

Merci de votre patience! Vous êtes géniaux! ^^

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