25- Un hiver à Cherbourg
Carla
Mes copines passent après notre cours de boxe, cela nous change du pavillon de mes parents, mais je tiens à reprendre la tradition des diners toutes ensembles, les unes chez les autres.
Je vais mieux, je pense que c'est grâce à Lise et à Martial, malgré mes galères.
Ils ont fini le désamiantage du sous-sol et ils en sont à l'étage de la boutique. Cependant je ne pourrai pas commencer avant encore plusieurs mois, alors que mes concurrents, la nouvelle boulangerie-brasserie est déjà ouverte.
Mes journées sont infernales dans mon stage de bricolage, certes j'apprends l'électricité et la plomberie ce qui me plait, cependant le responsable de la formation est un bon gros macho qui ne cesse de me rabaisser et de m'engueuler. Il a essayé de me peloter, je lui ai mis un uppercut dans le nez qui l'a calmé net. Je l'ai prévenu que la prochaine fois, je ne retenais pas mes coups.
Les nuits, je cogite et stresse avant de laisser mes pensées s'évader vers ma jolie voisine. Je la découvre sérieuse, solitaire. Son travail est prenant et sinon elle s'occupe de son fils qu'elle porte systématiquement dans les escaliers. De ce que me raconte le bout de chou, c'est surtout pénible avec les médecins. Martial ne mange pas assez, et on la soupçonne de maltraitance. Les docteurs veulent l'envoyer dans les Pyrénées dans un hôpital spécialisé. Le problème c'est que Lise ne pourra pas lui rendre visite là-bas, faute de moyens. Je regrette tellement de ne pas avoir d'argent de mon côté, pour leur payer tout ce dont ils ont besoin. Il en souffre et me regarde de ses grands yeux verts, comme si j'avais toutes les réponses.
Il vient me rejoindre dès que sa mère repart à son travail.
Je me suis demandé si je devais en parler à Lise, mais j'ai eu peur qu'elle le lui interdise, alors je le laisse venir en secret.
J'ai eu un coup au cœur quand un soir, il est arrivé avec mes voitures dans la main. Il ne sait pas qu'elles viennent de moi, étrangement, j'ai eu l'impression d'avoir mon fils spirituel devant moi.
Mes amies découvrent tous les aménagements que j'ai fait, cela fait déjà un mois que je suis installé dans mon appartement. J'ai repeins tous les murs, posé des rideaux et montés des meubles, je me suis bricolé une super cuisine avec un vrai ilot construit de mes mains.
Avec les copines nous cuisinons ensemble et commentons notre cours de boxe quand cela ne manque pas j'ai des petits coups à la porte. Je souris de toutes mes dents car je le guettais. Il a du supplier sa mère et elle a cédé.
Je me dépêche d'aller ouvrir toute fière.
─ Les filles j'ai un mec à vous présenter, et celui-là il est super.
Elles me regardent avec des yeux ronds avant de découvrir Martial qui rentre en pyjama bleu ciel, sa robe de chambre de grand père miniature et ses chaussons. Il a une voiture dans la main et un livre dans l'autre.
─ Coucou Carla tu fais quoi ? J'ai le droit de te tenir compagnie une heure ! explique mon petit bonhomme tape l'incruste qui fait craquer toutes mes copines en quelques secondes.
─ C'est mon fils spirituel !
Je suis toute fière et je l'invite à venir nous aider à cuisiner. J'en profite pour le faire manger un peu.
J'ai été admiré Lise en douce, pendant ces entrainements de kite et c'est vrai qu'elle est magnifique dans l'eau. J'ai pu l'apprécié bricoler sur le palier : Elle est patiente et a du gout.
Je voulais lui faire la gueule, ne jamais lui parler, mais j'ai commencé de craquer. Je reviens exprès plus tôt de mon footing le matin pour l'aider à descendre Martial.
L'après-midi, je m'arrange pour être en bas quand elle le ramène. Dès qu'elle est partie, il vient me voir, au début il venait avec son repas infâme. Lise c'est la reine des coquillettes à l'eau, des légumes surgelés insipides.
Je préfère lui préparer à manger des bonnes choses qui ont du goût. Il aime mes plats et mange bien. On a convenu que c'était notre petit secret à tous les deux : On ne dit pas à sa mère qu'elle est nulle en cuisine.
─ Tu es fâché avec maman ? demande mon bonhomme.
─ Pas fâché, fâché ... on est en période de réconciliation.
Il me regarde avec des yeux lumineux, je ne devrais pas m'attacher autant, parce que un jour, elle déménagera et je le perdrai lui aussi, mais je dirais qu'il est déjà trop tard.
─ Tu es sur que tu ne joues pas sur les mots ?
─ Je te signale que tu n'as que quatre ans, tu ne sais rien à la vie !
─ Si tu le dis.
─ Tu sais quoi Martial ? Tu as oublié d'être bête !
Il réfléchit, puis rigole comprenant le compliment.
─ Je t'ai fait rire, alors une bouchée de plus ?
─ Avec maman des fois... on se dispute parce que je ne veux pas manger ou parce que je veux lire et on pleure tous les deux.
─ Je suis désolée vous ne devriez jamais pleurer et tout le temps rigoler.
Il se blottit dans mes bras. Que dire de ces mois si durs ...où je suis sur la corde raide stressée par les travaux de ma boutique, j'ai tout perdu et pourtant grâce à la présence de Martial et Lise, malgré tout, je vais bien et j'espère.
─ Dessine-moi ta maman ! J'adore lui donner des défis, le faire travailler plus dur, alors que sa mère le freine. Son école veut l'envoyer dans un pensionnat pour surdoué quand il aura dix ans.
─ Maman n'est pas contente.
C'est une question qui ne dit pas son nom. Il se demande si c'est une bonne chose, puisque sa maman n'est pas contente.
─ Elle a peur de te perdre, elle t'aime ! C'est pour cela, mais elle se trompe, elle ne te perdra pas ! Tu rentreras les week-ends et les vacances, Tu lui expliqueras et elle comprendra. Bon et mon dessin ?
─ C'est trop dur ! rouspète Martial.
─ Mais à toi rien d'impossible !
Pendant ce temps je fais mes comptes ou mes plans.
J'ai demandé la permission à Lise et je l'emmène en promenade les soirs quand il ne fait pas trop mauvais.
Je lui montre ma boutique, les travaux avancent bien et j'ai tellement hâte de pouvoir commencer. J'ai contacté mes anciens fournisseurs pour les livraisons de farine, ils ont tous répondus présent.
Je redoute la tuile qui va encore me tomber sur la tête, mais une petite main presse la mienne et me réconforte : Mon bébé Martial.
Mes copines font connaissances avec le petit bonhomme adorable. Il a été adopté à l'unanimité.
─ C'est ton fils adoptif ?
─ Mon petit voisin préféré.
Mes copines et moi avons fêté noël chez Rosa. J'ai tenté maladroitement d'inviter Lise, ils vont passer noël seuls tous les deux, elle a refusé catégoriquement.
Je regrette tellement ma dureté du premier jour. Ma mère me l'a pourtant dit un nombre incalculable de fois : je suis trop teigne. En fait Lise a pris pour tous les autres ce soir-là et je l'ai vraiment blessée. Je voudrais m'excuser et lui expliquer tout ce qui m'est arrivée, toutes les galères qui expliquent ma mauvaise humeur, sauf qu'elle ne me laisse pas l'approcher. Dans son genre elle est têtue aussi et elle sait ce qu'elle veut. Pour l'instant, elle ne veut plus me parler et ne fait aucun effort pour cacher que je l'emmerde.
J'ai l'impression qu'elle ne se prostitue plus.
Mes copines ont toutes pris un cadeau de noël pour Martial, comment ne pas avoir envie de le gâter ce petit bonhomme si raisonnable. Je lui ai offert des livres et une tablette graphique, il en avait vraiment envie et Lise ne voulait pas. Je ne suis pas une mère et je n'y connais rien en enfant, mais celui-là je le comprends et je vois toujours quand elle fait fausse route.
Elle veut le freiner, soucieuse de s'être extraordinaire intelligence hors norme, comme si on pouvait la stopper. Elle lui a offert une tenue de kite surf ce qui ne l'intéresse pas du tout et un cerf-volant elle aurait aussi bien pu se faire les cadeaux à elle-même.
En réalité j'aurais voulu lui faire un cadeau à elle aussi, mais j'ai eu peur qu'elle me le jette à la tête.
Le jour du nouvel an, j'annule ma sortie prévue avec mes copines. Je n'en ai pas envie car Martial traine un mauvais rhume et je préfère rester près d'eux deux. Mon petit mec vient chez moi bavarder, tout content de me regarder cuisiner des bons plats de fête. Il est en pyjama tout faible, emmitouflé dans sa robe de chambre. Il dessine sur sa tablette comme s'il l'avait toujours eu et il invente des histoires. Il m'a dessiné ma boulangerie avec moi à la caisse et moi qui fait du pain. Ce petit con a réussi à m'arracher des larmes.
Il a appelé la boutique le magasin du bonheur. Dès que j'ai un peu d'argent pour mettre une enseigne, c'est le nom que je mettrais.
Très vite, il se réfugie dans mes bras. Je lui ai donné des plats pour sa mère, elle ne me les renvoi pas, mais elle reste dans son appartement seule, moi dans le mien et Martial fait la navette entre nous deux.
Lise frappe à ma porte début janvier. Ses yeux brillants m'informent tout de suite qu'il y a un problème.
─ Salut, je ne sais pas si tu travailles ou pas ? Martial est trop malade pour aller à l'école et je suis obligée d'aller bosser.
─ Je vais le garder, cela tombe bien, je devais rester à la maison ! je l'ai coupé la dispensant de me demander de l'aider. C'est faux, je suis censé retourner au centre de formation, mais je préfère m'occuper de mon bonhomme. Je note sans oser me réjouir, qu'elle a mis son orgueil de côté pour me demander de l'aide. Surtout elle a pensé à moi, sans doute sur les supplications de son fils.
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