- Allons-y voir au jardin. Peut-être qu'ils ne sont pas encore bien loin.
- Qu'est-ce que tu comptes faire, Juanita ? Demande Mona aux mêmes pas effrontés de son interlocutrice.
- Le nécessaire.
- Attends. Qu'est-ce que tu veux dire par ''le nécessaire'' ?
- Je n'en ai aucune idée Mona !
- Mais alors, où est-ce qu'on va ? Et que va-t-on faire ? Et si le monsieur Anjos décidait vraiment de faire un scandale ?
- Mon petit doigt me dit qu'il ne fera pas ça.
- Ton petit doigt !! Ton petit doigt connait donc le monsieur Anjos par cœur ?!
- Mona !!
- Mais quoi ? Il ne faut pas agir sans réfléchir Juanita.
- Je n'arrive même pas à penser correctement. Tu ne fais que me poser des questions comme si j'étais une enquêtrice experte ! Tu veux vraiment savoir ce qu'il se passe dans ma tête ? Bah écoute. C'est le brouillard. Je panique tout autant que toi et je n'ai aucune idée de ce que le monsieur Anjos pourrait faire. Mais toi tu peux. Tu devrais allez le surveiller, il ne doit plus sortir de sa chambre.
- Comment ? Il me fait peur ! Tu es apparemment la seule avec qui il s'entend bien désormais.
- Tss. Tu ne comprends pas Mona. Il veut juste connaitre la vérité sur sa sœur et c'est pour ça qu'il m'adresse la parole.
- Tu semble ignorer qu'il a faillit toutes nous étrangler aujourd'hui si jamais il faisait encore une heure sans te voir, toi. Et il ne voulait manger que ce que TU préparais.
- Et où veux tu en venir ?
- Je me dit que si le monsieur Anjos voulait vraiment faire un scandale, il ne serait pas aussi patient avec toi. Il sortirait de sa chambre depuis pour aller rencontrer la mairesse directement. Mais il te fais confiance pourquoi, toi ? Parce que ta tronche ne ressemble pas à celle d'un voyou ? Bien sur que non. Parce que quelque chose en toi le pousse à te faire confiance et l'aide à combattre son impatience. Il sait aussi que tu risque de perdre ton travail. Il pense à toi à longueur de journée pour ça, Juanita ! Il nous gronde quand ce n'est pas toi qui part livrer la nourriture !!
- Ecoute Mona, je n'ai vraiment pas le temps d'écouter ton discours à ce sujet. Je ne vois toujours pas où tu veux en venir et ce n'est pas le moment d'y réfléchir. Regarde ! Ils sont encore dans le jardin...finit-elle par murmurer en faisant retourner Mona vers la même direction que sa vision. à 12 heures.
Chose peu divertissante pour leurs yeux, Liza Amorim est en train de rire à gorge déployée semble-t-il, des blagues de Miguel, tout d'eux assoupis contre les portières les plus proches sur le coté droit de l'énorme Patrol noire de Miguel.
La malle arrière ouverte, les servantes peuvent observer tout un pack de Super Bock, l'incontournable bière portugaise du feu de Dieu.
Mais pourquoi de la bière ? Madame Liza n'avait-telle pas un appel d'urgence ?
- ça suffit comme ça, Miguel. Tu m'as assez détendue. J'ai bu ta bière, je ne suis plus du tout stressée, et je sais maintenant que tu es un chic type. Je ne douterai plus de toi. Merci beaucoup pour ce moment de détente.
- J'arrive pas à croire qu'il l'a saoulée, le salaud ! Grommèle Mona en froissant son visage de dégout.
- Mais non, elle n'est pas saoule ! J'ai juste peur maintenant qu'elle croit que c'est un chic type...
- Et on fait quoi si jamais il a aussi glissé un somnifère ou je ne sais quoi dans la bière qu'il lui a donnée ? Pourquoi il en a autant dans sa voiture ?
- Ce qui est sur c'est qu'il a du savoir que le thé empoisonné a été échangé. Je ne sais pas ce qu'il compte faire. Mais si tu observe bien, elle est encore sobre. Elle a dit qu'il l'a aidée à se détendre. Alors je crois qu'il essaye d'acheter sa sympathie.
Les servantes cachées derrière la porte d'entrée restent sceptiques. Encore plus difficile de réfléchir devant une telle scène apparemment.
- Je vous ouvre la portière, dit gentiment Miguel en actant ses propos.
Les servantes se mettent à paniquer en voyant Liza monter et prendre place sur le siège avant droite, puis Miguel qui referme derrière elle. Le voyant contourner la carrosserie fumée pour aller conduire, une seule idée fait apparition dans la tête de Juanita. Elle glisse son plan en moins de deux à l'oreille de Mona, et elle obtempère en secouant la tête.
Suite à quoi, Juanita laisse transparaitre de la tristesse sur son visage, entrainant Mona dans ce court instant d'adieux.
- Vas-y maintenant et trouve mon téléphone. Je crois l'avoir oublié à la cuisine, il n'est pas dans ma poche pourtant il y était. Si d'ici minuit je ne reviens pas avec madame Liza, tu montreras la vidéo à madame la mairesse, et au moins la police aura une preuve.
- ne fais pas ça, Juanita. C'est dangereux, marmonne Mona en pleurant presque.
- On a pas le choix. Maintenant VAS-Y !
C'est alors que Miguel redescend de la voiture pour aller fermer la malle arrière qu'il a oublié ouverte. Il ne faudrait surtout pas que les bières s'envolent durant le trajet.
Il élevait à peine les mains pour la faire descendre quand il fut presque surpris par une voix féminine. Il se retourna si tôt sa tête seulement. Après une vingtaine de secondes, un sourire en coin se forme sur ses lèvres. Il retourne tout son corps avec une séduction fine, rentrant ses mains en poches.
- Tiens tiens. Mona ? Que fais-tu là, à cette heure ? Tu n'as pas sommeil? Demande-t-il en croisant finalement les bras sans renoncer à son sourire.
- Un problème, Miguel ? Crie Liza depuis son siège devant.
- Non madame Liza, détendez-vous. Je reviens, prévient-il avant de s'écarter de la malle arrière afin d'aller retrouver Mona sur l'escalier de 5 marches qui les sépare de la porte d'entrée.
Mona inspire plus fort en n'arrivant pas à mesurer la distance de plus en plus moindre entre eux. Elle arrange ses cheveux lâchés en tentant de faire passer ses mains pour une brosse.
- Quoi encore ? Qu'est-ce que tu veux, Mona ? Allez, j'ai pas que ça à faire.
- Je...je...
- ***
- Je voulais vous parler.
- Moi ?
- Oui. En fait...je crois qu'on a problème.
- Comme quoi ?
- C'est...le monsieur Anjos Candéias.
Le sang de Miguel ne fait qu'un tour. Sa mâchoire se durcie jusqu'à le faire regretter d'avoir souri. Ses sourcils se froissent et son aura transmet une toute nouvelle humeur. Humeur que Mona redoutait.
- Qu'est-ce qu'il y a avec Anjos ? Demande-t-il avec monotonie.
- Il est sorti de sa chambre. Il insiste pour parler à la mairesse. Il veut qu'on lui dise où est madame Evolette. J'ai essayé de l'en empêcher. Et Juanita a disparu. Elle n'est pas à la cuisine. La dernière fois que je l'ai vu, elle y était. Je n'ai pas encore vérifié dans toute la maison mais ça m'inquiète. Peut-être qu'elle s'est évanouie quelque part.
- Hmm. Tu as fureté dans les escaliers ? Demande-t-il avec malice dans les yeux, comme une tentative de faire renaître son sourire. Il sait ce qu'il a fait à Juanita.
- Non. Mais le plus important c'est le monsieur Anjos d'abord. J'ai mis du temps à le convaincre de m'attendre. Il faut que vous lui parliez monsieur Miguel. Seul vous pouvez le calmer.
- Ok. Partons vite. J'ai pas que ça que ç faire, dresser un impatient, marmonne-t-il en emboitant le pas. Mona le suit de près, juste à sa gauche.
Un moment, alors qu'ils traversent le grand salon, la salle à manger, et l'interminable couloir qui divise les chambres du sous-sol, Mona s'arrête discrètement pour faire un signe manuel à Juanita. Celle-ci était restée derrière la porte, attendant que Miguel s'écarte pour pouvoir sortir à son tour. Une fois qu'elle aperçoit le pousse de Mona levé furtivement, elle comprend que c'est le bon moment. Ils ne sont plus là, et elle se joue d'une démarche lente, puis assez rapide sur l'escalier, ensuite se baisse en mode canard derrière les différentes voitures garées : Une des quatre caisses du maire est absente, sauf les trois la mairesse, y compris les 12 carrosses fumées des gardes du corps. La Patrol de Miguel est juste entre une Rush et une Elantra, déjà d'ailleurs en position de départ pour la sortie.
Grace à sa rapidité vigilante, Juanita ne se fait pas voir des gardes qui veillent sur le portail. Elle reste collée aux autres voitures jusqu'à ce qu'elle arrive près de la Rush. Elle avance désormais en empruntant la position d'un renard. Et pile , elle arrive enfin au niveau de la malle arrière.
Dieu merci, elle est déjà entrouverte comme Miguel l'a laissée. Juanita prend une grande inspiration et adresse une courte prière dans son cœur. Un frisson de détermination pénètre ses pores, et ses épaules prennent courage. Elle se glisse à l'intérieur doucement, veillant à ne faire aucun bruit. Elle ne veut pas alerter Liza, qui décidément, est en pleine conversation téléphonique. Elle laisse la malle entrouverte comme elle l'a trouvé. Elle sait qu'elle a intérêt à rester allongée, bien que le pack de bière ne favorise pas son confort. Par ailleurs l'espace de cette malle est assez grand pour contenir son petit corps peu élancé. Elle range ses longs cheveux qui tombaient encore hors de la voiture, et vérifie que rien d'elle ne s'entrevoie à l'extérieur.
Elle ne tient pas compte des bribes de conversation téléphonique de Liza. Son cœur bat tellement qu'elle n'a aucune autre idée pour le moment à part prier pour que ce plan fonctionne et que Mona ou Anjos ne gâchent rien. Elle ne compte pas seulement accompagner discrètement Liza pour veiller sur elle, elle compte aussi se faire une preuve de qualité, si jamais elle réussit à prendre Miguel en flagrant délit. Là, elle serre les points contre sa poitrine. ça fait un moment qu'elle a retiré son tablier.
De leur coté, Miguel et Mona étaient déjà au milieu du couloir qu'ils allaient contourner sur la gauche pour longer maintenant la partie des chambres de servantes.
- Attendez monsieur Miguel...
Celui-ci se stoppe mais ne se retourne pas entièrement.
- Quoi encore ?
- Heum...nous sommes assez loin maintenant. Je dois vous dire la vérité.
Le baroudeur lève un sourcil avant de complètement fixer la servante.
- Tu m'as dupé, c'est ça ?
- Dupé ? Mais non...
- ***
- Oui j'ai menti. Monsieur Anjos n'est pas sorti de sa chambre. C'était juste que...je...je voulais vous...vous parler.
- Me parler ? Tu as ressenti le besoin de me mentir pour me parler !
- Heum...vous étiez sur le point de sortir avec madame Liza, je me suis dit que vous m'enverrez balader si je vous disais juste que je voulais vous...vous parler. En plus c'est à propos de...de ce baiser.
- ***
Miguel semble attendre autre chose de plus important mais visiblement déçu, il pardonne cette perte de temps par un soupire et tourne les talons pour retourner à sa voiture. Mona l'arrête par son bras et sans la considérer, il lève la face vers le plafond tout en fermant les yeux, déjà lassé avec qu'elle ne finisse de parler.
- Attendez...me dites pas que vous avez déjà oublié !
- Comment tu t'appelles déjà ?
- Quoi ?!?
- C'est quoi ton nom ?
- Je m'appelle Mona. Vous connaissiez mon nom tout à l'heure lorsque vous m'avez embrassée.
- Et alors ? Tu n'as pas oublié ? Vous les femmes, toujours en train d'en demander plus, grommèle-t-il en pinçant son arrêt nasal.
- Mais...monsieur Miguel. Vous m'avez volé mon premier baiser et je...je...je ne fais qu'y penser.
- C'est le cadet de mes soucis en ce moment Mona. C'était une erreur. Je suis désolé. Plus jamais cela ne se reproduira. Tu peux me faire confiance là dessus. Ok ? De plus, tu es une servante. Et je suis un homme fiancée, tu as oublié ? Tu ne devrais pas être aussi gourmande. Un jour toi aussi tu trouveras l'homme de tes rêves. Calme tes ardeurs. J'ai affaire. On se parle plus tard, d'accords ? Allez, va dormir.
- ***
- Tu m'as entendu ?
- Mais...mais...
- Tss.
- Bon d'accords j'irai dormir. Mais...je n'ai toujours pas trouvé Juanita.
- Je la trouverai à mon retour. Je crois savoir où elle se cache. Ne t'inquiète pas, ce n'est pas une petite fille non plus. Va te reposer. N'oublie que toi et Juanita êtes chargée de veiller sur Liza à son retour jusqu'au matin. Monsieur le maire ne veut aucune erreur. Pigé ?
- Oui, monsieur Miguel.
- Allez. Gentille fille. Va dormir maintenant, dit-il en caressant sa tête, tel le poil d'un caniche. L'indoue secoue la tête et fait semblant d'obtempérer. Au fond, elle est si dégoutée de la façon avec laquelle ce Miguel la traite.
Hors mis le plan avec Juanita, elle languit de tristesse une fois que les pas de Miguel ne s'entendent plus nulle part. Elle prend une grande inspiration et fait un effort colossal pour retenir ses larmes. Elle se retourne en un quart et son cœur lui dit de vérifier qu'Anjos est bel et bien retourné se coucher. Elle se souvient que le plan n'est pas terminé, et qu'il faut qu'elle retrouve le téléphone de Juanita. Alors, direction la cuisine. La vidéo que ce téléphone conserve est leur seule preuve palpable pour dénoncer non seulement la tentative de meurtre de Miguel, mais aussi prouver qu'il est le tueur en série qui ralentit la sauvegarde de sa propre fiancée.
************************
Contenant au mieux sa colère, Miguel ressort du Manoir avec une certaine fierté. Cette fierté s'évanouie lorsqu'il se rappelle qu'il a juste laissée la malle arrière entrouverte. Il ralentit en s'avançant vers sa portière et fait demi-tour. Arrivé à la malle, il ne cherche pas grand chose pour mieux la fermer, ce qui a engendré un bruit coriace mais bien précis. Cette même sensation qui fit bondir le cœur de Juanita, juste à l'intérieur. Elle remercie le ciel d'être encore en vie.
Miguel prend enfin place du coté conducteur et ferme sa portière.
- Tu en as mis du temps, Miguel. Il est déjà 23 heures 37. Madame la mairesse s'inquiètera si on ne rentre pas avant minuit, ne l'oublie pas.
- Je n'oublie pas, madame Liza. Vous êtes prête ?
- Oui. On peut y aller.
- Bien.
Juanita, juste là mais inaperçue, se racle la gorge quant au démarrage du véhicule. La chaire de poule lui monte au corps en même temps que le moteur gronde. Un départ décisif. Un sacrifice prêt à se faire. Une bagarre prête à être lancée.
La caisse contourne la fontaine et patiente l'ouverture du portail par les gardes. Ensuite, elle s'en va, chaque secondes un peu plus loin du manoir. Emportant en son sein, Miguel, Liza et Juanita.
Mais où serait réellement passé le monsieur Anjos ?
**************************************
Dans la chambre de la mairesse, le stresse embaume l'air et les poumons de Leonor pompent à la symphonie de l'incertitude.
Elle fait des cent pas partout tout en se mordant les dents et en se tordant les doigts.
- Pourquoi ai-je un mauvais pressentiment? Hein ? Est-ce que quelqu'un peut m'expliquer pourquoi tout fonctionne toujours à l'étroit dans cette maison ?! Se met-telle à hurler au vide, avec seul le silence des murs pour répondre.
Un haut-le-corps amène son attention à la porte qui s'est ouverte puis refermée par nul autre que son mari Norberto.
- La porte était verrouillée.
- Non apparemment.
- Tu m'as fait peur ! D'où reviens-tu ?
- Je suis allé prendre un peu d'air, je te l'avais dit.
- Tss. J'ai reçu un appel. Il y a une inconnue qui a appelé, disant que si on veut sauver Evolette, qu'on...
- Il faut d'abord que je te parle d'une chose très importante, Leonor. C'est plus urgent, là actuellement.
- Ok mais il faut aussi que tu saches que Liza est partie à l'Orphelinat.
- Quoi ??! A cette heure, tu l'as laissée sortir ? !
- Elle est avec Miguel. Elle a aussi reçu un appel d'urgence où elle devait signer quelques papiers pour une adoption . Elle tenait absolument à le faire avant de...mourir.
- Ah ! Oui, ne t'en fait surtout pas. J'ai remué ciel et terre pour que Pelèn Herederas se fasse adopter aujourd'hui, quelque soit l'heure. C'était son dernier vœux le plus cher. J'espère qu'elle appréciera ma surprise. Et Pelèn aussi, même s'il ne me connait pas.
- Alors c'est toi qui a fait ça ?!? Se surprend Leonor, le visage s'adoucissant lentement.
- Oui.
Il marque un pause et un soupir avant de continuer :
- Tu aurais fait la même chose si tu connaissais l'histoire de ce petit. Il va enfin se faire adopter, à ses 17 ans. Anabela Parvez et Bernito Ponsé seront de bons parents pour lui. Son histoire m'a profondément affecté, si tu savais Leonor.
- Bernito Ponsé ne serait pas le frère disparu de Miguel par hasard ?
- Non, c'est un autre. Il y a plein de Bernito Ponsé à Lisbonne.
- En tous cas, je suis surtout surprise que l'histoire d'un enfant inconnu puisse te toucher.
- Par lui j'ai ouvert les yeux, et je me suis rendu compte de ma cruauté.
- ***
- Il m'a rappelé à quel point j'ai fait du mal autour de moi, que ce soit à ma propre maisonnée, à mes amis, et à moi même. Il m'a rappelé à quel point j'ai fait du mal à mon propre fils.
- Ton propre quoi ??
Soupire. Norberto s'avance pour s'asseoir sur le lit. Tandis que sa femme le regarde faire, toute ouïe et perplexe à la fois, il tend sa main et l'invite à la prendre, qu'ils s'assaillent ensemble.
- S'il-te-plait. Prend place à coté de moi. Ce que je vais dire risque de te secouer.
- Qu'est-ce que tu fais, Norberto ? N'oublie pas que je suis en colère contre toi et que nous allons bientôt divorcer. Je n'ai plus rien à faire avec toi, que tu sois devenu gentil ou pas. Si tu as à dire, fais-le. Mais ne me tend pas ta main. Et puis, mes jambes son assez solides; n'oublie pas qu'elles n'ont supporté que des mauvaises nouvelles depuis notre mariage. Alors parle. N'hésite surtout pas, Norberto Suarez Dias.
Le Maire ravale sa colère. Là, dans son cœur, il n'y a plus de temps pour la rancœur. Il se racle la gorge et baisse sa main, l'appuyant sur sa tempe pour qu'une partie de sa tête y repose.
- Tu veux vraiment divorcer, Leonor ?
- Va droit au but. Qu'est-ce que tu veux me dire d'urgent ?
Soupire.
- Bien, plaque-t-il en fermant les yeux un moment, se relevant pour faire mieux face à son épouse. Ce que je voulais te dire c'est que...
Le cœur de Leonor bat plus fort malgré tout.
- Je suis le véritable père d'Anjos Candéias, avoue-t-il en grommelant, yeux vides de sentiments mais rougis sèchement, et la face toute bilieuse, toute pâle, toute amère.
Un gong sonne aussitôt dans les tympans de la mairesse, suite à ébranler ses organes vitaux, et chambouler l'ordre de sa respiration. Il ne tarde plus qu'une minute de silence pour émotionner ses yeux subitement étirés à la moyenne.
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Dans la voiture, Liza Amorim vient de raconter toute l'histoire sur Pelèn Herederas à Miguel, une anecdote rêche, disgracieuse et mélancolique pour un jeune garçon rejeté par ses propres parents. Miguel n'a pas prononcé un seul mot durant tout le trajet. Peut-être parce que l'histoire de ce Pelèn, est de peu similaire à la sienne. Il n'y a qu'à voir la façon dont il empoigne le volant, et comment est hérissé son visage.
Quant à Juanita, elle écoutait tout ce temps, patiemment, gardant un sentiment noble pour la courageuse histoire de ce garçon, tout en ne perdant pas l'objectif principal de son esprit, protéger Liza en cas de...
Déjà fatiguée de cette position horizontale, elle doit encore se retenir d'éternuer car apparemment, ils sont arrivés sur une terre non goudronnée, d'où la poussière qui traverse les moindres entrouvertures de la malle arrière. Elle fait tout ce qu'elle peut pour ne pas éternuer, y compris bouger son nez. Mais son allergie risque bientôt de prendre le dessus.
- J'ai toujours considéré Pelèn comme mon propre fils. Je suis si heureuse pour lui. le seigneur a entendu mes supplications. Il a fallu que je décide de mourir pour que j'assiste à son adoption, c'est incroyable ! Béni soit la personne qui a trouvé des parents exemplaires pour lui.
- Si tout ce temps vous le considériez comme votre propre fils, alors ne l'avez-vous jamais adopté vous-même ? Interroge Miguel, le visage toujours renfrogné comme s'il cherchait qui blâmer, qui en vouloir pour ça.
- Heum...eh bien...tout le monde sait que la loi ne peut accepter l'adoption d'un enfant, à un homme ou une femme célibataire. Il y a plusieurs critères qui rentrent en jeu durant l'adoption. Ce n'est vraiment pas facile. C'est aussi complexe qu'un processus de divorce, Miguel.
- Et donc pourquoi est-ce que vous ne vous êtes pas mariée ?
- Heum...je...je ne pouvais pas me marier précipitamment juste pour l'adopter ! Il faudrait au moins avoir des sentiments pour un homme, voyons !
- Et donc, vous n'avez jamais aimé quelqu'un ? Questionne-t-il en dirigeant sa face vers son allocutaire. Cette dernière fait de même, la gorge cambrée, avant de ramener son attention sur ses cuisses puis la route. Elle est visiblement embarrassée par cette interrogation. Son siège lui parait maintenant trop grand et sa ceinture de sécurité lui est devenue inconfortable. Sa langue lui pèse telle une enclume, et son coeur bat encore comme à sa jeunesse
Elle ne peut parler du seul amour de sa vie, qu'elle n'a jamais pu avoir à elle toute seule : Norberto Suarez Dias, son amour du lycée, il y a de terribles années de cela.
- Je...eh bien je...
- Ne vous sentez pas obligée de répondre. Je comprend.
Cette phrase a eu le pouvoir de décompresser l'atmosphère. Sauf pour Juanita à qui le visage devient de plus en plus rouge. Rude de retenir un éternuement. Elle s'étouffe de plus en plus. Mais elle est convaincue que si elle fait le moindre bruit, tout sera gâché. D'un autre coté, la confusion égare une parcelle de son esprit quant à l'attitude normale de Miguel depuis le trajet. Il n'a pas l'air de vouloir faire du mal à Liza. Il lui parle gentiment et ne prétend rien de suspect. Il se montre même poli. Elle se demande si elle se serait trompée par hasard.
Mais non. Le souvenir de lui en train de l'étrangler sur les escaliers, et lui déballant ses intentions concernant Anjos et Liza, la ramènent au réalisme. Mais pour combien de temps encore, avant qu'elle ne s'évanouisse de toute cette poussière ?
- Nous sommes arrivés, annonce Miguel en éteignant le moteur. Le silence autour de la voiture fait bien ressentir la nuit tardive, à un environnement déserte. un bruit de hibou fait d'ailleurs sursauter Juanita.
Deux portières se claquent à tour de rôle, faisant vibrer à chaque fois la peau de la servante cachée.
- Merci beaucoup Miguel de m'avoir accompagnée jusqu'ici.
- Mais de rien. Allez donc signer ces papiers, je vous attendrai ici dans la voiture.
- Tu ne m'accompagneras donc pas dans les paperasses ? Tu n'as pas peur que je me fasse tirer dessus depuis une fenêtre ? Demande-t-elle avec un sourire en coin pour le narguer.
Celui-ci répond à sa blague par un sourire similaire, mais avec plus de pépites dans les yeux. Il se moque visiblement de ce qu'elle raconte.
- Bien sur que ce n'est pas la peine. Je suis là. Personne d'autres ne vous fera du mal.
Paroles censées être rassurantes, il n'y a que Juanita qui les prend au sérieux, pendant qu'elle est sur le point de craquer dans la malle.
- Bien alors, je reviens.
Liza s'en va, toute jolie, toute fleurie.
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