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Shortline - RY X

— On fait quoi maintenant ?

Je ne sais par quel miracle les mots étaient parvenus à se frayer un chemin à travers ma bouche déshydratée.

Deux paires d'yeux convergèrent vers moi. David s'interrompit et Cameron reposa sa tasse. D'un mouvement souple, ce dernier se pencha pour ramasser le sac en cuir qu'il avait posé à ses pieds. Il le balança sur la table et fit glisser la fermeture éclair. À l'intérieur, un vrai magot. Des liasses de billets dans différentes devises s'entassaient par dizaines.

— C'est ça le plan.

— Blanchir de l'argent ? grimaçai-je.

— Ne sois pas sotte. Vous partez, aujourd'hui.

— Quoi ?! Mais pour aller où ?

Cameron souffla d'impatience.

— Peu importe. Un jet vous attend à l'aéroport de Raleigh. Il vous conduira où vous voulez.

Je fronçai les sourcils et croisai mes bras sur ma poitrine.

— Vous ? Qu'est-ce que ça veut dire ?

— Eh bien, toi et David.

La colère gonfla dans mes veines, y remplaçant progressivement la peur.

— Merci, je sais ce qu'est un pronom ! Et toi dans l'histoire ?

Cameron se tendit. Je voyais les muscles de ses avant-bras saillir.

— Je reste, et je m'occupe d'Elias.

Je me penchai vers lui, furieuse.

— Tu veux dire que c'est ça ton plan ?! Nous envoyer en cavale, et l'affronter seul ?

— Tu en as un meilleur, peut être ? Je serais ravi d'entendre tes suggestions.

Je fulminai. De la part du diable, j'attendais mieux. Je ne sais pas exactement quoi, mais quelque chose de plus redoutable c'est sûr.

— Je pourrais t'aider, avançai-je déterminée.

— Non !

Je me tournai lentement. J'avais l'impression d'avoir reçu une gifle. David m'observait encore plus furieux que moi. Un raz-de-marée déferlait sur ses pupilles.

— Pas question.

J'inspirai profondément, prête à en découdre.

— Il a raison, me devança Cameron. Tu ne me servirais à rien, Eléonore.

Je tressaillis. Cette fois j'étais K.O. Ses mots me blessaient plus encore que tout ce que j'avais entendu jusque-là. Mes lèvres, toujours promptes à me trahir celles-là, se mirent à trembloter.

— Ça serait trop dangereux pour toi, ajouta Cameron avec plus de douceur.

— Et pas pour toi peut-être ?

J'attrapai une serviette et commençai à essuyer mes joues étrangement moites tout à coup. Il me fallut plusieurs secondes pour comprendre qu'il s'agissait de larmes. Mon cerveau n'était pas si rapide que ça après tout.

À présent, ma colère s'était retournée contre moi-même. Quelle idiote je faisais ! Pourquoi pleurais-je encore ? C'était peut-être la perspective de perdre mon « beau-père » qui me mettait dans cet état ridicule. C'est vrai, pourquoi la seule idée de ne plus le revoir me tétanisait ? On n'était rien l'un pour l'autre, pourtant je ne pouvais m'empêcher de craindre pour lui. J'avais beau essayer de prétendre le contraire, au fond, j'étais consciente que Cameron comptait à mes yeux. Plus que je ne voulais bien l'admettre.

Sa main avança sur la table puis s'arrêta brusquement, comme s'il avait eu l'intention de la glisser dans la mienne.

J'inspirai brusquement, surprise, et à côté, je vis David se raidir.

— Je vais m'en sortir, reprit Cameron comme si de rien n'était. J'ai le cuir tanné par les années, tu sais.

J'enchainai pour éviter de penser à ce qui avait failli se produire. Et à ce que David pouvait bien penser.

— Comment comptes-tu t'y prendre ?

Ramassant discrètement ses mains, Cameron soupira.

— Il faut déjà que je retrouve sa trace. Ça fait des semaines que je ne l'ai pas vu à New York.

Mon cœur bondit tel un ressort. Je me redressai, affolée.

— Tu ne sais pas où il est ?!

Cameron secoua la tête en signe de dénégation.

— Il pourrait-être n'importe où ! m'étouffai-je. Tu ne crois pas qu'on serait plus en sécurité à New York avec toi ?

— Avec Elias qui risque de réapparaitre d'un moment à l'autre, et ces réintégrés qui rodent dans le Palace ? Non je ne crois pas...

Les réintégrés.

Mon palpitant repartit au quart de tour. Un frisson glacé remonta le long de ma colonne vertébrale.

La dernière fois que j'avais entendu ce mot, synonyme d'horreur, c'était au siècle dernier de la bouche d'une Mort sévèrement alcoolisée. Je ne l'avais pas prise au sérieux. Pour moi, il s'agissait d'une légende urbaine. Mais l'univers avait la fâcheuse tendance à faire devenir réalité mes pires cauchemars.

— C'est quoi ces trucs encore ?

David se massait la tempe d'un air blasé.

— Des personnes décédées qui ont été ramenées à la vie, soufflai-je.

— Ça s'appelle des zombis.

En face, je surpris Cameron retenir un rire. Je décidai de l'ignorer.

— Non, rien à voir. Ils ne sont pas vraiment morts. Enfin si, m'embrouillai-je. Mais ce ne sont pas des cadavres. Leur âme a été ramenée dans notre monde, mais dans le corps d'une autre personne.

Le visage de David se tordit en une grimace.

— Qui pourrait faire une chose pareille ?

Pour ne rien arranger, Cameron agita la main avec impertinence.

— Ça nous arrive de le faire, Elias et moi, pour récompenser les âmes les plus dévouées de nos mondes. Mais on les garde sous étroite surveillance.

— Ils sont dangereux ?

Cameron hésita un instant.

— Ils n'ont pas de pouvoirs, mais ils sont très intelligents. Pas très stables, la plupart du temps, concéda-t-il. Sauf Luis, je dois dire, dit-il en penchant la tête vers le patron, affairé derrière le comptoir.

Je lançai un regard craintif dans sa direction. Il n'avait rien de particulier, et surtout pas de post-it collé sur le front indiquant « réintégré psychopathe ». Si Cameron ne l'avait pas mentionné, jamais je n'aurais pu le deviner.

— Il sont très fidèles à leur camp. Ce sont nos yeux et nos oreilles sur le terrain.

À son tour, David détailla Luis de la tête aux pieds, puis se tourna vers Cameron.

— Des sortes d'espions surnaturels ?

— Si on veut.

À nouveau, des images de ma journée à New York défilèrent dans ma tête. Je me rappelai le couple du hall et la sensation que j'avais eu en les voyant. Je m'étais cru à une autre époque. Ils étaient si élégants, si distingués, presque anachroniques. Étaient-ils de vieilles âmes ? Des réintégrés ? Et le chauffeur de Clarke alors ? Lui, c'était sûr. Il en savait trop pour n'être qu'un employé ordinaire.

Je sentis le bacon tourner dans mon estomac. Proche de la nausée, je me mordis la lèvre.

Mon dieu ! Ces réintégrés étaient partout. Même dans ce trou miteux, c'est dire ! Cameron avait raison, on ne pouvait pas se rendre à New York. À la minute où ils nous verraient, Elias rappliquerait. Et on serait cuits.

— Et comment vous prenez les corps des... hôtes ?

Faisant mine de n'avoir pas entendu, Cameron sortit un portable de la poche avant du sac.

— Dorénavant, vous ne vous servirez que de ce téléphone, dit-il en agitant le smartphone dans sa main. Débarrassez-vous des vôtres. Vous aurez mon numéro enregistré en cas de besoin.

Il fouilla l'intérieur du sac, puis nous tendit chacun un passeport. Patience et bienséance n'étant pas mon fort, j'ouvris le mien avant qu'il n'achève de donner ses consignes.

Une étrange sensation de malaise se propagea en moi quand je découvris la fille aux yeux de hiboux sur la photo. Il s'agissait bien de moi et la photo semblait récente. Mais ce qui me perturbait justement, c'est que je ne me souvenais pas d'être passé à un photomaton depuis plusieurs années.

— C'est un sortilège d'illusion, expliqua Cameron devant mon regard interrogateur. Ce n'est pas vraiment vous en photo, mais quiconque regardera ce passeport aura l'impression que c'est le cas.

— Ingénieux, accordai-je.

Je replongeai mon nez dans le passeport avec plus d'attention. Et là, mes yeux s'agrandirent d'horreur. Je toisai Cameron avec un regard meurtrier.

— Nelly Angel ?! Tu te fiches de moi ?

Il souriait en plus de ça.

— Je trouvais ça amusant. Tu es un peu un « Angel » de la mort.

Je serrai les dents. Clairement, il avait envie que je lui en colle une.

— On va surtout un peu me prendre pour une prostituée avec un nom pareil, m'indignai-je, ce qui arracha un sourire à David.

Comme je ne l'entendais pas se plaindre, (il n'était pas de ce genre-là de toute façon) je me penchai pour voir son passeport.

— Aiden Smith ? Pourquoi suis-je la seule à avoir un nom ridicule ? me récriai-je. Et combien de temps je vais devoir me le coltiner d'ailleurs ?

Cameron pinça ses lèvres fines. Ça ne me disait rien qui vaille.

— Pas longtemps, je l'espère. Mais ça peut durer, plus que prévu.

Plus que prévu ?! Si ça c'était une réponse...

Je ne tomberais pas dans le panneau.

— Combien ? insistai-je.

— Ça peut se compter en semaines, en mois ou en...

— En années ?! m'écriai-je.

D'un geste ferme de la main, Cameron m'arrêta.

— Je n'en sais rien Eléonore. Le plus important c'est que tu sois...

Il s'interrompit soudain et son visage se contracta.

— Que vous soyez en sécurité, acheva-t-il rapidement en détournant le regard.

Je me tendis sur ma chaise, le souffle court et les joues en feu.

Sa langue n'avait fait que fourcher, mais je ne voulais pas que David en tire de conclusions.

À mon tour, je regardai ailleurs, sentant un odieux mélange de culpabilité et de honte m'assaillir. Et lorsque David releva la tête de ses faux papiers, je me figeai pour de bon. Le bleu de ses yeux avait viré au gris sombre de l'orage. Comme d'ordinaire quand cela se produisait, je m'attendais à ce qu'il dise quelque chose, se mette en colère ou exige des explications. Mais rien ne vint. Il demeura parfaitement silencieux, bien que son regard rendît l'atmosphère pesante.

— Tu crois sérieusement que ça va suffire à disparaître ? repris-je d'une voix perchée en désignant mon passeport.

— Malheureusement non, avoua Cameron, sans détour.

En dépit de sa réponse peu rassurante, j'étais trop pressée de relancer la conversation pour ressentir une quelconque inquiétude au sujet de Clarke.

David avait repris l'inspection de ses papiers, l'air soudainement indifférent.

— Il va falloir que tu arrêtes de porter ton cristal.

Instinctivement, j'amenai ma main à mon cou.

— Les cristaux forment un réseau. Elias pourrait s'en servir pour te localiser.

De la même manière que Cameron l'avait fait pour me retrouver à l'aéroport. À présent, je comprenais mieux la facilité avec laquelle on me rattrapait. Ils pouvaient me suivre à la trace. C'était effrayant.

Le cœur serré, j'échangeai un regard entendu avec Cameron. Il était hors de question que David et moi jouions le rôle de gibier avec GPS intégré. Je n'avais donc pas d'autre choix. Il fallait que j'abandonne mon immortalité pour une période indéterminée. Pour moi, cette séparation avec le cristal constituait un véritable déchirement. Au fil des ans, un lien singulier s'était tissé entre nous. Il était en quelque sorte devenu un ami. Le seul qui ait jamais vraiment partagé tous mes secrets. Le seul qui m'ait apporté une réelle protection. Mais je n'osais imaginer ce que je ressentirais si par ma faute, David devait en payer les conséquences. Je ne m'en remettrais jamais, c'était une certitude.

Chassant cette pensée qui me plombait l'estomac, je passai mes mains derrière ma nuque pour défaire la chaine. Je fourrai ensuite le cristal dans ma poche comme si de rien n'était. Comme si, sans lui, je ne ressentais pas cette sensation inhabituelle de vulnérabilité.

— Je ne risque rien s'il est dans ma poche, pas vrai ?

— Non. Il n'est actif que s'il est porté.

J'acquiesçai, soulagée. Au moins, je pouvais le conserver et me raccrocher à l'idée illusoire que je n'étais pas totalement démunie.

Cameron me tendit le smartphone qui devait nous servir à communiquer.

— Ne le perds pas.

— Parole de scout, promis-je en le fourrant dans l'autre poche de mon jean.

Ma vessie, que j'ignorais depuis trop longtemps, me rappela alors de façon impérieuse la quantité de café excessive qu'elle devait évacuer, m'obligeant à m'absenter pour rejoindre les toilettes.

Ironiquement, c'était l'endroit le plus propre du restaurant. Le carrelage en damier brillait comme un diamant au soleil, et une agréable odeur de pin flottait dans l'air.

Plissant les yeux, je me penchai au-dessus des vasques en granit pour observer mon reflet. Des restes de mascara avaient bavé, mais on le remarquait à peine car j'avais déjà perdu une bonne partie de mon maquillage la nuit dernière.

J'attrapai quand même un essuie-main de la machine, l'imbibai d'eau et le passai sous mes yeux rougis. Après plusieurs minutes d'effort, j'étais de nouveau présentable. J'ébouriffai mes cheveux et les ramenai sur mes épaules.

Fin prête, j'allais retrouver mes acolytes quand ma poche se mit à vibrer sans discontinuer. Intriguée, j'en tirai mon portable.

Cassie m'avait envoyée une série de photos d'elle, Charlie et Ethan attablés autour d'un brunch gargantuesque.

Regarde un peu ce que tu rates !

Quelques images plus bas, Charlie et Ethan embrassaient chacune des joues de Cassie.

J'entamais une réponse facétieuse quand ma main vibra de nouveau. Une vidéo cette fois. J'appuyai sur play, ayant pris soin au préalable de régler le volume au minimum. C'est vrai, on ne pouvait leur enlever ce côté braillard !

— On te garde une part ! promit Cassie à travers l'écran. Enfin si Charlie ne dévore pas tout, précisa-t-elle, riant aux éclats.

— Ça t'apprendra à louper un festin, soupira l'intéressé en jetant un regard contrit à la caméra.

Cassie acquiesça avec vigueur.

— Un commentaire ? demanda-t-elle en se tournant vers le flegmatique Ethan.

— Oui, confirma-t-il en avançant la tête vers l'écran. Sauve-moi de ces deux là ! Pitié !

— La ferme, répondirent à l'unisson Charlie et Cassie.

Cette dernière éloigna de nouveau la caméra pour que je puisse les voir tous les trois, alignés sur la banquette du restaurant.

— Dites au revoir les garçons !

La vidéo s'achevait sur cette image. Charlie agitait la main, Ethan faisait un clin d'œil et Cassie avait renversé la tête, laissant échapper un de ses rires contagieux.

Amusée, je restai à fixer l'écran qui s'était figé. Plusieurs secondes passèrent, quand mon regard buta sur un détail qui envoya mon sourire dans les limbes. Une étrange silhouette se détachait à l'arrière-plan. Fronçant les sourcils, j'approchai mes yeux de l'écran. Le malaise grandit alors en moi.

Depuis la table juste derrière, quelqu'un semblait observer mes amis. Incrédule, je repassai plusieurs fois la vidéo, étudiai chaque photo, mais je ne distinguai rien d'autre qu'une capuche sombre rabattue sur la tête de l'inconnu. Même en zoomant, je ne parvins pas à en voir davantage. Impossible d'apercevoir son visage. Pourtant, j'avais la nette impression qu'il surveillait chacun de leurs faits et gestes.

Redoutant le pire, je me mis à pianoter comme une folle sur le clavier.

Retourne-toi discrètement, et décris-moi la personne assise derrière vous.

La nanoseconde seconde suivante, Cassie m'avait répondu.

Quoi, ça va plus avec P. ? Désolée de te décevoir, mais il n'y a personne. Si c'était le prince charmant, il a filé...

Personne ? Comment était-ce possible ? Je me mordis la lèvre en écrivant tandis que le doute infiltrait lentement mon esprit.

Oh, je croyais le connaître c'est tout. Amusez-vous bien. Vous me donnez faim avec tout ça !

À vrai dire, je me sentais dangereusement proche de la nausée.

Poussant un profond soupir, je rangeai le téléphone et passai mon visage sous l'eau fraiche pour m'éclaircir les idées. Si je tachais d'être rationnelle, je n'avais strictement rien vu de préoccupant. Juste une personne portant un sweat, qui observaient des adolescents bruyants pendant qu'ils se donnaient en spectacle. Rien d'inquiétant là-dedans. Et pourtant, aurait-il pu s'agir d'une Mort à la solde de Clarke ? Ou d'un réintégré ? Cassie et les autres étaient-ils en danger ?

Je refusais d'y croire. Ça n'avait pas de sens. Ils ne savaient rien à mon sujet. Pour autant, je ne pouvais fuir et me désintéresser leur sort, car si jamais je me trompais...

Terrifiée à cette simple idée, j'attrapai le smartphone que m'avait confié Cameron et composai le numéro de Cassie.

C'est Eléonore. Nouveau numéro. Ne le donne pas aux autres, et n'en parle à personne. Je t'expliquerai plus tard.

Évidemment, je ne comptais rien avouer de compromettant. Il fallait juste que je puisse garder un œil sur elle, au cas où. Je ne savais pas bien quel secours je pourrais leur apporter depuis ma planque secrète, mais chaque chose en son temps.

Et puis, sans même mentionner cette histoire délirante, j'étais plus ou moins coincée. Si je disparaissais sans prévenir et sans donner de signe de vie, Cassie lancerait inévitablement un mandat Interpol pour me retrouver. Mon visage serait placardé sur chaque panneau d'affichage du pays, et mon nom scandé lors de grandes manifestations qu'elle organiserait. À cette sombre perspective, je fus persuadée d'avoir pris une sage décision, même si je devinais que Cameron serait peu sensible à ces arguments. C'est pourquoi je décidai de ne rien lui dire.

Compte sur moi, 007.

J'effaçai le message de Cassie et regagnai la salle, une mine enjouée masquant mes remords. J'avançais d'un pas décidé vers notre table, quand je notai l'hostilité froide qui imprégnait les traits de David. Sa colère semblait sur le point d'exploser même s'il paraissait tenter de la contenir. J'accélérai, le cœur battant, mais il fut plus rapide. Il bondit de sa chaise, ne me laissant pas le temps de rejoindre la conversation, et m'attrapa par le poignet.

— On y va, décréta-t-il d'une voix sombre en récupérant le sac sur la table.

Malgré moi, je réalisai un demi-tour vertigineux vers la sortie.

— Qu'est-ce que...

Par-dessus mon épaule, je cherchai Cameron d'un regard hagard. Ses yeux noisette me suivaient, mais pas ses jambes. Tel un spectateur impuissant, il ne bougea pas d'un pouce, laissant David m'emmener avec lui.

— Tu me fais mal, protestai-je. Lâche-moi à la fin !

Il ne voulut rien entendre, et aucune des personnes présentes sur notre passage ne s'interposa. Ni les routiers dégoulinants de graisse, pas plus que Luis et encore moins Wendy. C'est par la force, et dans l'indifférence générale, que je franchis les portes de ce dinner miteux, qu'ironiquement je ne voulais plus quitter.

David me faxa sur le siège passager et démarra au quart de tour, faisant crisser les pneus de la Lexus. Un tourbillon de poussière explosa dans l'air. Hébétée, je tournai les yeux vers le rétroviseur et contemplai Goldsboro qui disparaissait derrière ce nuage opaque.

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