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Can we kiss forever ? - Kina, Adriana Proenza

Durant le trajet, le processus de digestion, accentué par la chaleur qui régnait dans l'habitacle, m'avait empêché de réfléchir à la suite. Mais maintenant, alors que je me tenais dans son entrée, sa veste à la main, je fus gênée de regarder David dans les yeux. Je dansai d'un pied sur l'autre.

— Tu veux boire quelque chose ? me demanda-t-il, détendu, en récupérant sa veste pour l'accrocher au porte manteau.

— Non merci.

— Tu veux... regarder un film ?

Je secouai la tête comme une crétine, puis fine mine de bailler pour rattraper ma crétinerie.

— Je t'ennuie ?

— Désolée ! Je suis juste fatiguée...

David fronça les sourcils.

— On ferait mieux de se reposer dans ce cas ! Tu viens ?

Il avait commencé à monter l'escalier. Je lui adressai un sourire timide et lui emboitai le pas, les jambes aussi ramollies que de la guimauve. Pour parer leur probable défaillance, j'agrippai la rampe. Depuis quelques temps, elles n'étaient plus fiables et m'abandonnaient au moment le moins opportun.  Je soufflai, les yeux rivés sur le dos de David, essayant de rester calme. Avouons-le, c'était comme implorer un ciel d'orage de ravaler ses éclairs – vain, inutile.

À mesure que je gravissais les marches, je sentais mon cœur s'accélérer de manière affolante. Bien sûr, dans la voiture j'avais eu une petite idée de la tournure qu'allait prendre la soirée en venant ici. Et j'en avais envie. Je désirais David. Malgré tout, une nervosité viscérale m'habitait.

— Nous y sommes, murmura David d'une voix étonnamment rauque, interrompant le fil de mes pensées.

Une chambre. Sa chambre. Son ordinateur trainait sur le lit et une de ses chemises pendait négligemment sur la méridienne au fond de la pièce. Et puis... elle portait son odeur, boisée, enivrante... J'inspirai lentement, à plein poumons, en fermant les yeux. C'était comme une drogue. MA drogue. Je n'en étais jamais rassasiée.

À contre cœur, je rouvris mes paupières et surpris le regard de David posé sur moi. Tous mes sens étaient enflammés et ma peau avait rosis en divers endroits.

Il me tendit la main pour m'inviter à le rejoindre. La tension au creux de mon ventre s'amplifia. Je glissai ma main dans la sienne, fébrile. L'électricité crépita entre nous. Je la sentis courir dans mes veines jusqu'à mon pauvre cœur qui se démenait pour garder le rythme insoutenable que le contact de David lui imposait.

— Je suis content que tu sois là, dit-il à voix basse.

— Je te rappelle que je n'ai pas eu le choix, répliquai-je. Tu ne m'aurais pas laissé partir.

Il haussa un sourcil.

— C'est vrai, concéda-t-il en m'attirant à lui. Laisse-moi reformuler. Je suis content que tu aies choisi d'être là.

Je réprimai un sourire.

— C'est tellement rassurant d'apprendre que je sors avec un kidnappeur.

Ses lèvres parfaites se retroussèrent d'une façon irrésistible.

— De toutes les choses que j'ai envie de te faire, te kidnapper n'est certainement pas la plus répréhensible.

Mon sang gagna plusieurs degrés et remonta de chaque partie de mon corps pour se concentrer dans mon visage. David posa une main sur mes hanches, l'autre sur ma joue. Ses iris me fixaient intensément. Je cillai.

— Ne détourne pas le regard.

Même si je mourrais d'envie d'enfouir mon visage entre mes mains pour me cacher, je lui obéis. La commissure de ses lèvres remontait d'un côté, révélant son amusement.

— Où est donc passée votre insolence, Mademoiselle Latour ?

— Elle m'a laissé en plan, je crois, haletai-je. Mais elle ne va pas tarder à revenir.

— Bien.

Ses yeux se fermèrent et ses lèvres glissèrent jusqu'aux miennes. Il m'embrassa avec fougue et fièvre, mais étrangement, je perçus aussi de la retenue. Craignait-il de perdre le contrôle ? En tout cas, moi pas. Je succombais. Je m'abandonnai à lui sans chercher à feindre une quelconque opposition, et quand il me relâcha, je restai pantelante. Je caressai mes lèvres du bout des doigts, les yeux clos. Je demeurai immobile quelques secondes, puis sa voix me tira de cet état second.

— Tiens, pour dormir.

J'ouvris les yeux et m'aperçus qu'il avait disparu. Je me retournai. Il se tenait devant la commode et me tendait un de ses t-shirt, ainsi qu'un short de sport.

— Tu crois que j'en ai besoin ?

Il arqua un sourcil.

— La revoilà, cette insolence. (Il s'humecta les lèvres et c'est à peine si je pus continuer de l'écouter.) Seriez-vous en train de me faire des avances, Mademoiselle ?

— Eh bien, je...

— Attention, je commence à suspecter des intentions peu louables...

— Des intentions peu louables ? m'étouffai-je.

— Absolument, confirma-t-il, l'ébauche d'un sourire se dessinant sur ses lèvres. (Il referma le tiroir du meuble et me jaugea du regard.) Je reviens.

Il quitta la pièce et referma légèrement la porte derrière lui. Je profitai de son absence pour me changer, encore troublée par sa réflexion. Avais-je donc perdu toute dignité ? Disons, le peu qu'il me restait avant ça ? Sûrement... mais la dignité c'était galvaudé, non ? Non ?

Pour David, pour l'avoir, pour lui appartenir – peut-être les trois à la fois –, je ne sais pas jusqu'où j'aurais été prête à m'abaisser. Très loin, j'imagine. Jusqu'aux confins de la honte certainement, et on en était pas loin.

Je retirai mes chaussures, laissai tomber ma robe sur le sol et la déposai sur la méridienne. Puis, j'enfilai les vêtements qu'il m'avait prêté.

En me regardant dans le grand miroir à côté de la commode, je ne fus pas convaincue du résultat. J'étais tout sauf sexy. Le t-shirt était trop long et le short trop large. Je nageai là-dedans et je pensai que j'avais l'air ridicule. On aurait dit une de ces émissions de relooking spectaculaire, avant la transformation... Alors, pensant ne plus rien avoir à perdre, je tentai autre chose. Je fis glisser le short à mes pieds et constatait qu'en ne conservant que le t-shirt, c'était mieux. Beaucoup mieux. Il m'arrivait en haut des cuisses, dévoilant mes jambes fines. Je souris, presque aussi satisfaite que j'étais honteuse.

Derrière-moi, la porte grinça en s'ouvrant.

— Si tu restes dans cette tenue, je risque de devoir aller dormir dans la chambre d'à côté.

Je me retournai, un sourire coupable sur les lèvres. Puis, je tressaillis. David s'était changé lui aussi. Il ne portait plus qu'un pantalon fluide à carreaux qui tombait bas sur ses hanches. Son torse était nu, laissant à ma vue ses muscles sculptés. Je déglutis, les yeux rivés sur ses abdominaux et la trainée de poils qui partait de son nombril pour descendre jusqu'à...

— Ça n'est pas très poli de reluquer quelqu'un de cette façon...

Je rougis jusqu'aux oreilles.

— Eh bien, ça vaut pour vous aussi, Monsieur Petterson.

Il m'adressa un sourire piquant et contagieux.

— Allez, ça suffit. Au lit !

Je penchai la tête sur mon épaule.

— Vous allez bien vite en besogne.

— Pour dormir, me corrigea-t-il encore plus amusé.

Je n'avais plus aucune envie de dormir. Je continuais d'observer David, uniquement éclairé par les rayons de lune qui filtraient par la fenêtre circulaire au-dessus du lit. Lui non plus ne semblait pas avoir envie de dormir, même si c'est ce qu'il prétendait.

Il s'allongea sur le lit, et je le rejoignis de l'autre côté. Il mit son téléphone portable en charge, le déposa sur sa table de chevet puis roula sur le côté pour me regarder.

— J'en ai envie, murmura-t-il comme s'il avait lu dans mes pensées.

Son expression était tendue, comme s'il était tiraillé entre le désir, et la raison.  

— Plus que tu ne peux l'imaginer, ajouta-t-il en esquissant un sourire. (Il plissa les yeux.) Mais je veux qu'on prenne notre temps.

Qu'on prenne notre temps...

En avions-nous seulement assez devant nous ? Cette pensée m'arracha une grimace.

— Ces dernières semaines ont été plutôt intenses, reprit-il doucement. On a été confronté à la mort plus d'une fois. (Son expression se durcit et je sus qu'il pensait à mon overdose.) Ça nous pousse à vivre intensément, mais je ne veux pas qu'on se précipite et qu'ensuite tu regrettes. Je préfère te laisser du temps et que tu sois certaine que c'est ce que tu veux.

— J'en suis déjà certaine, soupirai-je. Mais... d'accord.

Qu'aurais-je pu répliquer ? Je n'allais pas l'implorer ou le forcer, même si l'idée avait bien effleuré mon esprit malade. Et puis, le fait de repenser à tout ce qu'on venait de traverser m'avait quelque peu refroidie.

— Ne fais pas cette tête, murmurra-t-il en s'appuyant sur son coude pour se redresser. Ce n'est que partie remise.

Son regard amusé flottait au-dessus de moi. De sa main libre, il caressa ma joue et se pencha pour embrasser mes lèvres. Si ce baiser avait pour but de me convaincre, il remplit admirablement sa fonction. Il était plein d'ardeur et de dévotion.

David enroula un bras autour de ma taille pour m'attirer à lui et je vins me blottir contre son torse nu. Sa peau était chaude, comme fiévreuse. Je fermai alors les yeux et laissai son odeur boisée m'envahir.

— Merci, dis-je d'une voix ensommeillée.

— De ?

— De tout. D'être là, tout simplement.

Il replaça une mèche de cheveux derrière mon oreille et vint déposer un baiser sur mon front.

— Fais de beaux rêves.

Et c'est sur ces mots que je m'endormis.

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