-Bon anniversaire maman !

Lina sentit deux poids plumes lui sauter brusquement dessus à travers les draps, la réveillant d'une manière quelque peu brutale.

-Doucement Loulou... Essaya-t-elle de les calmer d'une voix ensommeillée. Oh merci mes trésors ! Vous avez bien dormi ? Ajouta-t-elle d'une voix attendrie en les embrassant sur le crâne.

Ils acquiescèrent avant de se précipiter en bas du lit.

-Tiens maman, c'est moi qui a fait toute seule à l'école, s'exclama Lindsey, toute fière, en lui tendant un petit paquet beige de forme rectangulaire.

-C'est trop gentil Lin, merci, s'exclama joyeusement Lina en l'ouvrant précautionneusement. Wow !

Le paquet contenait un dessin enfantin représentant cinq personnes qui se donnaient toutes la main devant une grande maison pleine de couleurs.

-Là c'est toi, là c'est papa, là c'est Louis, là c'est moi et là c'est Eli, expliqua-t-elle en désignant les silhouettes disproportionnées avec ses petits doigts.

-Oh c'est superbe chérie merci, s'exclama-t-elle en la serrant contre elle, attendrie devant ce cadeau fait avec tant d'attention.

Louis s'avança alors vers elle et lui tendit un petit bouquet de marguerites, sûrement fraîchement ramassées, avec un petit mot en cœur qui disait « bon anniversaire maman, je t'aime gros comme un ballon » décoré d'un petit ballon de foot. C'était de toute évidence Eleanor qui avait écrit ces quelques mots mais le dessin, en revanche, avait sans nul doute été réalisé par le petit garçon.

-J'ai pas eu le temps de mettre le papier autour, avoua le petit garçon en baissant la tête. Mais j'ai ramassé les fleurs pour toi parce qu'elles sont trop belles.

-Ce n'est pas grave Lou, elles sont magnifiques, sourit Lina en l'embrassant à son tour. Vous m'avez gâté, vous êtes adorables !

Après les avoir relâchés, elle s'extirpa des draps. 21 ans déjà ! Le temps passait décidément de plus en plus vite. Les jumeaux avaient commencé l'école à la rentrée et Lina était désormais dans sa deuxième année d'études.

Revenant lentement à l'instant présent, Lina s'assit sur le bord de son lit et regarda par la fenêtre de sa chambre devant laquelle étaient postés ses deux enfants, sautant sur place, excités comme des puces. Tout le paysage était blanc.

« Maman, on peut aller jouer dehors ? Il neige ! Demanda Lindsey, des étoiles dans les yeux.

-Attendez un peu. Avant, on va prendre le petit-déjeuner et s'habiller, expliqua Lina en s'agenouillant à côté des jumeaux, les prenant par la taille. Est-ce que Tata Eli est déjà réveillée ?

-Oui, elle est dans la cuisine. C'est elle qui nous a dit de te réveiller, répondit Louis en ponctuant ses paroles d'un hochement de tête, secouant ainsi ses petits cheveux bruns.

La jeune maman sourit en passant sa main dans ceux-ci. Les mêmes que son papa.

-Bon, on va s'habiller et après on rejoindra tata Eli à la cuisine d'accord ? Mais d'abord je pense que j'ai droit à un bisou non ? Ajouta-t-elle malicieusement en les voyant déjà courir vers la porte.

-Oui, s'écrièrent-ils en cœur en lui sautant simultanément dessus pour l'embrasser, la faisant tomber à la renverse.

-Mes bébés... Souffla-t-elle en leur posant un baiser sur la tête. Allez, on va se préparer.

Les jumeaux coururent vers leur chambre en se chamaillant pour être le premier, manquant de renverser Eleanor au passage qui traversait le couloir.

Lina se dépêcha de se préparer, sachant que si les enfants étaient prêts avant elle, elle n'aurait aucun moment de répit et rejoignit son amie dans la grande pièce qui leur servait de cuisine, salon et salle à manger.

-Salut, bon anniversaire ! La salua Eleanor, un plateau de pain à la main. Alors bien dormi ? Pas trop dur le réveil à 8h un samedi matin ?

Lina lui tira puérilement la langue avant de s'asseoir sur un des hauts tabourets du bar. Les deux jeunes femmes adoraient se taquiner. Elles avaient l'impression de revenir à l'époque de leur 16 ans, ces années d'insouciance...

Un peu plus de quatre années étaient passées depuis. Elles avaient grandi et menaient leur vie chacune de leur côté, même si elles restaient très proches en partageant le même appartement en colocation. Eleanor était à présent en troisième année de médecine à l'université juste à côté, se préparant à devenir pédiatre. Lina, quant à elle, suivait une formation en alternance dans le but de devenir éditrice, mais passait le plus clair de son temps à faire des activités avec ces enfants qui avaient besoin de dépenser le trop-plein d'énergie qu'ils avaient en permanence.

Lina détailla la pièce dans laquelle elles se trouvaient du regard, remerciant au passage son amie qui posa une tasse de café fumante devant elle. C'était la pièce la plus vivante de l'appartement. Elle était simple mais confortable en même temps. Tout à fait à l'image de ses habitants, songea la jeune fille en se réchauffant les mains sur sa tasse. J'ai quand même de la chance qu'El ait accepté de me dépanner le temps que je trouve un appartement.

Lindsey et Louis arrivèrent alors en se poussant pour être le premier vers leur mère, coupant ainsi court aux réfléxions qui envahissaient celle-ci. Les jumeaux passaient beaucoup de temps à jouer ensemble, mais ils avaient également un esprit de compétition impressionnant. C'était toujours à celui qui arriverait en premier à la salle de bains, celle qui distancerait l'autre à la course... ce qui finissait obligatoirement par une dispute et l'intervention de Lina qui devait finalement les séparer.

-Oh Lina. Je ne t'ai pas raconté ! S'écria alors Eleanor en s'asseyant à la table avec la petite famille. Tu ne devineras jamais qui j'ai vu dans l'auditoire vendredi.

Lina mima un non tout en essuyant la bouche pleine de pâte à tartiner de Louis qui secouait la tête pour échapper à l'étreinte de sa maman. Lindsey, quant à elle, mangeait plutôt proprement sa tartine, en coupant des petits morceaux pour ne pas s'en mettre partout. Si Aaron avait été là, il en aurait certainement profité pour lancer une remarque sarcastique comme quoi elle était maniaque comme Lina.

-Jessy... Lâcha alors Eleanor en ponctuant ses paroles par un croisement de bras significatif, consciente de la bombe qu'elle venait de lâcher.

Lina releva la tête, complètement abasourdie. Cela faisait maintenant quatre ans qu'elle ne l'avait pas revu. Elle avait entendu dire qu'il faisait une formation de pédiatre comme Eleanor mais elle le pensait parti à l'étranger, comme James.

Sa conscience se frotta les mains dans sa tête ;il était à quelques mètres de chez elle. Mais avait-elle vraiment envie de le revoir après ce qu'il s'était passé ? Non, la réprimanda alors la partie plus raisonnable de sa conscience. Tu te rappelles de ce pourquoi vous avez arrêté de sortir ensemble ? Te souviens-tu de tout ce qu'il t'a dit la dernière fois que vous vous êtes vu ?

Lina s'en souvenait très bien, comment l'oublier. Mais de savoir Jessy si proche à présent la déstabilisait quelque peu. Lina pensait l'avoir oublié, mais la sensation dans sa poitrine lorsque Eleanor avait prononcé son nom lui prouvait le contraire.

-Et, euh... tu lui as parlé ? Marmonna-t-elle d'un air détaché, comme si elle n'en avait strictement rien à faire.

Menteuse ! Lui souffla sa conscience.

-Non, il est parti directement à la fin du cours, mais je crois qu'il m'a vu, répondit-elle. Ça m'a fait bizarre de le voir là alors que je ne l'avais jamais remarqué avant. Mais c'est vrai qu'on doit être à peu près 300 en cours. Il est toujours comme avant, aussi grand, aussi souriant et il a même bronzé je dirais.

Ne pense à rien Lina, ne pense à rien...

Heureusement pour elle, son attention dut vite être reportée sur les jumeaux qui avaient commencé à se mettre leur tartine sur la figure.

-Maman, est-ce que papa vient aujourd'hui ? S'exclama Lindsey en se tournant vers Lina.

-Je ne sais pas chérie, il ne m'a rien dit. J'espère que si c'est le cas, il viendra avec Gabriella, sa copine, ajouta-t-elle dans un murmure à l'attention d'Eleanor. Elle est vraiment gentille cette fille. Ils ont l'air bien ensemble.

La sonnette de la porte d'entrée la coupa dans ses propos.

-Et bien, on dirait que quelqu'un d'autre est matinal ici, s'écria Eleanor en se levant pour aller ouvrir.

-Salut tout le monde.

-Papa !

Louis et Lindsey s'élancèrent vers la porte où ils sautèrent tous les deux en même temps dans les bras d'Aaron qui les porta en riant.

-Alors mon bonhomme ça va ? Et toi princesse ? Vous avez souhaité un bon anniversaire à maman j'espère, rétorqua-t-il en jetant un coup d'oeil malicieux vers Lina qui ne put s'empêcher de sourire.

Il lâcha ses enfants sur le canapé, les faisant hurler de rire en les chatouillant.

-Fais attention, ils étaient en train de manger, le réprimanda Lina.

-Et ! Je fais attention, lui dit-il en l'étreignant par derrière. En fait, bon anniversaire.

-C'est bien tu n'as pas oublié, lui dit-elle en guise de remerciement en se levant, échappant ainsi à son étreinte. Mais merci.

-Ce n'est pas possible, tu m'en veux encore pour ce que j'ai dit l'autre jour ? Lui demanda-t-il en levant les yeux au ciel.

-Non. Je considère juste que tu aurais pu être plus gentil, c'est tout.

-Mais tu sais très bien que je rigole ! Editrice est un très bon métier, la taquina-t-il quelque peu.

-Mais pas autant que chef de service dans un restaurant, c'est ça ?

-Bon, vous n'allez pas commencer. Du café ? proposa El en désignant la théière.

Il déclina poliment.

-Où est Gabi ? Le questionna Lina.

-Elle est chez sa sœur, et même si je l'aime beaucoup je n'ai pas voulu m'imposer lors d'un week-end entre filles, expliqua-t-il. Alors je me suis dit que j'allais venir profiter de mes petits monstres, ajouta le jeune papa en faisant semblant de les attraper ce qui les fit rire encore plus.

Lina soupira.

-Aaron... Qu'est-ce que je viens de te dire ? Ils viennent de manger.

-Arrête de vouloir tout contrôler. Tu sais que je gère, répondit-il simplement avant de se tourner vers ses enfants. Si vous avez fini de manger, allez vous brosser les dents et vous préparer. Ce serait dommage de ne pas aller profiter de la neige dehors.

-Oh non, je ne veux pas me brosser les dents, s'exclama alors Lindsey en croisant les bras.

-Moi non plus, suivit alors Louis en imitant sa sœur.

-Ce n'était pas une question. Vous allez le faire que cela vous plaise ou non, s'exclama le jeune père.

-M'en fiche.

Lina voyait bien qu'Aaron était sur le point de s'énerver, mais elle préférait le laisser faire. Pour le moment du moins. De toute manière, dès qu'il fallait calmer les jumeaux, c'était eux qui finissaient par se disputer.

-On ne parle pas comme ça. Je vous donne trois secondes. 1...2...

Les jumeaux ne bougèrent pas, le regardant avec une lueur de défi dans les yeux.

-3. Donc vous voulez que je me fâche c'est ça ?

Le jeune homme fit un pas dans leur direction mais ils s'enfuirent aussitôt en courant, chacun dans un coin opposé de la pièce.

Lina se leva alors et appela ses enfants.

-Bon, écoutez-moi bien maintenant. Vous ne parlez pas, et surtout ne répondez pas, comme cela à votre père, est-ce clair ? Les sermonna-t-elle. Maintenant, vous allez aller vous laver les dents et si jamais j'ai à le redire ne serait-ce qu'une seule fois, vous n'irez pas jouer dehors. J'en ai marre de ces caprices à ce sujet.

Ni Lindsey, ni Louis n'osa protester et ils sortirent tous les deux de la pièce.

-Et c'est maintenant que tu réagis ? Lui reprocha Aaron.

Lina s'apprêtait à répliquer mais sa meilleure amie ne lui en laissa pas le temps.

-Oh Lina, je sais que tu vas m'en vouloir, mais j'ai quelque chose à te demander, avoua alors Eleanor en prenant une mine déconfite. Je sais que c'est ton anniversaire mais est-ce que cela te dérange si je sors ce soir avec Chiara ? Cela fait longtemps que l'on n'a pas passé un moment entre sœurs elle et moi.

-Non ne t'inquiète pas, vas-y, répondit Lina d'un air assuré. Je passerai la soirée avec Lindsey et Louis.

-Ah, ça cela ne va pas être possible, s'exclama alors Aaron. Ce soir, ce sont tes parents qui gardent les petits. 

Lina les interrogea du regard : elle ne se souvenait pas de cela. Mais en voyant les regards pleins de sous-entendus que se lançaient Eleanor et Aaron, la jeune maman n'insista pas et partit s'habiller convenablement pour sortir dans le froid qui les attendait dehors.