Chapitre 48

Après quelques jours, Lindsey fut enfin autorisée à sortir de l'hôpital. Lina en fut plus que soulagée et s'empressa de la ramener à la maison pour retrouver son frère.

-Tu m'as fait si peur bébé, murmurait-elle en l'enlaçant quand elle entendit la porte d'entrée s'ouvrir plutôt brusquement.

Ses deux parents arrivèrent peu après dans la pièce, l'embrassèrent avant de rester ainsi devant elle, sans rien dire. Lina savait que quelque chose se passait, elle le voyait bien. Mais Véronique et Greg restaient silencieux, se jetant de petit coup d'oeil de temps à autre d'un air coupable.

-Ecoute ma chérie, nous ne serons pas là ce soir, commença sa mère en prenant la minuscule main de sa petite-fille dans la sienne.

-Mais pourquoi ? Les questionna aussitôt l'adolescente d'une voix un peu stressée. Lindsey vient juste de sortir de l'hôpital, ce sera son premier soir à la maison après l'opération. Et s'il se passait quoique ce soit ? Vous ne pouvez pas me laisser seul avec les jumeaux s'il vous plaît.

-Désolée Lina. Mais il était prévu depuis longtemps que nous irions à ce mariage et nous ne pouvons pas nous désister au dernier moment comme cela.

Grégoire s'interrompit, regarda sa fille et ajouta plus doucement.

-De toute façon, un jour ou l'autre il va bien falloir que tu apprennes à te débrouiller seule avec Louis et Lindsey. Ce sont tes enfants ma chérie et nous ne serons pas toujours là pour nous en occuper. Tu le savais depuis le début que cela allait être difficile, cela faisait partie du compromis.

Lina en resta muette. Comment osaient-ils remettre en cause sa décision de les garder et parler des jumeaux comme d'un "compromis" ? Elle n'avait pas vraiment décidé de le garder, elle ne pouvait juste pas faire autrement ! Comment abandonner ces deux nouveaux-nés qui, eux, n'avaient rien demandé ? Ils n'avaient pas choisi de l'avoir comme mère et elle ne voulait en aucun cas leur faire payer ces erreurs. L'adolescente était liée à eux, elle le savait, et sentait qu'ils étaient une partie d'elle-même.

-Donc si je comprends bien, je prendrais le bus jusqu'à l'hôpital s'il se passe quelque chose ? Rétorqua-t-elle d'un ton un peu insolant.

-Tu pourras toujours nous joindre sur nos téléphones, s'empressa de rajouter sa mère. Mais je suis sûre que tout va bien se passer. Il n'y a aucune raison que cela n'ait pas.

Lina soupira. Évidemment.

-Si tu as trop peur de rester toute seule, tu n'as qu'à appeler Aaron. Il viendra t'aider, lui dit Greg avant de monter à l'étage.

Véronique le regarda monter les marches avant de poser une main rassurante sur le bras de sa fille.

-Ne t'inquiète pas. Cela va aller.

Puis, elle partit également se préparer.

Alors que Lina était couchée sur son lit à réviser ses cours, Louis et Lindsey couchés près d'elle, elle entendit des voix à l'étage inférieur.

-Tu es sûr que ça va aller ?

-Mais bien sûr. Si les médecins ont dit qu'elle pouvait rentrer, c'est qu'il n'y a plus aucun danger. Et Lina n'est pas seule dans cette histoire, elle appellera le père de ses enfants si elle a besoin d'aide. Elle doit commencer à prendre ses responsabilités Véronique.

Il y eut un grand silence avant que sa mère demande d'une voix faible.

-Penses-tu vraiment que c'était une bonne idée de lui dire de ramener Aaron ici ?

-Qu'est-ce que tu veux dire ?

Lina n'entendit pas la suite jusqu'à ce que Grégoire réponde d'une voix plus forte :

-Crois-moi, je pense qu'ils ont retenu la leçon.

***

Une fois ses parents partis, Lina se sentit tout à coup bien seule. Elle ne voulait pas appeler Aaron, mais cette sensation de vide ne pouvait la quitter.

Les paroles de ses parents tournaient en boucle dans sa tête. Bien sûr que c'était difficile... Chaque soir, c'était épuisée que Lina s'endormait -quand elle pouvait dormir. Et elle n'avait pas du tout assez de temps pour travailler ses cours. Heureusement qu'elle n'avait jamais eu de grosses difficultés scolaires car sinon elle aurait déjà abandonné depuis longtemps.

Lina monta dans la chambre des jumeaux, posa Louis sur le tapis d'éveil dans sa chambre et prit Lindsey dans ses bras. Elle la berça quelques minutes pendant lesquelles elle resta complètement calme. L'adolescente la posa alors et prit son frère à la place. Trouvant soudain la maison très silencieuse, Lina alluma la radio qui se mit à diffuser une chanson plutôt calme des Eagles. La jeune fille adorait cette chanson et se mit à se balancer faiblement au rythme de la musique, son fils contre elle.

Alors qu'elle pensait au cours de sa soirée, Lina pensa inévitablement à Aaron. Elle baissa les yeux sur le petit bébé qui la regardait avec de grands yeux et se mit à lui parler, sans vraiment s'en rendre compte.

-Tu sais que j'ai peur Lou. Je ne sais pas ce que je dois faire...

Elle s'interrompit avant de prendre sa fille sur l'autre bras et de se poser par terre, adossée à son lit.

-Je devrais appeler votre père n'est-ce pas ?

Deux paires d'yeux bleus grands ouverts lui répondirent.

-Il a le droit de vous voir après tout. Je pense même qu'avec un peu d'effort, il pourrait s'occuper de vous. Mais c'est compliqué pour nous, vous voyez. Jamais je n'aurais imaginé qu'un jour j'aurai des enfants avec Aaron Bercley. Le Aaron Bercley de ma classe au lycée.

Elle s'interrompit, reposa ses enfants sur le tapis et prit son téléphone.

-Allez, voyons si papa a envie de venir nous rejoindre.

***

-Tu veux essayer de la changer ?

Aaron était assis sur le lit depuis à peu près quinze minutes, ne sachant quoi faire ni quoi dire. Il avait pris quelques minutes son fils dans les bras mais il semblait si mal à l'aise que Lina avait eu pitié de lui et le lui avait repris.

-Euh... Je ne sais pas ce que je dois faire, essaya d'esquiver le jeune homme.

-Viens, je vais te montrer.

Lina lui indiqua du doigt de prendre Lindsey dans les bras, ce qu'il fit avec plus ou moins de fluidité. Ses mouvements étaient certes délicats mais le malaise était palpable. Il suivit la jeune maman dans la pièce à côté où elle lui indiqua d'allonger Lindsey sur la table.

Puis, elle lui montra délicatement dans quel sens mettre la couche ainsi que la crème qu'il fallait appliquer avant de lui lancer un « à toi de jouer ! » moqueur.

Aaron se retrouva là, debout, ne sachant quoi faire. En désespoir de cause, il adressa un regard suppliant à Lina qui se contenta de le regarder d'un air faussement étonné.

-Et bien ? Tu ne te rappelles plus ce que je t'ai montré ?

Prenant une grande inspiration, il avoua alors :

-Je ne peux pas faire ça.

-Pourquoi ?

-Parce que je vais la casser.

Lina se mit aussitôt à rire. Un vrai rire, un rire qui lui donnait des larmes aux yeux, un rire qu'Aaron n'avait pas entendu depuis longtemps.

-Mais c'est vrai ! Est-ce que tu as vu la taille de ma main comparée à elle ? Je vais lui faire mal, c'est certain, riposta-t-il d'un air tout à fait sérieux.

Après s'être quelque peu calmée, Lina répondit dans un gloussement étouffé.

-Il n'y a aucune raison que tu la casses Aaron. Si tu fais attention, n'importe qui peut le faire.

Et elle se mit à se mordre fortement la lèvre pour s'empêcher d'éclater de rire à nouveau.

Le jeune homme leva les yeux au ciel avant de se retourner vers sa fille.

-Bon comme tu voudras. Mais c'est toi qui m'as dit que tu ne voulais pas retourner à l'hôpital ce soir.

-Tu es bête, rétorqua Lina en lui frappant l'épaule d'un air joueur.

Aaron ne put s'empêcher alors de sourire.

Plus tard dans la soirée, les jumeaux étaient toujours réveillés et semblaient bien décidés à le rester. Alors que Lindsey pleurait sans s'arrêter dans les bras de Lina, Louis faisait de même contre Aaron.

-Mais pourquoi ils pleurent comme ça ? Questionna le jeune homme, ne sachant que faire. Comment fais-tu pour supporter cela tout le temps ?

Lina leva les yeux au ciel.

-Déjà, ce sont des bébés Aaron. C'est normal qu'ils pleurent ! Ensuite, on va dire que je n'ai pas trop le choix.

-Ok... Et comment tu les fais taire ? Ils devraient déjà dormir non ? Parce que personnellement je suis mort.

-Bien sûr qu'ils devraient ! Mais ce sont des êtres humains, ils ont leur caractère, exactement comme nous.

Quelques minutes plus tard, les jumeaux pleuraient toujours. Voyant que cela risquait de durer un petit moment encore, Lina décida alors de prendre les choses en main.

-Bon assieds toi sur le lit avec eux, je vais aller leur préparer des biberons.

L'adolescent se retrouva avec deux bébés appuyés contre lui alors que Lina descendait à la cuisine.

Alors qu'elle faisait chauffer le lait, la jeune maman trouva soudain la maison bien silencieuse comparée à précédemment. Elle tendit l'oreille, mais aucun pleur ne lui parvenait.

-Tant mieux s'il a réussi à les calmer, se dit Lina. Mais je vais quand même prendre le lait en haut pour quand ils recommenceront.

Une fois les biberons préparés, la jeune fille remonta très lentement en essayant de faire le moins de bruit possible afin d'éviter une nouvelle crise de pleurs. Arrivée à la porte de la chambre, elle commença à s'exclamer :

-Et bien tu vois que tu y arrives ! Comment as-tu fait pour...

Mais Lina s'interrompit aussitôt. Le tableau devant elle la laissa bouche bée.

Aaron était tombé endormi sur son lit, un bras entourant Louis et Lindsey allongés sur son torse, serrés l'un contre l'autre, endormis eux aussi.

Lina pria juste pour ne pas qu'il ne se retourne dans son sommeil et partit s'allonger dans la chambre d'ami où elle s'endormit rapidement, paisiblement pour la première fois depuis longtemps.

****

Cela faisait maintenant deux semaines que Lindsey avait été autorisée à sortir de l'hôpital. Depuis qu'elle avait repris le lycée, Lina était plus que prudente en ce qui concernait les jumeaux. Cette petite virée à l'hôpital l'avait largement fait prendre conscience de la situation. Lina avait donc aussitôt pris rendez-vous avec un pédiatre qui suivait désormais précautionneusement la santé de ses enfants.

Après avoir passé quelques minutes au téléphone avec Aaron, Lina se glissa sous ses draps qu'elle avait réchauffés en se posant dessus. Le jeune homme faisait des progrès. Il essayait de venir voir ses enfants régulièrement et arrivait presque à les changer. Bon, ce n'était pas encore ça, mais il faisait des efforts. De plus, les deux adolescents faisaient mutuellement des efforts pour s'entendre et arrivaient même parfois à tomber d'accord. Ce week-end, ce sera Aaron qui gardera les jumeaux. Lina avait hâte de passer deux jours avec ses amies, tranquille et de pouvoir dormir une nuit complète sans être interrompue.

En repensant à ces mois passés, Lina se posa la question : si elle avait eu conscience de sa grossesse, les aurait-elle gardés ? Probablement pas. Mais maintenant qu'ils étaient là, la jeune fille ne le regrettait pas. Comment le pourrait-elle ?

Au lycée, Lina se sentait épiée, c'était certain, même parfois dévisagée. Mais elle avait choisi d'ignorer. Les gens adorent juger les autres, surtout ceux qui ont quelque chose de « différent ».

Lina se tourna vers le tapis où était couché Eden et tendit le bras pour lui caresser la tête ; le husky ferma les yeux de plaisir. Il avait l'air si paisible ainsi que la jeune maman s'étendit également sur son oreiller, gardant la main sur sa tête et son regard sur lui.

Sur sa table de chevet, Lina entendit alors son téléphone vibrer. Certaine que c'était Aaron qui se désistait, la jeune fille soupira et décida de l'ignorer. Elle se concentra à nouveau sur le calme apaisant que dégageait Eden, sentant ses yeux se fermer également. Une nouvelle vibration l'empêcha cependant de tenir sa résolution plus longtemps : elle était trop curieuse. Lina se redressa, ce qui fit lever la tête au husky, et prit son téléphone.

Le premier message était bien d'Aaron : N'oublie pas que c'est moi qui dois aller chercher Louis et Lindsey chez ta grand-mère demain.

Lina leva les yeux au ciel ; même par message, il voulait être autoritaire avec elle. Cependant, le fait qu'il y ait pensé la touchait et la fit sourire. Mais c'est en lisant le second message que son sourire s'agrandit vraiment.

Lina se tourna vers son chien qui la regardait d'un œil interrogateur : parfois, il avait presque l'air humain.

-Tu vois Eden, je crois que j'ai compris. On ne peut pas tout prévoir dans la vie. Parfois, des choses inattendues surviennent sans crier gare, entraînant plus ou moins de conséquences. On a alors le choix entre la facilité de laisser tomber, ou alors continuer à se battre pour réussir tout de même ce que l'on voulait initialement. Maintenant, je vais faire tout ce qui est en mon possible pour me battre, peu importe ce que les gens pensent de moi. Je veux offrir la vie dont je rêve à mes enfants.

Et Lina s'endormit sereinement, son téléphone déverrouillé sur sa table de nuit qui affichait :

James : ça te dirait un café demain après les cours ? Tes jumeaux sont évidemment les bienvenus.







« Ne sois pas fière d'être tombée enceinte jeune. Sois fière de n'avoir jamais abandonné malgré la difficulté, sois fière de pouvoir leur offrir une belle vie, sois fière d'avoir quand même réussi à mener la vie dont tu rêvais. »





*********************

Hello,

Tout d'abord, je vous rassure tout de suite, ceci n'est pas le dernier chapitre de Lina. Mais l'épilogue est proche à présent.

Merci encore pour tout votre soutien, vous êtes tout simplement incroyables !

A la fin du dernier chapitre, je vous avais demandé quel âge vous pensiez que j'avais. Et bien je peux vous dire que très peu ont trouvé mon vrai âge (seulement 7%) qui variait entre 13 et 24 ans.

Comme je n'aime pas trop parler de moi, je vous le dévoilerai à la fin de Lina qui approche de plus en plus rapidement...

Désolée pour ce chapitre quelque peu sans intêret mais il m'en fallait un dernier comme celui-ci avant le prochain.

En espérant que vous n'êtes pas trop déçus et que vous apprécierez quand même ce chapitre,

xx.

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