Chapitre 40

Lundi matin, la douce musique du réveil de Lina lui apparut, autant au sens propre qu'au sens figuré, comme une dure et incessante alarme ; comme de celles qui continueront à retentir dans votre esprit après même qu'elles soient pourtant éteintes. Elle se leva donc telle une condamnée et se dirigea péniblement vers son armoire. Elle était en manque de sommeil, c'était certain.
Et malheureusement, cela se voyait, se dit-elle à elle même en observant son visage pâle dans la glace.
A quoi bon essayer de le cacher de toute façon ? La jeune femme n'avait plus personne à impressionner.

Lina s'habilla rapidement, entendant des pleurs provenant de la chambre à côté. Elle prit aussitôt Lindsey dans ses bras afin de la calmer.

Cela promettait d'être une dure journée pour l'adolescente.

                                                                                            *

En se réveillant ce matin-là, la première chose à laquelle pensa Eleanor fut Edward. Elle avait rêvé de lui.

Eleanor savait qu'il était absurde, même irrationnel, d'avoir ne serait-ce que des pensées telles qu'elle pouvait en avoir lorsqu'il lui adressait la parole ou même lorsqu'il ne faisait que la regarder de ses yeux verts... Elle avait l'impression de n'être qu'une enfant à ses côtés lorsqu'il prononçait son prénom. "C'est la position d'autorité qu'il exerce sur toi qui ressort Eleanor, tu le sais" ne pouvait  s'empêcher de lui rappeler sa conscience. "
En effet, il était odieux. Il profitait de sa position, et Eleanor même en était consciente. Mais avait-elle vraiment envie de l'arrêter?

La jeune fille aurait voulu se mettre des claques. Mais enfin, réveille toi El, il ne fait que s'amuser avec toi, comme avec toutes les autres avant ! Il se fiche éperdument de toi. 

En relisant les messages qu'il lui avait envoyé, Eleanor était au moins sûre d'une chose : ce type aimait jouer, et il y était bon ; un joueur de poker rusé qui cache son atout dans sa manche, un tricheur qui rafle la mise à la fin, sans pour autant avoir respecté les règles du jeu auparavant, et qui ne se soucie que d'une chose : le butin.

Il allait falloir qu'elle se mette à jouer mieux que lui. Et surtout, qu'elle fixe les règles de ce jeu malsain en faisant attention à ne pas les dépasser elle-même.

                                                                                          *

En arrivant chez sa grand-mère ce matin-là, Lina ne s'attendait absolument pas à ce que celle-ci lui saute dessus en la félicitant, s'extasiant devant ses arrière-petits-enfants, allant même jusqu'à lui offrir un grand paquet cadeau tout en gesticulant et en parlant de quelque chose que la jeune fille ne comprenait pas. Wow !

Enfin quelqu'un qui ne m'engueule pas, pensa-t-elle en la remerciant.

Lina ouvrit le paquet alors que sa grand-mère prenait Lindsey dans les bras, le sourire jusqu'aux oreilles, guettant sa réaction.

En voyant le contenu de l'emballage, la jeune fille ne put réprimer le sourire tant attendu : le paquet contenait un porte-bébés deux places à attacher devant la mère pour qu'elle puisse porter ses deux enfants en même temps tout en ayant les mains libres.

« Oh merci mamy, c'est trop gentil, il ne fallait pas, s'exclama-t-elle en l'embrassant. C'est juste ce dont j'avais besoin, merci infiniment.

-Ce n'est rien ne t'inquiète pas. J'ai bien le droit de gâter mes arrière-petits-enfants, répondit-elle, le même sourire éternel aux lèvres.

C'était ce que Lina appréciait particulièrement chez elle : sa grand-mère était toujours de bonne humeur, optimiste, à regarder vers l'avant et à s'extasier devant tout. C'était une joie de vivre communicative, une boule d'énergie.

-Alors, c'est aujourd'hui le grand jour ? La questionna sa grand-mère en berçant Lindsey qui la regardait avec de grands yeux.

Lina soupira en caressant la joue de son fils dans la poussette du bout des doigts ; il avait la peau si douce.

-Oui. D'ailleurs je vais devoir y aller si je ne veux pas être en retard. On se revoit ce soir. Si jamais toutes les affaires sont dans le sac et tu m'appelles s'il y a quoique ce soit, recommanda-t-elle en lui envoyant un baiser de la main. Merci encore de me les garder !

-Mais de rien, ça me fait plaisir ma puce.

Lina se pencha pour embrasser ses enfants :

-A ce soir mes bébés, soyez sages ! Murmura-t-elle avant de s'éloigner. Souhaite moi bonne chance, articula-t-elle silencieusement dans la direction de sa grand-mère avant de fermer la porte. »

Le lycée. Cinq lettres. Cents visions différentes.

D'ordinaire, Lina n'avait aucun problème à y aller ; elle y retrouvait ses amis. Mais aujourd'hui, il lui faisait plus peur qu'une armée d'araignées géantes.

Les grandes grilles lui rappelaient celles d'une prison. Les immenses bâtiments lui semblaient au moins trois fois plus grands que d'habitude et elle avait la désagréable impression que toutes les personnes qu'elle croisait avaient les yeux rivés sur elle.

Lorsqu'elle repéra Eleanor qui l'attendait devant le portail, elle se précipita aussitôt vers elle et lui sauta dans les bras.

Elle était si bien dans les bras de sa meilleure amie ; le nez dans ses cheveux sentant la vanille et son habituel parfum si doux. Là, Lina se sentait enfin soutenue.

La cloche retentit presque aussitôt, annonçant le début des cours. Mais pour Lina, c'était le début de son cauchemar.

En montant les escaliers vers sa salle de physique, Lina vit James qui parlait avec un autre garçon de sa classe. Eleanor étant avec une amie, la jeune maman se trouvait seule en cet instant. Se sentant subitement vulnérable, Lina baissa rapidement la tête, priant pour qu'il ne la voie pas. Mais elle savait bien depuis quelques temps que le destin n'en faisait qu'à sa tête, et elle ne fut même pas aussi surprise qu'elle aurait dû l'être lorsqu'elle vit James pivoter sur lui-même et que ses yeux se plongèrent dans les siens, avec une surprise et une inquiétude palpable.

Oh non, non je t'en prie ne viens pas, ne viens pas... Supplia-t-elle mentalement. Malheureusement, ses prières étaient définitivement inefficaces : le jeune homme se précipitait vers elle en appelant son nom alors que l'adolescente se retournait dans la direction opposée, essayant en vain de se fondre dans le mur devant elle.

« Lina ! »



James parlait avec un ami devant sa salle de classe quand il crut apercevoir une silhouette familière au bout du couloir. Non, ce n'était pas Lina tout de même ?

Le jeune homme regarda plus précisément : mais oui c'était bien elle ! James reconnaissait ses longs cheveux et sa posture un peu particulière, avec la tête légèrement penchée de côté.

Le jeune garçon se précipita à sa rencontre, se faufilant un passage parmi le flot d'élèves qui occupait le couloir. Il allait enfin pouvoir savoir comment elle allait, ce qui c'était passé. Il allait enfin pouvoir comprendre.

« Lina ! S'écria-t-il en la voyant repartir en sens inverse.

Il réussit enfin à l'atteindre, lui attrapant délicatement le bras.

Lina se retourna en silence, le fixant de ses beaux yeux bleus qui le déconcertèrent un court instant. Elle baissa alors le regard vers son bras que le jeune homme avait agrippé sans vraiment sans rendre compte. Il rougit faiblement et la lâcha aussitôt, un peu mal à l'aise.

Il n'osait pas vraiment commencer la conversation, ayant peur de la brusquer. Si vous vous approchez trop vite d'un animal apeuré, il s'enfuira à toutes jambes.

James ne parvint qu'à bégayer quelque chose d'incompréhensible, toujours déstabilisé par le regard intense qui le transperçait et le sondait. Le jeune homme avait presque peur qu'elle lise dans ses pensées.

Il prit alors son courage à deux mains :

-Tu vas mieux ? Demanda-t-il d'une voix incertaine.

Elle ne répondit pas tout de suite, semblant réfléchir à la meilleure réponse.

-Ça va, lâcha-t-elle doucement.

James la regarda attentivement ; il était sûr du contraire. Elle avait maigri, cela se voyait. Ses traits du visage étaient creusés et sa peau avait une pâleur inhabituelle. D'immenses traits bleutés soulignaient ses paupières ; elle semblait épuisée.

-Lina... lui reprocha-t-il gentiment. Tu nous a fait peur tu sais.

Elle ne cilla pas.

-Je sais... »

Le professeur de physique arriva alors à toute vitesse en s'excusant du retard, interrompant par la même occasion cette conversation qui n'en était pas vraiment une.

James alla donc nonchalamment s'installer à sa table, regardant du coin de l'œil Lina se mettre au fond avec sa meilleure amie.

Elle ne voulait de toute évidence pas lui parler de ce qu'il s'était passé. Très bien...

                                                                                      *

Après avoir survécu à trois heures de cours, les deux adolescentes se dirigèrent vers leur prochaine salle : français.

Eleanor était on ne peut plus anxieuse ; la perspective de se retrouver face à Lewis après tous les messages qu'il lui avait envoyé la paniquait au plus haut point. Edward Lewis... La jeune fille appréhendait non seulement sa réaction mais surtout, elle se demandait ce qu'il allait bien pouvoir lui faire en ce jour pour la mettre encore plus mal à l'aise, sa grande spécialité.

-Asseyez-vous dans le silence ! Et plus vite que ça, la cloche a sonné. Vous êtes en cours à présent !

Houlà... Et bien on dirait que Mr Harceleur était de mauvaise humeur aujourd'hui.

Une fois le cours commencé, Eleanor se tourna vers son amie, désireuse de détourner son attention du magnifique spécimen humain se trouvant à quelques pas d'elle.

« Ça va ?

- Je pense que le fait qu'il ne soit pas là m'aide beaucoup, répondit Lina en se penchant vers son amie.

Eleanor acquiesça. Effectivement, Aaron n'était toujours pas revenu au lycée.

-Mlle Fenton, Mlle Hunt, vous voulez de l'aide ? S'écria soudainement Mr Lewis, les faisant sursauter toutes les deux.

Eleanor détestait la manie de certains professeurs de les appeler par leur nom de famille ; elle se sentait subitement vieillir de dix ans. Il n'y avait pas non plus quinze Eleanor dans la classe ! Mais sa voix était grave et implacable et les deux adolescentes se turent aussitôt.

-La prochaine fois, c'est chez le directeur que vous irez finir votre conversation, termina-t-il en ne jetant même pas un coup d'œil vers Eleanor, choquée. Ce n'est certainement pas comme cela que vous aurez votre bac de français à la fin de l'année ! Je vous rappelle que les examens sont déjà dans quelques mois ; donc si certains ne se mettent pas rapidement au travail, ils auront vraiment du mal à passer leur année. Bon reprenez les textes que nous avions lu la dernière fois...

Non mais qu'est-ce qu'il avait mangé ce matin ? Il faut arrêter la drogue Mr Lewis, les sautes d'humeur sont un des effets secondaires.

La jeune fille sortit la liasse de feuilles de son sac et commença à parcourir rapidement le texte : c'était un extrait des Châtiments de Victor Hugo. Quelle horreur... Eleanor n'aimait déjà pas la lecture, alors les longues descriptions de Victor Hugo étaient pour elle un cauchemar.

Elle se désintéressa rapidement du cours pour se concentrer sur quelque chose de beaucoup plus intéressant : Eleanor regardait la façon dont sa chemise bleu pâle bougeait en accord avec ses muscles lorsqu'il esquissait un mouvement ; comment cette couleur mettait en valeur ses yeux perçants. Et en plus il avait mis ses lunettes cet enfoiré, ce qui le rendait juste affreusement sexy.

Mais qu'est-ce qu'il fait comme sport pour être aussi musclé ? Rêvait la jeune fille, la tête appuyée sur son coude.

-Mlle Hunt, qu'est-ce que je viens de dire ?

La remarque la fit aussitôt revenir au cours présent. 

Que tu as un corps de rêve, faillit-elle lâcher avant de choisir de rester en vie et de se taire.

-Vous perturbez le cours et ensuite vous dormez sur votre table, la réprimanda-t-il. Cela m'étonnerait que ce soit Victor Hugo qui vous donne cet air rêveur. Vous ne suivez rien. Puis-je voir vos notes ? 

Il s'approcha de son bureau pour regarder son cahier. Oh non...

-Où sont-elles ?

Eleanor ne parvenait plus à parler ou à bouger, ne serait-ce qu'à respirer. Il était derrière elle, la tête légèrement penchée sur son épaule. Troublant.
Ressaisis-toi El ! Lui cria sa conscience.

-Je n'ai pas eu le temps d'écrire, lâcha-t-elle dans un souffle.

C'était de loin l'excuse la plus minable qu'elle n'ait jamais trouvée.

Il la fixa intensément, la faisant paniquer encore plus.

-Je vous avais prévenue Mlle Hunt : suivez-moi. Vous irez expliquer vos excuses bidons au directeur.

Il s'éloigna en direction de la porte et l'ouvrit, lui faisant signe de sortir.

Alors ça c'était la meilleur ! Eleanor rangea ses affaires en pagaille dans son sac, jeta un dernier regard peiné vers Lina qui le lui rendit et sortit de la salle devant son professeur.

-Je ne veux pas un bruit jusqu'à mon retour. Si j'en vois ne serait-ce que seul faire n'importe quoi, c'est retenue collective ! Lança-t-il avant de refermer la porte et de se tourner vers elle.

Oh mon dieu !

Eleanor était absolument terrifiée ; elle se trouvait à présent seule dans les couloirs avec son professeur principal, qui était aussi son prof de français par la même occasion, et qui lui a également envoyé des messages pendant tout le week-end.

Je dois dire que la situation est assez étrange mais aussi... excitante, ne pouvait-elle s'empêcher de penser. Que faut il que je fasse ? Est-ce que je lui parle des messages ?

Tu le sais très bien, lui rappela son démon intérieur en se frottant les mains d'un air explicite.

Non ! Arrête de te faire des illusions, ça suffit, lui cria-t-elle pour le faire taire, se mettant ainsi en accord avec son petit ange intérieur. Si ça se trouve, il s'est trompé de destinataire et c'est tout.

Pendant ce temps, Mr Harceleur avançait à grands pas dans les longs couloirs déserts du lycée Voltaire, silencieux et indifférent au combat hargneux qui se livrait dans la tête de son élève.

Arrivés au dernier étage du bâtiment des langues, il se tourna brusquement vers Eleanor et la plaqua contre le mur.

-Mais qu'est-ce qu'on va bien pouvoir faire de vous Eleanor... Murmura-t-il comme pour lui-même, si près d'elle que la jeune fille pouvait sentir son souffle chaud sur son visage.

L'effet de ses paroles fut immédiat sur elle : Eleanor sentit son rythme cardiaque s'accélérer à un rythme effarant et sa respiration devenir plus coupée. Non, il ne faut pas !

-Vous êtes très exaspérante, vous le savez ? Continua-t-il en la fixant toujours de ce regard si intense que la jeune fille en avait le souffle court. Vous n'avez pas répondu à mes messages...

Son élève était incapable de prononcer le moindre mot. Elle ne pouvait lui échapper : il la maintenait solidement contre le mur du couloir, l'empêchant ainsi de bouger.

-Je te fais peur ? lui demanda alors le professeur de sa voix suave en fixant sa gorge qui se soulevait à un rythme beaucoup trop rapide, motivée par l'adrénaline.

Oui tu me fais peur ! Avait-elle envie de hurler. Mais je ne veux pas que tu arrêtes ce que tu fais... En fait, je pense même que tu n'as aucune idée de ce que tu es en train de me faire.

Il caressa alors sa joue de son doigt, très lentement, la faisant tressaillir.

Eleanor ferma les yeux, complètent enivrée par ce contact inattendu, mais extrêmement plaisant. Ses longs doigts chauds se promenaient sur sa joue, caressant sa peau avec tendresse, dessinant le contour de sa bouche lui donnant la chair de poule sur toute la surface de son corps. La jeune fille retenait sa respiration, entièrement envoûtée.

A sa plus grande surprise, elle sentit alors leur contact s'interrompre. Elle rouvrit les yeux : il se trouvait debout face à elle et la dévisageait d'un air indéchiffrable, la tête un peu penchée comme s'il examinait une pièce de collection.

C'est déjà fini ? S'étonna son petit démon intérieur avant de se prendre une gifle par son compère ange.

Edward s'était éloigné, augmentant la distance entre lui et son élève, la rendant ainsi plus décente.

Eleanor ne parvenait toujours pas à respirer, mais elle sentait qu'il fallait qu'elle dise quelque chose.

-Je... Vous... le directeur... Balbutia-t-elle en désignant du menton la porte située au bout du couloir, étant parfaitement consciente d'avoir l'air retardée mentalement.

Le professeur de français partit dans un éclat de rire injustifié, surprenant une fois de plus son élève. Ce rire qu'elle entendait pour la première fois, un son si envoûtant... Non, arrête !

-En réunion, répondit-il simplement en repartant vers sa salle de classe. Venez Mlle Hunt, je crois que vous avez compris la leçon.

Il se retourna juste assez pour lui lancer un regard malicieux —un regard qui pourrait vous tuer sur place- avant de commencer à descendre les escaliers.

Eleanor resta un instant immobile, incapable de bouger : Qu'est-ce qui venait de se passer ? 

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Voilà, chapitre plus longs que les autres, c'est entre autre pour cela qu'il a mis plus de temps à arriver^^

Rassurez-vous je n'ai pas l'intention de poster une note d'auteur à chaque chapitre mais j'ai quelque chose  vous dire :

Lina est nominée pour les Watty Awards dans la catégorie roman d'ados. Et ça c'est en partie grâce à vous, wow !

Si vous en avez envie, vous pouvez voter jusqu'au 30 avril sur le lien que j'ai mis en commentaire (parce qu'il ne marche pas si je le mets ici) ou sur mon profil mais évidemment c'est comme vous voulez^^

Bref, bonne soirée à vous tous

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