Chapitre 37

Le lendemain, dès 8h, Lina était debout. C'était déjà un miracle qu'elle ait pu dormir autant cette nuit-là, étant donné les pleurs incessants des jumeaux un peu plus tôt. Elle s'habilla, prépara des affaires dans un sac et prit son petit-déjeuner, profitant qu'ils soient encore endormis pour faire deux ou trois trucs avant leur réveil.

Puis, elle se dirigea vers la chambre :

-Bonjour Lindsey, comment ça va bébé ? Lui murmura-t-elle en la prenant dans ses bras. Et toi Loulou ? On va aller en ville avec Eleanor aujourd'hui, continua-t-elle à raconter en lui caressant doucement sa petite joue si douce de sa main libre. On va pouvoir vous acheter des vêtements et maman va essayer de trouver un travail.

Cela lui faisait si bizarre de dire ça. Lina ne s'était jamais vraiment imaginée maman. Encore moins à presque 17 ans.

La jeune fille leur donna tour à tour le biberon puis commença à les habiller.

***

A 10h18, Eleanor attendait toujours sa meilleure amie, postée devant l'arrêt de bus. Elle jouait distraitement avec le fil de ses écouteurs quand elle sentit son téléphone vibrer dans sa poche. Elle le sortit et soupira en voyant le message :

« Je pense à toi. Je sens que le week-end va être long... Edward »

L'adolescente fit comme à son habitude : elle l'ignora et remit le téléphone dans sa poche. Il lui envoyait un message presque tous les jours désormais, même si elle ne répondait jamais.

Eleanor s'apprêtait à appeler son amie lorsqu'elle vit enfin Lina arriver, poussant une grande poussette.

-Oh la la, je suis désolée El ! S'excusa-t-elle aussitôt lorsqu'elle arriva à sa hauteur. Je ne savais pas où était le manteau de Lindsey –je n'allais quand même pas la faire sortir comme ça avec cette température- et ensuite c'était le tour des chaussures de Louis.

-Je comprends, répondit Eleanor avec compassion en esquissant un grand sourire en direction des bébés. Alors comment ça va les petits choux ? Il faut laisser maman dormir parfois vous savez, sinon elle est toute fatiguée après. Bon, aujourd'hui on se fait une journée entre filles ça marche ?

-Evidemment, s'exclama Lina en souriant ; la bonne humeur d'Eleanor est contagieuse.

La jeune maman avait les yeux rouges et semblait fatiguée. Eleanor comprenait tout à fait : elle se souvenait des cris chez elle, toutes les nuits, à la naissance de Chiara, puis celle de Félix.

Le bus arriva alors, posant ainsi la première difficulté de la journée à la jeune maman. Les deux adolescentes durent s'y mettre à deux pour réussir, au prix d'un grand fou rire, à hisser la poussette dans le bus.

Une fois assise sur les places handicapées -ce qui fit bien rire Eleanor-, les deux filles se mirent aussitôt à s'attarder à leur passe-temps favori : discuter de tout et de rien.

Après avoir passé la majorité du trajet à débattre sur le sujet de la maltraitance des animaux, voyant une dame devant elle avec un manteau entièrement recouvert de fourrure d'on ne sait quoi, les filles remarquèrent  la présence d'un garçon à l'avant, ayant probablement leur âge peut-être un peu plus qui se tenait seul, ses grandes mains accrochées à la barre devant lui.

Eleanor donna un coup de coude à son amie :

-Tu vois le garçon là-bas ?

-Le blond ?

-Oui, je te défie de l'aborder avec Lindsey, dit-elle malicieusement.

-Oh non, je ne veux pas mêler mes enfants à ça, répliqua Lina en faisant bouger la poussette pour essayer d'arrêter les petits gémissements de Louis qui allaient bientôt se transformer en pleurs.

-Oh la la Lina, tu n'es pas marrante, rétorqua Eleanor en lui tirant puérilement la langue. Bon allez viens, après avoir monté la poussette, il va falloir la redescendre. Demande donc au garçon de nous aider, proposa alors la jeune fille en regardant l'adolescent dont elles ne voyaient que la chevelure blonde.

Lina leva les yeux au ciel mais se dirigea tout de même vers le jeune homme avec ses jumeaux, suivie de près par Eleanor.

-Excusez-moi, est-ce que vous pourriez m'aider à descendre avec ça s'il vous plaît, demanda-t-elle d'une voix douce en désignant la poussette. Je n'y arrive pas très bien toute seule.

Le jeune homme tourna alors la tête vers elle.

Oh non... pensa Lina.

-Bien sûr, acquiesça le jeune homme, ne la reconnaissant pas.

Il est vrai que Lina n'avait aperçu le grand frère de James qu'une seule fois dans sa vie et c'était en coup de vent, mais ils se ressemblaient tant ! Les mêmes cheveux blonds, les mêmes yeux bleu vert, la même carrure d'athlète et surtout cette même gentillesse naturelle qui émanait d'eux.

Eleanor avait les yeux grands écarquillés, croyant au début comme son amie que c'était James.

Le jeune homme  prit l'avant de la poussette lorsque le bus s'arrêta alors que la jeune maman prenait l'arrière et ils réussirent à la descendre du premier coup.

-Merci beaucoup, je galère encore un peu dans les transports publics, le remercia Lina en reprenant ses jumeaux.

-Ce n'est rien, répondit-il en se penchant légèrement vers eux. Ils sont très mignons, s'exclama-t-il en souriant avant de remonter dans le bus. 

Une fois le bus partit, Lina put enfin se remettre à respirer, complètement abasourdie.

Les deux filles se remirent alors tranquillement en marche vers le centre commercial où elles commencèrent leur shopping :

-Tu n'imagines pas la peur que j'ai eue lorsqu'il s'est retourné, s'exclama Lina en se dirigeant vers un magasin de vêtements. J'ai vraiment cru que c'était James ! Et là, je ne sais vraiment pas ce que j'aurais pu dire.

-Moi aussi, renchérit Eleanor. C'est vrai qu'ils se ressemblent tellement avec son frère. Comment il s'appelle déjà... Tom quelque chose comme ça ?

-Thomas il me semble. Heureusement qu'il ne m'a pas reconnu. 

Les adolescentes se rendirent ainsi dans plusieurs magasins où Lina proposa à chaque fois ses services et déposa son CV. Sans succès. Pourtant, elle ne désespéra pas et continua à essayer dans toutes les boutiques et le café où elles passèrent, encouragée par sa meilleure amie.

-Lina ? Demanda alors Eleanor en déambulant dans le grand centre. Si ce n'est pas indiscret, comment ont réagi tes parents ?

-Et bien, grâce à Liam, ils n'ont pas eu trop le choix. Heureusement qu'il était là, expliqua la jeune maman. Mais ils ont beau me dire qu'ils seront là pour moi, qu'il m'aideront ; je sais qu'ils ont honte, qu'ils ont peur. Ils ne savent pas quoi me dire, quoi faire. C'est dur à accepter pour eux. Tu comprends, mes parents ont essayé pendant des années avant de m'avoir. Et voilà que maintenant leur fille unique après une seule fois... Enfin c'est compliqué pour tout le monde, tu vois ?

Eleanor acquiesça ; cela lui semblait la réponse la plus appropriée dans cette situation.

-Surtout que l'ambiance était déjà assez tendue à la maison depuis un moment, rajouta-t-elle d'un air triste. Je n'ai fait qu'ajouter de l'huile sur le feu en tombant enceinte. Je sais que je suis une source de problème. Et le fait qu'il y ait les bébés maintenant n'est qu'un motif de plus pour qu'ils se disputent. 

Elles arrivèrent alors devant un magasin de vêtements et d'affaires pour bébés.

En voyant les minuscules habits alignés dans les étalages, Lina s'immobilisa. C'était si bizarre.

Les deux jeunes filles firent le tour du magasin, choisissant les plus jolies petites chaussures, les petits manteaux, les gigoteuses et les vêtements d'hiver pour Louis et Lindsey car  l'on était déjà bientôt à la période du froid, du vent et de la neige.

Arrivée à la caisse, Lina paya ses achats et laissa son CV ainsi qu'une lettre de motivation à la vendeuse.

-Je peux vous poser une question Mlle Fenton ? Lui demanda-t-elle.

Celle-ci acquiesça en souriant.

-Pourquoi voulez-vous ce travail ? Je veux dire vous êtes jeune et vous avez sûrement envie de vous amuser plutôt que de travailler non ? La questionna-t-elle, voulant bien faire. Je voudrais savoir pourquoi devrais-je vous engager vous plutôt qu'une autre ayant peut-être plus d'expérience ?

Lina soupira et regarda la jeune femme qui se tenait devant elle. Elle devait avoir la trentaine, peut-être plus. Ses cheveux bruns étaient parsemés de mèches blondes qui sortaient de son chignon serré et ses yeux marron foncé étaient encadrés par de petites lunettes rectangles qui lui donnaient un air très professionnel. Quelques rides encadraient ses paupières mais son petit sourire en coin et ses fossettes révélaient une personnalité accueillante et amicale.

-Et bien je pense qu'il faut faire certains choix dans la vie, expliqua Lina en regardant les jumeaux. J'ai vraiment besoin de ce poste, et de ce salaire. Travailler dans votre boutique me permettrait de rentrer dans le monde du travail et d'acquérir de l'expérience justement. J'aime le contact avec les clients et je suis vraiment motivée. Je suis peut-être jeune, mais je vous promets que vous ne serez pas déçue, conclut-elle en guettant la réaction de son interlocutrice.

Celle-ci esquissa un petit sourire, baissa les yeux sur les papiers qu'elle tenait en main et répondit d'une voix lente :

-Et bien Mlle Fenton... marmonna-t-elle en la regardant. Nous allons examiner tout cela. Je vais voir ce que je peux faire de vous. Si cela vous va, venez mardi à 16h. Nous verrons ainsi toutes les formalités et les horaires ensemble. 

Lina sautait de joie : elle avait un job ! 

Elle la remercia chaudement en souriant de toutes ses dents et sortit du magasin sous le regard étonné de quelques mères qui se trouvaient là également.

-Ne fais pas attention à elles, elles ne savent pas à quel point tu es courageuse, l'encouragea Eleanor, lui prenant le bras. Félicitations, tu as un travail Lina !

-Je suis tellement contente d'avoir pu trouver aussi rapidement El, s'enthousiasma-t-elle en l'étreignant. Le mardi, on ne finit pas trop tard donc je pense pouvoir assez facilement arranger. Et dans un magasin de bébés, c'est ce que je pouvais trouver de mieux. Au moins, j'aurai des réductions.

Lina réussit à sourire franchement et passa devant les mères qui la fixaient le menton haut, sans perdre la face.

Extérieurement, la jeune maman surmontait cela d'une façon exemplaire, mais à l'intérieur, son cœur était brisé. Le regard des gens, leur jugement... Lina avait toujours fui cela. Au fil des années, elle s'était renfermée sur elle-même, devenant plus discrète, essayant de se fondre dans la masse, de se faire oublier.

Maintenant, cela serait impossible.

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