Chapitre 14
Véronique Fenton poussa violemment les portes de l'hôpital avant de demander des renseignements à une infirmière qui lui indiqua le côté gauche du bâtiment. La femme se mit aussitôt à courir dans cette direction, interceptant les aides-soignants qu'elle rencontrait sur son passage afin de s'y retrouver.
Lorsque le directeur l'avait appelé quelques minutes plus tôt, Véronique ne l'avait tout simplement pas cru. Comment l'aurait-elle pu ? Agacée par ses propos invraisemblables, elle avait tout simplement raccroché. Comment sa fille unique de 16 ans, avec qui elle vivait au quotidien, aurait-elle pu être enceinte sans même qu'elle le sache ?
Mais peu après, le téléphone s'était remis à sonner. La jeune femme n'avait alors eu d'autre choix que de répondre à nouveau. Véronique avait écouté attentivement tout ce que lui disait son interlocuteur, sans broncher, sans faire le moindre commentaire, avant d'aussitôt sauter dans un taxi qui la conduisit à l'hôpital qu'on lui avait indiqué.
Après plusieurs allers-retours dans les méandres des urgences, la juge finit cependant par atteindre son but. Cette porte claire et unie sans la moindre marque ne lui aspirait rien de bon. C'était trop propre, trop sinistre. Et telle était l'inscription qui se trouvait sur celle-ci, en lettre noire, détonant sur ce blanc si blanc qu'il vous en faisait mal aux yeux. La chambre 226.
Véronique Fenton ferma les yeux quelques secondes. Elle n'avait pas de quoi s'inquiéter. Ce n'était pas sa fille qu'elle trouverait derrière cette porte. C'était impossible.
Tu dois traverser, lui soufflait sa conscience. Franchis ce pas et tu pourras être rassurée. Tu le dois.
La femme s'apprêtait à appuyer sur la poignée vieillie lorsqu'elle sentit une main lui agripper gentiment le bras, arrêtant son geste. Véronique se tourna vers l'inconnu qui la lâcha doucement avant de se présenter :
-Bonjour, je m'appelle Liam Brice. Vous devez être Véronique Fenton, est-ce bien ça ? Je suis le médecin attitré de votre fille. Pourrais-je vous voir un instant avant que vous n'entriez ? C'est important.
L'intéressée le suivit donc en silence jusqu'à un bureau situé un peu plus loin dans le bâtiment. Qu'aurait-elle pu dire de toute façon ?
Le médecin lui indiqua une chaise avant de fermer la porte et de s'installer face à elle.
-Tout d'abord, je souhaite vous faire part de mon soutien. Je ne peux qu'imaginer comme cette situation doit être troublante pour vous, ainsi que pour Lina, commença-t-il.
-Cette situation, répéta la femme tout bas, comme pour elle-même.
Voyant qu'elle n'ajoutait rien, le médecin repris la parole.
-Nous avons reçu votre fille un peu plus tôt dans l'après-midi aux services des urgences. Je ne vous cacherai pas qu'elle a perdu beaucoup de sang. Mais néanmoins elle va s'en sortir, nous avons réagi à temps.
Il s'interrompit avant de la regarder, attendant une quelconque réaction de sa part. Une réaction qui ne vint pas.
-Les bébés sont en couveuses. Ils sont sans doute prématurés, ce qui est relativement courant chez des jumeaux, ajouta-t-il, faisant légèrement tressaillir Mme Fenton. La petite fille est cependant en état contrôlé pour le moment. Elle souffrait d'hypothermie lorsque nous l'avons trouvée et nous l'avons donc provisoirement confiée aux soins intensifs. Quant au petit garçon, il est en couveuse. Nous n'avons pas diagnostiqué de problèmes importants en ce qui concerne son état de santé.
Prenant une profonde inspiration, Véronique posa la question qui lui brûlait les lèvres depuis un moment :
-Et Lina ?
Le docteur Bris la fixa pendant quelques secondes avant de lui répondre :
-Je vais être sincère avec vous Mme Fenton : elle va mal. Elle est dans ce que l'on pourrait dire un état de choc. Depuis qu'elle a été réanimée, elle est silencieuse. Elle n'a pas demandé à voir ses enfants, elle n'a pas pris de leurs nouvelles. Elle est restée silencieuse, répondant comme un robot aux questions des infirmiers. Mais lorsque l'ambulancier lui a demandé si elle était ne serait-ce qu'un rien consciente de sa grossesse, elle s'est complètement fermée et leur a ordonné de quitter sa chambre s'ils ne voulaient pas qu'elle les fasse sortir de force.
Des larmes commencèrent à apparaître dans les yeux de la mère se tenant devant le bureau du médecin.
-Etiez-vous au courant de quelque chose madame ?
Elle secoua négativement la tête.
-N'aviez-vous rien remarqué de particulier ? D'inhabituel ?
La jeune femme se ressaisit légèrement et leva les yeux vers lui :
-Je ne comprends pas, je ne comprends plus. Tout était normal, elle ne m'avait jamais parlé de quoique ce soit d'inhabituel. Elle continuait sa vie normalement, sans rien changer de ses habitudes. Je ne comprends pas docteur...
-Je vous en prie appelez moi Liam. Avait-elle un petit ami ? La questionna-t-il
-Oui, il est souvent venu à la maison. C'est un garçon très gentil et poli, très respectueux envers ma fille. Mais c'est impossible, elle m'en aurait parlé...
Le médecin croisa les bras, visiblement ennuyé. Lorsqu'on lui avait parlé d'un cas de déni de grossesse, il avait de suite deviné que ce ne serait pas une mince affaire. Mais en voyant l'expression de la jeune mère lorsqu'elle était sortie de l'ambulance, il avait su que c'était bien plus que ça.
Sur son visage on pouvait lire l'incompréhension, la surprise, l'ignorance, avec la même expression que lorsque l'on est perdu. Elle avait l'air de trouver ça complètement absurde et inconcevable lorsque les infirmiers lui ont expliquer ce qu'il lui était arrivé, pensa-t-il. Pour elle, ce n'était juste pas possible.
Ça n'allait décidément pas être facile...
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