Point de vue Jisung, 06h03.

Les cognements contre la porte me sortent de mon sommeil très peu réparateur. En même temps avec un matelas en mousse à même le sol, c'est sûr que les nuits ne vont pas être fantastique. Ça commence à devenir une routine maintenant, et je déteste cette sensation. Je ne veux pas m'habituer à tout ça, mais les journées commencent à se ressembler et j'ai toujours été rassuré par le fait d'avoir une routine. Mais celle-ci m'angoisse plus qu'autre chose. Est-ce que notre famille nous cherchent ? Est-ce que nos amis se font du soucis pour nous ? Plus les semaines passent et plus j'ai l'impression que personne ne viendra nous aider. Ou que même personne n'est en train de nous chercher.

Felix grogne à côté de moi, pas décidé à se lever non plus. Les coups sur la porte du côté de la chambre de Minho s'arrête après quelques secondes pour mon plus grand soulagement. Malheureusement pour moi, Changbin compte bien sortir Felix le plus vite possible de son lit, comme à son habitude. Minho n'est pas aussi chiant pour ça, si je mets un peu plus longtemps à sortir de mon lit il ne va rien me dire comparé à Changbin. Mais de toute manière ce type est un grand malade. Il veut tout le temps tout contrôler.

- Bon tu vas te lever oui ! Changbin s'exprime en tirant sur le bras de Felix pour l'obliger à se lever.

Nous n'avons pas de rideau dans la chambre, mais la fenêtre est tellement petite que ça ne servirait pas à grand chose. La lumière du soleil levant se reflète à peine sur les murs.

Je me décide finalement à me lever lorsque Changbin claque la porte derrière lui pour laisser à Felix le temps de s'habiller. Je crois bien que c'est le peu de chose qu'il peut faire sans être surveillé. Dès que je le vois, il y a forcément Changbin dans le coin. Nos seuls moments de répit sont après les repas, on arrive parfois à discuter un peu, mais je dois commencer mon travail après et si je suis trop long, Minho commence à se douter de quelque chose.

Je m'habille silencieusement dans les même vêtement depuis un mois désormais, mis à part le jogging de Minho évidemment mais il ne me va pas du tout et l'élastique et abimé donc il me glisse souvent sur les hanches. C'est pour ça que je préfère garder mes propres vêtements. Je ne peux même pas les laver à moins que je me balade à poil dans l'entreprise, mais bon, ce n'est pas vraiment dans mes plans pour le moment. La seule chose que je peux laver et qui sèche rapidement c'est mon boxer. Enfin, le laver c'est un bien grand mot. Je le passe sous la douche avec moi et je le lave avec les produits à notre disposition, et une fois lavé je le sèche au sèche-cheveux. Ce n'est pas très hygiénique mais je n'ai pas tellement d'autre solution pour l'instant, et ce n'est pas comme si je pouvais me plaindre. Enfin si je pourrais, mais je serais plus du genre à me plaindre de m'être fait kidnapper quoi.

- C'est beaucoup trop tôt pour nous réveiller, je crois que je ne m'y ferais jamais. Felix soupire longuement en s'étirant.

- Oui enfin bon, on est pas vraiment en vacances quoi. Je lève les yeux au ciel, légèrement agacé.

Je ne suis pas vraiment du matin, mais entendre Felix dire ce genre de choses, ça a le don de m'énerver. On est pas au club med, forcément qu'ils ne vont pas faire en sorte qu'on soit bien installé, bien logé et bien nourris. Ils en ont strictement rien à foutre de nous, mais Felix parle toujours avec nonchalance de la situation, comme si ce n'était pas si grave que ça ce qu'il nous arrivait.

Il ne répond rien et part simplement dans la chambre de Changbin pour le rejoindre. Je baisse la tête en passant nerveusement ma main dans mes cheveux. C'est compliqué depuis quelques temps avec Felix, on parle de moins en moins. Je ne sais pas si c'est à cause de tout ce qu'il nous arrive ou s'il y a quelque chose d'autre, mais j'ai l'impression que nous nous éloignons. Et ça me fait mal de me le dire.

- C'est bon tu es réveillé ?

Minho s'exprime lorsque je passe le pas de sa porte pour sortir de la prison qu'est notre soit disant chambre. Enfin, je dois dire que la sienne n'est pas mieux. Il n'y a aucun effet personnel, aucun tableau sur les murs et même ses draps de lit sont d'un gris très basique. Je trouve ça vraiment bizarre d'ailleurs qu'ils dorment tous ici. Enfin je me doute bien qu'ils ne peuvent pas laisser leur victime sans surveillance, et si j'ai bien compris c'est Chan qui s'occupe de la surveillance de nuit, d'où le fait qu'on ne le voit jamais le matin. Mais je ne sais pas, ils n'ont pas de vie en dehors d'ici ou quoi ? Ils n'ont pas de famille à retrouver ? Enfin je sais que Minho n'en a plus, mais les autres en on sûrement.

- On va dire ça oui.

Il rigole à ma réponse mais il n'y a absolument rien de drôle. Je dors super mal sur leur matelas merdique, ça me donne des maux de dos abominables. Il passe à côté de moi et vient frotter mes cheveux déjà en pagaille.

- On ira t'acheter de nouveau vêtements aujourd'hui, j'ai demandé à Woojin, il n'y voit pas d'inconvénients.

Je ne réponds rien, bien trop perturbé par ce qu'il vient de me dire. Déjà, il lit dans mes pensées ou quoi ? Et ensuite, pourquoi est-ce qu'un mec qui a orchestré notre enlèvement en aurait quelque chose à faire de notre confort, ça n'a absolument aucun sens cette histoire. Ou alors, ils veulent qu'on commence à se sentir à l'aise pour nous faire tomber d'encore plus haut. J'en sais rien ça me prend de plus en plus la tête, surtout de ne pas comprendre pourquoi nous sommes là, je crois que c'est ça le pire.

Une de ses mains vient se poser dans le bas de mon dos pour me faire avancer avec lui dans le couloir. Il est bizarre depuis quelques temps lui aussi, il est beaucoup plus dans mon espace personnel qu'avant et surtout, il est beaucoup moins sur mon dos. Mais maintenant que j'y pense, je pourrais utiliser ça à mon avantage. Je sais qu'il est déjà sorti avec Chan, donc il est forcément attiré par les hommes, enfin j'espère. Je n'ai pas tellement envie de me ridiculiser. Surtout que je n'ai jamais flirté avec un homme, même avec une femme d'ailleurs. Je ne sais pas, mais ça ne m'a jamais intéressé, j'étais plus préoccupé par mes études qu'autre chose.

- Je peux te demander quelque chose ?

Il se tourne vers moi à ma phrase, sa curiosité se lisant facilement sur ses traits. Il ne dit rien mais me fait comprendre qu'il attends la suite.

- Comment... Comment tu as su que tu étais... attiré par les hommes ?

Ses sourcils se haussent de surprise. Je me doute qu'il ne s'attendait pas à cette question, mais si ça peut me permettre de me rapprocher de lui pour qu'il baisse sa garde, alors je n'hésiterais pas. Même si j'avoue que ça m'intéresse vraiment de le savoir. Je ne me suis jamais vraiment posé de question sur ma sexualité personnellement, contrairement à mes amis qui fréquentaient d'autres personnes, qui connaissaient leur premier amour, ou qui vivaient simplement des expériences.

- Mmh... Je crois que je l'ai toujours su en fait. Je n'ai jamais été attiré par une femme, et je cherchais souvent à me rapprocher des hommes qui me plaisait. Dit-il avant de hausser les épaules.

Ça l'air si simple dit comme ça... C'est vrai que quand je le regarde, je ne peux pas nier sa beauté. Il a vraiment de très beau traits, tout son visage est si... délicat. Comme une peinture qu'on aurait affiné jusqu'à atteindre la perfection. Même son regard est doux, il y a quelque chose de réconfortant lorsqu'il sourit, son visage s'ouvre pour laisser échapper une aura rassurante.

- Tu te poses des questions sur ta sexualité ?

- Hein ? Non !

Pourquoi je sens mes joues chauffer soudainement ? Peut-être qu'il doit avoir vu que je détaillais son visage, il va se dire que je le trouve beau maintenant c'est malin. Son rire me parvient aux oreilles mais je ne peux pas voir son visage vu que j'ai bien vite détourné ma tête après sa question. C'est pas possible...

- Si tu le dis.

Ah le petit ton amusé de sa voix ne me plaît pas du tout, ça me gêne encore plus c'est malin.

- On devrait aller au petit déjeuner non ? Je demande, histoire de changer de sujet.

- On a encore vingt minutes, donc on peut encore discuter.

Il a un petit sourire, mais l'expression dans ses yeux est clairement amusé de la situation. Ce que je ne suis pas du tout actuellement. Je ne réponds rien mais continue de le suivre dans le couloir, enfin je n'ai pas vraiment le choix vu qu'il a toujours sa main dans mon dos. Il s'arrête finalement devant la salle de repos juste à côté de la salle commune où nous mangeons habituellement.

- On peut aller se poser un peu avant qu'on ne commence à travailler si tu veux.

Il me dit ça comme si nous étions de simples collègues. C'est assez comique quand on sait vraiment de quoi il s'agit. Je soupire simplement en haussant les épaules. Après tout, plus on repousse le moment où nous devons travailler et mieux c'est, non ? On s'installe dans un des canapés présent de la petite pièce. Il n'y a pas grand chose non plus en décoration, ça ne doit vraiment pas être leur truc.

Un silence plutôt pesant vient s'installer après quelques secondes. Je ne sais pas vraiment quoi dire, et ça à l'air d'être de même pour Minho. On dirait qu'il réfléchit à quelque chose.

- Tu sais, je ne pense pas que ce soit si important que ça de mettre des mots sur sa sexualité. Du moment que tu te sentes bien avec la personne avec qui tu es, c'est tout ce qui compte. Peu importe ce que les autres personnes pourront dire, toi seul a le droit de juger si une personne est bien pour toi ou non, peu importe son genre. Ça ne pourra pas plaire à tout le monde, mais tu ne dois pas t'empêcher de vivre juste à cause des stupides normes que la société nous impose.

Mon cœur se sert légèrement en étendant ses paroles. Et à cet instant précis, je peux sentir mon regard changer sur lui. Je ne saurais pas comment l'expliquer, mais je sens que je ne le vois pas de la même manière qu'il y a quelque secondes. Le soleil vient se refléter derrière lui, quelques rayons se faufile entre les mèches de ses cheveux leur donnant une jolie couleur dorée. Il est vraiment...

- Je vois... Je chuchote.

Une douce chaleur rassurante se répand dans mon ventre sous son regard, mais je n'arrive pas à détourner mes yeux. Je n'arrive pas à mettre des mots sur ce que je ressens actuellement, mais tout ce que je sais c'est que je suis... bien ? Oui c'est ça, je me sens bien. Mon esprit n'est plus rongé par mon habituel angoisse, pour la première fois depuis longtemps, tout est calme.

Je me racle la gorge lorsque je me rends compte que l'on se fixe sans rien se dire, qu'est-ce qu'il me prends bordel. Je ne devrais pas me sentir aussi bien à ses côtés. Je commence à devenir fou je crois, c'est parce que je suis tout les jours avec lui. Mon esprit est en train de le tolérer mais je ne peux pas laisser ça se produire. Je... Je ne peux pas.

- Je peux te demander pourquoi vous n'êtes plus ensemble avec Chan ?

Son regard change subitement avant qu'il ne détourne complètement sa tête. Oh, on aurait presque dit qu'il était soudainement énervé. Peut-être que ça s'est mal fini entre eux... Mais pourtant ils ont l'air de bien s'entendre, c'est étrange.

- C'est... Il laisse un long soupir s'échapper d'entre ses lèvres, presque d'exaspération. Je ne peux pas dire que j'étais parfait, loin de là. Mais Chan... Comment dire... Il baisse sa tête vers ses genoux, les fixant longuement. Il avait beaucoup de problèmes. Et... au bout d'un moment je n'ai plus réussi à les gérer.

Ça doit être des souvenirs douloureux, il a vraiment l'air chamboulé soudainement.

- Je suis désolé si c'était trop personnel.

- Non ce n'est pas ça, c'est juste que je n'y avais pas pensé depuis longtemps, c'est tout.

Je hoche ma tête, ne rajoutant rien de plus. En tout cas il est doué pour faire comme si de rien était, parce que je le vois toujours souriant lorsqu'il est avec lui, alors que là ça se voit que ça l'a vraiment touché.

La porte s'ouvre soudainement sur Changbin qui ne prends pas la peine de toquer. Il nous regarde longuement, plissant légèrement les yeux avant de finalement s'exprimer.

- Qu'est-ce que vous foutez là ? Il est sept heures on vous attends.

- Oh oui, on arrive.

Minho s'exprime en se relevant directement. Je le suis sans rien dire, essayant toujours de chasser cet agréable sentiment qui me dévore de l'intérieur.