Partie 12 : Départ

      Une pièce obscure, silencieuse, froide. Saijo ouvrit les yeux, se tourna encore et encore à la recherche du moindre élément mais il ne trouva rien d'autres que les ténèbres.

- Il arrive... chuchota une voix qui semblait provenir de ce qui devait être le sol.

- Quoi ? Qui ?

      Un monstre gigantesque apparut devant lui, le couvrant de son ombre. Un corps immatériel, un simple nuage de fumée noire. Un être malfaisant, roi des ombres environnantes.

- Celui qui causera ta mort.

     Une faille s'ouvrit sous les pieds du pauvre jeune homme quand des mains vinrent s'abattre sur ses frêles chevilles. Leurs doigts crochus pénétrèrent sa peau pâle et le tirèrent vers elles. Elles le voulaient lui. Son corps, son cœur, son âme. Dans toute son entièreté. Leurs ongles acérés se plantèrent et déchiquetèrent son épiderme. Il ne pouvait plus fuir.

- Vengeance...

      Il baissa la tête et vis leurs visages. La directrice et les enfants de l'orphelinat. Leurs mines brûlées, tombantes en décrépitudes, agitaient leurs mâchoires, accrochées par de simples loques de chaire, frénétiquement. Ils voulaient leurs vies, leurs vies qu'on leur avait volé. Ils la voulaient tous, torturés par ce désir égoïste et pourtant naturel.

- Rends la nous ! Rends la nous !! se mirent-ils tous à hurler.

      Sa descente accéléra, leurs mains s'abattant et déchiquetant de plus en plus vite le corps du garçon perdu. Il allait disparaître dans ce tourbillon de haine dont il était à l'origine malgré son innocence.

- Saijo...

     Levant la tête vers la lumière qui grossissait au loin, il tendit une main désespérée, cherchant la chaleur de cette lumière abondante. Il entendait la voix. Il savait que sa lumière l'appelait.

- Saijo.

      Il devait répondre, se réveiller, saisir cette lumière pour dissiper les ténèbres. Détruire les monstres et les cauchemars. Il savait que sa lumière le sauverait comme elle l'avait toujours fait.

- Saijo !

      Les monstres cessèrent leurs gestes, leurs mains lâchèrent prise mais deux nouvelles vinrent se planter dans son torse, ses bras enlacèrent son tronc et sa bouche susurra à son oreille :

- Ceci n'est pas un rêve, Saijo...

     Le garçon ouvrit les yeux, le souffle court, la peur au ventre. Ce cauchemar... Il avait eu l'air si réel... Il aurait pu perdre la vie... Il le savait.

- Saijo, dit son frère en prenant sa main, le visage inquiet.

- Sao... Pourquoi tu as tes habits de chevalier... ? Et ces sacoches ?

- On quitte le village. Lève-toi et mange, on se met en route dans une heure.

- D'accord.

      Il ne discuta pas davantage et se leva pour aller se laver. Après s'être déshabillé, il s'observa, parcourant son corps pâle de ses yeux rouges. Ses formes étaient celles d'un homme : des bras près à soulever le monde, des pectoraux et des abdos dignes des statues grecques. Il n'avait rien à envier aux autres garçons de son âge. Du moins physiquement. Ses yeux se stoppèrent sur dix marques rouges dessinées sur son torse. Ce n'était pas totalement un rêve. Cette fois, il avait été blessé pour de vrai.

      Ses globes oculaires reprirent leur descente avant de marquer une nouvelle pause sur une seconde cicatrice sur son rein droit, bien plus vieille cette fois-ci. Une morsure qui datait de l'orphelinat. Il s'en souvenait comme si c'était arrivé la veille. C'était celle qui avait scellée son destin. Une cicatrice d'appartenance. Il serait à Lui tôt ou tard. Même après l'incendie, Il avait réussi à le retrouver. Il ne pourra pas s'en débarrasser, condamné à être poursuivi à jamais et ce, s'il y parvenait, à continuer de lui échapper.

     La buée le sortit de sa torpeur lorsqu'elle recouvrit le miroir d'une couche opaque. Il entra alors dans la douche faite en pierres et galets aux tons clairs. Les murs blancs éclairaient la pièce illuminée par une fenêtre et deux-trois bougies.

      Un frisson de bien-être se répandit dans son échine au contact de l'eau chaude ce qui lui fit pousser un soupire d'aise. Cette chaleur coulait le long de sa musculature, parcourant chaque parcelle de son corps nu avec pour seul objectif de réveiller ses muscles encore endormis. Il ferma les yeux, profitant une dernière fois de cette sensation, passa le savon sur son corps puis se rinça avant de sortir. Il se prépara rapidement, enfila sa tenue de chevalier qu'il n'avait jamais mise, engloutit son déjeuner puis rejoignit son frère sur le pont d'envol de l'école. Ils quittaient ce lieu et même leur île aujourd'hui.

- Tu es prêt, Sai ?

- Oui, ne t'en fais pas. Et toi ? Tu as dit au revoir à Tsuki ?

- Pourquoi ? Je viens avec vous !

     La jeune fille apparut, vêtue d'un pantalon de voyage noir bouffant et d'une tunique blanche aux manches brodées de fils rouges et bleus. Une chaîne à laquelle était attachée une clé, pendait à son cou.

- Vous avez besoin de moi autant pour les soins que pour accéder aux autres mondes de Buriji. Je suis la déesse, ne l'oubliez pas !

- Oui, ô grande déesse Tsuki ! s'exclama Sao sur le ton de la rigolade.

     Ils éclatèrent de rire mais Saijo ne se joignit pas à eux. Il pensait trop à Lucio. Il avait peur de ne plus jamais le revoir. Son espoir était que la porte s'ouvre sur lui et qu'il se jette dans ses bras. C'était son souhait et... il s'exauça. Lucio arriva, les yeux rouges, le teint pâle, les joues creusées par la fatigue. Il ne pouvait pas venir avec eux. Orion l'avait jugé comme trop fragile aussi bien physiquement que mentalement pour une mission aussi périlleuse que celle-ci.

     Le jeune homme à la mèche courut vers son ami et se jeta à son cou, le serrant contre lui de toutes ses forces. Il pleurait en silence le départ de son Saijo.

- T'as intérêt à revenir entier... dit-il, la voix saccadée.

- Je te le promet...

     Saijo le regarda dans les yeux. Leurs regards se transperçaient l'un l'autre tels quatre harpons qui cherchaient à s'attacher aux parois d'une montagne pour stopper la chute des alpinistes. Puis, soudain,un élan prit Lucio qui pressa ses lèvres contre celle de son amant. Ce dernier, surpris, ne le laissa pas sans réponse et vint même l'accentuer en plaçant sa première main sur sa nuque et la seconde dans son dos, son bras autour de sa taille. La passion, l'amour, le désespoir... Toutes ces émotions virent se mêler dans ce baiser langoureux, faisant danser leurs langues, l'une contre l'autre. La main basée dans la nuque de Lucio se perdit dans ses cheveux. Leurs souffles se faisant courts, ils se séparèrent à contre cœur. Le brun continua de caresser les cheveux de son amant, mettant son front contre le sien.

- Je vais revenir. Je le dois pour toi et mon frère.

- Je vais prier pour votre protection...

     Ils se sourirent, s'embrassèrent une nouvelle fois puis se quittèrent. Saijo monta sur son oiseau et fit un dernier sourire à son Lucio.

- Fais attention à toi Sai !

- Ne t'en fais pas, Lu, je suis sous bonne garde !

      Après un dernier au revoir général, les oiseaux s'envolèrent vers l'horizon d'un soleil levant. Celui d'un nouveau départ. Leur dernière chance.

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Chapitre 12 enfin sorti ! Pardon pour les temps d'attentes mais ils risquent de devenir de plus en plus long. Je vais faire mon possible pour ne pas vous faire patienter trop longtemps ^^ 

Bonne lecture ;)

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