Partie IV - Chapitre 8
Chapitre 8
James avait acquis depuis des mois la capacité de se réveiller du sommeil le plus profond dès qu'on toquait à sa porte. Lily était donc persuadée qu'il serait toujours le premier à se lever lorsque Harry pleurerait. Elle dut bien vite se rendre à l'évidence : James entendait tous les bruits nocturnes, sauf ceux émis par son fils.
Lorsqu'on frappa à la porte de leur chambre, durant cette nuit du mois de septembre, ce fut donc James qui se réveilla le premier. A moitié endormi, il parvint à attraper ses lunettes sur sa table de chevet, tomba du lit plus qu'il n'en descendit puis tituba jusqu'à la porte, sans se soucier le moins du monde d'être uniquement vêtu d'un caleçon. Même Margaret avait fini par s'y faire : l'indécence la plus totale était permise lors des réveils nocturnes. Le jeune homme s'attendait à tomber sur l'un de ses camarades de l'Ordre, qui l'entraînerait dans une mission hautement dangereuse à trois heures du matin. A la place, il fixa de ses yeux encore pleins de sommeil son ancien directeur.
- Pr... professeur Dumbledore ? balbutia-t-il.
Albus Dumbledore lui adressa un bref sourire, dépourvu de sa chaleur habituelle.
- James. Je suis désolé de vous réveiller à une heure pareille mais le temps presse.
- Mission ? bâilla-t-il. Besoin de moi ?
- Je dois vous parler, à Lily et vous.
James cessa de se frotter les yeux et laissa lentement retomber sa main. Son cerveau ensommeillé commençait à se réveiller et lui hurlait que tout cela n'avait aucun sens.
- Quoi ? fut la seule réponse qu'il parvint à donner.
- Retrouvez-moi dans le salon dès que possible, tous les deux. Oh, et vous feriez mieux de descendre avec le petit Harry.
- Je... D'accord... Quoi ?
Un sourire indulgent étira les lèvres du vieux Sorcier, sans chasser son air soucieux.
- Faites-moi confiance. C'est important.
Sans laisser à James le temps de manifester un peu plus son incompréhension, il fit volte-face et marcha à grands pas vers l'escalier. James ne se décida à rentrer dans sa chambre que lorsque le haut du chapeau pointu de Dumbledore eut disparu de son champ de vision.
- James ? appela la voix ensommeillée de Lily dans son dos. Tu dois partir ?
- Je viens d'avoir une discussion surréaliste avec Dumbledore. En caleçon.
Le rire étouffé de sa femme lui parvint. Il se dirigea d'un pas un peu plus assuré vers leur lit et alluma la lampe de chevet. Lily poussa un petit cri de protestation avant de se cacher sous leurs couvertures.
- Debout, PEC. Il veut nous parler à tous les deux.
Elle rabattit aussitôt les couvertures pour le fixer, incrédule.
- Hein ? Mais quelle heure est-il ? Je suis sûre que Harry s'est réveillé il n'y a pas si longtemps et il était une heure et demie.
James consulta sa montre avant de marmonner une injure.
- Bingo, il est deux heures passées.
- Tu es sûr que tu n'as pas rêvé ?
- Tu as entendu qu'on me parlait, non ? Je ne suis pas devenu ventriloque. Allez, viens, ça avait l'air urgent. Et il veut qu'on descende avec Harry.
- Plus ça va et moins ça a de sens, marmonna-t-elle.
James ne répondit pas, occupé à chercher ses vêtements par terre. L'inquiétude commençait à se saisir de lui, maintenant qu'il était à peu près réveillé et fonctionnel. Dumbledore en personne était venu les trouver au beau milieu de la nuit... Cela ne pouvait rien présager de bon. Pourtant qu'avait-il encore tous deux à perdre ? Leurs parents étaient morts. Lily n'avait plus que Pétunia, qui ne les avait contactés que pour les prévenir de la naissance de son fils Dudley. Ils lui avaient retourné la politesse lors de la naissance d'Harry, mais c'était tout. Merlin, il ne portait certes pas les Dursley dans son cœur mais il espérait qu'il ne leur était rien arrivé.
Un petit cri poussé par son fils le tira de ses pensées. Le bébé s'agita un moment contre sa mère avant de replonger dans le sommeil. Ils quittèrent leur chambre l'un derrière l'autre et entrèrent dans le salon seulement dix minutes après le départ de Dumbledore. Celui-ci donnait pourtant l'impression qu'il les attendait depuis des heures ; il faisait les cent pas tout en tapotant de sa baguette contre ses jambes.
- Vous voilà ! s'exclama-t-il. Asseyez-vous, asseyez-vous. Bonjour, Lily. Je suis désolé de vous tirer du lit.
Apparemment incapable de rester en place, il resta debout devant eux, sa baguette toujours dans les mains. Son regard alla de l'un à l'autre. James ne put s'empêcher de demander :
- Vous nous apportez de mauvaises nouvelles ?
Le regard du vieux Sorcier s'adoucit alors qu'il hochait la tête. James planta ses ongles dans la paume de sa main alors que Lily se tendait près de lui.
- Qui est mort ? interrogea-t-il d'une voix sèche.
- Personne, assura Dumbledore à la grande surprise de James. Et j'espère que personne ne mourra avant un moment.
- Mais...
- James, s'il-vous-plaît, laissez-moi vous expliquer. Ne m'interrompez pas. C'est une histoire un peu complexe... Un peu invraisemblable.
Dumbledore s'assit finalement dans un fauteuil qui leur faisait face. Il ferma un instant les yeux, comme pour rassembler ses pensées, puis commença :
- Vous savez que je cherchais un professeur de Divination pour Poudlard...
Il leur raconta comment il avait rencontré Sybille Trelawney à Pré-au-Lard, ses doutes quant à son talent divinatoire, puis l'incident survenu à la fin de leur entrevue. Dumbledore ne leur livra pas le texte de la prophétie, mais leur dit simplement qu'elle annonçait la fin de Voldemort. Il leur raconta qu'elle était parvenue, par des voies qu'il ne pouvait leur révéler, aux oreilles de Voldemort. James écouta tout cela sans comprendre, sa main à présent posée sur le genou de Lily. Tout lui semblait flou, confus. Il aurait voulu poser mille questions mais Dumbledore ne leur en laissait pas le temps. Enfin le vieux Sorcier acheva doucement :
- Pour diverses raisons, Lord Voldemort pense que vous êtes les instruments de sa perte. Plus précisément, il croit que votre petit Harry pourrait le mener à la mort.
***
Lily était en effet heureuse que Dumbledore lui ait conseillé de descendre avec son fils. Sentir son petit cœur battre contre le sien était la seule chose qui l'empêchait de perdre tout contrôle. Même si le choc venait de balayer les dernières brumes du sommeil de son esprit, elle ne parvenait pas à réfléchir. Son cerveau tournait à vide, bloqué sur l'idée absurde que Voldemort considérait son fils comme une menace. Elle caressa machinalement le fin duvet noir qui recouvrait le crâne de Harry. Vainement, elle tâchait de ne pas comprendre ce que cela voulait dire. Voldemort ne pouvait pas vouloir la mort de son fils. C'était impossible. Qui pourrait vouloir s'en prendre à son bébé ? Oui, l'histoire que venait de leur raconter Dumbledore était invraisemblable.
La main de James, posée sur son genou, était tellement crispée qu'il lui faisait mal. Il fixait le vieux Sorcier comme s'il le pensait fou. Alors qu'il ouvrait la bouche pour intervenir, Lily intervint d'une voix dépourvue d'émotion :
- Quel est le texte ? Le texte de la prophétie ?
- « Celui qui a le pouvoir de vaincre le Seigneur des Ténèbres approche... il naîtra de ceux qui l'ont par trois fois défié, il sera né lorsque mourra le septième mois... »
« Par trois fois défié... fin du septième mois »... Ces mots frappèrent Lily aussi violemment qu'un Cognard. Les éléments concordaient. Il pouvait s'agir d'eux. Pourtant, pourquoi Harry ? Pourquoi Harry était-il la cible de Voldemort alors que c'était eux qui l'avaient défié ? Encore et encore, elle refusait l'idée que son fils puisse être une véritable menace, et donc être véritablement en danger.
A côté d'elle, James expira lentement puis dit enfin :
- C'est un canular. Cette femme est folle, c'est tout.
- Peut-être bien, répondit Dumbledore. Le problème est que Voldemort a décidé de la croire.
- Mais ça ne peut pas être vrai ! s'exclama-t-il en se redressant d'un bond, les doigts enfoncés dans ses cheveux. La Divination, c'est ... c'est à peine de la magie, c'est... ça n'a aucun sens, Dumbledore !
Cette appellation quelque peu irrévérencieuse renseigna Lily sur l'état d'esprit de son mari. Jamais il ne s'était adressé à leur ancien directeur de la sorte. Il était trop perturbé pour faire attention à ce qu'il disait. Pour cette raison, Lily ne parvenait pas à le croire. Elle aurait aimé, comme lui, nier toute cette affaire en bloc. Cependant son air égaré ne faisait pas le poids face au regard franc et empli de compassion de Dumbledore. Un si grand Sorcier, qui ressassait cette prophétie depuis deux mois, ne pouvait se tromper sur toute la ligne. Elle éloigna Harry d'elle pour le caler au creux de son coude et considéra quelques instants son visage endormi. C'était absurde, mais c'était sans doute vrai. Détachée de la réalité, elle releva les yeux et regarda son mari déambuler sans rien dire. Dumbledore chercha un instant son regard, vit qu'elle ne manifestait rien et se tourna donc vers James, qui tirait furieusement sur ses mèches de cheveux tout en marmonnant.
- James... James, regardez-moi.
Il s'arrêta aussitôt, vaincu par le ton ferme de leur ancien directeur. Les yeux de Lily s'emplirent de larmes ; elle avait tellement besoin qu'on lui dise quoi faire. Elle voulait se reposer sur Dumbledore, lui faire confiance. Elle avait besoin d'une figure d'autorité au milieu de toute cette débâcle mystique. Elle avait besoin de concret, de vrais éléments sur lesquels s'appuyer. Elle voulait que Dumbledore les sauve, qu'il annule la prophétie, n'importe quoi... Elle accepterait n'importe quoi. Elle voulait que son fils vive.
- Me pensez-vous si crédule, James ? reprit Dumbledore. Pensez-vous que cette histoire ne me paraît pas aussi folle et invraisemblable qu'à vous ? Je vous ai exposé mes réserves sur la Divination, vous savez que j'en suis le premier détracteur. Mais dites-moi, quand ai-je rencontré Sybille Trelawney ?
- En... en juillet, balbutia James, visiblement subjugué par l'autorité qu'il dégageait.
- Ainsi, j'ai attendu deux mois avant de vous prévenir, alors que je savais depuis le début que vous pouviez être concernés, Lily et vous. Je n'ai rien dit tant que Voldemort lui-même s'est tu. Pourquoi cela ? Parce que la prophétie en elle-même n'a pour le moment aucune importance. Sa véracité n'est qu'un détail, comme avec n'importe quelle autre prophétie. Ce sont les hommes qui les accomplissent, eux qui posent des choix, eux qui écrivent leur destinée. Tout ce qui importe, ce sont les faits, non la prédiction. Et pour le moment, le fait est que Lord Voldemort a décidé que Harry était le sujet de la prophétie. Non, oubliez ce que je viens de dire : le fait est que Voldemort vous traque. C'est la seule chose à savoir.
James hocha lentement la tête. Il remonta ses lunettes et jeta un coup d'œil à Lily. Lui aussi, comprit-elle, avait besoin de ces éléments concrets, de quelque chose contre lequel ils pouvaient lutter.
- Il nous traque, répéta-t-il, les yeux fixés dans ceux de sa femme. D'accord. Très bien. On peut gérer ça.
Lily tenta de sourire mais n'y parvint pas. Cette évidence acceptée, il restait une question qui la taraudait. Elle connaissait la réponse, mais elle ne pouvait tout simplement pas le concevoir. Elle tourna les yeux vers Dumbledore et hoqueta :
- Mais pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'on voudrait tuer notre tout petit bébé ?
- Voldemort veut considérer toutes les possibilités et éliminer la moindre menace, répondit doucement Dumbledore. Fût-ce un nourrisson. C'est tout.
James vint se rasseoir près d'elle et posa sa main sur sa joue pour l'obliger à le regarder. Ses yeux bruns débordaient de tendresse et de détermination.
- Il ne lui arrivera rien, souffla-t-il. Lily, mon amour, il ne lui arrivera rien. Je te le promets.
La jeune femme hocha légèrement la tête, sans être rassurée pour autant. Elle puisait cependant de la force dans la détermination de James.
- Nous allons vous protéger, intervint Dumbledore.
- Comment ? rétorqua-t-elle en se détournant de son mari. Le QG est déjà un des endroits les plus sûrs de Grande-Bretagne, James part en mission, il peut être suivi n'importe quand...
- C'est pour ça qu'il va arrêter, coupa-t-il. Vous allez disparaître.
- Disparaître ? hoqueta Lily. Comment ça, « disparaître » ?
- Nul ne doit savoir ce que vous êtes devenus. Quand le soleil se lèvera, vous ne ferez officiellement plus parti de l'Ordre. Vos camarades ne doivent pas savoir où vous êtes partis. S'ils ignorent les raisons de votre départ, c'est encore mieux. L'ignorance est encore la meilleure des garanties. Celui qui ne possède pas un secret ne peut le divulguer.
- On peut suivre notre trace, objecta James d'une voix blanche. On l'a fait à plusieurs reprises avec l'Ordre. Une cachette n'est jamais éternelle.
- J'ose espérer que celle-ci sera sinon éternelle, du moins imprenable.
- Alors dites-nous quoi faire.
Il avait reposé ses mains sur ses genoux et fixait Dumbledore, tendu comme un arc. Lily était sûre que se laisser guider ainsi à l'aveugle par Dumbledore lui coûtait, qu'aller de l'avant alors qu'il restait tant de questions sans réponse était un calvaire pour lui. Il se montrait cependant raisonnable, il prenait sur lui... Un soudain élan de fierté perça un instant l'inquiétude de la jeune femme ; la détermination et la force de caractère qu'il démontrait faisaient honneur à l'homme qu'il était devenu. Elle glissa ses doigts entre les siens et décida d'être aussi forte que lui. Sa voix tremblait à peine lorsqu'elle demanda :
- Vous allez nous exfiltrer ?
- Non. Vous ne pouvez pas quitter la Grande-Bretagne, un tel déplacement serait aussitôt repéré. Outre le fait que vos camarades doivent ignorer le lieu de votre retraite, vous ne pouvez pas rester au QG ; il n'est pas assez sécurisé, et cela mettrait les autres en danger. Tant qu'on vous pense ici, les Mangemorts ne cesseront de traquer l'emplacement du manoir.
- Est-ce qu'ils ont déjà commencé ? reprit-elle. Est-ce qu'ils nous cherchent ?
- Je n'en suis pas sûr. Voldemort n'a arrêté sa décision qu'hier, et je l'ai moi-même appris il y a quelques heures seulement. J'ai un peu tardé à vous prévenir car je cherchais la meilleure solution, mais maintenant il nous faut agir sans tarder. Je pense l'avoir trouvée, et vous serez sans doute d'accord avec moi une fois que je vous l'aurai exposée. Cependant, je ne veux rien vous imposer. Il s'agit de votre vie. Tout ce que je vous demande, c'est de quitter le QG mais de rester sur le territoire. Le reste dépend de vous.
James ne pouvait s'empêcher de battre frénétiquement du pied, impatient d'entendre ce qu'il avait à dire. Il jeta un coup d'œil à Lily, qui déclara en leur nom :
- Allez-y. N'importe quoi si ça peut garantir la sécurité d'Harry.
- Avez-vous déjà entendu parler du sortilège de Fidelitas ?
Lily hocha la tête, ce qui parvint même à arracher un sourire à James. Comme elle disait qu'elle avait simplement lu ce nom quelque part, Dumbledore expliqua :
- Cet enchantement permet de cacher un secret au plus profond de l'âme d'une personne désignée. Une fois placé là, il ne peut lui être arraché par la magie. Seule cette personne, qu'on appelle le gardien du secret, est en mesure de le divulguer. Tant qu'il se tait, le secret ne peut être découvert. Ici, le secret serait l'emplacement de votre cachette. Nul ne pourrait vous atteindre sans avoir obtenu l'information du gardien lui-même, qui doit donc être une personne en qui vous placez une confiance absolue. Cette condition est nécessaire : vous ne pouvez cacher votre secret en vous-même, la protection ne fonctionnerait pas. L'enchantement tire toute sa puissance de la confiance accordée et de la fidélité rendue en échange. Cela ne signifie pas pour autant que le gardien sera le seul à pouvoir vous rendre visite : il peut confier le secret à des personnes de confiance, qui pourront alors trouver l'endroit mais ne pourront pas le communiquer à quelqu'un d'autre. Seulement, pour éviter tout soupçon quant à l'emplacement de votre retraite, je ne peux que vous conseiller de ne pas la quitter. On pourrait vous suivre, soupçonner l'identité du gardien... Cet enchantement ne sera pleinement efficace que si vous vous pliez au secret, vous aussi.
***
- James ? interrogea Lily lorsque le vieux Sorcier eut fini de parler.
Les mains jointes, le jeune homme fixait le parquet d'un air obstiné. Ce ne serait pas facile. Ils allaient abandonner derrière eux tout ce qui faisait leur vie depuis deux ans. Ils allaient être isolés, inutiles. Livrés à eux-mêmes, cachés et terrifiés à l'idée qu'on les trouve, qu'on s'en prenne à leur fils. La voix de Lily chassa toutes ses réflexions en un éclair. Il releva la tête, cligna des yeux puis répondit d'une voix décidée :
- Il n'y a pas de question à se poser. On le fait.
Lily hocha la tête avant de reporter son attention sur Dumbledore. Il les considéra un instant en silence puis annonça :
- Alors je vais vous laisser choisir l'endroit et le Gardien. Surtout ne me dites rien... ne dites rien à personne, gardien mis à part, tant que le sortilège n'aura pas été lancé. Rassemblez vos affaires, je reviens dans une heure avec un parchemin qui vous expliquera comment jeter l'enchantement. James, Lily... Soyez très prudent dans le choix du Gardien. Il ne sera pas seulement le gardien de votre secret mais bien de vos vies. Réfléchissez bien.
James savait déjà quel nom il allait proposer, celui qui lui était venu à l'esprit dès que Dumbledore avait mentionné le rôle du gardien. Il était à peu près sûr que Lily ne s'y opposerait pas. Ils avaient déjà confié Harry à Sirius lorsqu'ils lui avaient demandé d'être son parrain, ils pouvaient le faire une seconde fois. Quant à sa vie et celle de Lily, il les remettait entre ses mains les yeux fermés. Sirius était son meilleur ami, son presque-frère. C'était le choix le plus logique.
Dumbledore les quitta sur un dernier salut. Dès que la porte du QG se fut refermée sur lui, James se tourna vers sa femme pour demander :
- Sirius ?
- Qui d'autre ? répondit-elle avec l'ombre d'un sourire.
James scruta un instant son regard, inquiet, avant de déposer un rapide baiser sur ses lèvres.
- Ça va aller. On va s'en sortir.
- Un jour on ne s'en sortira plus, rétorqua-t-elle. Ça ne marchera pas toujours.
- On s'en fiche. On verra plus tard. On a une solution, il faut qu'on la mette en place. On verra la suite plus tard.
James se redressa d'un bond. Il avait besoin d'agir, besoin de bouger pour ne pas se perdre dans ses inquiétudes, ne pas se noyer au milieu des questions qui rôdaient aux limites de sa conscience. Agir. Ne pas se morfondre. Tant qu'il pouvait agir, il pouvait gérer cette situation.
La main de Lily se glissa alors dans la sienne, lui rappelant qu'il devait aussi la soutenir. Il se pencha pour déposer un baiser sur son front, puis lui prit un instant Harry des bras. Il avait du mal à comprendre comment il pouvait dormir aussi profondément alors qu'on le promenait en tous sens, que sa vie se jouait en cet instant précis. Il glissa son index dans son tout petit poing, les sourcils froncés. Il était si innocent. Si impuissant. C'était à lui, à Lily, de le protéger. Tant qu'il ne pourrait pas le faire lui-même, ils seraient là. Harry passait avant leur rôle dans l'Ordre, avant la guerre... avant tout.
- Je n'arrive pas à y croire, murmura Lily, qui avait enfoui son visage entre ses mains.
- On réalisera plus tard, répondit James, non sans douceur. Pour le moment, il faut qu'on parle à Sirius. Je crois qu'il est là, tu veux venir avec moi pour lui expliquer ou tu préfères commencer à préparer nos affaires ?
- Je vais faire nos malles. Tu géreras Sirius très bien.
Il hocha la tête, lui tendit le bébé puis monta quatre à quatre les escaliers. Deux minutes plus tard, il se tenait seul devant la chambre de son meilleur ami. Immobile devant le panneau de bois, il prit son temps avant d'entrer. Il savoura l'odeur de cire et de poussière qui se dégageait de ce couloir qu'il avait tant de fois parcouru. Il se remémora toutes les nuits où il avait réveillé Sirius pour l'emmener en mission, toutes les fois où Sirius lui avait jeté les clefs de la moto à la figure pour qu'ils s'envolent loin du QG. Il songea à Remus, dont la porte entrebâillée laissait deviner qu'il était en mission. Ses pensées volèrent vers ces deux années écoulées, deux années difficiles, douloureuses, mais que ses amis et lui avaient su rendre heureuses. Il laissait l'écho de leurs rires derrière lui, l'image du monceau de fleurs déposé devant la porte de Jenny, les tentatives culinaires malheureuses de Peter et les remarques déplacées de Fabian. Lily et lui avaient évoqué leur départ. Ils l'avaient espéré. Seulement, jamais ils n'avaient imaginé que ce serait si tôt, si brusque, si... définitif. Il ne savait pas quand est-ce qu'ils remettraient les pieds au QG.
Il prit une profonde inspiration et entra finalement sans prendre la peine de frapper. On ne réveillait pas Sirius si facilement. Il secoua son meilleur ami quelques secondes avant que Sirius n'ouvre enfin les yeux. Il râla comme un putois lorsque la lumière de sa lampe de chevet agressa ses yeux. Après avoir copieusement insulté James, il s'assit dans son lit et lui adressa un regard mauvais :
- J'espère que c'est très urgent. Grave. Que le Ministère est en flammes.
Un sourire cynique étira les lèvres de James.
- J'aimerais bien.
Aussitôt, l'inquiétude se peignit sur le visage de Sirius. Comme James lorsque Dumbledore était apparu devant sa porte, il devait craindre que quelqu'un ne soit mort. James décida de ne pas le faire patienter plus longtemps et lui raconta tout, tel que Dumbledore le leur avait exposé, exception faite de la prophétie. Convaincre Sirius que le texte n'était pas leur priorité lui aurait pris trop de temps. Il acheva enfin :
- ... On veut que tu sois notre gardien du secret.
Sirius, resté étonnamment silencieux tout le long de son récit, appuya un long moment ses doigts sur ses paupières ; James ne le pressa pas. Enfin, Sirius reposa ses mains sur sa couverture tout en exhalant un long soupir. Ses yeux rencontrèrent ceux de son meilleur ami alors qu'il commentait :
- Je déteste l'idée qu'une telle chose vous arrive, que vous partiez, que vous deviez fuir. Et dire qu'on veut... qu'on veut faire du mal à Harry, ça me...
- Je sais.
- C'est tellement soudain, je... il me faut un peu temps pour ingurgiter tout ça.
Un affreux soupçon s'empara de James. Il n'avait pas douté un seul instant que Sirius accepterait d'être leur gardien, mais peut-être ne le souhaitait-il pas ? Merlin, il ne pouvait pas lui imposer une telle chose. Sans lui laisser plus de temps, il commença à se lever tout en balbutiant, le cœur serré :
- Écoute, si tu ne veux pas être notre gardien ce n'est pas très grave, on peut...
- Cornedrue ! coupa Sirius en l'empêchant de partir. Bien sûr que je veux bien. Seulement tu me balances ça comme ça, j'ai besoin de réfléchir un peu posément.
Soulagé, James se laissa retomber sur son matelas. Sirius avait attrapé sa baguette et la faisait tourner entre ses doigts. Au bout de quelques minutes de silence, il interrogea :
- Lily est d'accord ?
- Bien sûr. Ça lui paraissait logique, à elle aussi.
- Hmm. Tu m'as bien dit que seul le gardien sur secret pouvait révéler votre emplacement ?
- Ouais.
- Donc on va me traquer ?
James se trouva incapable de répondre. Il n'y avait pas du tout songé.
- Sans... sans doute. Enfin, non, personne ne saura que c'est toi.
- Mais tu l'as dit toi-même, objecta-t-il. Je suis le choix le plus logique, le plus évident. Si on apprend que vous vous êtes servis de ce sort, je serai la première personne à qui on pensera. Je suis votre témoin de mariage, le parrain d'Harry... Tout le monde sait ça, à défaut de savoir que je suis votre gardien.
Bien qu'il détestât cette idée, James commençait à comprendre la réflexion de son avis. Il avait raison.
- Mais si... Admettons qu'on choisisse quelqu'un d'autre, Voldemort pensera tout de même que c'est toi. Il te traquera quand même.
- Oui, mais ça ne le mènera à rien, répondit tranquillement Sirius.
James, éprouvé par les événements de la nuit et son lot de révélation, crut bien qu'il allait se mettre à pleurer. Sirius lui annonçait tout simplement qu'il était prêt à être soumis aux pires tortures pour garder un secret qu'il ne posséderait même pas. Il n'avait pas idée que sa dévotion allait aussi loin. Il cligna plusieurs fois des yeux pour en chasser les larmes et répondit fermement :
- Je ne peux pas te laisser faire ça.
- Tu n'as pas le choix, rétorqua Sirius. Je ne serai pas votre gardien du secret. Alors quoi que tu fasses, on va me traquer quand même.
James le fusilla du regard. Sirius se contenta de sourire.
- N'essaie pas de me faire flancher, ma position est imparable. Réfléchis plutôt à une autre alternative.
Avec un soupir, James capitula.
- Remus ?
- Non, contra aussitôt Sirius. Tu le connais, il va te dire non tout de suite sous prétexte qu'il n'est pas fiable à cause de la pleine lune, etc.
- On peut quand même lui demander.
- Il est parti en mission. Or on a intérêt à faire ça vite, non ?
James hocha la tête avec un soupir. Il proposa donc :
- Peter ?
- Oui, c'est ce que je pensais, confirma son ami. Discret, pas le meilleur Sorcier de l'Ordre mais un sacré bon duelliste quand même. Capable de garder un secret, comme nous le savons. Et surtout, une fois changé en rat il peut disparaître n'importe où. Remus n'a pas franchement cet avantage.
- Merlin, tu as vraiment réfléchi à tout ça pendant les dix dernières minutes ?
- Tu l'aurais fait aussi si tu n'étais pas aussi préoccupé par le sort de ta famille, répliqua doucement Sirius. Mais t'en fais pas, tonton Patmol est là pour penser à ta place !
Cette sortie arracha un petit rire à James. Le soutien de Sirius, comme dans tous les moments de crise de sa vie, lui était essentiel.
- Merci, Patmol. Il est là ?
- Je vais le chercher.
James répéta encore une fois toute l'histoire à un Peter mal réveillé. Son ami lui fit répéter au moins deux fois les clauses du Sortilège de Fidelitas. Les yeux écarquillés, les joues pâles, il l'écouta les deux fois sans mot dire. Sirius lui asséna plusieurs fois que lui-même serait la cible, qu'il y avait peu de chance que Peter soit poursuivi. Finalement, il accepta. James ne s'inquiéta pas de son air apeuré : il avait exactement la même expression lorsque Sirius et James lui avaient proposé de devenir un Animagus.
- Merci, Peter, souffla James en le serrant un instant contre lui. Merci infiniment.
Peter lui tapota maladroitement le dos puis lui adressa un sourire un peu tremblant.
- Quand ce sera fait, la première personne à prévenir sera Lunard, commenta James tout en s'efforçant de penser aux retrouvailles des Maraudeurs plutôt qu'à leur séparation.
Le petit blond hocha la tête. James consulta sa montre et s'aperçut que l'heure allouée par Dumbledore était déjà presque écoulée. Il convint avec les garçons qu'ils resteraient dans la chambre de Sirius jusqu'à ce qu'ils soient prêts à partir puis s'apprêta à rejoindre Lily. Alors qu'il allait refermer la porte derrière lui, Sirius le retint un peu plus :
- Cornedrue ! Je ne t'ai même pas demandé : où est-ce que vous allez vivre ?
James s'immobilisa sur le pas de la porte, les sourcils froncés. Ils n'y avaient même pas réfléchi. Après avoir lancé un très sincère « aucune idée », il gagna sa propre chambre à grands pas. Lily était assise sur leur lit, penchée sur des bouts de parchemin, leurs deux malles bouclées à ses pieds. Elle avait recouché Harry dans son couffin, qu'elle avait posé près d'elle. Il jeta un coup d'œil circulaire à leur chambre, autrefois encombrée de photos, menus objets, parchemins et vêtements de bébé. Il ne restait maintenant plus aucune trace de leur passage. Lily releva la tête et lui adressa un regard interrogateur. Au lieu de répondre tout de suite à sa question, il s'approcha et demanda :
- Qu'est-ce que tu lis ?
- Ce sont tous les petits mots qu'on s'est laissés, ces deux dernières années, expliqua-t-elle avec un petit sourire. Je les ai tous gardés. J'aime particulièrement celui-là.
Elle lui tendit un papier griffonné de son écriture sur lequel était écrit : « James, si je trouve encore une de tes chaussettes par terre en rentrant de mission, je te la fais manger. (Repose-toi) (N'oublie pas de te nourrir) L. ». James sourit à son tour en avisant le cœur dessiné sous la signature. Il lui rendit le petit mot et annonça :
- Il y a une chose à laquelle nous n'avons pas réfléchi : où est-ce qu'on va vivre ?
- J'y ai pensé, pendant que j'emballais tout ça, répliqua-t-elle avec un geste vague en direction des malles. Ton père t'a légué la maison de Godric's Hollow, non ?
James hocha la tête. C'était la première idée qui lui était venu quand Dumbledore avait parlé de déménager, mais il aurait aimé avoir une autre possibilité. Cette maison était trop pleine de souvenirs douloureux. De plus, c'était la maison de son enfance... il avait peur de ne jamais réussir à en faire celle de sa propre famille, à s'y sentir chez lui et non chez ses parents. Malheureusement, il ne pouvait se permettre ce genre d'états d'âme et de sentimentalisme. Comme si Lily devinait toutes les pensées qui l'agitaient, elle lui adressa un sourire penaud.
- Je ne sais que ce n'est pas idéal, mais ça nous évite de devoir acheter, louer, emprunter... Autant d'actions qui laisseraient des traces, qui prendraient du temps. Là on peut juste... disparaître. La maison avec nous.
- Oui, c'est le mieux, approuva-t-il. Dumbledore ne devrait pas tarder à arriver avec les instructions. On va pouvoir partir.
- Sirius a dit oui ?
- En quelque sorte.
Il lui expliqua le cheminement de leur réflexion tout en ensorcelant les malles, qu'une main invisible souleva pour les emporter au rez-de-chaussée. Le salon était vide, mais un parchemin était posé bien en évidence sur la table basse. James s'en saisit et le déroula juste suffisamment pour en lire l'en-tête : « Sortilège du Fidelitas ».
- C'est ça ? interrogea Lily d'une voix tendue.
Comme lui, elle espérait sans doute retarder leur départ. Ils n'avaient cependant plus aucune raison de le faire Il hocha la tête sans la regarder et annonça simplement :
- Je vais chercher Peter.
***
Les rues de Godric's Hollow étaient évidemment vides. Il était près de quatre heures du matin ; l'aube était encore loin. Néanmoins, Lily était cachée sous la cape d'invisibilité, Harry dans ses bras. Sirius, qui avait tenu à les accompagner, avait soumis James à un sortilège de Désillusion. Pour toute personne extérieure à leur petit groupe, il n'y avait que deux hommes dans la rue, encombrés de deux grosses malles.
Ils parvinrent sans encombre devant la maison des Potter. Lily adressa un regard plein d'espoir à la maison de Bathilda ; elle n'avait pas songé, jusque-là, qu'elle serait leur voisine. La vieille Sorcière serait un précieux soutien. Peter ouvrit la barrière qui fermait l'accès au jardin. Alors que Lily allait suivre James dans leur nouvelle résidence, Sirius lui souffla :
- Je vais rester dehors, le temps que vous jetiez le sortilège. Je vais installer quelques sorts de protection de base. Peter me fera entrer ensuite.
Lily savait que c'était idiot, mais elle avait l'impression de lui dire adieu. Elle se pressa un instant contre lui. Par-dessus la cape, il déposa un baiser sur le sommet de son crâne.
- Ça va aller, murmura-t-il.
Elle hocha la tête puis trottina à la suite des deux autres. James, le sortilège de Désillusion levé, lui tenait la porte d'entrée. Une odeur de renfermé et de poussière l'assaillit dès qu'elle franchit le seuil. Personne n'était entré depuis la mort de Fleamont, au début de l'année. Bathilda avait tout rangé, nettoyé et désinfecté – le virus de la dragoncelle avait normalement disparu depuis longtemps – puis avait définitivement fermé la maison.
Lily se débarrassa de la cape et l'accrocha à la patère, où se trouvait encore le manteau de Fleamont, ainsi qu'un ciré jaune qui appartenait à Euphemia et dont il n'avait jamais pu se résoudre à se séparer. James se tenait toujours dans l'entrée, éclairé seulement par la lueur de sa baguette. Peter s'était laissé tomber dans le salon et lisait le parchemin de Dumbledore à l'aide d'une bougie trouvée sur le buffet. Lily déposa son fils dans son couffin – il s'était agité plusieurs fois au cours de la nuit mais il cessait de pleurer dès qu'on lui mettait sa tétine dans la bouche. Elle revint ensuite vers son mari et posa sa main dans le bas de son dos. Il tressaillit et tourna légèrement la tête vers elle.
- On ne m'a même pas laissé entrer le jour de l'enterrement. On craignait trop la dragoncelle.
- Je sais, souffla-t-elle.
- Ce n'est pas notre maison, Lily, comment est-ce qu'on...
- James, coupa-t-elle. Ça le deviendra. On va s'y faire.
Il leva sa baguette et éclaira les cadres suspendus au mur.
- Tous ces souvenirs, gémit-il.
- Je sais, répéta-t-elle tout en l'enlaçant. Je sais, mon chéri.
Il la pressa contre lui, le nez enfoui dans son cou, et inspira profondément. Au bout de quelques secondes, il se détacha d'elle et dit d'une voix plus posée :
- Allons-y. Tu es prêt, Peter ?
Le petit blond, resté très silencieux depuis le début, hocha la tête puis s'éclaircit la gorge.
- Il faut que l'un de vous deux me confie le secret et la charge de Gardien, expliqua-t-il. C'est un peu... c'est un peu le même principe qu'un Serment inviolable, je crois.
Sa voix couina un peu à la fin de sa phrase. Lily le comprenait : un Serment inviolable engageait la vie de celui qui jurait. Ici, Peter jouait non seulement sa vie mais aussi la leur. Une bouffée de reconnaissance l'envahit alors qu'elle regardait James saisir l'avant-bras gauche de son ami. Les deux garçons demandèrent à Lily de leur tenir le parchemin puis croisèrent leurs baguettes au-dessus de leurs poignets. Les yeux de James allaient du parchemin au visage pâle de son ami alors qu'il lisait d'une voix ferme :
- Je place aujourd'hui au secret cette maison, située au 3, Oaks path, à Godric's Hollow. J'abandonne tous mes droits sur ce secret et les donne à mon ami Peter, pour qu'il en soit désormais le gardien et honore notre confiance de son silence.
A son tour, Peter déchiffra d'une voix chevrotante :
- J'acc... j'accepte la charge du... de Gardien du secret. Il ne... il ne pourra être que par moi révélé. Que la con... confiance que tu m'accordes soit... soit le meilleur rempart à sa divulgation, que ma fidélité sans... sans faille rende le mystère du secret plus puissant.
Ensemble, ils récitèrent la formule, longue et complexe, qui scellait le sort des Potter. Des liens dorés entourèrent un instant leurs mains, avant de tous se fondre dans le bras de Peter. Ce fut la seule marque visible de l'action du sortilège. James serra un instant Peter dans ses bras, mais Lily ne put en faire autant : le petit blond s'enfuit pour aller trouver Sirius.
- Cet empressement à divulguer le secret est presque inquiétant, commenta James avec une pointe d'amusement lorsque la porte se referma derrière lui.
- Il nous rend un énorme service, soupira Lily en s'appuyant contre le buffet, soudain submergée par l'épuisement. J'espère qu'il sait qu'il n'était pas obligé de dire oui.
- Ne t'en fais pas. Je suis sûr qu'il le sait.
Lily voulut répondre, mais les émotions la submergèrent soudain. De grosses larmes dégringolèrent sur ses joues alors qu'elle plaquait la main sur sa bouche pour tenter d'étouffer ses sanglots.
- Lily ! s'exclama James en se précipitant vers elle pour la prendre dans ses bras. Oh, Lily, viens là. C'est bon. On est à l'abri maintenant. Tout va bien.
Elle pleura un moment dans ses bras, incapable de retenir ses larmes. L'angoisse, la colère, l'incompréhension des dernières heures la submergeaient. La très nette conscience qu'ils n'étaient en rien sortis d'affaire n'arrangeait pas son état. Tout était allé trop vite pour qu'elle intègre et accepte les événements. Elle n'arrivait donc qu'à pleurer.
- On est à l'abri, répéta James doucement. On est tous les trois. C'est le plus important pour l'instant.
Les larmes de Lily se tarirent quelque peu. Elle renifla et froissa le pull de son mari entre ses doigts.
- Je t'aime, murmura-t-elle.
Il resserra l'étreinte de ses bras autour d'elle et répondit d'une voix qui tremblait un peu :
- Moi aussi.
Il n'ajouta plus aucune parole d'encouragement.
***
Peter les quitta peu après. James s'inquiétait pour son ami, qui lui avait à peine adressé deux mots. Lorsqu'il s'en ouvrit à Sirius, celui-ci lui assura que Peter avait seulement besoin de se remettre de ses émotions, lui aussi. Lily monta se coucher après le départ du petit blond. Elle s'installa dans la chambre de James avec Harry. James lui promit de la rejoindre vite, mais il était pour le moment trop excité pour dormir. Sirius lui agita son paquet cigarettes sous le nez et, après quelques secondes d'hésitation, James accepta d'en prendre une. Ils s'assirent sur les marches du perron. Les étoiles palissaient à l'est et un vent froid s'était levé.
James toussota après avoir tiré une première fois sur sa cigarette. Il n'avait pas fumé depuis une éternité et ne comptait pas s'y remettre mais, Merlin, il en avait besoin.
- Tout va bien, Cornedrue ? se moqua Sirius.
- La ferme. Au moins, mes poumons ne sont pas foutus comme les tiens.
- Un point pour toi.
James considéra la rue, vide et silencieuse, qui passait devant la maison. Il avait du mal à croire que la bâtisse ait vraiment disparu de tous les radars. De son point de vue, rien n'avait changé.
- Tu avais vraiment oublié l'emplacement de la maison ? interrogea-t-il.
- Pour la cinquième fois, oui. Je me rappelais très bien ce à quoi elle ressemblait mais j'aurais été incapable de la retrouver. Je pensais que j'étais venu à Godric's Hollow pour voir Bathilda, va savoir pourquoi.
Un petit rire échappa à James. La perspective de revoir Bathilda lui réchauffait un peu le cœur.
- Qu'est-ce que tu voyais, à la place ? Un champ ?
- Non, c'était comme si la maison de Bathilda et celle des autres voisins étaient l'une à côté de l'autre.
James exhala un nuage de fumée.
- Au moins on pourra sortir dans le jardin sans se faire voir.
- Faire des barbecues.
- Des batailles de boules de neige.
- Voler sans dépasser la hauteur du toit ! triompha Sirius.
- C'est déjà ça. Par Merlin, soupira-t-il, je n'arrive pas à croire que l'Ordre soit fini pour nous. C'est arrivé tellement vite.
- Oh, à ta place je ne me réjouirais pas si vite. Maugrey a toujours de quoi occuper ses esclaves.
- Super. Tu sais, c'est vraiment bizarre d'être ici, alors que personne n'est venu nous menacer en personne. On a juste cru Dumbledore sur parole.
- Il faut dire qu'il a souvent raison, fit remarquer Sirius.
- Je sais. C'est juste... bizarre. Tout a basculé d'un seul coup.
- Ouais. Moi aussi j'ai dû mal à m'en rendre compte.
Ils restèrent un moment silencieux. Alors que la cigarette de James achevait de se consumer, la porte d'entrée s'ouvrit derrière eux. Lily, vêtue de son pyjama et d'un pull trop grand, s'assit entre eux et appuya sa joue contre l'épaule de James.
- Tu pues, commenta-t-elle avant de donne un petit coup de genou dans celui de Sirius. Toi aussi.
Sirius eut un petit rire puis donna une tape sur sa jambe avant de se relever.
- Je vous laisse, les amoureux. Je suis sûr qu'un ordre de mission m'attend déjà.
Il leur sourit, mais une lueur inquiète brillait dans ses yeux.
- J'essaie de revenir très vite.
James hocha la tête, alors que Lily prenait sa main libre dans la sienne. Sirius quitta le jardin à grands pas et disparut bientôt.
Lily et James restèrent assis sur leur perron et regardèrent les derniers vestiges de la nuit s'enfuirent. Seuls.
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