Partie IV - Chapitre 5

Chapitre 5

Le premier septembre arrivait trop vite au goût de Remus. Le dernier jour du mois d'août, il n'était toujours pas sûr d'être près. La mission que lui avait confiée Maugrey nécessitait une précision qu'il n'était pas certain de posséder. Martin était certes un voleur habile, mais ce mois de préparation avait montré à Remus qu'il pouvait être très instable.

Le jeune homme étala sur son lit les plans du Ministère et de l'appartement londonien de Travers. Il avait tout calculé, absolument tout. Ils avaient observé les tours de garde des larbins de Travers, les allées et venues devant le bureau de la secrétaire du Magenmagot. La cape de James avait largement été mise à contribution, sans que la mission exacte lui soit révélée. Maugrey avait été intransigeant à ce propos, comme toujours depuis le fiasco du QG des Mangemorts. Personne ne devait connaître la teneur des missions, en dehors de lui-même et des personnes concernées au premier chef.

Remus repassa le déroulé des évènements dans sa tête et coinça sur un détail. Il parcourut son tas de parchemins une nouvelle fois mais, ne trouvant rien, décida d'aller trouver Martin pour en parler avec lui. Il frappa plusieurs fois à la porte de sa chambre mais n'obtint aucune réponse. Il poussa doucement la porte mais s'aperçut bien vite que le jeune homme n'était pas là. Il fit tout le tour des pièces communes du QG sans parvenir à le trouver. Dans le salon, il tomba nez à nez avec Sirius qui rentrait juste de mission. Il était couvert de suie. Remus haussa un sourcil alors que son ami traversait le salon d'un pas lourd, les épaules basses.

- Je peux demander le pourquoi du comment, ou bien...

- C'est une histoire assez humiliante, coupa Sirius d'une voix lasse. Il est question d'une vieille folle bigleuse, d'une chauve-souris et d'une cheminée.

Remus sortit l'hypothèse la plus absurde qu'il parvint à trouver :

- Elle a cru qu'un Mangemort Animagus habitait dans sa cheminée alors que ce n'était qu'une chauve-souris ?

- Exactement.

- Quoi ? Sérieusement ? Mais comment elle a pu croire ça ?

- Elle pensait entendre des voix dans son salon la nuit, et quand elle allait voir elle n'entendait que la chauve-souris dans la cheminée.

- C'est Maugrey qui t'a filé cette mission ?

- Ouais. Je le soupçonne de ne l'avoir fait que pour se moquer de moi.

- Mais non, répondit Remus d'un ton peu convaincu.

Sirius tenta d'avoir l'air agacé par sa réaction mais il était plutôt amusé. Il enchaîna :

- Quand est-ce que ta grande mission doit avoir lieu ?

- Demain. Je cherche Martin pour revoir quelques points mais impossible de le trouver.

- Je peux peut-être t'aider.

- Tu sais bien que...

- Bon sang Lunard, on s'en fout des directives de Maugrey ! S'il a bien trois personnes à qui tu fais confiance dans ce QG c'est bien les Maraudeurs non ? Oh, et rajoute Lily, James lui raconte tout.

Remus tapota nerveusement la table de son index, partagé. Il avait toujours mieux saisi que Sirius l'importance de mesures de sécurité. Toujours être dissimulé lorsqu'il se rendait à la Cabane Hurlante, attendre un professeur, se laisser enfermer, mentir coûte que coûte... Toute sa vie, il avait dû faire attention. Pour Sirius, les consignes n'étaient que des lignes à franchir. Il avait raison sur un point cependant : il faisait confiance aux Maraudeurs plus qu'à quiconque. Franchir cette ligne-ci ne représentait aucun danger. Il capitula donc finalement :

- On doit s'introduire au Ministère, mais ça c'est la partie la plus facile. La vraie inconnue c'est l'appartement de Torquil Travers.

Sirius cessa de s'essuyer le visage avec une serviette qu'il venait de conjurer pour lui adresser un regard sérieux.

- Torquil Travers ? Qu'est-ce qu'il a fait ?

- Il veut présenter une loi anti Né-Moldu au Magenmagot.

- Etonnant, marmonna Sirius.

- Tu le connais ?

- Un ami de la famille. Il a joué un rôle dans le combat contre Grindelwald, il y a cinquante ans. Je te laisse deviner de quel côté il était.

- Charmant. Visiblement il a renoué avec les vieilles habitudes.

- Vous allez devoir être très prudent. Les Sang-Pur ont des techniques de protection plus horribles les uns que les autres.

- Oui, c'est ce qu'on s'est dit. On a le plan de l'appartement, et Fabian nous a donné quelques formules de désenchantement toutes faites. Ensuite il a tenté de nous expliquer qu'il fallait écouter le chant de la magie et on l'a perdu.

Sirius aboya un petit rire avant de reprendre :

- Les sortilèges c'est une chose, mais ils ont souvent des espèces de gardiens. Tu te rappelles quand Fabian et Ranger se sont introduits chez Barjow et Beurk pour voler le registre des clients ? Fabian a été attaqué par un squelette cannibale.

Remus grimaça. Il n'avait pas du tout pensé à ça.

- Des conseils pour contrer ça ?

- Pas vraiment. Ça peut être tout et n'importe quoi. Restez sur vos gardes, c'est tout ce que je peux vraiment te dire.

- C'est déjà ça.

- Oh, et ne touchez à rien. Les objets ensorcelés sont un classique.

- Ça va être pratique pour fouiller son appartement.

- Tu peux toujours prendre des gants en peau de dragon. Ça vous protégera de pas mal de trucs.

Remus hocha la tête, sans avoir besoin de demander comment Sirius connaissait tout cela. Il se doutait que la maison Black était un nid infesté d'étranges objets malfaisants. Comme s'il lisait dans ses pensées, Sirius eut un petit rire amer.

- Un jour, je me suis retrouvé avec une main nécrosée parce que j'avais touché un bibelot planqué dans une vitrine du salon. Ma mère était furieuse. Elle m'a laissé avec ma main blessée pendant toute la journée en me disant que ça m'apprendrait à toucher des trucs alors qu'on me l'avait interdit. Le plus réjouissant dans cette affaire, c'est qu'il est arrivé la même chose à Regulus deux ans plus tard et qu'il a subi exactement la même punition.

- On peut donc en conclure que tes parents sont des psychopathes, lança Remus.

- Exactement. Allez, je vais aller me débarrasser de toute cette suie.

Il quitta la cuisine sans avoir résolu le problème de Remus. Il lui avait néanmoins apporté d'importantes précisions. Resté seul dans la cuisine, il se pencha à nouveau sur la question qui l'embêtait : comment trouver les documents chez Travers ? Ils pouvaient être camouflés n'importe comment... ou alors pas du tout. L'appartement de Travers était leur première étape : la destruction des documents ne serait sans doute remarquée que tardivement, puisqu'il s'agissait uniquement de copies. Ils devaient ensuite se rendre au Ministère pour détruire la version officielle, ce qui risquait d'être vite noté.

Perdu dans ses pensées, Remus n'entendit pas la porte d'entrée s'ouvrir. Seule l'apparition de Peter et Martin dans la cuisine le tira de ses réflexions. Peter semblait fatigué, comme d'habitude. Martin avait les joues rouges et les cheveux en bataille, signe typique qu'il s'était baladé sur les falaises. Peter s'éclipsa sur un bâillement tandis que Martin se glissait près de Remus pour l'aider à résoudre leur problème.

***

Lily jeta un coup d'oeil à la montre de James, posée sur la table de chevet. Il lui restait encore sept minutes avant de devoir aller baisser le feu sous sa potion de Force. Harry venait de finir de manger et était appuyé contre ses genoux repliés. Il la regardait avec son petit air inquiet habituel, propre aux nouveau-nés. Il jouait distraitement avec ses petites mains aux longs doigts fins tout en émettant de drôles de petits bruits, auxquels Lily et James avaient fini par s'habituer. Lily sourit tout en glissant son index dans la main de son fils. James dormait à peine les premières nuits, trop terrifié à l'idée qu'il arrive quelque chose à Harry. Il ne cessait de se lever pour aller le voir dès qu'il émettait le moindre bruit. Lily avait fini par l'obliger à aller en mission de nuit, afin qu'il dorme le jour. Il était fou de son fils, se précipitant pour le voir dès qu'il rentrait – du moins s'il n'était pas couvert de sang ou de crachat de gobelins, ce qui était déjà arrivé.

Comme Harry ne semblait pas du tout avoir envie de dormir, Lily le prit dans ses bras et sortit de sa chambre. Elle n'aimait pas trop se rendre à l'infirmerie avec le bébé, de peur qu'une potion n'explose ou que des fumées nocives ne vicient l'air. Elle ferait avec, pour une fois.

Harry se blottit contre son épaule, ses petites mains posées sous sa tête. Lily déposa un baiser sur son crâne à peine dégarni – le gêne Potter était plus fort que le frottement de l'oreiller, Harry ne perdait presque pas ses cheveux – tout en descendant prudemment l'escalier. L'idée de glisser avec son bébé dans ses bras la terrifiait. Comme le faisait remarquer Sirius, tout la terrifiait depuis qu'elle était mère.

Les voix de Martin et Remus lui parvinrent alors qu'elle arrivait au premier étage. Elle changea d'idée et continua sa descente, un petit sourire sur les lèvres. Elle avait peut-être peur de tomber dans l'escalier, mais pas de confier son fils à un loup-garou. Remus le prendrait avec lui pendant qu'elle s'occupait des potions, qu'il le veuille ou non. Et il avait intérêt à accepter vite car sa potion allait bientôt être gâchée.

Les deux jeunes hommes étaient assis à la table de la cuisine et discutaient vivement. Martin l'aperçut le premier et s'interrompit aussitôt. Remus se retourna et lui sourit.

- Hé, salut Lily, Harry va...

- Bien, merci, tu peux le surveiller cinq minutes le temps que je m'occupe de mes potions ?

Elle le lui fourra dans les bras sans autre forme de procès et s'enfuit au premier étage. Le rire de Martin résonna derrière elle. Lorsqu'elle redescendit après les cinq minutes annoncées, Harry était assis sur la table, fermement tenu par Remus, et ils se fixaient en chiens de faïence sous l'œil amusé de Martin.

- Tout va bien les garçons ?

- Tout est sous contrôle, pouffa Martin.

- Ça a l'air d'aller, articula Remus sans quitter le petit garçon des yeux.

Celui-ci bâilla, cligna des yeux puis sourit. Un tout petit sourire, peut-être plus un réflexe qu'autre chose, mais un sourire quand même. Lily tira une chaise, ravie par ce premier sourire. Remus semblait complètement subjugué. Après un instant d'hésitation, il prit le bébé contre lui. Comme avec James, Harry sembla disparaître entre ses grandes mains qui agissaient avec tant de douceur. Lily contempla les cicatrices blanches qui couraient sur sa peau puis les cheveux noirs de son bébé. C'était tellement injuste qu'un être aussi doux que Remus subisse un tel destin. Martin avait cessé d'afficher un sourire moqueur et fixait la scène avec un peu de tristesse. Remus avait fermé les yeux et appuyé sa tête contre celle du bébé, une expression douloureuse sur le visage. Lily mourait d'envie de lui dire qu'il aurait droit à cela lui aussi, qu'il avait toute la vie devant lui, mais elle ne voulait pas briser l'instant ... et savait qu'il ne la croirait pas.

Lily entreprit Martin sur des sujets divers et variés alors que Remus gardait le bébé dans ses bras sans prononcer un mot. L'arrivée de James lui fit finalement ouvrir les yeux. En effet, James se mit à appeler sa femme à grands cris dès le salon. Il s'immobilisa au seuil de la cuisine et embrassa la scène du regard, avant de lâcher :

- Eh, Lunard, c'est mon bébé ça !

- Ah bon ? rétorqua son ami, goguenard. Lily ne t'a pas dit ?

- Remus ! s'insurgea celle-ci, alors que Martin éclatait de rire.

- Très amusant, ma boule de poils, grogna James en se glissant sur une chaise près de lui. Je ne te croyais pas capable d'insinuer des trucs pareils.

Son ami rougit aussitôt, alors que Lily assénait une petite tape sur la cuisse de James.

- Laisse-le tranquille.

- Oui, maître. Garde donc la bestiole, Lunard. Je préfère quand il bave sur l'épaule des autres.

Lily, qui avait gardé sa main sur le genou de son mari, lui adressa un regard perplexe. Il débordait tellement d'énergie que sa jambe tressautait sans arrêt.

- On peut savoir pourquoi tu braillais comme ça pour attirer mon attention.

Il lui adressa un grand sourire.

- Parce que je t'aime ?

- Bien essayé. Tu sais que ça ne marche pas, tu as déjà essayé en sixième année.

- Sérieusement ?

- Oh, je m'en rappelle, enchaîna Remus, réjoui. Au beau milieu de la Grande Salle le jour de la St Valentin. C'était tellement attendrissant.

Les deux Potter le gratifièrent d'un regard torve.

- Parle pour toi, lança Lily. Alors, Potter ?

- Parce que je fais une mission incroyable demain ! s'exclama-t-il en lui attrapant la main pour la secouer dans tous les sens.

- James, l'avertit Remus, crispé.

- Je sais, je sais, je ne dirai rien. Enfin, devant vous. Tout le monde sait que Lily est au courant de tout ce que je fais, hein ?

- C'est ta femme, c'est différent.

- Il faudrait que je sois vraiment stupide pour balancer tous tes secrets et te mettre en danger, commenta-t-elle. Qui changerait les couches de Harry la nuit ?

- Est-ce qu'on peut arrêter avec ça ? râla James. Est-ce que tu m'apprécies pour autre chose que ma capacité à m'occuper d'un bébé ?

- Mais oui, le rassura-t-elle. Pour tes bavardages.

Le visage de James afficha une expression encore plus perplexe et Lily éclata de rire. La soudaine agitation avait réveillé le bébé, qui s'agitait en pleurant dans les bras de Remus. Paniqué, il le tendit à ses parents. James prit aussitôt son fils et le cala sur ses genoux d'une façon experte, son dos appuyé sur ses avant-bras et sa tête posée dans ses mains. Harry cessa de se tortiller pour considérer son père. Celui-ci cessa de s'agiter. Tout son corps se détendit, l'expression de son visage s'adoucit, et un petit sourire étira le coin de ses lèvres. Lily ne put s'empêcher de sourire à son tour, subjuguée par tout l'amour que James éprouvait pour ce tout petit bout d'homme. Elle enlaça son mari sans un mot. Lorsqu'elle s'écarta, Remus et Martin s'étaient éclipsés.

- Tu peux cracher le morceau, lança-t-elle.

Toute l'énergie nerveuse de James revint aussitôt. Il se leva pour bercer Harry qui s'agitait et s'exclama :

- Je vais patrouiller dans le Poudlard Express ! Puis jusqu'au banquet. Je retourne à Poudlard, Lily !

Une bouffée de nostalgie saisit la jeune femme. Des images de la salle commune de Gryffondor l'assaillirent, de la bibliothèque, de la Grande Salle, des tours du château qui se détachaient dans un crépuscule hivernal, d'un grand garçon décoiffé avec sa cravate de travers... Merlin, comme Poudlard lui manquait.

- Je vais prendre du Polynectar et prendre ta place, prévint-elle.

- J'étais sûr que tu mourrais de jalousie, s'amusa-t-il. Donc, je me disais... Tu pourrais laisser Harry à Sirius ou je ne sais qui et me rejoindre là-bas. On surveillerait ensemble le banquet.

Lily se plut à imaginer que ce serait possible pendant quelques secondes. Retourner à Poudlard, voir les longues tables, la Répartition, entendre les mots du Choixpeau résonner... Toutes les raisons qui rendaient cela impossibles s'imposèrent néanmoins très vite à elle. Sirius osait à peine toucher Harry. Elle devait rentrer à temps pour l'allaiter. Comment allait-elle entrer dans Poudlard ? Merlin, Maugrey allait les étriper.

- James...

- J'ai déjà demandé à Maugrey, révéla-t-il.

- Et tu es toujours vivant pour me raconter ça ?

- Il voulait deux personnes, une pour aller dans les barques et l'autre avec les calèches, mais il n'avait pas assez d'effectifs. Je lui ai dit que tu pourrais dépanner.

Un sourire irrépressible fleurit sur le visage de Lily.

- Sérieusement ?

- On trouvera quelqu'un pour s'occuper de Harry. Ce n'est l'affaire que de quelques heures, tu n'as pas besoin de faire tout le trajet en train. Alors ?

Lily jaillit de sa chaise pour serrer ses deux garçons préférés dans ses bras. Le bébé poussa un cri de protestation, coincé entre ses deux parents.

- Merci, mon chéri, souffla-t-elle contre les lèvres de son mari.

Elle réalisait seulement comme elle avait envie de sortir de sa routine de jeune mère. C'était un bizarre mélange de sentiments, elle n'avait pas envie de laisser son bébé mais mourait d'envie de sortir, de faire quelque chose juste avec James. Merlin, s'adapter à sa nouvelle vie de mère en temps de guerre n'était pas facile.

- Tu me remercieras moins quand McGonagall nous aura collés après nous avoir trouvés en train de nous bécoter dans un placard.

- Parce que c'est au programme ?

Il lui adressa un sourire innocent pour toute réponse.

***

Le premier septembre était un jour gris aux nuages bas. Remus pianotait sur le rebord de la fenêtre en comptant les minutes. Torquil Travers quittait généralement son appartement à dix heures pour se rendre au Ministère. Martin et lui-même ne s'y rendraient pas avant dix heures trente, pour être sûrs que la voie était bien libre. La session au Magenmagot n'aurait lieu qu'à dix-huit heures. Marlène McKinnon devait leur envoyer un patronus si jamais l'heure était avancée au dernier moment – Remus ignorait comment elle pouvait être au courant d'une telle chose et n'avait pas posé la question.

L'horloge posée sur la cheminée de sa chambre sonna dix heures. Il eut une pensée pour les étudiants de Poudlard qui devaient être en train de boucler leurs malles et de chercher partout leur crapaud ou leur rat égaré. Comme il aurait aimé être à la leur place plutôt que sur le point de cambrioler un adepte notoire de la magie noire.

- Lupin ?

La tête de Martin passa dans l'entrebâillement de la porte.

- Il est temps qu'on s'active un peu.

- Ouais. Tu as tout ce qu'il faut ?

- Tu veux dire ma baguette et mes doigts agiles ?

Remus ne put s'empêcher de sourire. Il rejoignit le jeune homme et lui ébouriffa les cheveux. Martin était un chic type. Il commençait à aller mieux, et cela faisait plaisir à voir. La mort d'Anne laisserait pour toujours son empreinte en lui, mais il se relevait. Remus éprouvait un bizarre instinct de protection envers ce garçon qui n'avait qu'un an de moins que lui. C'était sans doute ses joues rondes et ses taches de rousseur.

Quelques minutes plus tard, ils se trouvaient aux abords de Kensington Palace. Remus était toujours étonné par l'attrait qu'exerçaient les lieux de pouvoir moldus sur les Sorciers. Ils avaient beau se targuer d'une supériorité sorcière, ils habitaient tout de même aux abords des résidences royales ou du Parlement.

Si Travers ne possédait pas d'hôtel particulier digne de celui de la famille royale, l'immeuble dans lequel se trouvait son appartement valait le détour. C'était une grande bâtisse victorienne qui s'élevait sur quatre étages – le dernier appartenait à Travers. Les grandes fenêtres élégantes et les balcons en fer forgé ajoutaient un charme certain à l'ensemble. Les deux jeunes gens, dissimulés sous la cape d'invisibilité de James, n'étaient pourtant guère impressionnés. Ils étaient déjà venus de nombreuses fois pour surveiller les allers et venues de leur cible. Ils connaissent par cœur la cage d'escalier au bois parfaitement ciré, l'imposante portée d'entrée de Travers et son heurtoir doré qui annonçait les visiteurs d'une voix criarde – du moins quand il s'agissait de Sorciers. Il s'agissait là de leur premier obstacle, qu'ils bâillonnèrent sans difficulté. Lily avait trouvé un sort de mutisme pour objet inanimé. Alors qu'ils se tenaient devant la porte silencieuse, il songea qu'ils auraient eu un mal fou à monter cette mission sans son aide. Avoir un membre de l'Ordre préposé aux recherches était finalement une bonne chose.

- Et maintenant on écoute le chant de la magie ? persifla Martin à voix basse.

Remus ignora ses sarcasmes et chuchota :

- Désillusionne moi, tu veux ?

Martin s'exécuta et se retrouva bientôt seul sous la cape. Remus grimaça : l'éclairage du couloir rendait certainement le sortilège de Désillusion moins efficace que de nuit, ou bien à la lumière des torches de Poudlard. Il devait se hâter.

Il leva les bras, sa baguette tendue, et s'efforça de relever tous les sortilèges et maléfices qui protégeaient l'appartement. Il les murmurait au fur et à mesure à Martin, qui les désamorçait dans la foulée. Bien vite, il ne sentit plus aucune barrière magique.

- On a fait le plus facile, murmura-t-il en reprenant sa place sous la cape, tandis que Martin levait le sortilège de Désillusion. On peut entrer, mais on ne sait pas ce qui va nous tomber dessus.

- Il n'y a qu'un moyen de le savoir, lança Martin avec un enthousiasme forcé, avant de traîner son comparse vers la porte.

Il déverrouilla la serrure d'un coup de baguette – pourquoi prendre la peine de fermer une porte à clef quand toute une armada de sortilèges bloquait l'accès à l'appartement, Remus ne le comprendrait jamais – et poussa le battant. Remus se positionna à ses côtés, baguette levée. Il entendait à peine le silence de l'appartement par-dessus les battements effrénés de son cœur. Il s'exhorta au calme et expira longuement. Martin, à sa droite, était pâle et tendu. Le tic-tac agaçant d'une horloge se faisait entendre dans les tréfonds de l'appartement. Remus en connaissant le plan par cœur : ils se trouvaient dans le vestibule, aux murs couverts de portraits animés qui considéraient l'entrée avec méfiance, intrigués par cette porte qui s'était ouverte toute seule. A leur gauche se trouvait la cuisine, dont sortit un elfe de maison aussi intrigué que les portraits. Remus jura intérieurement : il n'avait pas prévu qu'il y aurait un elfe. Martin fut plus rapide que lui et immobilisa le petit être, qui s'effondra sur le parquet impeccable avec un petit bruit sourd.

- Ça m'embête mais on n'a pas le choix, chuchota-t-il.

Remus hocha la tête. Les habitants des tableaux poussaient à présent des piaillement apeurés. La plupart quittèrent leur cadre, sauf un vieillard endormi dont la barbe menaçait de prendre feu. Un corbeau empaillé, accroché au-dessus de la porte qui menait au grand salon, poussa un piaillement aigu. Remus se tendit aussitôt, mais le volatile ne se manifesta pas autrement. Martin se détendit légèrement.

- On commence par le bureau ? interrogea-t-il.

- Allons-y.

Ils se débarrassèrent de la cape – au point où ils en étaient, ça n'avait plus vraiment d'importance – et s'engagèrent dans le couloir situé à droite du grand salon. Là encore, des portraits apeurés s'enfuirent devant eux. Remus s'étonna vaguement de cette réaction un peu disproportionnée mais ne se pencha pas plus avant sur la question. La porte du bureau était entrouverte. Remus la poussa prudemment et considéra la pièce quelques instants. Un grand bureau en noyer occupait le fond de la pièce. Il était couvert de parchemins, d'encriers et de plumes. Trois fauteuils en cuir l'entouraient. Une cheminée occupait l'un des murs. Au-dessus était accrochée un portrait en pied d'un Sorcier au nez proéminent qui les considéra d'un air agacé avant de leur demander ce qu'ils fabriquaient là. Pour toute réponse, Martin fit apparaître un bandeau noir devant ses yeux. Furieux, l'homme poussa un cri de protestation puis poussa une série de jurons tout droit sortis d'une autre époque. Remus jeta un coup d'œil à la plaque accrochée au bas du portrait : « Sidignius Travers (1658-1799) ».

- Encore un super prénom, commenta-t-il.

Martin marmonna une réponse, tout en ouvrant tous les tiroirs d'un coup de baguette magique. Remus lui avait bien déconseillé de toucher à quoi que ce soit. Ce dernier ouvrit une grande armoire ancienne et considéra avec découragement les rangées de dossiers qui s'alignaient sous son nez. L'intitulé de chaque compartiment était indiqué en runes. Il lui faudrait une éternité pour déchiffrer tous les noms, même s'il avait étudié les runes plusieurs années. Lily était bien meilleure que lui dans cette discipline. Sans plus tergiverser, il saisit le premier dossier et le feuilleta rapidement. Aucune créature abominable ne lui sauta à la gorge, ses doigts ne se désintégrèrent pas... Rassuré, il procéda de même pour tous les dossiers de l'armoire. Factures, correspondances privée et commerciale, documents en langues étrangères, il passa tout en revue sans rien trouver de relatif au Magenmagot. Alors qu'il arrivait à la dernière étagère, Martin poussa un cri de joie derrière lui.

- Je crois que je l'ai !

Remus délaissa aussitôt sa tâche pour se précipiter vers son camarade. Assis au pied du bureau, il était en train de parcourir une liasse de parchemins trouvés dans un tiroir.

- Il y avait un double fond, indiqua-t-il tout en mettant de côté ce qui ressemblait à des brouillons.

Enfin, il exhiba un parchemin frappé du sceau du Magenmagot. Les premières lignes étaient rédigées en lettres majuscules, d'une écriture serrée mais très soignée. Les majuscules s'étiraient dans des boucles élégantes. La lecture du début du texte suffit à leur apprendre que c'était bien le document qu'ils cherchaient.

- On embarque tout et on file, décida Remus en ramassant les brouillons. Pas la peine de lui faciliter la tâche en lui laissant toutes ses premières versions.

Martin enroula tous les documents ensemble, les fourra dans sa sacoche et remit le double fond en place. Ils détruiraient tous les documents au QG, pour éviter qu'on ne récupère les cendres. Juste avant de quitter la pièce, ils effacèrent le bandeau qui barrait la vue à l'illustre ancêtre des Travers et refermèrent la porte sur ses imprécations.

- Ça, c'est fait, souffla Remus, mais il nous reste le Ministère. On ne peut pas se permettre de se...

Le maléfice qui l'envoya valdinguer au bout du couloir l'empêcha de finir sa phrase.

***

Le Poudlard Express s'apprêtait à entrer en gare. James s'adossa à une vitre du couloir et tenta d'apercevoir les lumières de Pré-au-Lard. Des élèves passèrent derrière lui en chahutant, une balle enflammée dans les mains. La préfète-en-chef déboula derrière eux et leur confisqua l'objet. James la regarda faire, amusé. C'était une élève de Serpentard aux cheveux châtains, qui préférait une attitude glaciale aux déclarations enflammées qu'affectionnait Lily. Les fautifs s'éloignèrent en grognant tandis que la préfète-en-chef retournait dans son compartiment et éclatait de rire à une remarque de l'une de ses amis. James se demanda si cette jeune fille dont le nom lui échappait devait cette place à son mérite ou à la volonté de Dumbledore d'inverser l'image négative que tout le monde avait de Serpentard. Probablement les deux. Alors qu'il considérait ces jeunes gens avec leurs cravates vertes et argentées, il songea qu'il aurait mieux fait de considérer ses camarades de Serpentard avec plus d'égard. Certes, certains étaient déjà des causes perdues – Rogue, Avery et toute leur bande. Mais d'autres élèves n'avaient rien à voir avec ce genre d'énergumènes. La préfète-en-chef était sans doute une sang-mêlée sans histoire, sans quoi il aurait sans doute retenu son nom. Elle devait être en quatrième année lors de sa dernière année à Poudlard.

Le crissement des freins le ramena au temps présent. Merlin, il n'avait jamais réalisé à quel point ces deux années de guerre l'avait changé. Il se hâta vers la tête du train tout en s'efforçant de reléguer le passé dans un coin de sa tête. Il sauta du train avant même qu'il ne soit complètement arrêté et inspecta le quai. Les réverbères n'éclairaient pas suffisamment pour percer la noirceur de la nuit.

- J'ai déjà sécurisé le quai, Potter.

L'interpellé réprima tant bien que mal le sourire qui voulait étirer ses lèvres et pointa sa baguette sur sa femme, qui resta de marbre.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé quand on s'est retrouvé enfermé dans un placard ensemble, en cinquième année ?

- Déjà, tu nous as délibérément enfermés dedans. Ensuite, j'ai fait semblant de vouloir t'embrasser et j'ai volé ta baguette, mais MacGonagall est arrivée à ce moment-là. Tu sais, je ne suis pas sûre que ce soit une très bonne question.

- Ah, on s'en fiche, s'exclama-t-il joyeusement avant de l'attraper par la taille pour plaquer un baiser sur ses lèvres.

- Eh ! protesta une voix de garçon derrière eux. On peut descendre ou pas ? On nous a dit d'attendre votre signal.

James lâcha une Lily rougissante pour se tourner vers le préfet-en-chef, un grand gaillard de Poufsouffle qui le considérait avec un sourire goguenard.

- Potter et Evans, pouffa-t-il. Je me rappelle très bien d'une crise épique quand j'étais en troisième année. Toujours ensemble, hein ?

- On est même mariés, triompha James en attirant Lily contre lui.

- Bas les pattes, Potter, répliqua-t-il en lui donnant un coup de coude dans les côtes.

- Ouch ! Lily !

Le préfet-en-chef éclata de rire puis tira sur une clochette à l'intérieur du wagon. Aussitôt, toutes les portes s'ouvrirent et les élèves envahirent le quai. Une voix tonitruante s'éleva au-dessus du vacarme :

- Les premières années ! Par ici s'il vous plaît !

James et Lily se tournèrent d'un bloc vers Hagrid, qui venait d'émerger de la pénombre. Il se pencha vers eux avec un grand sourire.

- Ça va, vous deux ? Je ne savais pas que ce serait vous cette année ! On nous envoie des types du Bureau en général.

- Trop occupé, répondit James avec un grand sourire. Ça fait plaisir de vous voir, Hagrid.

- Qu'est-ce que vous avez fait de votre bébé ?

- Sirius essaie de le garder en vie, expliqua Lily avant de fondre sur le demi-géant pour le serrer dans ses bras. Merlin, Hagrid, ça fait une éternité qu'on ne vous avait pas vu.

- On est tous très occupés, répondit-il en lui tapotant le dos. Vous restez un peu ?

- Pendant le banquet. Je vous accompagne dans les barques, Lily s'occupe des calèches.

Pendant qu'ils parlaient, quelques minuscules premières années s'étaient approchés. Ils observaient le gardien de Poudlard avec émerveillement ou inquiétude, selon les cas. Ils n'étaient qu'une dizaine, à la plus grande horreur de James. Il fallait que cette guerre cesse.

La traversée du lac s'effectua dans le brouillard. James était seul dans sa barque, derrière le convoi de nouveaux élèves guidés par Hagrid. Il avait craint un instant que le mauvais temps ne soit le fait de Détraqueurs, mais il se rendit bien vite compte que c'était seulement un bon vieux brouillard écossais. Malgré tout, il resta sur ses gardes.

Ils parvinrent sans encombre au château, où les jeunes élèves furent confiés à McGonagall. La sous-directrice lui jeta un bref regard avant de se concentrer sur les nouveaux venus. Lily le rejoignit au moment où les portes de la Grande Salle s'ouvraient.

- Rien à signaler, lança-t-elle tout en observant la scène avec un sourire ravi. Merlin, cet endroit m'a tellement manqué.

- Moi aussi.

Adossés chacun à une porte, ils observaient les premières années trottinaient vers le Choixpeau. Ni l'un ni l'autre n'avait pu entendre sa chanson, mais à en juger par les visages pâles des élèves, il n'avait rien annoncé de bon. Une fois la Répartition effectuée, Dumbledore se leva dans un silence religieux.

- Bienvenue à tous pour cette nouvelle année à Poudlard ! Je rappelle aux nouveaux que la Forêt Interdite est bel et bien interdite. La transparence du nom a échappé à bon nombre d'élèves au cours des années.

Lily lança un regard amusé à James, que Dumbledore était très clairement en train de regarder. James se tortilla, aussi mal à l'aise qu'amusé.

- Notre concierge affichera la liste des objets interdits auprès des sabliers des maisons. Comme vous le savez, notre professeur de Divination a pris sa retraite à la fin de l'année dernière. Je n'ai malheureusement pas pu lui trouver de remplaçant pour le moment...

- Mince alors ! lança quelqu'un, provoquant les rires de ses camarades.

- Merci pour votre intervention, Gibbons, répondit le directeur. Je disais donc, je m'efforce de remédier à ce problème. Pour le moment, les cours de divination seront remplacés par des heures d'étude obligatoires. Et maintenant, bon appétit !

Il claqua des mains, et les plats se remplirent aussitôt. Au même instant, les portes se refermèrent sur Lily et James, qui se retrouvèrent seuls dans le hall désert.

- Je croyais qu'on devait rester pendant le banquet ? interrogea Lily, surprise.

- Bah, il ne va rien arriver maintenant que les élèves sont là-dedans.

Elle lui concéda cela d'un hochement de tête. James lui tendit la main avec un grand sourire :

- Une petite virée aux cuisines ?

Elle attrapa sa main avec un soupir exagéré.

- Tu causeras ma perte, Potter.

- C'est déjà fait.

- Tu crois que Dumbledore va trouver un professeur de Divination ?

- Pourquoi, tu veux la place ?

- Non, mais...

- Oh, regarde ! Un placard !

Lily éclata de rire alors qu'il la tirait à l'intérieur du placard à balais.

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