Partie IV - Chapitre 4

Chapitre 4

Remus prit son temps pour vérifier les barrières magiques installées autour de la maison de ses parents. Il avait quelque peu relâché sa vigilance, ces jours derniers. La naissance de Harry et l'absence de nouvelles attaques contre les hybrides avaient affaibli sa volonté de veiller coûte que coûte sur ses parents. Alors qu'il balançait sa baguette dans leur jardin silencieux, caché sous la cape de James, il se morigéna intérieurement. Les Mangemorts adoptaient cette tactique depuis des mois : ils se faisaient discrets pendant un temps, attendaient que l'Ordre relâche la pression puis attaquaient à nouveau, à un endroit complètement inattendu. Les Lupin avaient déjà tellement souffert par sa faute, Remus ne laisserait rien leur arriver.

Il leva les yeux vers la lune gibbeuse qui peinait à éclairer le jardin. La pleine lune tomberait une dizaine de jours plus tard. Il doutait que quelqu'un soit là pour l'accompagner. Les nuits de James seraient suffisamment occupées par son nouveau-né. Sirius ne venait qu'occasionnellement depuis longtemps déjà. Peter l'avait accompagné de nombreuses fois, mais il n'était pas venu depuis le mois de mai. Il se doutait de la raison : la guerre était de plus en plus difficile à supporter pour le petit blond, qui paraissait épuisé. Passer une nuit dehors alors qu'il pouvait se reposer était sans doute au-dessus de ses forces, et Remus ne l'en blâmait pas.

Le jeune homme quitta la posture voûtée qu'il avait adopté sans le vouloir et fit rouler ses épaules. Ses os craquèrent et il laissa échapper un soupir de soulagement. Il ne savait même plus si c'était l'effet de la lune qui rendait tout son corps douloureux ou simplement la guerre qui traînait en longueur. Il doutait que les longues heures passées à monter la garde aux quatre coins du pays soit une bonne chose pour son dos. Lily l'avait massé plusieurs fois ces derniers mois – il avait tenté de refuser mais elle ne l'avait pas laissé faire, et cela avait vraiment été efficace. Il passa la main sur sa nuque douloureuse et se demanda, les joues rouges, s'il oserait demander le même service à Margaret. Probablement pas.

Après un dernier regard sur la maison de son enfance, il se détourna, gagna le fond du jardin et transplana, bien à l'abri des regards entre les poubelles et un chêne de taille tout à fait respectable. Il ne fut pas surpris de voir de la lumière au QG lorsqu'il arriva en Cornouailles : ils vivaient tous selon des horaires de plus en plus absurdes. L'arrivée de Neville et Harry avait privé l'Ordre de quatre membres en même temps. Si Lily et Alice ne faisaient plus de mission depuis des mois, ce n'était pas le cas de James et Frank qui, Remus ne s'en rendait compte que maintenant, enchaînaient habituellement les missions. Une vague de culpabilité le submergea. Il aurait dû prendre un tour de garde au lieu d'aller vérifier les barrières magiques chez ses parents. Mais alors il aurait joué le jeu des Mangemorts et...

De frustration, il claqua la grille derrière lui. Si seulement il parvenait à suivre les ordres de Maugrey sans se poser de question, tout serait plus simple. Il avait beau être deux heures du matin, il trouva Margaret vautrée dans le canapé du salon, une tasse de café posée sur la table basse.

- Ce n'est pas très recommandé à une heure pareille, lança-t-il en fermant la porte derrière lui avec un peu trop de force.

La jeune femme lui adresse un regard fatigué.

- Il faut que je vérifie l'inventaire de l'infirmerie pour Caradoc, expliqua-t-elle dans un bâillement. Apparemment Lily était censée lui donner ça le 31.

Il se laissa tomber dans le fauteuil à sa gauche.

- Depuis combien de temps tu n'as pas dormi ?

Au lieu de répondre, elle balaya l'air de la main. Remus retira ses chaussures avec un soupir.

- Il faut que tu te reposes.

- A quoi bon ? Je dois me lever dans ... Trois heures. Je dois retrouver Maugrey.

- J'irai à te place.

Elle releva la tête de sa liste de potions et d'ingrédients, lèvres pincées.

- Hors de question. Tu viens de rentrer.

- C'était juste un truc de routine, répondit-il rapidement. Rien de fatiguant. Et puis j'ai l'habitude de partir en mission en étant crevé, ça ira.

- Oui, c'est un super argument.

- Maggy, s'il te plaît. Laisse-moi faire ça pour toi.

La jeune femme se frotta les yeux, jeta un coup d'œil à sa liste et capitula finalement.

- Très bien. Mais va te coucher tout de suite, et sois prêt pour six heures. Je te laisserai les coordonnées du rendez-vous sur la table.

Il sourit à l'entente de son ton autoritaire. La guerre avait beaucoup changé Margaret, plutôt en bien. Il aimait la voir plus sûre d'elle. Il s'exécuta donc et la laissa à ses listes. Malgré ses fanfaronnades, le réveil aux aurores fut difficile. Il se traîna hors de son lit, avala une tasse de café tout en essayant de mettre ses chaussures et transplana avec un degré de concentration assez dangereux. Il arriva miraculeusement au bon endroit, une ruelle déserte dans la banlieue de Limerick. Ce n'est qu'en touchant terre qu'il réalisa que c'était un drôle de lieu. Même si la partition entre la Grande-Bretagne et l'Irlande du Sud n'existait pas pour les Sorciers, l'ingérence du Ministère était assez réduite dans cette partie du pays. Les Irlandais avaient leur propre administration et n'aimaient guère voir débarquer les officiels du Ministère. A sa connaissance, ils dépendaient du Bureau des Aurors de Londres. Peut-être Maugrey avait-il donc ses passe-droits en Irlande.

Il suivit les indications fournies par Margaret et atteignit un petit parc qui était encore fermé au public en raison de l'heure matinale. Il déverrouilla discrètement le portail et gagna l'aire de jeux centrale. Maugrey était assis sur une balançoire, les mains crispés sur les cordes, le regard dans le vide. Pour une fois, il ne l'avait pas entendu arriver. Remus n'approcha pas tout de suite, figé par l'attitude défaite du grand homme. Il semblait désespérément seul sur cette balançoire d'enfant, au milieu des chants des oiseaux. Mal à l'aise, le jeune homme toussota et fit un pas en avant. Maugrey se redressa d'un bond, baguette levée. Son visage était parfaitement neutre.

- Ce n'est pas toi que j'attends.

- Je sais, répondit calmement Remus, les mains en l'air. Margaret est restée debout toute la nuit à cause de Caradoc.

- Qui t'a mordu, Lupin ?

Il se figea. Il n'avait jamais parlé de ça à personne. Même les Maraudeurs ignoraient l'identité du loup-garou qui l'avait mordu.

- Dumbledore vous l'a dit ?

- Répond moi avant que je ne te carbonise.

Remus expira lentement avant d'annoncer :

- Fenrir Greyback.

Maugrey laissa retomber sa baguette et reprit sa place sur la balançoire. Nerveux, Remus s'approcha lentement. Il détestait évoquer cet épisode de sa vie.

- C'était Beadle que je voulais voir, marmonna Maugrey.

- Elle n'aurait pas été très utile, dans l'état où elle était.

- Soit. J'imagine que ça n'a pas grande importance. C'est juste qu'on connaît ton visage, au Ministère.

- Je n'y ai pas mis les pieds depuis l'époque de l'assassinat de ce pauvre type au Magenmagot, fit-il remarquer. Ça doit faire plus d'un an.

- Quand les gens sont méfiants, ils sont plus attentifs, rétorqua Maugrey. Tant pis, je n'ai pas que ça à faire : j'ai une mission pour toi.

- Sans blague ?

Maugrey ignora son sarcasme pour enchaîner :

- Un projet de loi complètement absurde va bientôt être présenté au Magenmagot. Dumbledore a besoin de plus de temps pour le démonter point par point, donc il veut qu'on se débarrasse des exemplaires existants du projet, pour lui faire gagner du temps. Ils reconstruiront le dossier mais quand ce sera fait, la défense de Dumbledore sera prête.

Remus se retint de noter le caractère peu légal de la manœuvre et demanda à la place :

- Où se trouvent ces exemplaires ?

- L'un d'eux est dans le bureau du Ministre, le second chez l'homme qui porte la proposition.

- A savoir ?

- Torquil Travers. Un vieil ennemi de Dumbledore et une sacrée teigne.

Sans aller plus loin dans ses explications, Maugrey attrapa une sacoche qu'il avait posée à ses pieds et la tendit à Remus.

- Tout est dedans. Ne te le fais pas piquer.

Sans l'ouvrir, Remus hocha la tête.

- Quand est-ce que ça doit être fait ?

- Le projet doit être présenté le 1er septembre, pour éviter la présence de Dumbledore justement. Si on pouvait découvrir seulement quelques heures avant la séance que toute trace de la loi a disparu, ce serait parfait.

- Très bien. Je fais ça tout seul ?

- Fais toi aider de Ranger. Je l'ai vu détrousser Prewett sans qu'il s'en rende compte.

Remus retint un sourire, suscité à la fois par son amusement envers les prouesses de Martin et par l'admiration qu'il sentait chez Maugrey. Martin aurait sans doute une place toute prête au Bureau des Aurors une fois la guerre terminée.

Avant qu'il n'ait eu le temps d'acquiescer, Maugrey se redressa, sa jambe de bois profondément enfoncée dans le sable, et disparut dans un craquement, laissant comme seul indice de sa présence l'oscillation de la balançoire.

***

Une douce brise balayait la campagne anglaise. Emmeline entendait dans le lointain les cloches des moutons. Un clocher s'élevait un peu plus loin, signe qu'un petit village nichait entre deux bosquets. Merlin, comme elle aurait aimé que tous les démons des cinq enfers ne s'apprêtent pas à déferler sur ce petit coin d'Angleterre.

La main de Benjy se posa sur son épaule et elle tourna la tête, les sourcils toujours froncés.

- Ne fais pas cette tête, ordonna-t-il.

- Depuis quand est-ce que je fais ce que tu me demandes, Fenwick ?

- Ça va bien se passer.

- Tu sais aussi bien que moi que non.

- C'est juste une livraison à intercepter.

- De joubarbe verte des pins.

- Tu sais, plus j'entends ce nom et plus je me dis qu'il est ridicule.

- Benjy, gémit-elle, n'essaie pas de changer de sujet.

- Bon, très bien, répondit-il innocemment tout en faisant glisser sa main dans le creux de ses reins.

Elle pinça les lèvres et s'écarta d'un pas. Il rangea sagement ses mains dans son dos, l'air toujours aussi innocent.

- Est-ce qu'on peut se concentrer sur le danger imminent qui nous menace, s'il-te-plaît ?

- Ce n'est pas le Blitz, tu sais. Ils vont arriver par Portoloin ou par balai, c'est tout.

- On ne sait pas combien ils seront.

- Certes.

- Et je n'ai jamais eu affaire à des Sorciers biélorusses. Peut-être qu'ils ont des techniques de combat bien plus brutales que les nôtres.

- Peut-être.

- Merlin, ce que tu es agaçant.

- Quoi ? s'offusqua-t-il. Quand j'essaie de te réconforter tu me contredis et quand je te laisse parler tu m'engueules !

Incapable de trouver une réponse adéquate, Emmeline se détourna et scruta le ciel plein de nuages moutonneux. La cloche de l'église sonna dix-sept heures.

- Ça fait des heures qu'on est là, marmonna Benjy dans son dos.

Elle hocha simplement la tête, concentrée. Un léger bourdonnement venait de perturber le doux bruissement de la nature. Ce n'était pas le moment de se planter. Ils avaient pour mission d'intercepter un chargement illégal de joubarbe verte des pins en provenance de Biélorussie, chargement qui devrait permettre aux Mangemorts de reprendre la fabrication de Veritaserum malgré la destruction du seul plant de jourbarbe de Grande Bretagne par Benjy, des mois plus tôt. Personne ne semblait capable de dire comment l'information était parvenue jusqu'à l'Ordre, aussi Emmeline était-elle particulièrement méfiante. Comme ils ignoraient l'heure exacte de la livraison, Benjy et elle avaient déjà passé une vingtaine d'heures sur place.

- Tu entends ?

Benjy hocha la tête, tendu.

- On dirait un moteur. Sauf que ça vient du ciel.

- Et tu sais comment on appelle un moteur qui vole ? Un avion.

- Très amusant, Vance, merci, grinça-t-il. Ça se rapproche. Et ça vole à basse altitude. Dix gallions que c'est une voiture volante.

Emmeline soupira, les yeux levés vers le ciel. C'était forcément ça.

- Les Biélorusses ou les Mangemorts ?

- On a encore des voitures en URSS ?

- Euh... Je crois.

Leur conversation fut interrompue par l'irruption subite, entre les nuages, d'une vieille Trabant verte à la peinture écaillée qui devait venir tout droit de Berlin-Est. Benjy et Emmeline s'enfoncèrent un peu plus dans le buisson où ils se cachaient depuis leur arrivée.

- Ils doivent avoir un système d'invisibilité, murmura Benjy.

- Sans blague.

Il lui aurait sans doute vertement répondu si la Trabant ne s'était pas écrasée au sol au même moment : un instant elle planait au-dessus des champs, l'instant suivant elle partait en vrille et percutait un grand chêne à pleine vitesse. Le capot se plia comme un accordéon, un pneu explosa, le coffre s'ouvrit avec fracas... Puis ce fut le silence. Benjy et Emmeline, à une centaine de mètres de là, échangèrent un regard perplexe. Ils pensaient que les Biélorusses et les Mangemorts étaient alliés, pas que les seconds allaient canarder les premiers.

- Il faut qu'on s'approche, chuchota Benjy.

Sans qu'il n'ait eu besoin de lui demander, Emmeline le fit disparaître sous un sortilège de désillusion. Il fit de même pour elle et ils s'extirpèrent de leur cachette. Ils avancèrent prudemment vers la voiture, qui dégageait une fumée noirâtre. Emmeline craignait que le véhicule n'explose. Lorsqu'ils furent suffisamment près, elle aperçut deux Sorciers assis à l'avant. Le conducteur était appuyé contre son dossier, du sang s'écoulant d'une blessure à la tête. Son co-pilote était figé dans une position impossible, sans doute frappé par un sortilège de stupéfixion. L'arrière était rempli de caisses en bois, recouvertes de caractères cyrilliques. Il en allait de même pour le coffre.

Alors qu'Emmeline faisait le tour de la voiture, elle entendit Benjy murmurer :

- Mais qu'est-ce qui a bien pu se passer...

- Les Mangemorts n'ont peut-être pas les moyens de payer, suggéra-t-elle à voix basse.

- Donc ils vont rappliquer.

- Probablement.

- On laisse tomber le sortilège ?

- C'est parti.

Ils réapparurent au même moment. Un instant plus tard, trois silhouettes masquées surgirent des sous-bois. A en juger par leur ton enthousiaste, les Sorciers étaient très fiers d'eux. Leur allégresse retomba quand ils découvrirent leur comité d'accueil. Le frisson de l'adrénaline parcourut Emmeline, qui s'étonna un instant de toujours apprécier autant le danger après toutes ces années. A en juger par le demi-sourire de Benjy, c'était la même chose pour lui.

L'un des Mangemorts, sa surprise passée, engagea le combat. Un sortilège fila vers Emmeline. La jeune femme ravala un juron : elle était toujours attaquée en premier, sans doute sous prétexte qu'elle était une femme et donc plus facile à abattre. Les imbéciles. Elle annula le sortilège d'un mouvement sec de sa baguette et contre-attaqua aussitôt. Trois flèches de feu filèrent vers son agresseur, qui ne parvint à en éviter que deux. La troisième brûla le bas de sa robe. Emmeline profita de la distraction pour courir vers lui, mais une vague d'énergie la balaya vers la voiture accidentée. Elle percuta le sol avec un grondement sourd. Il avait réagi plus vite que ce qu'elle pensait. Ignorant la douleur qui pulsait dans son corps, et particulièrement dans son poignet droit, elle se redressa, et fit face à son adversaire. Les deux autres affrontaient Benjy sur sa droite. Un minuscule mouvement de la baguette du Sorcier attira son attention. Elle s'apprêta à se protéger, mais rien ne se passa. Perplexe, elle plissa les yeux. Si seulement elle pouvait voir le visage de son assaillant !

Un craquement au-dessus de sa tête la fit sursauter. Elle leva prestement les yeux et aperçut l'énorme branche qui se précipitait vers le sol. Sa première impulsion fut de se jeter au sol mais la raison l'emporta : d'un mouvement de baguette, elle arrêta la branche juste au-dessus de sa tête et la précipita vers le Mangemort, qui n'eut que le temps de la désintégrer d'un « Reducto ! » apeuré. Des éclats de bois volèrent dans tous les sens, Emmeline en évita un particulièrement épais de justesse mais ne put rien faire contre les échardes qui se plantèrent dans sa chair. Du sang dégoulinait des bras du Mangemort, qui avait protégé son visage par pur réflexe, alors qu'il portait un masque. Le souffle court, les adversaires se firent face. Ils attaquèrent au même moment, aussi déterminés l'un que l'autre.

***

Benjy ne se préoccupa pas de ce qui arrivait à Emmeline : elle était capable de se débrouiller toute seule et il en était parfaitement conscient. Affronter deux adversaires à la fois était une préoccupation tout à fait suffisante. Les deux Mangemorts étaient plus doués que certains spécimens particulièrement décevant auxquels il avait eu affaire, mais ils n'étaient pas non plus parmi les meilleurs combattants de Voldemort. Le plus massif lui donnait du fil à retordre par la puissance de ses attaques. Il était souvent déstabilisé, ce qui permettait au second de s'en prendre à lui plus facilement.

Le jeune homme jura tout haut lorsque des racines jaillirent de terre pour s'enrouler autour de sa cheville, l'arrêtant net dans son élan. Déséquilibré, il s'écroula face contre terre. Il désintégra les racines aussi vite qu'il put, mais pas assez pour éviter tout à fait la boule de feu qui fila vers lui. Il roula un peu plus loin en jurant toujours plus fort, le flanc droit brûlé à un degré qu'il préférait ne pas imaginer. Furieux, il sauta sur ses pieds. Sous le coup de la douleur, le sang lui monta à la tête et il vacilla, sans pour autant se priver pour attaquer ses adversaires sans retenue. A force de persévérance, il réussit à les toucher tous les deux. Sentant qu'il allait s'écrouler, il lança une ultime attaque. Une vague d'énergie balaya les deux Mangemorts, qui roulèrent à quelques mètres de là. Bien décidé à leur rendre la monnaie de leur pièce, Benjy fit à son tour jaillir des racines de la terre pour les immobiliser au sol. Il s'approcha, baguette levée, prêt à les mettre hors d'état de nuire pour de bon.

- Ben !

Benjy s'immobilisa avec un grognement. La douleur deviendrait bientôt insupportable, et pourtant il se laissait arrêter par Emmeline. Il ne tourna pas la tête, bien conscient que ce simple mouvement risquait de le faire chuter. Les deux Mangemorts commençaient à s'agiter, mais les racines se resserraient autour d'eux dès qu'ils bougeaient trop brusquement.

- Donne-moi ça.

Emmeline lui arracha sa baguette des mains, stupéfixa les Mangemorts et se planta face à lui, les sourcils froncés.

- On peut savoir ce que tu comptais faire ?

Au lieu de répondre, il s'évanouit.

Lorsqu'il reprit conscience, il était allongé par terre près des Mangemorts. Emmeline passait sa baguette au-dessus de son flanc brûlé. Elle avait achevé de déchirer son t-shirt déjà brûlé.

- Si tu voulais que je me mette à poil, il suffisait de demander, marmonna-t-il.

- Oh, la ferme. Tu as pris un sale coup.

- Sans blague, grinça-t-il entre ses dents serrées.

Une main toujours posée sur son ventre, elle leva les yeux vers les siens.

- Je ne peux pas faire grand-chose d'autre. Je risquerai de faire un trou dans tes intestins.

- Charmant. Ils sont tous K.O. ?

- Non, ils nous menacent tous là tout de suite.

- Amusant, Vance.

- Bien sûr qu'ils sont K.O. ! On n'a plus qu'à détruire la marchandise et à ramener tout ce monde au Ministère.

Benjy se redressa sur ses coudes en faisant abstraction de la douleur et de la main d'Emmeline. Il scruta les trois Mangemorts immobilisés puis tenta de jeter un coup d'œil à la voiture.

- Et les Biélorusses ?

- Pareil. Le Bureau va envoyer une note au Département de la Coopération magique, j'imagine. On n'a sans doute pas le droit de les incarcérer en Grande-Bretagne.

- Les cellules sont déjà trop pleines de toute façon.

- En plus.

L'expression inquiète d'Emmeline disparut au profit d'un sourire un peu plus aimable

- Tu veux mettre le feu à la voiture ?

Benjy ne put s'empêcher de sourire.

- S'il te plaît.

***

Le beau temps avait peu à peu cédé le pas à un ciel nuageux et menaçant. Le gris acier qui plombait l'atmosphère semblait peu naturel, tout comme le froid qui s'installait progressivement à la place de la douce chaleur du mois d'août. James jeta un coup d'œil inquiet autour d'eux mais ne dit rien afin de ne pas alarmer Lily. Elle berçait doucement Harry, qui avait peu apprécié sa première expérience de transplanage. James ne l'en blâmait pas. A vrai dire, il était même étonné qu'on puisse faire transplaner un si petit bébé.

- Viens, Lily, dit-il le plus normalement possible en saisissant sa valise. Il va sans doute se mettre à pleuvoir.

Elle hocha distraitement la tête, concentrée sur son bébé. Il laissa échapper un soupir de soulagement lorsqu'ils refermèrent la porte du QG derrière eux. Une rafale de vent fit vibrer les fenêtres au même instant. James n'aimait pas ça. Si c'était bien des Détraqueurs qui traînaient dans le coin, cela signifiait peut-être que le QG avait été repéré.

La porte de la cuisine s'ouvrit et Margaret les considéra en silence quelques instants avant de pousser un cri de joie. Elle se précipita vers Lily et s'extasia sur le petit Harry, pendant que James se rendait dans la cuisine vide. Des éclats de voix lui parvinrent de la salle de réunion. Il y trouva Gideon et Fabian occupés à se disputer autour d'une carte de Grande-Bretagne étalée sur la table. Avant qu'il n'ait pu demander de quoi il retournait, la pluie s'abattit avec fracas sur les baies vitrées. Dans le parc, les arbres s'agitaient avec violence. Les frères Prewett cessèrent de se disputer pour regarder à leur tour par la fenêtre. James s'aperçut alors que Marlène était également présente, silhouette discrète contre les plis des rideaux.

- Ce n'est pas normal, dit-elle doucement.

Sa voix était à peine perceptible par-dessus le fracas de la tempête. Gideon remarqua alors la présence de James et s'exclama :

- Potter ! Vous venez de rentrer ?

Le jeune homme hocha la tête, les yeux toujours fixés sur le parc.

- Ce n'est pas naturel. Il faisait un temps magnifique quand on a quitté la maternité. Et le ciel est...

- T'as jamais vu un Détraqueur attaquer ? rétorqua Fabian d'une voix bourrue.

- Bien sûr que si. Mais je n'avais jamais vu le temps se ... détraquer autant à leur approche. Et surtout ils ne sont jamais venus jusqu'ici.

Marlène quitta son poste d'observation pour se rapprocher des trois hommes. Elle adressa un sourire bienveillant à James.

- Je crois que les félicitations sont de mises pour la petite famille Potter.

Il la remercia d'un hochement de tête avant de désigner la carte étalée sur la table.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Toujours la même chose, grogna Gideon. On essaie de trouver leur QG. Ou une logique aux attaques. N'importe quoi qui pourrait nous aider à anticiper le prochain problème.

- J'ai l'impression qu'il est ici, le prochain problème, fit remarquer James.

- On ne doit pas sortir du périmètre protégé, intervint Marlène. Les protections autour du manoir empêcheront les Détraqueurs de trop approcher, mais si nous sortons pour les affronter nous révélerons notre position.

- Et ceux qui rentrent de mission ?

Marlène hésita un instant en se mordillant la lèvre inférieure, puis annonça :

- On va déroger à la règle habituelle, tant pis. Il faut à tout prix qu'ils restent loin d'ici jusqu'à nouvel ordre. Gideon, viens avec moi. On va leur envoyer des patronus.

L'interpellé la suivit sans protester. Fabian se concentra à nouveau sur la carte, les mains posées sur les hanches. Après un moment d'hésitation, James quitta à son tour la pièce et gagna le deuxième étage. Il attrapa son balai dans sa chambre, ouvrit grand la fenêtre malgré la pluie battante et le vent qui faisait trembler les arbres, et s'élança dans l'air glacé. Après un virage serré, il atterrit sur le toit du manoir. Ces quelques secondes avaient suffi pour qu'il soit trempé jusqu'aux os et donc frigorifié. Sans en tenir compte, il jeta un sort sur ses lunettes pour en chasser la pluie puis scruta le ciel du regard. Il les vit finalement. Il n'avait jamais vu autant de Détraqueurs rassemblés au même endroit. Certains passaient droit au-dessus de sa tête, au moins dix mètres plus haut, sans le percevoir. D'autres évoluaient du côté de la mer, d'autres de la ville de Penzance. Il y eut une pensée angoissée pour les habitants ; si seulement ils avaient pu sortir de là pour les chasser !

Un violent frisson le secoua et il se décida à rentrer avant d'attraper une pneumonie. Il enfourcha son balai et fila vers la fenêtre laissée ouverte, dans l'encadrement de laquelle il eut la surprise de trouver Lily. Elle s'écarta pour le laisser rentrer et s'empressa de fermer derrière lui. Elle entreprit de lui frotter la tête avec une serviette avant même qu'il n'ait eu le temps de poser son balai. Il le laissa tomber au sol avec fracas et lui attrapa les poignets avec un petit rire.

- Tu vas me rendre chauve.

- Et toi tu vas être malade si tu n'enlèves pas tes vêtements tout de suite.

Il haussa un sourcil amusé, un sourire suggestif sur les lèvres. Lily piqua un fard comme si elle avait encore dix-sept ans et laissa retomber la serviette sur ses épaules.

- Qu'est-ce que tu faisais dehors ?

Il soupira tout en faisant passer son t-shirt par-dessus sa tête.

- J'observais. Il y a des Détraqueurs partout.

- Quoi ?

Tout en cherchant des vêtements secs, il lui expliqua ce que Marlène lui avait dit. Il aperçut le landau de Harry posé près de leur lit, le bébé endormi à l'intérieur.

- Mais s'ils savent qu'on est en Cornouailles..., commença Lily.

- Ils finiront par mettre la main sur le QG, ça ne fait aucun doute.

- Tu crois qu'ils vont rester là longtemps ?

- Sans doute pas, sinon le Bureau va finir par intervenir, répondit-il en jetant ses chaussures dans un coin. Non, c'est sans doute une guerre des nerfs. Ils sont en train d'enfumer notre terrier.

- J'ignorais que tu t'y connaissais en métaphore sur la chasse, commenta Lily.

Il leva les yeux au ciel et lui jeta son pantalon trempé à la figure.

- Moque toi, Lily-Jolie. Tu riras moins quand je ne me lèverai pas pour changer Harry cette nuit.

- Tu as mis sa couche à l'envers tout à l'heure, rétorqua-t-elle avec un petit sourire tout en jetant le pantalon dans le panier à linge.

- C'était ma première fois !

Elle pouffa puis s'approcha pour l'embrasser. Il la retint contre lui, son t-shirt sec à la main.

- Tu vas repartir en mission dès ce soir ?

- Ouais. Si les Détraqueurs nous laissent sortir.

- Fais attention à toi. J'ai besoin d'un mari fonctionnel pour s'occuper du bébé.

- Je suis ravi de savoir pourquoi tu m'apprécies.

- Aussi pour ça, répondit-elle avec une petite tape sur son torse-nu.

- Lily, geignit-il. T'es pas sympa !

Elle rit, mais il la vit jeter un coup d'œil inquiet par la fenêtre.

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