Partie IV - Chapitre 26

Chapitre 26

Sirius laissa tomber la lettre de Lily sur la table basse de son petit appartement et se laissa aller contre les coussins avec un profond soupir. « Il me semble incroyable que Dumbledore ait jamais pu être ami avec Gellert Grindelwald ! », avait écrit Lily à la fin de sa lettre. Il ne savait trop que penser de cette information, qui était nouvelle pour lui. Bathilda leur avait raconté beaucoup d'histoires, mais jamais celle-là. Peut-être avait-elle jugé préférable de ne pas ternir la réputation de Dumbledore tant qu'il était leur directeur d'école. Lily terminait sa lettre en estimant que Bathilda avait un peu perdu la tête : ceci était loin d'être une nouvelle. A son sens, elle avait toujours été folle. Sinon, elle ne serait pas un génie.

Ses pensées dérivèrent bien vite d'un mage noir à un autre. Grindelwald était le cadet de ses soucis. Seul Voldemort occupait ses pensées. Ces derniers temps, il n'avait pas eu une minute pour lui. Il avait reçu la lettre de Lily près de trois jours plus tôt mais il n'avait pas eu le temps de la lire : il était à peine rentré chez lui qu'on l'avait appelé pour une nouvelle mission. Pour cette raison, il n'était pas repassé chez les Potter depuis le 31 juillet.

Il ignorait quelle mouche avait soudain piqué les Mangemorts, mais ils harcelaient l'Ordre sans relâche depuis le début du mois d'août. Sirius avait souvent passé des jours et des jours sans voir l'ombre d'un Mangemort, s'était occupé de missions de surveillance et de prévention. Au contraire, ces derniers temps, les Mangemorts semblaient chercher le contact, ils passaient à l'attaque frontale sans aucune crainte. Emmeline Vance avait dû quitter son appartement après avoir été suivie et logeait à présent dans le minuscule studio de Benjy. Frank Londubat avait été attaqué en pleine rue alors qu'il rentrait de ses courses, des paquets de couches sous le bras. Sirius avait la terrible impression, depuis la mort des McKinnon, que plus personne n'était à l'abri.

Cet événement apparaissait comme le déclencheur de la vague d'attaques que l'Ordre subissait. Ce coup d'éclat les avait enhardis. Il avait aussi rendu fous de rage les membres de l'Ordre, qui adoraient tous Marlène – on ne pouvait faire autrement. D'après les renseignements collectés par les hommes de Maugrey, Travers aurait mené l'attaque contre la maison des McKinnon. Gideon et Fabian avaient juré de se venger. Sirius avait fait une mission avec Fabian, et même lui avait été terrifié. Il avait lu dans les yeux de Prewett qu'il n'aurait pas de repos tant que justice n'aurait pas été accomplie. Travers avait de quoi s'inquiéter.

Il était à présent trois heures du matin, et Sirius avait l'esprit complètement vide. Il n'avait pas dormi depuis plus de vingt-quatre heures, et pourtant le sommeil ne le gagnait pas. Dès qu'il fermait les yeux, des images des derniers jours venaient le hanter. Il avait dû faire face à une attaque en pleine rue, à Bath. La ville était bondée de touristes. Il revoyait les Moldus en sang, leurs yeux révulsés par la mort, les sortilèges qui filaient dans tous les sens. Les Mangemorts aimaient tuer dans des gerbes de sang plutôt que dans la propreté d'un sortilège impardonnable. Sirius ignorait si c'était dû à de la cruauté ou à un manque de puissance magique. Tous ces morts, simplement pour l'atteindre, lui. Il avait entendu un Mangemort crier son positionnement. D'après ce que lui avait dit Gideon, il n'était pas le seul à avoir vécu une telle situation. Les Aurors étaient également concernés. Les Mangemorts cherchaient à purger le Ministère de sa force de frappe. Bientôt, il n'y aurait plus que la Brigade magique pour défendre le pays. Sirius ne dénigrait pas leur mérite, mais ils n'étaient pas taillés pour faire face aux Mangemorts.

Le jeune homme se redressa avec un grognement et se traîna finalement jusqu'à son lit. Il ne savait pas combien de temps il allait pouvoir tenir à ce rythme. A sa fatigue s'ajoutaient ses préoccupations pour les Potter, ainsi que pour Peter. Il était la clef de la sécurité des premiers. Ne ferait-il pas mieux de se mettre à l'abri, de cesser les missions ? Moins il était exposé, mieux ce serait. Tout en se laissant tomber dans son lit, Sirius se promit de lui en parler la prochaine fois qu'il le verrait. A une autre époque, il aurait sans doute demandé conseil à Remus sur le sujet. Seulement, il ne l'avait pas vu depuis une éternité – n'avait pas cherché à le voir. Il était à peu près certain qu'il n'était pas non plus passé à Godric's Hollow depuis près d'un mois. La dernière pensée consciente de Sirius fut pour cet ami qu'il était en train de perdre, cet ami pour qui les Maraudeurs avaient tout risqué. Il trouvait Remus ingrat : il s'éloignait d'eux, et peut-être, peut-être que... Mais non, il n'était pas encore prêt à formuler cette pensée. Il n'avait pas assez de preuves, seulement des soupçons.

Il ne lui vint pas une seule seconde à l'esprit que sa propre attitude pouvait repousser Remus.

***

Lily, assise dans son jardin, profitait d'un soleil bienvenu, qui perçait les nuages pour la première fois depuis plusieurs jours. Elle avait sorti tous les jouets d'Harry et surveillait du coin de l'oeil son fils, qui saisissait un objet puis l'autre toutes les trente secondes.

Des voix lui parvinrent de la maison. James et Bathilda pénétrèrent bientôt dans le jardin ensoleillé. James était couvert de morceaux de paille, avait ses lunettes de vol remontées sur le haut du crâne et arborait une expression concentrée. Dès qu'il eut escorté Bathilda jusqu'à Lily, il s'empressa de regagner l'intérieur de la maison.

- Excusez-le, sourit Lily tout en invitant la vieille femme à s'asseoir, il est très pris par son projet.

- C'est un soulagement, rétorqua Bathilda, j'avais l'impression qu'il se désintéressait de tout ces derniers temps.

- Ça va, ça vient, soupira Lily. Je ne l'ai jamais connu aussi lunatique. Je me demande s'il va conserver ce trait de caractère, quand on sera sorti.

Malgré son élan de pessimisme quelques jours plus tôt, lorsqu'elle écrivait à Sirius, Lily tâchait de restée convaincue qu'ils allaient un jour pouvoir quitter leur cachette.

- J'ai bien peur que ce soit ça, le mariage, répondit Bathilda en tapotant ses doigts de sa vieille main ridée. Constamment réapprendre à connaître la personne qu'on a épousé !

- Vous semblez bien vous y connaître, pour quelqu'un qui n'a jamais été mariée, plaisanta la jeune femme.

- Oh, j'ai observé beaucoup de couples durant ma longue vie ! Crois-moi, ce n'était pas toujours beau à voir.

- Et James et moi, nous sommes beaux à voir ?

- Vous êtes extraordinaires, compte tenu des circonstances, la rassura Bathilda. Harry, tu ne devrais pas manger ce pauvre canard !

Harry s'immobilisa, le canard à mi-chemin de sa bouche, mais décida finalement qu'il se fichait des recommandations. Après avoir suffisamment goûté le canard, il le lâcha et avança à quatre pattes dans l'herbe en gazouillant aussi fort qu'il le pouvait. Gandalf, qui avait été repéré, cessa de se lécher la patte et attendit son sort, résigné. Une fois arrivé à sa hauteur, Harry lui tira joyeusement sur l'oreille.

- J'ai connu beaucoup de couples, reprit Bathilda, mais j'ai aussi connu beaucoup d'enfants. La plus atypique était certainement Ariana Dumbledore.

- La petite sœur de Dumbledore ? Réagit aussitôt, Lily intéressée.

Bathilda avait évoqué le destin de la famille, quelques jours plus tôt, mais sans trop s'étendre. Elle avait seulement mentionné qu'elle avait vécu à Godric's Hollow, et que c'était à cette occasion que Dumbledore avait rencontré Grindelwald. Malgré les questions pressantes de James et Lily, elle n'avait pas développé son propos et ils n'avaient pu savoir ce que Grindelwald faisait là, ni la nature de leur amitié.

- C'est ça. Elle avait six ans quand elle est arrivée ici, avec sa mère et ses deux frères.

- Abelforth, souffla Lily en se remémorant l'homme taciturne qu'elle avait rencontré à Poudlard.

- Abelforth, et Albus, confirma Bathilda avec un hochement de tête.

Son regard était perdu dans le lointain, comme si elle regardait directement dans le passé. Lily l'avait souvent entendu raconter des histoires, mais jamais qui la concerne d'aussi près. Elle mettait ce soudain besoin de confidence sur le grand âge de Bathilda, qui se faisait de plus en plus sentir.

- Qu'est-il arrivé à leur père ?

- Il a été envoyé à Azkaban. Je ne l'ai jamais vu, c'était avant leur arrivée à Godric's Hollow.

- Mais qu'avait-il fait ? s'exclama Lily, stupéfaite d'apprendre que le père du plus grand Sorcier de son temps pourrissait dans la célèbre prison des Sorciers.

Bathilda lui raconta donc l'histoire douloureuse de la petite Ariana, attaquée par des Moldus qui l'avaient vue exercer sa magie. Perceval, furieux, avait vengé sa fille. Cela n'avait pourtant pas suffi à effacer le traumatisme de l'enfant. Bathilda n'avait pas eu le droit de la rencontrer avant ses huit ans : elle avait découvert une enfant craintive, instable, mais adorable lorsqu'elle allait bien. Kendra Dumbledore avait mis longtemps à faire confiance à Bathilda.

- Et puis elle est morte, soupira-t-elle.

- Que lui est-il arrivé ? Interrogea Lily, passionnée par son récit.

Bathilda se contenta d'agiter la main pour éluder la question. Lily mourait d'envie d'insister, mais se retint. Il n'était pas ici question d'histoire, mais de gens qui avaient vécu, de personnes qui vivaient encore. Elle n'avait pas le droit de fouiner.

- Quoiqu'il en soit, Albus a dû s'occuper de sa famille. C'est à ce moment-là que Gellert est arrivé chez moi. C'était mon petit-neveu, vois-tu.

La voix de la Sorcière mourut sur ces derniers mots. Lily l'avait rarement vue si désemparée. Elle tourna le visage vers la jeune femme et prit l'une de ses mains dans les siennes.

- Je ne pouvais pas savoir, Lily. Je ne pouvais pas savoir ce qu'il deviendrait. Sa mère m'a demandé si je pouvais l'accueillir car c'était un garçon difficile, il venait d'être renvoyé de Durmstrang. Je l'ai aussitôt présenté à Albus en pensant que leur compagnie mutuelle leur ferait du bien. Albus venait de perdre sa mère, de voir ses rêves de tour du monde avec Elphias Doge compromis... Pendant plusieurs semaines, j'ai cru avoir fait une formidable affaire. Ils étaient inséparables, Albus semblait avoir retrouvé un peu de son allant. Gellert s'épanouissait, je pensais le renvoyer chez lui un homme changé. Et puis un jour... Un jour Ariana est morte et Gellert s'est enfui.

Lily était loin de s'attendre à cette conclusion. Elle dévisagea la vieille Sorcière, bouche bée, impatiente de savoir la suite.

- Abelforth et Albus... Ils se sont battus à son enterrement. Un scandale. J'étais mortifiée, Lily. D'autant plus que tout cela était ma faute. Si je n'avais pas amené Gellert dans leur vie....

- Je ne comprends pas, balbutia Lily, en quoi la mort d'Ariana est-elle la faute de Gellert ?

Bathilda lâcha sa main et secoua la tête.

- Je t'en ai déjà trop dit. Cette histoire ne m'appartient pas.

Elle tourna vers elle un regard triste. Lily lui avait rarement trouvé l'air aussi vieux et fatigué.

- Ça m'a fait du bien d'en parler, ma petite Lily. C'est une sombre histoire, que seuls les intéressés connaissent... Je ne sais pas pourquoi tout ça m'est revenu, ces derniers temps. Peut-être parce que le pouvoir de Voldemort me rappelle celui de Gellert... De Grindelwald.

Malgré son désir de savoir le fin mot de l'histoire, Lily n'insista pas. Elle pressa l'épaule de la vieille Sorcière et lui proposa :

- Du thé ?

- Avec joie.

Lily laissa Harry sous la surveillance de Bathilda et se rendit dans la cuisine. Elle jeta un coup d'oeil à leur hibou, qui dormait dans sa cage. Les Potter n'avaient reçu aucune nouvelle de leurs amis depuis des jours et des jours. La Gazette ne mentionnait rien de spécial, mais Lily s'inquiétait. Malheureusement, elle ne pouvait rien faire. Avec un soupir, elle s'efforça de penser à autre chose et posa la bouilloire sur le feu.

***

Le Ministère était vide de tout occupant. Chacun était rentré chez soi, auprès de sa famille, de son chat, de son crapaud. Maugrey n'avait pas vécu une telle expérience depuis bien longtemps. Avachi dans son fauteuil, dans son box, il contemplait la couleur ambrée de son whisky Pur-feu d'un œil morne. La personne qui se rapprochait le plus d'une famille pour lui était Marlène. Elle avait été comme une sœur. Elle avait réussi à se tailler une place dans son cœur, comme elle le faisait avec toutes les personnes qu'elle jugeait digne d'intérêt. Sa relation avec Maugrey était spéciale, du fait même qu'il n'était proche de personne. Elle avait toujours été là dans les moments de désespoir, lorsqu'il avait l'impression de perdre tout contrôle sur la guerre.

Il n'en revenait pas qu'elle ne soit plus là. Il s'était rendu lui-même chez les McKinnon lorsque la nouvelle était parvenue au Bureau. Il n'avait jamais ressenti une telle colère, ni une telle tristesse. Il n'avait pas le temps de traquer lui-même leurs assassins, mais il était ravi que les frères Prewett aient décidé de se charger de cette mission. En temps normal, il les en aurait empêché : il n'approuvait pas les actions dirigées par les sentiments. Mais cette fois-ci, il ne pouvait s'y résoudre. On avait tué sa meilleure amie.

Un coup contre la cloison fit sursauter l'Auror, qui dégaina aussitôt sa baguette. Edgar Bones leva les mains en l'air, un sourire bonhomme sur le visage.

- Ce n'est que moi.

Maugrey ne se laissa pas attendrir et posa les questions de sécurité d'usage. Lorsqu'il fut certain qu'il s'agissait effectivement de son vieil ami, il désigna la chaise qui lui faisait face d'un geste du menton.

- Je suis passé à tout hasard voir si tu étais encore là, expliqua Bones en s'asseyant, même si je n'y croyais pas trop. Tu sais quelle heure il est ?

- Presque minuit. Et toi, qu'est-ce que tu fabriques ici ?

- Des dossiers à terminer. On est encore en train de se battre contre Lestrange et Malefoy. Ne t'en fais, ils ne récupéreront pas leur fortune.

- Ça n'a pas ralenti les Mangemorts, marmonna Maugrey en faisant tourner sa boisson dans son verre. Ils sont déchaînés.

- Tu as subi de nouvelles attaques ?

- Une des planques du Bureau a subi un assaut. J'ai perdu deux hommes. Les Mangemorts n'ont jamais été aussi téméraires. C'est à croire que quelque chose se prépare.

- On va finir par l'arrêter, Alastor.

- Tu crois ça ?

- Pourquoi continues-tu à te battre si tu penses que la partie est perdue ?

Maugrey réfléchit un instant. Il ne s'était jamais posé la question. Il avait voué sa vie à combattre les mages noirs, et il le ferait jusqu'à son dernier souffle.

- Parce que savoir si on va gagner ou perdre n'a pas d'importance, répondit-il finalement. L'important, c'est de se battre pour la bonne cause.

- Dans ce cas, aucune raison d'être pessimiste, fit remarquer Edgar. Tu aurais un peu de whisky pour moi ?

Maugrey le servit avant se renfoncer dans son fauteuil. Il sentait le regard d'Edgar sur lui.

- Je sais que la mort de Marlène...

- Tais-toi.

- C'est un coup dur pour tout le monde, Alastor. On peut en parler, si tu veux.

- Non.

- C'est pour elle aussi que tu dois continuer à te battre. Pour que sa mort ne soit pas vaine.

- Elle n'est même pas morte en se battant ! Explosa soudain Maugrey. Ils l'ont assassiné dans sa maison, sans même lui laisser le temps de se défendre ! Merlin !

Son verre venait d'exploser, répandant son contenu sur les genoux de son propriétaire. Maugrey jura encore un peu plus et nettoya d'un coup de baguette.

- Elle n'est peut-être pas morte la baguette à la main, répondit doucement Edgar, mais elle est morte pour s'être battue pour la bonne cause. Même si le monde sorcier l'ignore, nous, nous savons que c'était elle plus que Gary qui était visée. Nous pouvons faire vivre sa mémoire.

- Je ne vois pas en quoi tout ça est un réconfort, grommela Maugrey, les yeux fixés sur le sol.

- Ça ne l'est pas, j'imagine, soupira-t-il. J'essaie de me rassurer moi-même. Je l'appréciais beaucoup aussi, tu sais.

- Hmm.

Les deux hommes restèrent silencieux un moment. Maugrey savait qu'il devait se sortir de cet état végétatif. Ce n'était pas en déprimant qu'il empêcherait que d'autres tragédies arrivent. Finalement, Edgar se leva et lui adressa un sourire encourageant.

- On rentre ? Ma femme doit m'attendre.

Maugrey faillit lui répliquer qu'il n'avait qu'à y aller, puisqu'il avait quelqu'un à retrouver, mais il se retint au dernier moment d'être désagréable. Il se leva avec un grognement et suivit son ami dans les couloirs du Ministère en claudiquant sur sa jambe de bois. Durant le trajet jusqu'à l'Atrium, Edgar bavarda sur la sortie familiale du lendemain : ils accompagnaient leur dernier fils sur le Chemin de Traverse, afin de préparer sa dernière rentrée à Poudlard. Maugrey écouta d'une oreille distraite, et se demanda s'il pourrait recruter le gamin à l'été prochain. Enfin dans l'Atrium, Edgar insista pour voir Maugrey transplaner avant d'emprunter lui-même le réseau de cheminée. Alastor se laissa faire et, deux minutes plus tard, il était dans son appartement londonien. Il s'arrêta un instant dans l'entrée, les yeux fixés sur la photo du manoir de Cornouailles, ce même manoir qui était parti en fumée quelques mois plus tôt. Puis il passa son chemin, bien décidé à ne pas s'apitoyer sur son sort. Il s'écroula sur son lit tout habillé et s'endormit aussitôt.

La lueur d'un patronus le réveilla aux petites lueurs de l'aube. C'était la voix de son adjoint qui s'exprimait par le bec d'un héron.

- ... Quatrième message, venez au plus vite. Marque des Ténèbres au-dessus de la maison des Bones.

Le héron se dissipa dans la pâle lumière du soleil. Maugrey fixa l'endroit où il s'était tenu, hébété. Il se rua finalement sur sa baguette et quitta l'appartement en hâte, même s'il savait qu'il était trop tard.

***

Remus avait du mal à se concentrer sur sa mission de surveillance. La pleine lune était passée seulement quelques jours plus tôt et il était encore fatigué. Par ailleurs, il avait l'esprit ailleurs. La mort des McKinnon puis des Bones l'avaient ébranlé. Il n'avait jamais eu l'impression de contrôler son destin mais, ces derniers temps plus que jamais, il lui semblait perdre le fil. Tout partait à vau-l'eau. Il avait cru que la situation s'améliorerait après la réunion de l'Ordre, mais elle n'avait fait que se détériorer. L'Ordre avait perdu Edgar et Marlène, deux des plus anciens et plus influents membres.

Remus ne voyait pas comment il pourrait survivre si eux-mêmes n'avaient pas pu. Sa condition de lycanthrope rendait les choses encore plus difficiles. Il était d'autant plus traqué par les Mangemorts. Plusieurs fois, alors qu'il se promenait dans la rue simplement pour aller acheter à manger, il avait entendu quelqu'un hurler : « Hé ! Le loup-garou ! ». Il n'avait pas subi d'attaque pour le moment, mais il ne se faisait pas d'illusion. Il passait donc le plus clair de son temps chez lui, sauf lorsqu'il était en mission. Il n'osait affronter ses persécuteurs, bien conscient qu'ils étaient bien plus nombreux.

Il n'en avait pas parlé aux Maraudeurs, pour la simple raison qu'il ne les voyait que très peu. Il n'avait pas pu passer à Godric's Hollow depuis une éternité ; le cadeau d'anniversaire de Harry attendait toujours sur sa commode.

Du mouvement devant la maison attira son attention. Il cessa de s'appuyer contre l'arbre derrière lui et considéra avec plus d'attention le jardin fermé d'une barrière blanche. La cape d'invisibilité qu'il avait n'était pas de très bonne facture et il préférait éviter de bouger. Un homme qui ressemblait au voisin approchait du portail. Il l'ouvrit, marcha jusqu'à la porte d'entrée, et frappa. Remus s'avança prudemment. On ne pouvait plus se fier à personne, ces derniers temps. Chaque individu était suspect, car la magie pouvait transformer n'importe qui.

Il traversa la route et atteignit le portail au moment où la porte s'ouvrait. Lyall Lupin serra la main de son interlocuteur, prit le papier qu'il lui tendait, et discuta encore quelques instants. Finalement, les deux hommes se saluèrent et le voisin repartit comme il était venu, sans manifester la moindre intention belliqueuse.

Remus réalisa un peu tard qu'il était dans son chemin et s'écarta d'un pas. Le voisin, un quinquagénaire dégarni, s'immobilisa un court instant, l'air perplexe. Il sonda l'espace autour de lui, conscient d'un mouvement invisible. Remus se tint aussi immobile que possible. Il respirait à peine. Le moment passa et le voisin reprit sa route pour rentrer chez lui.

Le jeune homme fixa un moment la maison voisine. Il ignorait s'il était paranoïaque ou juste prudent. Maugrey ne manquerait pas d'approuver son attitude – même s'il n'approuverait peut-être pas les tours de garde qu'il s'imposait devant la maison de son père.

Remus n'y pouvait rien s'il était inquiet. Il avait peur que les Mangemorts, cause de la mort de sa mère, ne reviennent pour son père. Dès qu'il le pouvait, il venait surveiller sa maison. Il avait conscience que cet effort était dérisoire, qu'il ne passait qu'un nombre d'heures très restreint devant cette maison. Seulement, c'était la seule chose qu'il pouvait faire, alors il la ferait.

Il reprit sa position, adossé à l'arbre, et posa ses yeux sur la porte d'entrée. Il ferait bientôt nuit, et il devrait alors se rendre à Ste Mangouste pour protéger un transfert de potions. Il se frotta les yeux sous la cape. Avec un peu de chance, cette mission ne prendrait pas trop longtemps et il pourrait se reposer un peu. Malheureusement, le repos était devenu un luxe ces derniers temps.

***

C'était une chaude nuit du mois d'août – la dernière de cette année 1981. Le lendemain, c'était la rentrée de Poudlard. James, après avoir apporté le dîner sur la table de jardin, s'allongea dans l'herbe pour attendre Lily. Elle couchait leur bébé. La rosée n'était pas encore tombée et un peu de la chaleur de la journée s'attardait encore entre les herbes. James croisa les mains sous sa tête et contempla le ciel qui, doucement, basculait dans les ténèbres. A l'ouest, une lueur orangée s'affirmait de plus en plus.

- James ?

- Hmm ?

Comme aucune réponse ne lui parvenait, il se redressa, roula sur le ventre et considéra sa femme, étonné. Elle tenait un balai dans les mains.

- Tu as envie de voler ? Interrogea-t-il.

- Non, tu as envie de voler.

- Quoi ?

- C'est ton prototype.

- Ah, grogna-t-il avant de reprendre sa position initiale.

- Ça fait quinze jours que tu es censé l'essayer, continua Lily en s'approchant.

Elle prit bientôt place dans son champ de vision et lui balaya la figure.

- Lily ! Ça fait mal !

- Essaie le, ordonna-t-elle.

- Non. Il n'est pas prêt.

- Bien sûr qu'il n'est pas prêt, mais tu ne sauras pas ce que tu dois améliorer si tu ne l'essaies pas.

- Bon sang, Lily !

Il se redressa et la fusilla du regard.

- Je ne veux pas l'essayer.

- Et pourquoi ? Contra-t-elle, une expression effrontée sur le visage.

Il songea qu'il avait une folle envie de l'embrasser.

- Pas ce soir, éluda-t-il finalement en s'approchant un peu plus d'elle.

Comme si elle percevait son manège, elle recula et haussa les épaules.

- Très bien. Dans ce cas, c'est moi qui vais le faire voler.

- Quoi ? Non, Lily, ça pourrait être dangereux, tu...

Elle était déjà à califourchon sur le morceau de bois. Elle leva un pied en l'air et haussa un sourcil.

- Alors ? Tu le fais ou je décolle ?

- Par Merlin, tu es insupportable, marmonna-t-il avant de tendre la main. Donne-moi ça, et prépare-toi à rattraper ma chute.

- Je suis sûre qu'il vole très bien, répondit-elle d'un ton confiant en lui tendant sa création, un sourire satisfait sur le visage.

James grommela, souffla, mais finit par prendre place. Il adressa un regard torve à sa femme, qui avait sorti sa baguette, puis tapa finalement du pied.

Le balai s'envola avec un à-coup, mais il se stabilisa vite à deux mètres du sol. Lily applaudit, ravie, avant de s'écrier :

- Honnêtement, j'avais peur qu'il me jette par terre !

James était trop concentré sur son balai pour prendre la peine de répondre. Toujours au ras du sol, il fit quelques essais d'accélération et de freinage. Il monta un peu plus en altitude, mais sans dépasser le toit de la maison. Il ne voulait pas sortir du Fidelitas par inadvertance. Au bout de quelques minutes, il cria à Lily d'aller chercher de quoi noter puis il lui dicta des observations. Il ne reprit pied sur terre qu'une heure plus tard, épuisé par sa concentration mais ravi. Dès qu'il fut au sol, il lâcha le balai, marcha droit sur sa femme et plaqua un baiser sur ses lèvres. Lily se détacha de lui en riant, les bras passés autour de son cou, une main dans ses cheveux.

- Alors ? Qui avait raison ?

- Toi, comme toujours, sourit-il avant de l'embrasser à nouveau, plus longuement cette fois. Quand on sortira d'ici, reprit-il, j'ouvrirai une boutique qui s'appellera « Au Lys volant ».

Comme Lily fronçait les sourcils, perplexe, il ramassa son balai et lui montra le manche, sur lequel il avait gravé une fleur de lys.

- Pour toi, expliqua-t-il en lui caressant la joue.

Elle se mit à rire et l'embrassa doucement.

- Sirius va très certainement se moquer de toi.

- Sirius est une personne sans cœur, rétorqua-t-il.

Après le repas, James reprit sa position dans l'herbe. Cette fois, Lily se joignit à lui. Elle s'allongea près de lui, la tête posée sur son torse, sa main sur son cœur. Il la prit dans la sienne et ils contemplèrent en silence les étoiles. Au bout de quelques minutes, James murmura :

- Demain, c'est la rentrée de Poudlard.

- Trois ans après, ça me rend toujours nostalgique, compléta Lily sur le même temps.

- Je n'en reviens pas de tout ce qui a changé depuis qu'on a quitté l'école.

Lily se redressa pour le regarder et lui sourit.

- Il y a une chose qui n'a pas changé.

- Qui est ?

Ses doigts papillonnèrent jusqu'à son crâne et son sourire s'élargit.

- Ta coiffure improbable.

- Lily ! Protesta-t-il avant de l'attaquer à coup de chatouilles.

Elle bascula sur le dos avec un petit cri et dut l'embrasser pour qu'il arrête. Ils riaient tous deux, à bout de souffle.

- Ce n'est pas ce que je voulais dire, au départ, reprit-elle finalement, une main passée dans ses cheveux, l'autre posée sur sa joue.

- Ah, non ? Sourit-il.

- Je t'aime, voilà ce qui n'a pas changé.

Il déposa un baiser sur le bout de son nez.

- Ça ne changera jamais, Lily-Jolie. Quoi qu'il arrive.

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