Partie IV - Chapitre 24

Chapitre 24

L'introduction de Dumbledore ainsi que l'apparition des Potter furent saluées par des acclamations et des applaudissements. Lily se mit à rire, vite imitée par James. En revanche, Harry se mit à pleurer, sans doute effrayé par le bruit et par cette foule. James s'empressa de le sortir de son porte-bébé pour le réconforter. Lily fut accaparée par Alice Londubat, qui se jeta sur elle avec un cri de joie.

Les deux jeunes femmes s'enlacèrent un moment en riant, heureuses de se retrouver. Leurs grossesses simultanées les avaient beaucoup rapprochées. Lily, enfermée à Godric's Hollow, avait beaucoup regretté son amie.

- Ça fait tellement longtemps ! s'exclama Alice en s'écartant finalement.

Elle semblait en bonne forme même si elle avait une nouvelle cicatrice sur le visage. Elle avait perdu tout le poids supplémentaire de la grossesse et ressemblait à nouveau à la jeune Serdaigle de Poudlard. Seule une maturité nouvelle brillait au fond de ses yeux.

- Comment va Neville ? Interrogea Lily tandis que son amie l'amenait vers une chaise libre près de la sienne.

- Il préfère encore ramper que marcher à quatre pattes, mais il commence quand même à se redresser ! Ma belle-mère passe son temps à l'asticoter parce qu'elle ne le trouve pas assez vif.

Elle roula des yeux agacés qui firent rire Lily. Autour d'elles, les conversations allaient bon train. A l'autre bout de la pièce, occupée par des tables disposées en carré, James riait aux éclats avec les Maraudeurs, Frank et Fabian Prewett. A l'écart du groupe, Benjy, Gideon, Maugrey et un homme que Lily pensait être Dedalus Diggle discutaient plus calmement. Emmeline et Marlène tenaient compagnie à Dorcas, qui passait comme toujours inaperçue avec son vieux pull informe et ses cheveux filasse. Dans un sursaut, la jeune femme reconnut Caradoc Dearborn, qu'elle avait côtoyé lors de son stage à Ste Mangouste. Il conférait avec Edgar Bones et un autre homme affublé d'un chapeau ridicule dont elle ignorait l'identité. Un grand homme qui lui était vaguement familier s'était isolé sur sa chaise, dans un coin de la pièce. Alice suivit le regard de Lily et murmura :

- C'est le frère de Dumbledore, Abelforth. Il tient la Tête de Sanglier.

- Oh ! J'ai déjà dû le croiser dans Pré-au-Lard, c'est pour ça qu'il me dit quelque chose. Tu connais tout le monde ?

- On s'est présenté en vous attendant, expliqua Alice. Je connaissais presque tout le monde, sauf Caradoc que je n'avais jamais rencontré, et Elphias Doge. Il ne nous a pas dit quel était son rôle auprès de l'Ordre mais il a participé à sa fondation, apparemment. Je ne connaissais pas non plus Sturgis Podmore. Il est parti aux cuisines avec Hagrid.

- Hagrid est là ? s'exclama Lily, ravie d'avoir une occasion de revoir le garde-chasse.

Alice acquiesça avec un sourire joyeux avant de prendre la main de Lily pour la presser un instant.

- Alors, demanda-t-elle doucement, quel effet ça fait d'être enfin dehors ?

- Ça me donne le tournis, avoua Lily. Tout est familier et en même temps, on vit en reclus depuis si longtemps... J'ai aussi l'impression de contrevenir aux ordres de Dumbledore même si c'est lui qui nous a poussés à venir !

- Cette menace qui vous pousse à vous cacher... Est-ce qu'elle sera bientôt écartée ?

Lily se mordit la lèvre. La véritable raison de leur enfermement restait dissimulée à la plupart des gens. Elle secoua la tête.

- Je ne sais pas.

- Je suis désolée, en tout cas, souffla Alice en lui pressant une nouvelle fois la main. Mais très heureuse que vous puissiez être parmi nous aujourd'hui !

Lily lui sourit, tout en songeant que les Londubat auraient pu être à leur place. Parfois, à sa plus grande horreur, elle le souhaitait presque. Elle chassa aussitôt ces pensées pour se concentrer sur le plaisir d'être avec ses amis.

Alors qu'elle allait relancer la conversation, la porte de la salle des professeurs s'ouvrit à nouveau et Hagrid s'y encadra de toute sa hauteur, un plateau chargé de nourriture dans chaque main. Podmore marchait derrière lui, portant des paniers pleins de bouteilles de bièraubeurre. Leur apparition fut saluée par des acclamations enthousiastes et des sifflements stridents émis par les Maraudeurs. Un sourire ravi s'étira sous la masse de poils faciaux du demi-géant, sourire qui s'effaça bien vite lorsque quelqu'un hurla :

- Attention !

Hagrid s'immobilisa aussitôt, quelques sandwichs valdinguèrent sur le sol, et tous les regards convergèrent vers le sol, où on petit garçon brun levait la tête vers le visage hirsute du garde-chasse.

- Oh, Merlin, marmonna Lily en se précipitant vers son fils.

Elle évita la nourriture répandue au sol et souleva le bébé, qui ne protesta pas. Il fixait Hagrid avec de grand yeux, la bouche ouverte en un « O » étonné. Le garde-chasse semblait, quant à lui, ému. Il contemplait le bébé, si petit par rapport à lui, avec émerveillement.

- C'est le portrait craché de son père, commenta-t-il d'une voix un peu tremblotante qui résonnait dans la salle à présent silencieuse. Mais il a tes yeux, Lily.

- Il paraît, sourit la jeune mère en serrant son fils contre elle. Je suis contente de vous voir, Hagrid !

La réponse du géant se perdit sous l'injonction de Maugrey :

- On n'est pas là pour prendre du bon temps ! Tout le monde assit, et au boulot !

- Au bûcher le tyran ! s'écria Sirius, vite soutenu par les autres Maraudeurs.

La plupart des membres éclatèrent de rire mais une veine palpitait dangereusement sur le front de Maugrey. Lily était sûre que s'il avait moins de fierté, il courserait Sirius dans toute la salle pour le faire taire. Cependant, les membres les plus âgés lancèrent le mouvement en prenant place. Lily regagna son siège près d'Alice, Harry dans les bras. Elle s'aperçut que son amie avait également récupéré son fils, un bébé pratiquement chauve à la grosse tête ronde. Les deux garçons se retrouvèrent assis face à face sur les genoux de leurs mères et se dévisagèrent d'un air étonné. Lily entendit le rire de James et leva la tête ; assis en face d'elle, il contemplait la scène avec amusement. Il lui adressa un clin d'œil avant de rediriger son attention vers la tranche de brioche que Sirius agitait sous son nez. Le silence tomba peu à peu sur la salle et tous se tournèrent vers Dumbledore qui, debout devant la table, posait un regard bienveillant sur la petite assemblée.

***

Les plus anciens membres de l'Ordre discutèrent pendant un moment des premiers temps de l'Ordre, de sa fondation, de la façon dont ils s'organisaient à ce moment-là. Certains s'exprimaient plus que d'autres, quelques-uns n'intervenaient que pour faire des plaisanteries. Les plus jeunes écoutaient, fascinés, l'origine de cette grande aventure. James trouvait incroyable qu'ils aient eu l'audace de commencer ce projet, de se lancer dans la résistance alors même qu'ils étaient clairement en sous nombre. Lorsqu'on lui avait soumis l'idée alors qu'il avait dix-huit ans, la structure existait déjà et il lui semblait normal de s'engager. Mais aurait-il eu l'idée et le courage de se dire : « Il faut faire quelque chose, et c'est moi qui vais le faire » ? Il n'en était pas certain.

Il en discuta un moment avec les Maraudeurs lorsqu'on leur accorda une pause bienvenue, et Remus s'empressa de lui dire avec un sourire un peu amer :

- Vous l'avez fait, tous les trois, pour moi. Je trouve ça bien plus fou que de monter un groupe de résistance.

Ils ne mentionnèrent pas leur statut d'Animagi à voix haute car il s'agissait toujours d'un secret – en particulier avec Edgar Bones, éminent membre du Magenmagot, à portée d'oreilles. Sirius se renversa dans sa chaise, les bras croisés derrière la tête, l'air songeur.

- Je ne me rappelle même pas qui a eu l'idée.

- Je crois que c'est toi, répondit James.

- Mais c'est James qui a dit qu'il fallait faire quelque chose, intervint Peter, qui s'était montré encore plus réservé que d'habitude jusque-là.

- Tu vois bien, asséna Remus en lui donnant une tape sur l'épaule. Tu es parfaitement capable de prendre tout seul des décisions complètement folles pour le bien d'autrui.

James sourit, gêné, tout en balayant ses compliments de la main. Il avait été très orgueilleux dans son adolescence, et l'était toujours un peu, mais jamais il n'avait quémandé de récompense quand il s'agissait d'amitié.

- Vous ne trouvez pas dingue que Dumbledore ait monté l'Ordre avec ce Doge ? Chuchota Sirius en se penchant à nouveau vers eux. Il n'a pas l'étoffe d'un héros, à première vue.

Les quatre garçons se tournèrent sans la moindre discrétion vers l'objet de leur discussion. Elphias Doge discutait avec Marlène et Lily et leur donnait à contempler son profil ravagé par la dragoncelle. Il était plus petit que les deux femmes, même si son ridicule chapeau le grandissait, et paraissait malingre.

- C'est sans doute pour ça qu'on ne l'a jamais vu sur un champ de bataille, remarqua Peter.

- Vous parlez du vieux Doge ? Souffla quelqu'un derrière eux.

Ils se tournèrent vers le nouveau venu, qui s'avéra être Benjy Fenwick. Il avait apparemment déjà un peu abusé de la bièraubeurre – ou alors il l'avait agrémentée de whisky Pur-Feu. Quoi qu'il en soit, l'alcool semblait le rendre plus sociable.

- Aucune force physique, mais une grande habilité magique, continua-t-il. Et malin, avec ça. Il n'est jamais en première ligne, mais il aide beaucoup. Il pose des protections autour de certaines maisons, il est aussi plutôt doué pour poser des mouchards magiques discrètement. Ne jamais se fier à l'apparence ! Acheva-t-il d'un ton docte, l'index levé.

Les garçons ricanèrent, s'attirant un regard courroucé de sa part. Il les quitta donc pour aller rejoindre Emmeline. Il l'enlaça par la taille et posa la tête sur son épaule. James haussa un sourcil.

- Quand est-ce que c'est arrivé, ça ?

- Aucune idée, fit Remus avec un haussement d'épaule. Un jour on m'a donné rendez-vous chez Emmeline pour qu'elle me donne des détails sur une mission, et qui m'ouvre la porte si ce n'est ce bon vieux Benjy en caleçon.

- Et vous ne me l'avez pas dit ? s'insurgea James.

- On ignorait que tu étais devenu une commère assoiffée de ragots, railla Sirius.

- Patmol, toute distraction est bonne à prendre quand on est enfermé à Godric's Hollow.

Son ami lui concéda ce point d'un hochement de tête. Ils ne purent continuer leur conversation car la réunion reprit, menée cette fois par Dorcas. Pendant deux ans, jamais rien n'avait transpiré des missions de la Sorcière, sauf si l'un des membres de l'Ordre était directement concerné. Dorcas mit fin à ce silence et leur raconta pendant près de deux heures toutes les missions d'infiltration ou de repérage qu'elle avait effectuées pour l'Ordre. Les autres membres découvrirent la vraie Dorcas, qui se cachait si souvent sous des identités diverses et variées pour mieux se fondre dans le décor. Elle était douée pour conter, rendait ses récits vivants et passionnants. James apprit qu'elle rentrait juste d'Albanie où elle avait suivi Voldemort, qu'elle avait passé trois mois au Congrès américain sous couverture afin de savoir exactement ce qu'il s'y disait sur la Grande-Bretagne. Elle avait parcouru plusieurs pays d'Europe pour tisser des alliances avec des entités moins officielles que les gouvernements magiques. Elle s'était rendue dans les montagnes pour tenter de négocier avec les géants mais ne les avait pas trouvés. Elle évoqua la mission du Scamanbar avec un regard peu amène en direction des Maraudeurs, qui avaient failli faire échouer ses négociations avec une hybride.

Lorsqu'elle acheva enfin son récit, tous avaient oublié que l'heure du déjeuner était déjà passée – exception faite des deux bébés, qui avaient été nourris une heure plus tôt. Elle ne tira aucune conclusion de ses aventures, se contenta de s'asseoir et d'avaler un grand verre d'eau. Dumbledore les invita à se restaurer ; comme si on venait de rompre un sortilège, les garçons se rendirent soudain compte qu'ils mouraient de faim et se jetèrent sur le buffet, qui avait été mystérieusement disposé contre un mur de la pièce pendant que Dorcas parlait.

- Quel était l'intérêt de nous raconter tout ça ? Demanda tant bien que mal Peter, la bouche pleine, un pilon de poulet dans la main.

- Nous rapprocher ? Suggéra Remus en se servant de pommes de terre. C'est le but, non ? Difficile de se sentir uni quand on n'a pas la moindre idée de ce que fabriquent les autres.

Les garçons approuvèrent puis se turent pour mieux se goinfrer. James était aux anges ; il avait véritablement l'impression d'être de retour en tant qu'élève à Poudlard. Des pleurs s'élevèrent dans un coin de la pièce et, délaissant un instant son assiette et ses amis, il se dirigea dans cette direction. Lily et Frank tentaient de coucher les deux bébés dans des couffins que chaque couple avait apportés, mais les garçons protestaient à grands cris. James ne les blâmait pas : l'Ordre faisait un boucan de tous les diables, aussi était-il impossible de dormir. Il allait faire cette remarque lorsque Elphias Doge, qu'il n'avait pas remarqué, expliqua d'une petite voix aimable :

- Le sortilège devrait maintenir le silence autour d'eux mais nous pourront toujours les entendre.

Lily, avisant son mari, lui expliqua qu'Elphias allait isoler les enfants grâce à un sortilège afin qu'ils soient au calme. Ils le regardèrent tourner autour des deux petits lits, dans lesquels les deux garçons pleuraient toujours. Un dôme transparent s'éleva finalement au-dessus d'eux et, peu à peu, les pleurs cessèrent. Les trois jeunes gens adressèrent des remerciements au Sorcier, qui les balaya d'un petit geste de la main malgré son air ravi.

- A table, soupira Lily avec soulagement, et James ne put qu'approuver ses mots.

***

L'après-midi, Maugrey prit la direction de la réunion et ils évoquèrent enfin un changement de stratégie. Lily pensait que James et elle n'auraient aucune raison d'intervenir pour cette partie, pourtant il s'avéra bien vite que leur temps passé à recopier des rapports leur donnait une vue d'ensemble sur les missions de l'Ordre que les autres n'avaient pas. Ils purent ainsi rectifier certaines informations, souligner des schémas récurrents dans l'organisation ou le déroulement des missions. L'expertise des membres de l'Ordre les plus âgés se montra également précieuse. Il y eut quelques discussions animées, plusieurs disputes entre les frères Prewett, ainsi qu'un verre d'eau jeté à la figure de Benjy par Emmeline. Les Maraudeurs tentèrent d'interrompre la discussion en réclamant un goûter en fin d'après-midi mais Maugrey se contenta de les menacer d'un sort de mutisme. Pendant ces longues heures passées à discuter, Harry et Neville se promenèrent dans la pièce, hurlèrent un peu, mâchouillèrent beaucoup de genoux et finirent par passer de bras en bras.

En début de soirée, l'attention de Lily se relâcha un peu à cause de la fatigue. Ses pensées dérivèrent de la conversation pour se poser sur son fils, qui était assis sur les genoux d'Abelforth Dumbledore. Elle n'avait pas la moindre idée de la façon dont il était arrivé là, mais les deux personnes concernées semblaient contentes de la situation. Elle était heureuse de découvrir que son fils était un bébé sociable. James avait raison : plusieurs personnes passaient régulièrement à Godric's Hollow, ce qui devait être suffisant pour que Harry ne soit pas terrifié par des étrangers. Le bébé ne tarda pas à se tortiller sur les genoux du vieil homme, et Lily réalisa que l'heure de son dîner avait été dépassée depuis longtemps. Mais avant qu'elle n'ait pu se lever pour récupérer son fils, James se manifesta et soulagea Abelforth du petit garçon. Elle se renfonça dans son siège, soulagée. Elle avait eu l'impression, plutôt dans la journée, que James avait totalement oublié l'existence de sa famille.

Ce fut finalement Marlène qui parvint à mettre fin à la conversation. Elle se leva, interrompant sans le moindre scrupule une discussion un peu houleuse entre Benjy et Frank, et sourit à tout le monde.

- Vous m'excuserez, mais j'ai promis à mes enfants d'être là pour leur dire bonne nuit.

- Marlène a raison ! s'exclama Dumbledore en claquant dans ses mains. Il se fait tard et je doute que nous avancions plus aujourd'hui. De nombreuses pistes ont été ouvertes. Il s'agit déjà d'une très bonne base pour faire repartir l'Ordre !

- Ça ne vous dispense pas de continuer à réfléchir au sujet de tout ce que nous avons dit ! Lança Maugrey d'une voix bourrue au-dessus du brouhaha qui commençait déjà à s'élever.

- Professeur ! Appela la voix d'Hagrid, qui fendit le bruit avec plus d'efficacité que celle de Maugrey. Professeur, vous savez pour le... la... ce que vous m'avez demandé d'apporter.

Lily, assise près du demi-géant, le regarda gesticuler pour expliquer ce qu'il disait, perplexe. Dumbledore parut comprendre sans mal car un grand sourire étira ses lèvres et ses yeux se mirent à pétiller.

- Merci, Hagrid, j'oubliais. Un peu de silence, s'il-vous-plaît !

Son autorité de directeur agit comme par miracle et tous les membres, la plupart d'anciens élèves, se turent presque aussitôt. Seuls les Maraudeurs chuchotaient avec des airs de conspirateur. Lily les fusilla du regard et ils se turent finalement, non sans articuler silencieusement « PEC ».

- J'aimerais profiter de votre présence à tous pour immortaliser l'Ordre du Phénix tel qu'il est à ce jour. Je suis désolé que nous n'ayons pas pu le faire plus tôt, quand certains membres étaient encore parmi nous.

Alors que Lily se demandait comment il comptait les immortaliser – il n'allait tout de même pas faire leur portrait, n'est-ce pas ? - il se dirigea vers l'armoire poussée près de la porte et en sortit un appareil photo. Des exclamations étonnées ainsi que quelques grommellements s'élevèrent. Dumbledore positionna le trépied de l'appareil, une vieille machine comme on n'en voyait plus dans le monde moldu mais habituelle pour les Sorciers, et donna ses ordres pour qu'on pousse les tables et dégage l'espace nécessaire devant les grandes fenêtres de la salle. Marlène prit le relais en voyant le groupe former un tas informe et ordonna à chacun de se mettre à une place précise. Hagrid prit naturellement place au fond, Maugrey à sa gauche. Dedalus Diggle prit place près de lui et, devant eux, se positionnèrent Emmeline et Dorcas. Les Londubat se mirent devant le demi-géant, leur bébé à nouveau couché avec Harry dans la zone isolée par Elphias Doge, qui se tenait justement à leur droite. Derrière lui, le dominant de toute sa présence silencieuse, venait Abelforth. Marlène tenta de placer Dumbledore près de lui, mais le directeur insistait pour prendre la photo. Edgar Bones prit donc sa place. Tout en se laissant positionner à côté de James et Sirius, Lily se demanda s'il souhaitait réellement prendre la photo ou s'il refusait simplement d'être mis à côté de son frère. Derrière eux se placèrent Benjy et Sturgis Podmore, ainsi que Peter et Remus. Fabian poussa Lily du coude en s'installant près d'elle, son frère à ses côtés.

- Toujours avec ce tocard de Potter ? Souffla-t-il. Je suis toujours libre si tu changes un jour d'avis.

Derrière eux, Remus ricana. Lily secoua la tête avec un petit sourire et glissa sa main dans celle de son mari, qui était trop occupé à parler avec Sirius et Peter pour entendre ce qu'on disait de lui. Il adressa tout de même un sourire à sa femme lorsqu'il sentit ses doigts glisser entre les siens.

Finalement satisfaite, Marlène prit place auprès d'Emmeline et Dorcas, cédant la place derrière l'objectif à Dumbledore. Il les regarda un moment avec un sourire ému, et Lily se demanda quelle image ils renvoyaient. Elle tourna la tête pour voir le profil souriant et confiant de tous ses camarades, et son cœur se serra. Ils avaient vécu temps de choses ensemble. Elle avait épongé le sang de beaucoup d'entre eux, les avait vus trébucher au seuil de l'infirmerie, blêmes mais victorieux. Dumbledore avait eu raison de convoquer cette assemblée. Parce qu'ils formaient une famille, ils étaient plus forts.

Au milieu des hommes et des femmes de chair et de sang, elle eut l'impression d'apercevoir les contours fantomatiques de ceux qui n'étaient plus. Elle devinait presque Jenny, dressée sur la pointe des pieds, son menton appuyé sur l'épaule de Gideon. Elle voyait Jeremiah et Terry entourer Frank, Amanda, trop timide, se cacher derrière Abelforth. Elle imaginait William, à l'aise et heureux, entourant de ses bras les épaules d'une Carrie intimidée d'être à Poudlard, elle, une Moldue qui s'était sacrifiée pour la cause des Sorciers. Les yeux de Lily s'embuèrent de larmes, noyés par les fantômes de ceux tombés sur le champ de bataille. Cette réunion de l'Ordre leur permettait d'avancer, d'envisager l'avenir, mais ils n'oubliaient pas pour autant.

- Regardez-moi ! Demanda la voix étouffée de Dumbledore, la tête passée sous le drap qui fermait l'appareil photo.

Lily s'exécuta, les doigts fermement serrés autour de ceux de son époux, et adressa à l'objectif un sourire chargé de tristesse mais aussi plein de confiance.

Après plusieurs prises, Dumbledore les laissa se disperser. Marlène, la plus pressée, fit le tour de l'assemblée pour dire au revoir à tout le monde. Lorsqu'elle arriva devant Lily et James, elle leur serra à tous deux la main avec un sourire engageant.

- C'était vraiment un plaisir de vous voir, tous les deux. J'espère de tout cœur que, quelle que soit la raison qui vous pousse à vous cacher, elle sera bientôt écartée.

Le couple la remercia et lui souhaita une bonne nuit. Dix minutes plus tard, Marlène McKinnon adressa un dernier signe de la main à tout le monde depuis la porte puis s'en fut. Un à un, les autres membres de l'Ordre firent de même. Certains, comme Edgar Bones, retournaient vers leur famille. D'autres rentraient dans des appartements vides et silencieux. Lily, épuisée par cette journée d'intenses discussions, se prit à rêver de son lit, à Godric's Hollow. Elle n'aurait pas cru pouvoir regretter la maison. Les Maraudeurs conférèrent encore un moment avec James, avant de finalement se séparer. Remus était épuisé à cause de la pleine lune qui approchait aussi Peter offrit de transplaner avec lui jusqu'à son appartement. Sirius ne tarda pas à les suivre car Maugrey, en partant, l'avait convoqué à trois heures du matin dans un entrepôt désert aux alentours de York.

- A mon avis, il veut me faire payer toutes mes impertinences de la journée, chuchota-t-il avant de quitter les lieux.

Bientôt ne restèrent plus que James et Lily, qui tentaient de convaincre Dumbledore qu'ils pouvaient sans doute faire encore quelque chose pour l'aider. Le directeur les regarda avec un sourire amusé, les mains sur les hanches.

- Savez-vous que vous auriez pu ranger ces tables avec la magie ? observa-t-il. J'ai remarqué que vous n'utilisiez presque pas votre baguette.

Lily rougit mais James se contenta de hausser les épaules.

- Vous savez, quand on n'a rien à faire de la journée, on apprend vite à perdre du temps. Or, la magie n'a jamais servi qu'à en gagner.

- C'est vrai, admit-il. Je suis désolé de devoir vous renvoyer à votre foyer, malheureusement je doute que Poudlard soit vraiment un bon endroit pour vivre. Tout le monde finirait par savoir que vous êtes là.

- Ce ne serait jamais qu'une autre prison, murmura James en allant récupérer son fils, qui dormait profondément.

Dumbledore adressa un regard désolé à Lily, qui soupira. L'enfermement allait-il être encore plus dur pour James après cette journée passée loin de la maison, entouré de ses amis ? Le visage serein de son mari, lorsqu'il se retourna vers elle, la rassura un peu.

- Courage, les engagea-t-il. Cette situation ne durera pas éternellement.

Personne ne releva qu'elle pouvait très bien se terminer par leur mort à tous. Les jeunes parents rassemblèrent les quelques jouets qu'ils avaient apportés pour Harry, prirent les deux capes d'invisibilité et quittèrent la salle des professeurs.

***

James avait beau connaître Poudlard par cœur, il observa chaque détail des couloirs alors qu'ils progressaient vers l'entrée. Certaines armures, certains tableaux évoquaient des souvenirs de frasques perpétrées avec les Maraudeurs. Ils croisèrent également un ou deux fantômes, mais Peeves se tint à distance, probablement à cause de la présence de Dumbledore. James eut tout de même l'impression, au détour d'un couloir, de l'entendre chantonner au sujet du « P'tit pote Potter ». Dans le hall d'entrée, il adressa un regard nostalgique aux immenses sabliers, qui étaient pour le moment à zéro. Ils attendaient leur nouveau lot de petits génies ou fauteurs de troubles. James avait toujours réussi à maintenir un équilibre entre ses bêtises et ses bonnes réponses. Si on ajoutait le Quidditch, il s'en sortait avec un solde positif. Il sourit à cette idée, immobilisé devant le sablier de Gryffondor. Comme il avait aimé être leur héros. Pendant quelques années, il s'était senti comme le roi du monde.

Il baissa la tête vers le bébé qui dormait dans ses bras et déposa un baiser sur son front. A présent, il se contenterait d'être le héros de ce petit garçon. Il se demanda avec amusement quelles histoires on lui raconterait sur le compte de son père, lorsqu'à son tour il arpenterait ces couloirs millénaires.

- Tu ne te rappelleras pas cette journée, murmura-t-il à son fils. Mais rassure-toi, tu reviendras. Tu seras le meilleur Gryffondor de ton année, et McGonagall sera désespérée d'avoir un nouveau Potter comme élève.

- James, ne lui monte pas la tête. Il n'est pas obligé d'aller à Gryffondor.

Il se tourna vers sa femme avec un grand sourire.

- Aucune chance que le Choixpeau l'envoie ailleurs, alors si, il sera obligé.

Elle leva les yeux au ciel, mais un petit sourire étirait ses lèvres.

- Si tu le dis. Allez, viens. Dumbledore a peut-être d'autres projets pour la nuit que de nous attendre.

- Oh, tu crois que quelqu'un l'attend ?

- James ! Non ! Je voulais dire aller dormir !

Il éclata de rire devant son indignation et lui donna un coup de poing dans l'épaule.

- Tu es dégoûtant, râla-t-elle dans un chuchotement. C'est notre ancien directeur !

- Eh bien quoi, c'est un homme comme les autres. Moi, j'ai d'autres projets pour la nuit.

Elle rougit furieusement, lui donna un autre coup de poing dans l'épaule mais finit par l'embrasser sur la joue. Ils revinrent vers Dumbledore, qui attendait devant la porte ouverte et fixait les étoiles. Il se tourna vers eux avec un petit sourire énigmatique et James se demanda s'il avait tout entendu. Il n'était pas doué d'une ouïe surhumaine, n'est-ce pas ?

Les Potter se recouvrirent de leurs capes puis prirent le chemin de la grille, Dumbledore à leurs côtés. Il demanda, sans se soucier d'avoir l'air de parler tout seul :

- Dites-moi, James... Serait-il possible que vous me fassiez parvenir votre cape d'invisibilité, une fois que vous serez rentré ? Par l'intermédiaire de l'un de vos amis peut-être.

Comme il n'en avait aucune utilité à Godric's Hollow, James acquiesça, tenaillé par la curiosité.

- Puis-je vous demander pourquoi ? Interrogea-t-il.

- Je souhaiterais juste l'étudier un peu, si ça ne vous pose pas de problème. Il est rare de trouver des capes d'aussi excellente facture, voyez-vous.

Le jeune homme avait toujours connu cette cape et ne voyait donc pas en quoi elle était extraordinaire. Il songea soudain que le secret qu'avait exigé son père lorsqu'il la lui avait donnée n'était pourtant pas anodin. Les capes d'invisibilité étaient répandues, pourquoi lui demander de taire au maximum l'existence de celle-ci ? Peut-être Dumbledore allait-il pouvoir lui révéler des choses intéressantes. Il promit donc au directeur de lui faire passer la cape puis ils se dirent adieu. Les Potter remercièrent chaleureusement le vieux Sorcier de leur avoir permis d'être avec l'Ordre en ce jour. James se serait bien attardé encore, mais Dumbledore devait refermer la grille derrière eux. Ils franchirent leur portail, signalèrent au directeur qu'ils étaient de l'autre côté, et regardèrent les grandes portes se refermer.

- Lily ? Chuchota James sans trop savoir où se trouver sa femme.

- Hmm ?

- J'ai l'impression de quitter Poudlard après notre septième année.

La jeune femme ne répondit que par un profond soupir. James aurait voulu pouvoir lui prendre la main. Il prit à nouveau conscience du poids de Harry dans ses bras et se rappela qu'ils avaient pour mission de le protéger.

- On ne devrait pas s'attarder.

Lily murmura un « oui » peu convaincu puis l'enjoignit à partir devant. Ils regagnèrent leur maison sans encombre. De retour dans l'enceinte du Fidelitas, James ôta sa cape et fixa un moment la porte d'entrée, le cœur serré. Lily pressa son épaule avant d'entrer devant lui. Elle alluma la lumière, se retourna vers lui et lui adressa un sourire rassurant.

- Bienvenue à la maison !

James sourit à son tour, la rejoignit et referma la porte derrière lui.

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